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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_250/2010 
 
Arrêt du 26 août 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Raselli. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Damien Bonvallat, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
ordre de rétablissement d'une situation conforme au droit (LDTR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 9 mars 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 29 avril 1998, la société immobilière A.________ (ci-après: la SI), a déposé une demande d'autorisation de construire concernant l'immeuble dont elle était propriétaire au 41, route de Frontenex à Genève. La demande tendait à la régularisation de travaux effectués sans autorisation. Elle portait sur la réfection de huit appartements sur les dix-huit que compte l'immeuble, avec rénovation des cuisines et des salles de bains. Etaient annexés deux états locatifs, l'un au 31 décembre 1997, l'autre après travaux au 20 mai 1998. Il en ressortait que huit appartements - désignés comme vacants dans l'état au 20 mai 1998 - subissaient une hausse de loyer. 
 
Le 25 juin 1998, le département cantonal compétent (actuellement le Département des constructions et des technologies de l'information, ci-après: DCTI) a fait savoir qu'une autorisation n'était pas envisageable sur le vu des nouveaux loyers annuels prévus, soit 4'500 fr. par pièce. La SI était invitée à envisager une rénovation complète de l'immeuble. La SI répondit qu'elle allait appliquer les anciens loyers. Le 4 août 1998, le DCTI prit note du fait que les travaux ne seraient pas répercutés sur le montant des loyers. Ces différents courriers ne mentionnent que sept appartements rénovés. 
 
Après avoir renoncé à une rénovation complète de l'immeuble, la SI a produit un nouvel état locatif "avant travaux" du 17 février 1999, sans majoration de loyers. 
Le 23 mars 1999, le DCTI a accordé l'autorisation de construire, précisant que les loyers mentionnés dans le dernier état locatif seraient maintenus durant trois ans, comme le prévoit la loi genevoise sur les démolitions transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR). Cette décision est entrée en force. L'immeuble a été acquis, le 4 janvier 2000, par X.________. 
 
B. 
Le 31 janvier 2008, B.________, locataire de l'appartement n° 41 selon bail conclu le 29 mai 1998, s'est adressée au DCTI. Elle exposait que le loyer annuel initial avait été fixé à 15'000 fr. pour la première année, et demandait si les travaux effectués dans son appartement avaient été autorisés, et si un loyer maximum avait été fixé. Le DCTI écrivit d'une part à la locataire en l'informant que le loyer initial avait été fixé à 11'760 fr., et d'autre part au gérant de l'immeuble pour rappeler les conditions de l'autorisation de construire. La propriétaire expliqua que l'autorisation de construire du 23 mars 1999 ne concernait que les sept appartements encore vacants, et non celui loué à B.________ dès la fin des travaux. 
 
Par décision du 19 juin 2008, le DCTI a ordonné à la propriétaire de rétablir une situation conforme en établissant un nouveau bail et en restituant le trop-perçu à la locataire. 
 
C. 
X.________ a recouru en vain auprès de la Commission cantonale de recours en matière de construction. Par arrêt du 9 mars 2010, le Tribunal administratif genevois a partiellement admis son recours. Il a considéré que la nouvelle propriétaire était perturbatrice par situation. Même si certaines pièces du dossier ne mentionnaient que sept appartements rénovés, il était clair que l'appartement n° 41 était soumis aux conditions de l'autorisation de construire. Le droit d'exiger la restitution du trop-perçu se prescrivait par un an dès la prise de connaissance par l'administration et par dix ans au maximum. Les créances antérieures au 1er juillet 1998 étaient donc prescrites, et l'on ne pouvait imposer à la propriétaire le remboursement des sommes perçues par l'ancien propriétaire. L'obligation de remboursement portait donc sur les sommes perçues du 1er janvier 2000 au 31 mars 2002 (fin du contrôle des loyers). L'obligation d'établir un bail conforme courait dès le 4 janvier 2000, date d'acquisition de l'immeuble par la nouvelle propriétaire. 
 
D. 
X.________ forme un recours en matière de droit public par lequel elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal. 
 
Le Tribunal administratif persiste dans le dispositif et les considérants de son arrêt. Le DCTI conclut au rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. La recourante, qui se voit imposer le remboursement de sommes perçues à titre de loyer ainsi que la conclusion d'un nouveau contrat de bail, a qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2. 
Se plaignant d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, la recourante estime que les conditions liées à l'autorisation de construire ne pouvaient pas s'appliquer à l'appartement loué par B.________ dès lors que cette dernière y habitait déjà depuis plus d'une année. Par ailleurs l'ensemble des pièces du dossier - y compris les lettres du département et la note technique annexée à l'autorisation du 23 mars 1999 - se réfère à la réfection de sept appartements seulement. 
 
2.1 Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 136 II 101 consid. 3 p. 105; 133 II 249 consid. 1.4 p. 254 s.; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288). 
 
2.2 La recourante se contente de reprendre son argumentation soumise à l'instance précédente. Elle méconnaît que cette dernière y a répondu de manière circonstanciée. Le Tribunal administratif a en effet reconnu que les pièces du dossier présentaient des ambiguïtés, puisque certaines d'entre elles évoquaient la rénovation de sept appartements seulement. Il n'en demeure pas moins que la demande d'autorisation de construire portait bien sur la réfection de huit appartements, et que l'appartement n° 41 fait partie de ceux qui ont été rénovés. De plus, les deux états locatifs établis par le propriétaire, soit celui au 31 décembre 1997, avant travaux (et applicable selon la décision du département), et celui du 20 mai 1998 après travaux, mentionnent que l'appartement n° 41 est vacant. Le second état locatif fait aussi apparaître une augmentation de loyer, pour cet appartement, en raison des travaux effectués. L'autorisation du 23 mars 1998 mentionne elle aussi huit appartements. La mention de sept appartements dans diverses pièces du dossier, résulte donc manifestement d'une inadvertance, et la cour cantonale n'a commis aucun arbitraire en considérant que l'appartement n° 41 était soumis aux conditions fixées dans l'autorisation de construire du 23 mars 2008, y compris la limitation du loyer pour une période de trois ans. 
 
3. 
La recourante invoque la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Elle estime que la restitution des loyers perçus en trop, ainsi que la conclusion d'un nouveau contrat de bail, ne correspondraient pas à la notion de "remise en état" au sens de l'art. 129 al. 1 let. e de la loi genevoise sur les constructions et installations diverses (LCI) et ne seraient pas prévues dans la LDTR. Une base légale ferait donc défaut. 
 
3.1 La LDTR a notamment pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones de construction (art. 1 LDTR). Conformément à ce but, le département compétent fixe, comme condition aux autorisations de démolir ou de transformer, le montant maximum des loyers après travaux (art. 10 LDTR). Les loyers sont soumis au contrôle de l'Etat pendant une période de trois ans en cas de transformation ou de rénovation (art. 12 LDTR). 
 
3.2 En l'occurrence, les travaux de rénovation effectués dans les appartements de l'immeuble ont fait l'objet d'une autorisation accordée après coup le 23 mars 1999, par laquelle le département compétent a ordonné durant trois ans le maintien des loyers pour l'ensemble des logements concernés. Cette décision n'a pas été attaquée et est entrée en force, avec ses clauses accessoires. S'agissant d'une autorisation "intuitu rei", les charges imposées au précédent propriétaire liaient également un acquéreur ultérieur, sans que celui-ci ne puisse, comme le fait la recourante, arguer de sa seule bonne foi. La restitution des montants perçus en trop par la recourante, durant la période du contrôle, apparaît ainsi comme une simple exigence de respect des conditions posées à l'autorisation de construire, et ne nécessitait pas de base légale plus spécifique. La répétition de l'indu (art. 63 al. 1 CO par analogie) fait d'ailleurs partie des principes généraux du droit administratif, applicable sans base légale expresse (GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984 p. 619). La restitution du loyer trop perçu, du mois de janvier 2000 au mois de mars 2002 inclus (ainsi que l'adaptation du bail qui en résulte pour cette période), ne viole donc pas le principe de la légalité. Elle respecte également les principes d'intérêt public et de proportionnalité qui sont à la base de la décision du 23 mars 1999, laquelle n'a du reste jamais été contestée. 
 
3.3 En revanche, l'obligation d'établir un nouveau bail conforme, en particulier dès le 1er mars 2002, date à laquelle le contrôle des loyers a cessé, va plus loin que le simple respect de l'autorisation de construire. Elle implique un nouvel accord entre les partenaires contractuels, avec la fixation éventuelle d'un nouveau loyer. La conclusion obligatoire d'un tel contrat heurte le principe de la liberté contractuelle, énoncé aux art. 1 et 19 CO et qui bénéficie de la protection assurée par le principe de primauté du droit fédéral (ATF 135 I 233 consid. 5.4). Certaines dérogations à cette liberté peuvent certes se justifier, notamment dans le domaine du logement (ATF 131 I 333 consid. 2.3; 113 Ia 126 consid. 8c p. 139). Cela suppose notamment l'existence d'une base légale (art. 36 al. 1 Cst.), laquelle fait défaut en l'espèce puisque la LDTR ne saurait s'appliquer à la fixation du montant du loyer après la période de contrôle. Il est certes vraisemblable que le loyer fixé à ce moment eût été inférieur si le loyer précédent avait été conforme à l'état locatif pris en compte dans l'autorisation de rénover. Cette question ne relève toutefois plus du droit public cantonal, mais du droit privé fédéral. L'arrêt attaqué le reconnaît d'ailleurs implicitement puisqu'il ne dit rien sur la question, essentielle, du montant du loyer qui devra être convenu après la fin du contrôle étatique. 
L'arrêt attaqué doit dès lors être annulé en tant qu'il confirme l'obligation d'établir un bail à partir du 4 janvier 2000. 
 
4. 
Le recours doit par conséquent être admis partiellement. L'arrêt du Tribunal administratif est réformé en ce sens que l'obligation d'établir un bail conforme est annulée. Le recours est rejeté pour le surplus. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires, réduits, sont à la charge de la recourante qui succombe partiellement. Des dépens, eux aussi réduits, sont alloués à la recourante, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 2 LTF). Comme cela est relevé ci-dessus, le présent arrêt ne change pas fondamentalement la situation juridique pour les différentes parties. Il n'y a dès lors pas lieu de modifier la répartition des frais et dépens de l'instance cantonale, ni de lui renvoyer la cause sur ce point. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis partiellement. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'obligation d'établir un bail conforme est annulée. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée à la recourante, à la charge du canton de Genève. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 26 août 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Kurz