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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_138/2024  
 
 
Arrêt du 26 juin 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Romain Jordan, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève, 
rue de Bandol 1, 1213 Onex, 
intimée. 
 
Objet 
Loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC); renouvellement de l'autorisation d'usage accru du domaine public, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 23 janvier 2024 (ATA/73/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ exerce la profession de chauffeur de taxi depuis plus de 30 ans. Le 16 août 2017, à la suite de l'entrée en vigueur le 1er juillet 2017 de l'ancienne loi genevoise du 13 octobre 2016 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (aLTVTC/GE) abrogeant l'ancienne loi genevoise du 21 janvier 2005 sur les taxis et les limousines (aLTaxis/GE), il s'est vu délivrer, en remplacement du permis de service public de durée indéterminée dont il était titulaire sous l'aLTaxis/GE, une autorisation d'usage accru du domaine public valable pour une durée de six ans, soit jusqu'au 15 août 2023 (art. 105 al. 2 LTF).  
 
A.b. Par courrier du 5 janvier 2023, envoyé en A+ et distribué selon le suivi des envois de la Poste le 6 janvier 2023, le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (ci-après: le Service cantonal) a informé A.________ de la nécessité de renouveler son autorisation d'usage accru du domaine public. Ce courrier indiquait qu'une requête en ce sens au moyen de la formule officielle devait parvenir au Service cantonal au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. A défaut, son autorisation prendrait fin à sa date d'échéance. Le Service cantonal a précisé qu'il n'entrerait pas en matière sur les requêtes déposées hors délais.  
 
A.c. Le 30 mars 2023, A.________ s'est acquitté d'un montant de 816 fr. 65 correspondant à l'émolument dû pour le renouvellement de son autorisation d'usage accru du domaine public.  
 
A.d. Le 17 mai 2023, A.________ a déposé au guichet du Service cantonal une requête en renouvellement de son autorisation au moyen de la formule officielle prévue à cet effet.  
 
B.  
Par décision du 25 octobre 2023, le Service cantonal a constaté que l'autorisation d'usage accru du domaine public de A.________ était devenue caduque à son échéance le 15 août 2023, la requête en renouvellement de celle-ci ayant été déposée en dehors du délai légal prévu par le droit cantonal, soit, dans le cas d'espèce, entre le 15 avril et le 15 mai 2023. Même si le courrier du 5 janvier 2023 avait indiqué une période de renouvellement erronée comprise entre le 28 février et le 31 mars 2023, il n'en demeurait pas moins que ce délai n'avait pas non plus été respecté par l'intéressé. 
A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Il contestait avoir reçu le courrier informatif du 5 janvier 2023 et invoquait notamment le principe de la bonne foi en lien avec des informations reçues d'employés du Service cantonal. 
Par décision sur mesures provisionnelles du 13 décembre 2023, la Cour de justice a autorisé l'intéressé à continuer de bénéficier d'une autorisation d'usage accru du domaine public jusqu'à droit jugé au fond. Par arrêt du 23 janvier 2024, après avoir refusé de donner suite à la demande de A.________ tendant à ordonner l'audition de deux collaborateurs du Service cantonal avec lesquels il avait eu des contacts avant de déposer sa requête en renouvellement de son autorisation, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.  
Contre l'arrêt du 23 janvier 2024, A.________ forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que sa demande de renouvellement de son autorisation d'usage accru du domaine public est recevable. Subsidiairement, il conclut à l'annulation dudit arrêt et au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert également l'octroi de l'effet suspensif au recours, afin de pouvoir continuer de bénéficier de son autorisation d'usage accru jusqu'à droit jugé au fond. 
La Cour de justice et le Service cantonal s'en remettent à justice quant à l'octroi de l'effet suspensif. Sur le fond, la Cour de justice se réfère aux considérants et au dispositif de son arrêt. Le Service cantonal ne formule pas d'observations et conclut au rejet du recours. 
Par ordonnance du 2 avril 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal cantonal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) qui confirme le constat de la caducité d'une autorisation donnant droit à un usage accru du domaine public en tant que chauffeur de taxi. Elle concerne donc une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) qui n'entre pas dans le catalogue des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Déposé en outre dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par le recourant qui est atteint par la décision entreprise et qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), il est en principe recevable comme recours en matière de droit public. 
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, et conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2 et les arrêts cités). Le recourant qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées (cf. art. 97 al. 1 LTF).  
 
3.  
Le recourant dénonce un déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.). Il reproche notamment à la Cour de justice de ne pas avoir examiné le grief de violation du principe de la bonne foi qu'il avait soulevé devant elle. 
 
3.1. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 135 I 6 consid. 2.1).  
 
3.2. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le justiciable, à certaines conditions, dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Un renseignement ou une décision erronés de celle-ci peuvent l'obliger à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 149 V 203 consid. 5.1; 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 95 consid. 3.6.2). Le principe de la confiance, découlant de celui de la bonne foi, commande aussi à l'administration d'avoir un comportement cohérent et dépourvu de contradiction; la jurisprudence y a parfois recours pour corriger les conséquences préjudiciables aux intérêts des administrés qui en découleraient (ATF 111 V 81 consid. 6; 108 V 84 consid. 3a; arrêt 1C_500/2020 du 11 mars 2021 consid. 3.4.1).  
 
3.3. Dans son recours cantonal, le recourant s'est prévalu du fait que, contrairement à ses autres collègues chauffeurs de taxi, il n'avait pas reçu le courrier du 5 janvier 2023 du Service cantonal l'informant de la nécessité de déposer une requête en renouvellement et du délai pour ce faire. Il s'était donc rendu à la fin du mois de février 2023 au guichet dudit Service, afin d'obtenir des renseignements sur sa situation. Le collaborateur qui l'avait reçu lui avait alors indiqué qu'il avait encore "tout le temps", soit "jusqu'à avril ou mai" pour déposer sa requête. Or, si cet employé lui avait communiqué à ce moment la teneur du courrier du 5 janvier 2023 et le délai, par ailleurs erroné, qu'il indiquait, à savoir une période de renouvellement entre le 28 février et le 31 mars 2023, il aurait pu s'y conformer. Le recourant a également souligné qu'il avait, à la fin mars, reçu une facture en paiement de l'émolument relatif au renouvellement de son autorisation, dont il s'était acquitté le 30 mars 2023. N'ayant pas de nouvelles au mois de mai 2023, il avait commencé à s'inquiéter et avait contacté B.________, également collaborateur au Service cantonal, qui l'avait informé de l'envoi du pli A+ du 5 janvier 2023 et lui avait indiqué que le délai de renouvellement prévu par celui-ci était dépassé. Il s'était toutefois fié aux déclarations de l'employé du guichet formulées à la fin février 2023 et avait déposé sa requête le 17 mai 2023, soit deux jours après l'expiration du délai légal. La confiance qu'il avait placée dans lesdites déclarations devait être protégée et le Service cantonal devait assumer les informations inexactes que son employé lui avait communiquées. Sa requête en renouvellement devait partant être admise.  
 
3.4. On cherche en vain, dans les considérants en droit de l'arrêt attaqué, une quelconque mention du grief de violation du principe de la bonne foi, et encore moins un examen de celui-ci. La Cour de justice a seulement retenu, sous l'angle de la présomption réfragable de notification des courriers A+, que le fait que le recourant était passé au guichet du Service cantonal en février 2023 n'était pas de nature à renverser cette présomption, et que le fait qu'un employé lui aurait, à ce moment, dit qu'il avait jusqu'en avril ou mai pour déposer sa requête n'y changeait rien. Une telle motivation ne porte toutefois que sur la question de la notification du courrier A+ et de sa réception par le recourant, et non pas sur le grief, pourtant motivé, de violation du principe de la bonne foi et de la protection de la confiance que le recourant déclarait avoir mis dans les informations reçues de l'employé concerné.  
Or, ce dernier grief devait nécessairement être examiné. Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que le recourant s'est, en février 2023, rendu au guichet du Service cantonal pour obtenir des renseignements sur le renouvellement de son autorisation et que, dans ce contexte, un employé agissant dans les limites de ses compétences lui aurait indiqué qu'il avait jusqu'en "avril ou mai 2023" pour former sa requête en renouvellement. Le recourant était d'autant plus légitimé à se fonder sur cette information qu'il a reçu, en mars 2023, une facture lui demandant de payer l'émolument pour le renouvellement de son autorisation, dont il s'est immédiatement acquitté. Le recourant a enfin respecté le délai indiqué par ledit employé en février 2023, puisqu'il a déposé sa requête le 17 mai 2023. 
Dans un tel contexte, les juges précédents ne pouvaient pas faire l'impasse sur le grief soulevé au motif que le recourant était présumé avoir reçu le courrier A+ du 5 janvier 2023. Cela est d'autant moins justifiable qu'il est constant que les informations contenues dans ce courrier étaient viciées, puisqu'elles indiquaient des dates de renouvellement erronées, à savoir une période allant du 28 février au 31 mars 2023. Celles-ci ne coïncidaient au demeurant même pas, ne serait-ce que partiellement, avec la période de renouvellement prévue aux art. 13 al. 7 et 9 de la loi genevoise du 28 janvier 2022 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC/GE; RSGE H 1 31) et 21 al. 2 du règlement d'exécution de ladite loi du 19 octobre 2022 (RTVTC/GE; RSGE H 31.01), à teneur desquels la requête pouvait être formée au plus tôt 4 mois avant sa date d'échéance mais devait l'être au plus tard 3 mois avant sa date d'échéance soit, en l'espèce, entre le 15 avril et le 15 mai 2023. Même si le courrier avait été reçu, il n'était donc pas pertinent. 
Pour le reste, il n'est pas contesté que le recourant a, sur la base des informations qui lui ont été communiquées, pris des dispositions dont il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, puisque le refus d'entrer en matière sur sa requête en renouvellement de son autorisation d'usage accru du domaine public a mené au constat de la caducité de celle-ci et, par conséquent, de la possibilité, pour lui, de poursuivre son activité de chauffeur de taxi, profession qu'il exerçait depuis 30 ans. 
 
3.5. En définitive, il convient d'admettre que la Cour de justice, en n'examinant pas le grief de violation du principe de la bonne foi dûment soulevé et motivé par le recourant devant elle, a violé l'art. 29 al. 1 Cst. Au vu des considérants qui précèdent, à savoir le fait que le courrier du 5 janvier 2023 que le recourant affirme ne pas avoir reçu contenait des renseignements erronés et que l'arrêt attaqué ne conteste ni le passage du recourant au guichet du Service cantonal en février 2023 ni les informations données par l'employé, il n'est pas besoin de renvoyer l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle se prononce sur ce grief.  
Il découle de ces éléments que le Service cantonal aurait dû consentir au recourant d'entrer en matière sur sa requête, quand bien même celle-ci a été déposée deux jours après le délai légal prévu, au regard de la confiance légitime que l'intéressé pouvait mettre dans les informations reçues de la part dudit Service et qu'il convenait de protéger, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. 
Il appartiendra dès lors audit Service d'entrer en matière sur la requête en renouvellement de l'autorisation d'usage accru du domaine public du recourant et d'examiner s'il remplit les conditions légales au renouvellement de celle-ci (cf. art. 13 al. 7 let. b LTVTC/GE renvoyant aux conditions prévues à l'al. 5 de cette disposition). 
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt attaqué. La cause est renvoyée au Service cantonal pour qu'il entre en matière sur la requête en renouvellement déposée le 17 mai 2023 par le recourant et qu'il examine si l'intéressé réalise les conditions de renouvellement de son autorisation telles que prévues par le droit cantonal. 
 
5.  
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, peut prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La cause est renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle (art. 67 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice du 23 janvier 2024 est annulé. La cause est renvoyée au Service cantonal, afin qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Une indemnité de 2'500 fr., allouée au mandataire du recourant à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section. 
 
 
Lausanne, le 26 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer