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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_733/2021  
 
 
Arrêt du 26 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________ et B.A.________, 
tous les deux représentés par Mes Paul Hanna et Yannick Fernandez, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Coopérative C.________, 
2. Coopérative D.________, 
toutes les deux représentées par Me Claire Bolsterli, avocate, 
intimées, 
 
Département du territoire d u canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8, 
 
E.________, 
F.________, 
G.________, 
H.________ SA, représentés par Mes Diane Schasca-Brunoni et Kristina De Lucia Vucurovic, 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 19 octobre 2021 (ATA/1103/2021 - A/1745/2020-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
L'Etat de Genève est propriétaire de la parcelle n° 4'029 de la commune de Genève-Plainpalais (ci-après: la Ville), sise en 3 ème zone de construction, sur laquelle est actuellement érigé un bâtiment à vocation administrative. Le bâtiment abritait autrefois l'ancienne manufacture horlogère des Frères Stern (ci-après: l'usine Stern). La parcelle se situe à l'intérieur d'un îlot actuellement en cours de densification entre le Rond-point de la Jonction, la rue des Deux-Ponts, la rue des Falaises et le Rhône (sentier des Saules) dans le secteur de la Pointe de la Jonction.  
Le 27 juin 2012, un droit de superficie conjoint a été accordé par l'Etat de Genève à la Coopérative D.________ (ci-après: D.________) et à la Coopérative C.________ (ci-après: C.________), respectivement pour 85 % et 15 % des droits à bâtir, afin de réaliser sur la parcelle n o 4'029 un immeuble de logements "bon marché et de qualité".  
En janvier 2018, le mandataire de D.________ et de C.________ a déposé une demande d'autorisation visant à la démolition du bâtiment administratif existant (l'ancienne usine Stern) et une demande d'autorisation de construire deux immeubles de 65 logements et 7 chambres d'hôte, avec des salles communes au rez-de-chaussée permettant d'accueillir 200 personnes, avec des surfaces commerciales de 190 m² et des espaces communautaires. Un garage souterrain, comprenant dix-sept places pour véhicules et nonante-six pour vélos, est aussi prévu. 
Dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de démolir, le Service cantonal des monuments et des sites a délivré un préavis favorable sous conditions, alors que la Ville de Genève a émis un préavis défavorable. 
Dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de construire, les préavis favorables de la Direction de la planification directrice cantonale et régionale et de la Commission d'urbanisme ont notamment été recueillis. Après avoir rendu trois préavis et requis des modifications du projet, la Direction des autorisations de construire a émis un ultime préavis favorable avec dérogations sous conditions. La Commission d'architecture a aussi examiné le projet à plusieurs reprises et exigé des modifications; elle a finalement rendu un préavis favorable avec dérogations et sous conditions. La Ville de Genève a toujours émis des préavis défavorables. 
 
B.  
Par décisions du 19 mai 2020, le Département du territoire du canton de Genève (ci-après: le Département) a délivré l'autorisation de démolir ainsi que la décision globale d'autorisation de construire deux immeubles avec surfaces commerciales, espaces communautaires et garage souterrain. 
B.A.________ et A.________, copropriétaires d'un lot au sein de la propriété par étages érigée sur la parcelle n° 4'107 située en face des constructions projetées, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: TAPI) à l'encontre des autorisations de construire et de démolir. 
E.________, F.________, G.________ et H.________ SA (ci-après: E.________ et consorts), copropriétaires d'une parcelle voisine, ont aussi interjeté recours au TAPI concluant principalement à l'annulation de l'autorisation de construire. 
Par jugement du 11 mars 2021, le TAPI a préalablement ordonné la jonction des causes. Il a déclaré recevables les recours déposés contre l'autorisation de construire et les a rejetés. Il a en revanche déclaré irrecevable le recours des époux A.________ portant sur l'autorisation de démolir, faute de qualité pour recourir. 
B.A.________ et A.________ ainsi que E.________ et consorts ont chacun formé recours contre le jugement du 11 mars 2021 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt du 19 octobre 2021, celle-ci a rejeté les recours dans la mesure de leur recevabilité. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.A.________ et A.________ demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 19 octobre 2021 et l'autorisation de construire du 19 mai 2020. Ils concluent subsidiairement au renvoi du dossier à la Cour de justice pour qu'elle complète l'état de fait, au renvoi du dossier au TAPI pour nouvelle décision et à l'interdiction faite à Aurèle Muller de siéger en qualité de juge assesseur dans le cadre de la présente procédure. 
Le Département et les sociétés D.________ et C.________ concluent au rejet du recours. La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. E.________ et consorts persistent dans les conclusions prises dans leur recours. Les recourants répliquent. Un deuxième, puis un troisième échange d'écritures ont lieu, au terme desquels les parties maintiennent leurs positions respectives. 
Par ordonnance du 21 décembre 2021, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, déposée par les recourants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure devant l'instance précédente. En tant que copropriétaires de parcelles directement voisines de l'autorisation de construire litigieuse, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils bénéficient dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Les recourants se plaignent d'abord d'un établissement arbitraire des faits. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas visés à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2). Le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF). Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3).  
 
2.2. En l'espèce, les recourants reprochent à la Cour de justice d'avoir omis de retenir que la planification du secteur "Pointe de la Jonction" était en cours, l'Office de l'urbanisme le leur ayant confirmé par téléphone. L'instance précédente a cependant bien exposé l'argument des recourants (arrêt attaqué p. 25 consid. 44). Cet élément n'est toutefois pas susceptible d'avoir une incidence sur l'issue du litige notamment dans la mesure où le grief de la violation de l'obligation de planifier doit être rejeté (voir infra consid. 4.3).  
Les recourants font aussi grief à la cour cantonale de n'avoir pas expressément retenu qu'ils n'avaient pas été informés par le TAPI de l'identité des juges assesseurs retenus pour statuer sur leur recours avant la réception du jugement. A nouveau, cet élément n'est pas déterminant pour le sort de la cause, la demande de récusation devant être rejetée pour d'autres motifs (voir infra consid. 3.2). 
 
3.  
Les recourants font valoir que le Juge assesseur au TAPI, Aurèle Muller, aurait dû se récuser. Ils se plaignent d'une violation de l'art. 30 Cst. 
 
3.1. En vertu de l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Toute composition qui ne peut être justifiée par des raisons objectives viole la garantie du droit à un juge correspondant aux exigences constitutionnelles (cf. ATF 137 I 340 consid. 2.2.1). Cette garantie permet de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation uniquement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles du plaideur ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les références). Le risque de prévention ne saurait en effet être admis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normal des tribunaux (ATF 144 I 159 consid. 4.4).  
 
3.2. En l'espèce, les recourants reprochent au Juge assesseur Muller d'être engagé sur le plan de la politique cantonale du logement et dans le domaine des coopératives d'habitation. Ils lui font aussi grief d'assumer de multiples responsabilités auprès de différentes fondations immobilières de droit public et de coopératives d'habitation à Genève (vice-président de la société coopérative d'habitation I.________, membre du comité de la Fondation J.________, membre de la coopérative K.________). Ils voient encore un motif de récusation dans le fait qu'il est avocat associé auprès d'une étude spécialisée en matière de coopérative, étant déjà intervenue comme représentante de D.________.  
La Cour de justice a considéré à cet égard que ce juge assesseur n'avait intégré l'étude d'avocats dans laquelle il travaille qu'en 2011, soit après qu'un des associés aurait assuré la défense de D.________, il y a seize ans environ, dans un dossier dont il n'est pas soutenu qu'il aurait un rapport avec l'immeuble projeté. La cour cantonale a ajouté que l'implication et les liens dudit juge assesseur dans différentes fondations immobilières de droit public, dont il n'est pas avancé qu'elles seraient liées directement aux deux coopératives intimées, de même que son engagement politique dans le parti socialiste genevois, ne suffisaient pas à retenir qu'il n'aurait pas fait preuve de toute la retenue requise par sa fonction de juge assesseur. L'instance précédente a enfin ajouté que l'expérience acquise par sa profession et ses diverses fonctions sont précisément les qualités attendues d'un juge assesseur spécialisé. 
Face à cette argumentation, les recourants se contentent de répéter, de façon appellatoire, le fort engagement sur le plan de la politique cantonale du logement du juge assesseur en question, tout en reconnaissant ne pas avoir de preuve de l'existence de liens directs ou d'implications entre les fondations immobilières de droit public et coopératives d'habitation au sein desquelles il siège et les deux coopératives intimées. Ils relèvent encore que le Juge assesseur Muller est président de la Coopérative L.________, détentrice d'un immeuble coopératif à la Jonction, dans le même secteur que l'immeuble projeté, appelé à devenir mitoyen avec celui-ci. Cela est insuffisant à démontrer une apparence de prévention, le juge prénommé n'étant pas membre de D.________ ou de C.________ et ne les ayant jamais représentées. 
En définitive, on ne distingue pas dans les allégués des recourants d'éléments concrets permettant objectivement de retenir une apparence de prévention du Juge assesseur Muller. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la garantie du juge impartial a été respectée, de sorte que c'est à bon droit que la Cour de justice a confirmé le rejet de la demande de récusation. 
Le grief de violation de l'art. 30 Cst. doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
4.  
Les recourants soutiennent aussi qu'une procédure de planification aurait été nécessaire avant de procéder par la voie de l'autorisation de construire. Ils reprochent à la Cour de justice d'avoir considéré que le Département n'avait pas violé son devoir de planification en autorisant le projet litigieux. Ils se plaignent d'une violation de l'art. 2 LAT
 
4.1. Intitulé "Obligation d'aménager le territoire", l'art. 2 al. 1 LAT prévoit que, pour celles de leurs tâches dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire, la Confédération, les cantons et les communes établissent des plans d'aménagement en veillant à les faire concorder.  
Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation projetée est conforme à l'affectation de la zone. 
Le projet litigieux se trouve en 3 ème zone de constructions, laquelle comprend les régions dont la transformation en quartiers urbains est fortement avancée. Cette zone est destinée aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux activités du secteur tertiaire (art. 19 al. 1 let. c de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LaLAT; RS/GE L 1 30]).  
Selon la jurisprudence, le droit fédéral exige que, lors de l'accomplissement de tâches d'aménagement, l'instrument de planification ou de décision adéquat soit utilisé (ATF 140 II 262 consid. 2.3.1). Il prescrit ainsi une obligation spéciale de planifier qui vise des objets ou des activités non conformes à l'affectation de la zone dont l'incidence sur la planification locale ou l'environnement est importante (arrêt 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 5.1). En revanche, lorsqu'il s'agit d'un projet, même de grande ampleur, conforme à l'affectation de la zone, le droit fédéral n'oblige en principe pas de passer par la voie de la planification spéciale (cf. arrêts 1C_139/2017 du 6 février 2018 consid. 5; 1C_472/2014 du 24 avril 2015 consid. 5.1 ss; 1C_57/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1). 
 
4.2. Dans le canton de Genève, s'agissant des plans d'affectation du sol, l'art. 11 al. 1 LaLAT prévoit que conformément à l'art. 2 al. 3 LaLAT, les autorités cantonales et communales appliquent les principes et les objectifs du plan directeur cantonal, notamment en veillant à ce que les plans d'affectation du sol soient conformes au plan directeur cantonal et à son concept de l'aménagement cantonal. L'adoption d'un plan d'affectation du sol n'est pas subordonnée à celle, préalable, d'un plan directeur localisé.  
A teneur de l'art. 10 al. 4 LaLAT, le Département peut élaborer un projet de plan directeur de quartier. Il est cependant tenu d'élaborer un tel projet de plan pour les périmètres d'aménagement coordonnés prévus par le plan directeur cantonal. 
Le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'Etat a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l'égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel (art. 10 al. 8 LaLAT). 
 
4.3. En l'espèce, la parcelle en question, sise dans le secteur de la Pointe de la Jonction, se trouve en 3ème zone de construction. Le projet litigieux ne nécessite pas la mise en oeuvre d'une planification spéciale dès lors qu'il est conforme à l'affectation de la zone. Les recourants n'ont par ailleurs pas contesté que cette optique était confortée par les diverses surélévations des bâtiments à la Pointe de la Jonction qui n'ont pas été coordonnées entre elles et qui rendent visibles les différences d'architecture au sein d'un même secteur.  
Au demeurant, les constructions litigieuses, qui ont fait l'objet d'un concours (comme le demande le PDCn 2030), poursuivent les différents objectifs prévus par la fiche A01 du plan directeur cantonal 2030, relative à l'intensification du renouvellement urbain: la promotion de la "densification et l'extension du centre urbain dense", la "requalification et la densification de sites industriels et ferroviaires centraux, contribuant à une utilisation optimale des zones à bâtir et du sol", une "forte augmentation du parc de logements, dont une part importante de logements à caractère social", "le développement de la mixité sociale, générationnelle et fonctionnelle" et "la création de quartiers durables, assurant de bonnes conditions de vie". 
Quant à l'obligation prévue à l'art. 10 al. 4 LaLAT, elle ne concerne que les périmètres d'aménagement coordonnés prévus par le plan directeur cantonal. Or la Pointe de la Jonction n'appartient pas aux grands projets ou projets urbains prioritaires, prévus par le PDCn 2030 (voir fiche A17), ce que les recourants ne contestent pas. 
Ceux-ci centrent leur argumentation sur le fait que la "Pointe de la Jonction" figure dans la liste des projets de renouvellement urbain de la fiche A01 du PDCn (en page 74) et constituerait le seul des projets de cette liste qui n'aurait fait l'objet d'aucune mesure de planification par le canton. Ils en déduisent que si l'affectation de la zone devait constituer le seul critère pour définir ce qui doit ou ne doit pas être planifié, le législateur aurait tout simplement exclu le secteur "Pointe de la Jonction" de cette liste. Cette remarque manque toutefois de pertinence dans la mesure où il est précisé que la liste figurant en page 74 de la fiche A01 a "un caractère exemplatif et n'est ni définitive, ni exhaustive". 
Par ailleurs, la Direction de la planification directrice cantonale et régionale et la Commission d'urbanisme ont émis un préavis favorable au projet, sans demander l'élaboration d'un plan de quartier. 
Le grief de l'absence de planification peut donc être écarté. 
 
5.  
Les recourants font grief à la cour cantonale d'avoir retenu que l'ancienne usine Stern ne constituait pas un élément d'un ensemble méritant protection au sens des art. 89 ss de la loi cantonale sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05) et ne nécessitait pas un préavis de la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS). Ils reprochent à la Cour de justice de ne pas s'être intéressée à la question de savoir si l'ancienne usine Stern devait être qualifiée d'élément appartenant à un ensemble au sens des art. 89 ss LCI, malgré l'historique des lieux. Ils font valoir une application arbitraire de l'art. 89 LCI. 
 
5.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
Le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui, ou de trancher de pures questions d'appréciation (cf. ATF 140 I 168 consid. 4.2.1; 138 II 77 consid. 6.7). 
 
5.2. Les art. 89 ss LCI prévoient la préservation de l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIX ème siècle et du début du XX ème siècle qui sont situés en dehors des périmètres de protection (art. 89 al. 1 LCI). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).  
Selon l'art. 90 al. 1 LCI, les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés. Le Département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'alinéa 1 (art. 90 al. 4 LCI). Sur cette base, le Département a publié deux séries d'ensembles retenus, en novembre 1985, puis en octobre 1989. Cette liste indicative de quarante-six ensembles retient des immeubles construits en majorité entre la fin du XIX ème siècle et les années 1920.  
 
5.3. En l'occurrence, la Cour de justice a considéré que ni la parcelle concernée par la procédure, ni les bâtiments limitrophes n'appartenaient à un ensemble figurant dans la liste visée à l'art. 90 al. 4 LCI.  
Les recourants soulignent au contraire que les anciennes manufactures présentes sur le site forment le front horloger de la Jonction. Ils relèvent que la sous-commission des monuments et antiquités de la CMNS s'était prononcée en faveur de l'inscription à l'inventaire du bâtiment et avait mentionné que "le bâtiment précité notamment pris avec l'ensemble des bâtiments industriels de ce secteur présente un intérêt au regard de l'histoire de la production horlogère à Genève". Les recourants oublient toutefois qu'après une analyse détaillée et une visite des lieux effectuée par la CMNS, la valeur du bâtiment en question a été qualifiée d'intéressante, sans être exceptionnelle et que la demande d'inscription à l'inventaire a été rejetée. 
Par ailleurs, on ne saurait suivre les recourants lorsqu'ils affirment que la qualification d'ensemble a été reconnue par l'Office du patrimoine et des sites à travers la fiche de recensement du patrimoine industriel RPI - 134, laquelle mentionne que "ces deux manufactures voisines et apparentées constituent un ensemble spécialisé dans la fabrication de cadrans de montres". En effet, cette simple indication ne correspond pas à la notion d'ensemble au sens de l'art. 89 LCI. 
Enfin, les recourants ne peuvent rien tirer du fait que le secteur est localisé dans le périmètre n° 17 du relevé de l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS) recensé en tant que "quartier de la Jonction", bénéficiant d'un objectif de sauvegarde A. Hormis le fait que l'appartenance à l'ISOS est à distinguer de la notion d'ensemble au sens de l'art. 89 LCI, le Département avait relevé que seuls certains bâtiments bénéficiaient d'un objectif de sauvegarde, ce qui n'était pas le cas de la parcelle n° 4029, située en périphérie par rapport au rond-point qui est digne d'intérêt et ne bénéficie pas d'une protection particulière. 
Enfin, la notion d'ensemble au sens de l'art. 89 LCI n'a pas été mentionnée dans le préavis positif à la démolition du Service des monuments et des sites, l'instance spécialisée en matière de patrimoine. 
Par conséquent, la Cour de justice n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant que ni la parcelle concernée par la procédure, ni les bâtiments limitrophes n'appartenaient à un ensemble figurant dans la liste visée à l'art. 90 al. 4 LCI et qu'il n'était pas nécessaire de demander un préavis à la CMNS. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimées, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens, à la charge des recourants (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 4'000 francs est allouée aux intimées, à la charge des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, des intimées et de E.________ et consorts, au Département du territoire et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 26 janvier 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller