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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.17/2006 
 
Arrêt du 27 mars 2006 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
X.________, 
défendeur et recourant, représenté par Me Serge Fasel, 
 
contre 
 
les époux Y.________, 
demandeurs et intimés, représentés par Me Romolo Molo. 
 
Objet 
contrat de bail; résiliation, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 14 novembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.a Le 1er novembre 1992, sieur Y.________ a pris à bail un appartement de 4,5 pièces, d'une surface de 100 m2, et un appartement de 3 pièces, d'une surface de 69 m2, au cinquième étage d'un immeuble sis à Genève. Conclus pour une durée d'un an, les baux de ces deux appartements se sont ensuite renouvelés d'année en année. Le loyer annuel initial, charges non comprises, a été fixé, respectivement, à 25'200 fr. et 16'800 fr. Les appartements, contigus, ont été réunis dès le début du bail, pour former un seul logement. sieur Y.________ y habite avec son épouse, dame Y.________, et leurs deux enfants. Il loue également une place de parc extérieure, couverte, pour un loyer annuel de 4'560 fr. 
A.b En mai 2002, le locataire a sollicité du bailleur, X.________, la correction de certains défauts. Sans répondre directement à la demande du locataire, le bailleur lui a notifié deux avis de majoration de loyer, en date du 18 juin 2002, portant le loyer annuel de l'appartement de 4,5 pièces à 27'852 fr. et celui de l'appartement de 3 pièces à 18'000 fr. 
Par courrier du 15 juillet 2002, le bailleur a consenti à l'exécution de certains travaux moyennant acceptation par le locataire des majorations de loyer. 
 
Sieur Y.________ a contesté celles-ci en temps utile et sollicité, à titre reconventionnel, une diminution du loyer des appartements. Sur quoi, deux procédures ont été introduites à ce sujet. 
 
Le locataire a, par ailleurs, consigné les loyers dès le mois d'août 2002 et assigné le bailleur en validation de la consignation, réduction du loyer de 30% et exécution de travaux. 
 
En août 2002, sieur Y.________ a encore sollicité une baisse du loyer de la place de parc extérieure, ce qui a donné lieu à l'ouverture d'une quatrième procédure. Par arrêt notifié le 11 mars 2004 aux parties, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève a mis un terme à cette procédure en fixant le loyer de la place de parc à 3'510 fr. par an. 
A.c Par avis du 18 mars 2004, adressés séparément à chacun des époux Y.________, X.________ a résilié le bail de l'appartement de 3 pièces pour le 31 octobre 2004. Il a motivé ce congé, par courriers séparés du même jour, en indiquant qu'il souhaitait "pouvoir disposer des locaux à la prochaine échéance dudit contrat"; en effet, dès lors que sa fille A.________ allait "terminer ses études à l'Université en juin 2004", il entendait "bénéficier de l'appartement de 3 pièces pour [la] loger". 
A.d Par jugement du 25 mars 2004, le Tribunal des baux et loyers a condamné X.________ à exécuter plusieurs travaux de réfection et d'entretien; il a, en outre, réduit les loyers des deux appartements de 15% du 13 mai 2002 jusqu'à complète exécution des travaux ordonnés. Ce jugement a fait l'objet d'un appel. 
 
Statuant le 22 avril 2004 sur les contestations relatives aux loyers, le Tribunal des baux et loyers a réduit le loyer de chaque appartement de 23,08% dès le 1er novembre 2002 et de 2,91% supplémentaires dès le 1er novembre 2003. Il n'a pas été interjeté d'appel contre le jugement rendu à la date précitée. 
B. 
B.a Les époux Y.________ (ci-après: les demandeurs) ayant contesté le congé du 18 mars 2004, le Tribunal des baux et loyers, siégeant le 27 juin 2005, a déclaré ce congé valable et accordé aux intéressés une unique prolongation de bail d'une année, soit jusqu'au 31 octobre 2005. Il a considéré, en bref, que la protection contre les congés tirée de l'art. 271a al. 1 let. a CO devait s'effacer devant le besoin urgent invoqué par le bailleur pour sa fille, tout en admettant que les circonstances du cas concret justifiaient une unique prolongation du bail pour une durée limitée. 
B.b Les demandeurs ont interjeté appel, concluant principalement à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à la juridiction de première instance pour complément d'instruction; à titre subsidiaire, ils ont requis l'annulation du congé litigieux; plus subsidiairement, ils ont sollicité une prolongation de bail jusqu'au 31 octobre 2008. 
 
X.________ (ci-après: le défendeur) a conclu au rejet de l'appel. 
 
Par arrêt du 14 novembre 2005, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, après avoir mis à néant le jugement du Tribunal des baux et loyers, a annulé le congé incriminé et débouté les parties de toutes autres conclusions. Elle a considéré, en résumé, que le demandeur n'était pas parvenu à établir l'existence d'un besoin urgent des locaux pour sa fille, le comportement adopté par lui allant au contraire dans le sens d'un usage abusif du droit de résiliation. 
C. 
Le défendeur interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à la constatation de la validité du congé en cause. 
 
Au terme de leur réponse, les demandeurs proposent le rejet du recours. Subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause à la Chambre d'appel afin qu'elle ordonne des mesures probatoires, "notamment quant aux caractéristiques des propriétés immobilières appartenant au recourant, à leur état de location et à son évolution". 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
1.1 Interjeté par le défendeur, qui s'est opposé sans succès à l'annulation du congé donné par lui aux demandeurs, le présent recours est en principe recevable puisqu'il vise une décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse manifestement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ; cf. arrêt 4C.61/2005 du 27 mai 2005, consid. 1 et les références), qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1 let. c OJ) et qu'il a été établi dans les formes requises (art. 55 OJ). 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une de ces exceptions, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
 
Lesdites règles s'appliquent par analogie à la réponse au recours (art. 59 al. 3 OJ). 
2. 
L'art. 271a al. 1 let. d CO prévoit que le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur pendant une procédure de conciliation ou une procédure judiciaire en rapport avec le bail, à moins que le locataire ne procède au mépris des règles de la bonne foi. Le locataire n'est pas tenu de démontrer un lien de causalité entre la procédure judiciaire pendante en rapport avec le bail et la résiliation. Tant que dure le procès, la résiliation est réputée abusive, même si le bailleur donne le congé de bonne foi (David Lachat, Le bail à loyer, p. 480, n. 5.4.4). 
 
En l'espèce, il n'est pas contesté que le congé litigieux a été donné alors que trois procédures en rapport avec les baux liant les parties étaient en cours et qu'une quatrième, relative au loyer de la place de parc extérieure, venait de prendre fin au niveau cantonal. Les deux juridictions cantonales ont retenu que le locataire n'avait pas procédé au mépris des règles de la bonne foi. Signifiée pendant la période de protection instituée par la disposition précitée, la résiliation incriminée est ainsi réputée abusive, de sorte qu'elle est en principe annulable. 
3. 
3.1 Le législateur fédéral a toutefois permis au bailleur de renverser la présomption d'abus, instituée par l'art. 271a al. 1 let. d CO, dans les six cas mentionnés à l'art. 271a al. 3 CO. Il en va notamment ainsi lorsque le congé est donné en raison du besoin urgent que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux (art. 271a al. 3 let. a CO). 
 
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le besoin urgent ne présuppose pas une situation de contrainte, voire un état de nécessité; il suffit que, pour des motifs économiques ou pour d'autres raisons, on ne puisse exiger du bailleur qu'il renonce à l'usage de l'objet loué. Le besoin dont il s'agit doit être sérieux, concret et actuel. Quant à l'urgence, elle doit être examinée non seulement dans le temps, mais encore en fonction de son degré (ATF 118 II 50 consid. 3c et d). Le juge en décidera après avoir apprécié toutes les circonstances du cas particulier. S'agissant d'une décision faisant appel au pouvoir d'appréciation du juge (ATF 118 II 50 consid. 4 p. 55), le Tribunal fédéral ne substituera qu'avec retenue sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation ou si elle repose sur des faits qui, en l'occurrence, ne jouaient aucun rôle, ou encore si elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 125 III 269 consid. 2a; 123 III 306 consid. 9b; 123 III 10 consid. 4c/aa; 118 II 404 consid. 3b/bb). 
 
Le bailleur assume le fardeau de la preuve. C'est à lui qu'il appartient d'établir l'existence d'un besoin urgent pour lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (Lachat, ibid.; Roger Weber, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 3e éd., n. 30a ad art. 271/271a CO; Peter Higi, Commentaire zurichois, n. 204 ad art. 271a CO). 
 
Au demeurant, la relativité de la notion d'urgence a aussi pour corollaire que, même si le besoin du bailleur fait obstacle à l'annulation du congé, il n'exclut pas toute prolongation du bail (cf. art. 272 al. 2 let. d CO; ATF 118 II 50 consid. 4 p. 58). 
3.2 Pour justifier l'annulation du congé litigieux, la Chambre d'appel s'est fondée sur les motifs résumés ci-après. 
 
Le Tribunal des baux et loyers a considéré que la fille du bailleur, âgée de 25 ans, pouvait légitimement souhaiter quitter le domicile de ses parents et acquérir son indépendance en emménageant dans l'appartement de trois pièces ici en cause. Il a écarté l'éventualité que ce motif ne constitue qu'un prétexte, en constatant que le locataire n'était pas parvenu à faire la démonstration de ses doutes à ce sujet. Sur ce point, les premiers juges ont méconnu les règles régissant le fardeau de la preuve, lesquelles mettent clairement sur les épaules du bailleur la charge de démontrer la réalité de son besoin propre. 
 
La résiliation incriminée est intervenue dans un contexte particulièrement conflictuel, quelques jours après la notification d'un arrêt admettant une réduction du loyer de la place de parc. La proximité dans le temps entre ces deux actes ne peut que laisser supposer l'existence d'un rapport de causalité entre eux. En outre, le bailleur n'a fourni aucune explication sur la contradiction qu'il y avait, de sa part, à proposer la continuation du bail à partir du 1er novembre 2002, moyennant une augmentation de loyer non négligeable, alors qu'il paraît difficile d'admettre qu'il ne lui était pas possible de prévoir, à l'époque, que sa fille terminerait ses études deux ans plus tard et qu'elle pourrait souhaiter occuper l'appartement à ce moment-là. 
 
La situation réelle de la fille du bailleur au jour de la résiliation du bail paraît encore plus confuse si l'on observe que l'intéressée n'a, selon les pièces produites, engagé des démarches en vue de se trouver un logement indépendant qu'en août 2004, soit quelque cinq mois après la notification du congé. Le défendeur n'a pas requis des mesures d'instruction adéquates afin d'éclaircir ce point. Il n'a pas non plus offert d'autre moyen de preuve susceptible d'expliquer de manière circonstanciée les raisons de son comportement contradictoire. Aussi n'est-il pas parvenu à apporter la preuve du besoin urgent, au sens de l'art. 271a al. 3 let. a CO, que l'on pouvait exiger de lui. 
 
La présente cause diffère de celle qui a donné lieu à l'arrêt rendu le 4 mars 2002 par le Tribunal fédéral dans la cause 4C.400/2001. Dans cette affaire zurichoise, le bailleur n'avait pas adopté une attitude contradictoire, puisqu'il avait simplement renouvelé un congé, entre-temps annulé, en faisant valoir le même motif que la première fois, à savoir son besoin propre. 
 
Dans ces conditions, c'est la règle de l'art. 271a al. 1 let. d CO qui s'applique. Faute pour le bailleur d'être parvenu à apporter la preuve de son besoin personnel urgent, et compte tenu de l'ensemble des circonstances, la résiliation contestée doit, dès lors, être annulée. 
3.3 A l'encontre de cette motivation, le défendeur reproche, tout d'abord, à la cour cantonale d'avoir violé les règles établies en matière de libre appréciation des preuves. Pour étayer ce reproche, il cite la jurisprudence, rappelée plus haut (consid. 3.1), concernant la retenue que la juridiction fédérale de réforme s'impose lorsqu'elle revoit une décision cantonale rendue dans un domaine où la loi réserve le pouvoir d'appréciation du juge. 
 
En réalité, le défendeur confond le pouvoir d'appréciation dont le juge jouit, à certaines conditions, à l'égard des faits établis (cf. art. 4 CC) avec l'appréciation des preuves à laquelle le juge doit se livrer afin de constater les faits pertinents. La première démarche relève du droit, la seconde du fait. Le résultat de celle-là peut être revu par le Tribunal fédéral lorsqu'il statue sur un recours en réforme, tandis que le résultat de celle-ci ne peut être revu que dans le cadre de la procédure du recours de droit public. 
 
La Cour de céans s'en tiendra, dès lors, aux seuls faits constatés dans l'arrêt attaqué pour examiner si les juges d'appel ont usé correctement de leur pouvoir d'appréciation dans le cas concret. 
3.4 Sur le fond, le défendeur se plaint d'une violation de l'art. 271a al. 3 let. a CO. La condition du besoin urgent, posée par cette disposition, serait réalisée, à l'en croire. Le comportement adopté par lui n'aurait d'ailleurs jamais été contradictoire. Quant à la solution adoptée par la cour cantonale, elle résulterait de la violation des art. 274d al. 3 CO et 8 CC. 
3.4.1 Selon la jurisprudence, basée sur l'interprétation historique des art. 261 al. 2 let. a et 271a al. 3 let. a CO, le besoin légitime du propriétaire l'emporte, en principe, sur l'intérêt du locataire (ATF 118 II 50 consid. 3c p. 54). Il est donc clair, de ce point de vue, que le motif allégué par le défendeur pour justifier le congé litigieux - à savoir, permettre à sa fille, qui vient de terminer ses études universitaires, de quitter le domicile de ses parents pour emménager dans un appartement avec son compagnon - aurait le pas, s'il était avéré, sur l'intérêt du locataire à continuer d'occuper le logement pris à bail, la question d'une éventuelle prolongation du bail étant réservée. Sous cet angle, la présente affaire peut être comparée avec celle qui a donné lieu à l'arrêt 4C.400/2001, précité (voir aussi, plus récemment, l'arrêt 4C.388/2005 du 20 février 2006, consid. 2.3). 
 
En l'espèce, la Chambre d'appel, quoi qu'en dise le défendeur, n'a pas méconnu la hiérarchie des intérêts antagonistes du bailleur et du locataire, telle qu'elle a été établie, relativement au point controversé, par la jurisprudence fédérale en fonction de la volonté du législateur. Concrètement, la cour cantonale n'a pas admis que l'intérêt du bailleur à pouvoir offrir à sa fille la possibilité d'acquérir son indépendance en emménageant dans l'appartement en cause devait s'effacer devant l'intérêt du locataire à poursuivre la relation de bail. Elle a simplement considéré, sur le vu des faits constatés par elle, que l'intérêt - en soi légitime - mis en avant par le bailleur n'avait pas été établi à satisfaction de droit. 
 
Il reste à examiner, sur le vu des arguments du défendeur, si, ce faisant, les juges précédents ont pris en compte toutes les circonstances pertinentes - et uniquement de telles circonstances - découlant de leurs constatations souveraines. Il faudra, en outre, vérifier que ces constatations ne soient pas le fruit d'une méconnaissance des règles fédérales en matière de preuve invoquées dans le recours en réforme. 
3.4.2 
3.4.2.1 Le défendeur s'emploie à démontrer, par le menu, le caractère immédiat, réel et actuel du besoin qu'il allègue. Comme on l'a déjà souligné, il est indéniable que la volonté d'un bailleur de mettre un appartement de trois pièces à la disposition de sa fille majeure, qui vient de terminer ses études universitaires, pour qu'elle y habite avec son compagnon, dans une ville où il y a pénurie de logements, est en soi propre à réaliser la condition du besoin urgent, au sens de l'art. 271a al. 3 let. a CO. Cependant, ce n'est pas cette volonté d'un bailleur quelconque qu'il faut considérer en l'occurrence, mais bien celle du bailleur concret qu'est le défendeur. Or, concernant celui-ci, les juges d'appel ont estimé que les circonstances relevées par eux tendaient à accréditer la thèse selon laquelle le besoin urgent allégué était, selon toute vraisemblance, un prétexte pour passer outre à l'interdiction de résilier le contrat de bail. Aussi convient-il d'examiner le bien-fondé de cette thèse en la confrontant avec les arguments avancés par le défendeur. 
3.4.2.2 La Chambre d'appel est d'avis que le défendeur aurait dû s'expliquer sur la contradiction qu'il y avait, de sa part, à proposer au demandeur la continuation du bail dès le 1er novembre 2002, moyennant une augmentation de loyer non négligeable, alors qu'il aurait pu prévoir que sa fille terminerait ses études deux ans plus tard et pourrait souhaiter, à ce moment-là, occuper l'appartement litigieux. 
 
Avec le défendeur, on peut douter de la pertinence de cet avis. Certes, s'il sait qu'il aura impérativement besoin de l'appartement loué dans les deux ans à venir, le bailleur agit de manière contradictoire, qui fait miroiter au locataire en place la poursuite de la relation de bail pour une durée plus ou moins longue. Encore faut-il qu'il le sache ou, à tout le moins, que cette hypothèse lui apparaisse comme étant la plus plausible. Qu'il en allât ainsi, en l'espèce, est sujet à caution. Aussi bien, la fin des études universitaires, du fait qu'elle dépend de la réussite d'examens, est toujours difficile à prévoir. A cela s'ajoute que l'on ignore si, en 2002, la fille du défendeur fréquentait déjà son compagnon actuel, si elle avait exprimé alors le souhait de se mettre en ménage avec celui-ci et si elle envisageait de s'installer dans un logement appartenant à son père. 
 
Dans ces conditions, il paraît difficile de voir un comportement contradictoire dans le simple fait que le défendeur a résilié le bail du demandeur en mars 2004 après avoir notifié une augmentation de loyer à la même personne en juin 2002. 
 
Cependant, les juges d'appel ont encore retenu d'autres circonstances pour justifier leur décision. Il en sera fait état ci-après, de même que des objections que soulève le défendeur pour s'opposer à leur prise en considération. 
3.4.2.3 Sept jours seulement se sont écoulés entre la notification d'un arrêt défavorable au bailleur (11 mars 2004) et l'envoi du congé litigieux (18 mars 2004). Selon la Chambre d'appel, la proximité dans le temps entre ces deux actes laisse supposer qu'ils étaient dans un rapport de cause à effet. Semblable déduction n'excède en rien les limites du large pouvoir d'appréciation que la jurisprudence réserve au juge du fait en cette matière. Soutenir, à l'instar du défendeur, qu'il ne se serait agi que d'une pure coïncidence est un peu court, si l'on se souvient que pas moins de quatre procédures étaient encore pendantes entre les parties au moment où était intervenue la résiliation en cause. 
 
Le défendeur objecte que, dès lors qu'il ne concernait que l'un des deux appartements donnés à bail, le congé litigieux, à supposer qu'on lui attribue un caractère de représailles, ne lui aurait de toute façon pas permis de mettre un terme à l'ensemble de ses relations contractuelles avec les demandeurs. Considérée exclusivement sous l'angle juridique, cette objection est conforme à la réalité, puisque le rapport de bail unissant les parties se serait poursuivi, nonobstant la validité dudit congé, en tant qu'il avait pour objet le second appartement loué. D'un point de vue pratique, toutefois, cela aurait impliqué que le locataire renonçât à occuper le 40% de la surface totale du logement loué et qu'il acceptât de vivre avec les trois membres de sa famille dans un appartement de 4,5 pièces, cuisine incluse, contigu à celui dont il aurait dû céder l'usage à la personne qui l'avait contraint à le quitter. Aussi le bailleur ne pouvait-il pas raisonnablement escompter que le demandeur consentirait à le faire; il devait, au contraire, partir de l'idée que le congé donné pour l'un des deux appartements contigus aurait, selon toute vraisemblance, amené le locataire à résilier le bail de l'autre appartement. 
 
Au demeurant, on voit mal comment le défendeur aurait justifié, de manière crédible, la résiliation simultanée des deux baux en invoquant le besoin urgent que pouvait avoir sa fille d'occuper avec son compagnon un logement de 7,5 pièces, d'une surface totale de 169 m2, constitué de deux appartements réunis; il indique, du reste, lui-même, dans son mémoire de recours, que sa fille n'envisageait pas de pouvoir louer un appartement d'une surface supérieure à 60 m2. Cette considération restreint sensiblement la portée de l'argument implicite selon lequel le défendeur, en ne résiliant que l'un des deux contrats de bail, aurait manifesté par là qu'il n'entendait pas "punir" le locataire pour avoir sollicité avec succès une baisse de loyer, mais simplement offrir à sa fille la possibilité d'acquérir son indépendance. 
 
Le défendeur fait valoir, par ailleurs, qu'il aurait proposé de reloger les demandeurs et leurs deux enfants dans un appartement de 5,5 pièces entièrement rénové dans le même immeuble pour éviter les désagréments consécutifs au congé. Il ajoute que les intéressés auraient refusé cette offre. Pareille objection, qui ne trouve aucune assise dans les constatations de fait souveraines des juges cantonaux, doit être écartée (art. 63 al. 2 OJ). 
3.4.2.4 La Chambre d'appel s'étonne, à juste titre, que la fille du défendeur n'ait entrepris des démarches en vue de trouver un logement indépendant qu'en août 2004, c'est-à-dire près de cinq mois après la notification de la résiliation incriminée. 
 
Le défendeur rétorque que sa fille a effectué, en vain, de nombreuses démarches durant la première partie de l'année 2004. Ce disant, il formule une allégation nouvelle et, comme telle, irrecevable dans la procédure du recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ). Il lui aurait, pourtant, été facile d'établir par pièces la réalité des démarches alléguées, ainsi qu'il l'a fait pour les démarches subséquentes, constatées dans l'arrêt attaqué. 
3.4.2.5 Il apparaît, au terme de cet examen, que la cour cantonale n'a pas négligé des circonstances décisives, ni n'a fait fond sur des circonstances négligeables, pour juger de la réalité du besoin urgent invoqué par le bailleur. En niant qu'un tel besoin ait été suffisamment établi en l'espèce, elle n'a pas davantage mésusé du large pouvoir d'appréciation que la jurisprudence fédérale lui reconnaît en ce domaine. 
 
Ainsi, le moyen pris de la violation de l'art. 271a al. 3 let. a CO se révèle infondé. 
3.4.3 La cour cantonale se voit, en outre, reprocher d'avoir violé l'art. 274d al. 3 CO. A l'appui du grief correspondant, le défendeur soutient que, la pénurie de logements à Genève étant un fait notoire, les juges d'appel, s'ils estimaient que la preuve des recherches effectuées par sa fille était insuffisante, auraient dû requérir de lui qu'il apportât d'autres éléments probatoires, ce qu'ils n'ont pas fait. 
3.4.3.1 L'art. 274d al. 3 CO prescrit au juge d'établir d'office les faits et aux parties de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Il pose le principe d'une maxime inquisitoriale sociale, laquelle ne constitue cependant pas une maxime d'office absolue et ne libère pas les deux parties de collaborer activement à l'établissement des faits (arrêt 4C.285/2005 du 18 janvier 2006, consid. 3.2 et l'arrêt cité). 
3.4.3.2 Dans la mesure où il fait valoir que le caractère notoire de la pénurie de logements à Genève le dispensait de prouver que sa fille avait effectué des recherches en vue de trouver un appartement, le défendeur avance un argument qui est démenti par son propre comportement puisqu'il a jugé nécessaire de produire une liasse de pièces à l'effet de prouver la réalité des recherches alléguées. 
 
S'agissant des recherches en question, les demandeurs avaient affirmé, dans leur mémoire d'appel, qu'elles dataient d'août 2004 et que les pièces y relatives n'avaient été versées au dossier de la procédure que pour les besoins de la cause. Le défendeur ne pouvait ainsi ignorer qu'il lui faudrait établir l'existence de recherches de logements antérieures, afin de contrer l'assertion de ses adversaires. Il n'avait pas besoin, pour cela, que la Chambre d'appel attirât spécialement son attention sur ce point. Or, il n'a rien allégué de concret à ce sujet dans son mémoire de réponse à l'appel, ni formulé une offre de preuve un tant soit peu précise quant auxdites recherches; il ne s'est pas non plus présenté ni fait représenter à l'audience tenue le 10 octobre 2005 par la juridiction d'appel. 
 
Dans ces conditions, le reproche, fait à cette autorité, d'avoir violé la disposition précitée tombe à faux. 
3.4.4 Il en va de même en ce qui concerne la violation de l'art. 8 CC imputée, en dernier lieu, aux juges d'appel. En effet, pour étayer le grief y afférent, le défendeur soutient avoir dûment établi l'urgence de son besoin, au sens de l'art. 271a al. 3 let. a CO. Or, comme on l'a vu, la cour cantonale n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en admettant que tel n'était pas le cas. Fondé sur une prémisse contraire à la réalité, le raisonnement du défendeur, d'après lequel il appartenait au locataire d'apporter la preuve de la mauvaise foi du bailleur, ne pouvait aboutir qu'à un résultat erroné. 
4. 
Il y a lieu, partant, de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. En application des art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ, le défendeur, qui succombe, devra payer l'émolument judiciaire relatif à la procédure fédérale et verser des dépens aux demandeurs. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. 
Lausanne, le 27 mars 2006 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: