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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_403/2023  
 
 
Arrêt du 26 février 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Muschietti, Juge présidant, van de Graaf et von Felten. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jean-Lou Maury, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Délit contre la Loi fédérale sur les armes, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 15 février 2023 (n° 148 PE21.014428-DAC). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 mai 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a condamné A.________ pour délit contre la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm; RS 514.54) à 15 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 300 fr., convertible en 3 jours de peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif. Il a en outre ordonné la confiscation et la destruction de l'appareil à électrochocs saisi par le Bureau des armes et a mis les frais de procédure, par 600 fr., à la charge de A.________. 
 
B.  
Par jugement du 15 février 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel interjeté par A.________ à l'encontre du jugement précité, qu'elle a confirmé. 
Les faits sont les suivants. 
Le 31 mai 2021, à U.________, avenue de V.________, A.________ a commandé et acheté, via un site internet à l'étranger, un appareil à électrochocs, dont l'importation sur le territoire suisse était interdite sans autorisation, sans s'être au préalable renseigné sur les règles en vigueur en la matière. L'objet a été saisi et transmis au Bureau des armes de la Police cantonale vaudoise qui a dénoncé le cas le 11 août 2021. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement rendu le 15 février 2023 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est acquitté du chef de prévention de délit contre la LArm et à l'allocation d'une indemnité à forme de l'art. 429 CPP d'un montant de 4'806 fr. 11 pour la procédure de première instance et de 2'073 fr. 25 pour la procédure de deuxième instance. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant se plaint notamment de ce que la cour cantonale aurait établi les faits de façon manifestement inexacte ou incomplète et invoque une violation de la présomption d'innocence. Il fait en outre grief à la cour cantonale d'avoir violé les art. 4 al. 1 let. e de la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm; RS 514.54) et 2 de l'Ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (OArm; RS 514.541). 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 et les arrêts cités).  
 
1.2. Selon l'art. 4 al. 1 let. e LArm, par arme, on entend les appareils produisant des électrochocs susceptibles d'inhiber la force de résistance de l'être humain ou de porter durablement atteinte à sa santé. L'art. 4 al. 4 LArm précise notamment qu'il revient au Conseil fédéral de déterminer quels appareils à électrochocs doivent être considérés comme des armes au sens de la présente disposition. Il a ainsi été question de fixer une limite de puissance dans l'ordonnance d'application (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 11 janvier 2006, FF 2006 2643, p. 2661 s.).  
L'art. 2 OArm dispose en ce sens que les appareils produisant des électrochocs sont considérés comme des armes s'ils ne sont pas soumis aux dispositions de l'ordonnance du 9 avril 1997 sur les matériels électriques à basse tension - désormais remplacée par l'ordonnance du 25 novembre 2015 (OMBT; RS 734.26) - et qu'en cas de doute, l'Office central des armes (OCA) prend la décision. Selon l'art. 1 OMBT, cette même ordonnance précise en substance qu'elle s'applique aux matériels électriques utilisés sous des tensions nominales de 50 à 1'000 volts en courant alternatif et de 75 à 1'500 volts en courant continu (matériels à basse tension). 
La doctrine relève que les appareils à électrochocs produisent une tension généralement comprise entre 100'000 et 500'000 volts, qu'ils ne sont donc pas soumis à l'OMBT et qu'ils doivent par conséquent, en règle générale, être qualifiés d'armes au sens de l'art. 4 al. 1 let. e LArm cum art. 2 OArm (cf. FATIH ASLANTAS, in FACINCANI/SUTTER [éd.], Waffengesetz, Stämpflis Handkommentar, 2017, n° 12 ad art. 4 LArm; cf. aussi Office fédéral de la police fedpol, Les armes en bref, état août 2019, p. 3).  
 
1.3. En l'espèce, la cour cantonale a relevé que, " dans son rapport de dénonciation du 11 août 2021(pièce 4 du dossier cantonal, à laquelle le jugement cantonal renvoie) , le Bureau des armes de la police cantonale vaudoise avait indiqué que l'arme qu'il avait saisie était un appareil à électrochocs au sens de l'art. 4 al. 1 let. e LArm et 2 OArm P. 4". Pour les juges précédents, il n'existait aucune raison de douter de l'appréciation des policiers spécialistes. Ils ont encore ajouté qu'une simple lecture du descriptif de l'objet permettait également de s'en convaincre, puisque la description - complète - de l'article mentionnait qu'il s'agissait d'un " Stun Gun ", soit d'un " outil d'autodéfense en plein air pour femmes - Pistolet paralysant à baguette électrique avec lampe de poche à lumière forte Tige paralysante rechargeable haute tension 12 millions de volts (P. 10/3 et 10/4) ". Enfin, aux dires de la cour cantonale, l'image de l'objet montrait par ailleurs clairement qu'il s'agissait d'un appareil à électrochocs et le fait que celui-ci fasse usage de lampe de poche n'y changeait rien tant il était manifeste que telle n'était pas sa première fonction.  
Le recourant objecte notamment que la cour cantonale a implicitement considéré, en fait, que l'appareil litigieux, disposait d'un voltage supérieur à 1'500 volts (cf. supra consid. 1.2), alors que le dossier ne comporte pas la moindre indication relative aux caractéristiques techniques de l'appareil litigieux. Ce constat implicite serait ainsi entaché d'arbitraire. Le recourant relève de surcroît qu'il n'aurait nullement été tenu compte de ce que cet appareil a été acheté pour la somme extrêmement modique de 12 francs. Il fait également valoir qu'il convenait en l'occurrence de solliciter l'avis de l'OCA, comme le prévoit l'art. 2 i. f. OArm. La mention d'une tension de 12, respectivement de 60 millions de volts, figurant sur les pièces auxquelles se réfère la cour cantonale, serait manifestement fantaisiste, dès lors qu'un objet de si faible prix ne pourrait pas reproduire un niveau de tension correspondant, à ses dires, à celui de la foudre. Le recourant soutient, en définitive, que le dossier ne contient aucun élément factuel permettant de considérer que l'appareil commandé par le recourant produirait une tension supérieure à 1'500 volts. Il reproche à cet égard à la cour cantonale de s'est être limitée à reprendre l'appréciation juridique du Bureau des armes pour qualifier l'objet litigieux d'arme au sens des art. 4 al. 1 let. e LArm et 2 OArm, en soulignant qu'il s'agit en soi d'une appréciation juridique qui ressortit aux tribunaux et non à la police.  
Sur ce dernier point, force est d'admettre que le rapport de dénonciation auquel la cour cantonale renvoie (pièce 4) se limite à exposer que l'objet saisi est un appareil à électrochocs et à mentionner la teneur des dispositions légales topiques. Il n'y figure aucun détail sur l'objet concerné ni sur ses caractéristiques. Bien que la cour cantonale en livre quelques éléments sur la base de pièces figurant au dossier (pièces 10/3 et 10/4), qui se révèlent être des impressions de pages du site internet "B.________" produites par le recourant, le jugement attaqué ne permet pas de comprendre comment la crédibilité des informations figurant sur lesdites pièces a été appréciée. On ignore ainsi quelle crédibilité a été accordée aux maigres éléments qui en ressortent au sujet de la puissance de l'appareil litigieux. On notera à ce égard que la valeur de 12 millions de volts mentionnée sur ces pièces tranche avec les tensions de 100'000 et 500'000 volts décrites par la doctrine. On ignore également si l'image à laquelle les juges précédents se réfèrent correspond réellement ou non audit objet, et si cette même image est digne de foi, ou s'il s'agit d'une simple illustration prétexte. 
En tout état, il résulte clairement des développements précités (cf. supra consid. 1.2), qu'il a été question de fixer des limites de puissances pour définir quels objets l'art. 4 al. 1 let. e LArm est susceptible de viser. En ce sens, à défaut d'éléments précis et fiables concernant les caractéristiques spécifiques de l'objet litigieux, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de vérifier la bonne application du droit fédéral sur ce point, qui se trouve à la base de la condamnation du recourant. Il convient donc d'admettre le recours pour ce motif, le jugement attaqué devant être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision après clarification de ces éléments (cf. art. 112 al. 1 let. b et 3 LTF).  
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Au regard du motif conduisant à l'admission du recours, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures. 
Le recourant, qui obtient gain de cause, n'a pas à supporter de frais et peut prétendre à de pleins dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. Le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 26 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Muschietti 
 
Le Greffier : Dyens