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[AZA 7] 
B 2/02 Kt 
 
IIe Chambre 
 
MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard. 
Greffière : Mme Moser-Szeless 
 
Arrêt du 27 mai 2002 
 
dans la cause 
Caisse de prévoyance de la construction, rue de la Rôtisserie 8, 1204 Genève, recourante, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat, Etude Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève, 
 
contre 
 
1. R.________, représenté par Me Henri Nanchen, avocat, 
boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève, 
 
2. Caisse paritaire de prévoyance du bâtiment et de la 
gypserie-peinture, rue Malatrex 14, 1201 Genève, 
représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue 
du Rhône 100, 1204 Genève, 
intimés, 
 
et 
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève 
 
A.- R.________, né en 1961, a travaillé comme machiniste au service de la société S.________ SA jusqu'au 31 octobre 1994. A ce titre, il était affilié auprès de la Caisse paritaire de prévoyance bâtiment et gypserie-peinture (CPPB). En raison de lombosciatalgies, il a été incapable de travailler du 4 au 18 octobre 1994, puis du 20 au 31 octobre 1994. Il a été traité à cette occasion à la permanence médico-chirurgicale de V.________ SA. 
Dès le 1er novembre 1994, R.________ a été engagé à plein temps par la société C.________ SA. Il a alors été affilié à la Caisse de prévoyance de la construction (CPC). 
Au service de ce nouvel employeur, il a de nouveau été incapable de travailler du 30 janvier au 5 mars 1995, du 23 juin au 16 juillet 1995, du 28 août au 22 septembre 1995 et du 5 octobre au 18 décembre 1995. Depuis lors, il a été durablement incapable de travailler. 
Par décision du 1er juin 1999, R.________ a été mis au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité à partir du 1er novembre 1996. Pour fonder sa décision, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève s'est appuyé sur un rapport du 21 octobre 1998 établi par le professeur S.________ et les docteurs T.________ et G.________, d'une unité d'investigations ambulatoires dépendant des Hôpitaux Z.________. Ces médecins ont posé le diagnostic de trouble douloureux somatoforme persistant et de scoliose structurelle sinistroconvexe du rachis dorsal haut. Ils ont attesté une incapacité de travail de 100 % pour toute activité professionnelle en raison de l'atteinte psychiatrique. 
 
B.- R.________ a vainement requis de la CPC, puis de la CPPB, le versement de prestations d'invalidité, les deux caisses se rejetant mutuellement la responsabilité de la prise en charge du cas d'assurance. 
 
C.- Par écriture du 13 novembre 2000, R.________ a assigné la CPC et la CPPB en paiement par l'une ou l'autre de ces institutions de prévoyance d'une rente d'invalidité. 
Les défenderesses ont chacune conclu au rejet de la demande, dans la mesure où celle-ci les concernait. 
En cours de procédure, le 10 avril 2001, la juge déléguée a invité la CPC à produire un avis de son médecin-conseil, le docteur P.________, avis auquel la CPC s'était référée dans un courrier du 29 août 2000 à l'adresse de l'assuré. Le 6 août 2001, la CPC a envoyé au tribunal une lettre du 10 août 2000 du docteur P.________ adressée à son mandataire. Dans cette lettre, ce médecin déclarait ne pas être en mesure de communiquer un diagnostic précis, dans la mesure où il était tenu au secret médical. Le docteur P.________ ayant été délié du secret médical, la juge déléguée a requis la CPC, le 13 août 2001, d'intervenir auprès de lui pour "qu'il complète son attestation du 10 août 2000". Le 2 octobre 2001, le mandataire de la CPC a envoyé au tribunal une nouvelle lettre du docteur P.________, datée du 21 septembre 2001, à l'intention du mandataire de la CPC. 
La CPPB s'est déterminée sur cette pièce par écriture du 8 octobre 2001. 
Statuant le 13 novembre 2001, le Tribunal administratif du canton de Genève a admis la demande en tant qu'elle était dirigée contre la CPC et il a invité cette dernière à verser au demandeur une rente d'invalidité. 
 
D.- La CPC interjette un recours de droit administratif dans lequel elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et demande au Tribunal fédéral des assurances de dire que la CPPB est seule tenue de verser des prestations d'invalidité à R.________ et de rejeter en conséquence la demande de l'assuré dirigée contre la CPC. 
R.________ s'en rapporte à justice. Quant à la CPPB, elle conclut au rejet du recours. 
L'Office fédéral des assurances sociales, pour sa part, conclut également au rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- La recourante se prévaut tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendue. Elle se plaint de ce que seule la CPPB s'est déterminée sur la lettre du docteur P.________ du 21 septembre 2001, alors qu'elle-même n'a jamais été invitée "à faire parvenir au tribunal des observations à son sujet". Elle fait valoir en outre que la loi genevoise de procédure administrative réglementant les débats devant le tribunal administratif ne connaît pas la possibilité pour le tribunal d'admettre des écritures spontanées des parties; celles-ci doivent faire parvenir au tribunal des mémoires dans les délais impartis par ce dernier (art. 75 de la loi cantonale genevoise sur la procédure administrative [RSGE E 5 10; LPA]). 
Le moyen tiré d'une prétendue violation du droit d'être entendu est dépourvu de pertinence. La recourante n'avait pas à se déterminer sur l'écriture de son médecin- conseil, puisqu'elle l'a produite elle-même en procédure cantonale. Au demeurant, à supposer qu'il y ait eu violation du droit d'être entendu, cette violation ne serait pas d'une gravité particulière. On devrait considérer qu'elle eût été réparée dans la mesure où la recourante a eu la possibilité de s'exprimer devant le Tribunal fédéral des assurances, qui dispose, en l'occurrence, d'un plein pouvoir d'examen (art. 132 OJ; cf. ATF 124 V 183 consid. 4a, 392 consid. 5 et les références). 
Pour le reste, le fait que la CPPB a pu, pour sa part, se déterminer sur l'écriture en question découlait de son droit constitutionnel d'être entendue. Peu importe, à cet égard, de savoir si le droit cantonal de procédure autorisait ou non le dépôt de déterminations complémentaires des parties. 
 
2.- a) En vertu de l'art. 23 LPP, ont droit aux prestations d'invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50 % au moins, au sens de l'assurance-invalidité, et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. 
Selon l'art. 24 al. 1 LPP, l'assuré a droit à une rente entière d'invalidité s'il est invalide à raison des deux tiers au moins, au sens de l'assurance-invalidité, et à une demi-rente s'il est invalide à raison de 50 % au moins. 
 
b) L'art. 23 LPP a aussi pour but de délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance, lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d'un nouvel employeur (en changeant en même temps d'institution de prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d'une rente de l'assurance-invalidité : le droit aux prestations ne découle pas du nouveau rapport de prévoyance; les prestations d'invalidité sont dues par l'ancienne institution, auprès de laquelle l'intéressé était assuré lorsque est survenue l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité. 
Cependant, pour que l'ancienne institution de prévoyance reste tenue à prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité; dans ce cas seulement, la nouvelle institution est libérée de toute obligation de verser une rente. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle. 
Il y a connexité matérielle si l'affection à l'origine de l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà manifestée durant l'affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail). 
La connexité temporelle implique qu'il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail; elle est rompue si, pendant une certaine période, l'assuré est à nouveau apte à travailler. L'ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet, répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail. Mais une brève période de rémission ne suffit pas pour interrompre le rapport de connexité temporelle. 
On ne saurait considérer qu'une interruption de trente jours consécutifs suffit déjà pour fonder la responsabilité de la nouvelle institution de prévoyance, du moins lorsqu'il est à prévoir que la diminution ou la disparition des symptômes de la maladie sera de courte durée. Cette interprétation de la loi restreindrait de manière inadmissible la portée de l'art. 23 LPP, notamment dans le cas d'assurés qui ne retrouvent pas immédiatement un emploi et qui, pour cette raison, ne sont plus affiliés à aucune institution de prévoyance. D'ailleurs, si l'on voulait s'inspirer des règles en matière d'assurance-invalidité, on devrait alors envisager une durée minimale d'interruption de l'activité de travail de trois mois, conformément à l'art. 88a al. 1RAI : selon cette disposition, si la capacité de gain d'un assuré s'améliore ou que son impotence s'atténue, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période; il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (ATF 123 V 264 consid. 1c, 120 V 117 consid. 2c/aa). 
Ces principes sont applicables également en matière de prévoyance plus étendue, à tout le moins en l'absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 123 V 264 consid. 1b et les références). 
Par ailleurs, en cas de nouvel engagement pendant la période d'assurance prolongée de 30 jours (art. 10 al. 3 LPP, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994), le travailleur est assuré dès ce moment auprès de l'institution de prévoyance du nouvel employeur (ATF 118 V 35). 
 
3.- a) Il ressort des pièces médicales figurant au dossier (rapport d'expertise du 21 octobre 1998; rapport du docteur P.________ du 21 septembre 2001), que l'intimé a consulté le 12 septembre 1994 la permanence médico-chirurgicale de V.________ SA pour des lombosciatalgies, qui ont entraîné deux périodes d'incapacité de travail en 1994. En novembre 1994, alors qu'il avait changé d'emploi, l'assuré a ressenti une violente douleur thoracique à la suite d'efforts à l'occasion du chargement de lourdes pièces sur une machine. En décembre 1994, la même douleur est réapparue spontanément et, depuis lors, n'a plus disparu. Progressivement sont apparues des cervicalgies, dorsalgies et lombalgies. Le travail a dû être interrompu à plusieurs reprises en 1995. L'assuré s'est trouvé en arrêt définitif de travail depuis novembre 1995. En septembre 1996, il a bénéficié d'une consultation auprès d'un rhumatologue qui a conclu à l'existence de troubles statiques "intriguants" et à une déviation scoliotique sinistroconvexe. Un CT-scan cérébral pratiqué en mars 1996 a mis en évidence une apophyse odontoïde décentrée par rapport aux masses latérales de l'atlas et d'importants troubles statiques du rachis cervical. Une IRM de la colonne lombaire a montré une discopathie L5-S1, sans rapport avec le syndrome douloureux lombaire qui correspondait davantage à L4-L5. En 1997, des cervicalgies et des tensions associées à des douleurs sternales ont été signalées lors d'une consultation de médecine physique. Compte tenu de la divergence entre l'atteinte somatique et les douleurs présentées par le patient, une évaluation psychiatrique a été demandée au docteur V.________, qui a conclu à un syndrome douloureux somatoforme persistant. 
Aussi bien les experts des Hôpitaux Z.________ ont-ils posé le diagnostic de trouble douloureux somatoforme persistant et de scoliose structurelle sinistroconvexe du rachis dorsal haut. La capacité de travail de l'assuré est nulle, en tout cas, depuis novembre 1995. Selon les experts toujours, cette incapacité est due au trouble somatoforme douloureux. Le trouble physique ne justifie pas un changement de profession, mais l'atteinte psychiatrique est telle que l'incapacité de travail s'élève à 100 % pour toute activité professionnelle envisagée. 
 
b) Sur la base de ces éléments, on peut retenir que l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité est due exclusivement à des troubles somatoformes douloureux. De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques (cf. VSI 2000 p. 160 consid. 4b). En l'occurrence, cette affection psychique est liée aux cervicalgies, dorsalgies et lombalgies qui sont survenues progressivement après la réapparition, en décembre 1994, de la douleur thoracique ressentie le mois précédent par l'assuré. On doit ainsi admettre que l'affection psychique dont souffre l'intimé est survenue postérieurement au 31 octobre 1994, soit après la fin de son affiliation à la CPPB et à une époque où il était employé auprès de la société C.________ SA et affilié à la caisse recourante. 
La recourante fonde essentiellement ses conclusions sur un nouvel avis du docteur P.________ du 11 décembre 2001, qu'elle produit à l'appui de son recours de droit administratif. Ce médecin estime que, au regard des constatations objectives de l'expert (absence de cause organique aux plaintes du patient), les douleurs exprimées en 1998 ont la même origine que celles pour lesquelles l'intéressé a consulté un médecin le 12 septembre 1994, soit un syndrome douloureux somatoforme persistant. A son avis, la cause de l'affection invalidante était déjà présente en septembre 1994. Mais cet avis ne saurait être déterminant. Le fait que l'assuré a ressenti des lombosciatalgies en septembre 1994 ne permet pas de conclure qu'à cette époque déjà il souffrait d'une atteinte à la santé psychique qui est à l'origine de son invalidité. Qu'un travailleur du bâtiment souffre occasionnellement de lombosciatalgies, notamment après un effort, n'a en soi rien d'extraordinaire. Dans ce contexte, la survenance, en septembre 1994, de douleurs lombaires n'apparaît pas d'emblée inexplicable du point de vue organique. On ne dispose en tout cas d'aucun indice sérieux qui permettrait de considérer cet épisode comme l'amorce du long processus, décrit par les experts, qui s'est installé progressivement chez l'assuré au point d'entraîner une atteinte à la santé psychique invalidante. Au demeurant, ce n'est pas l'apparition de troubles comme telle qui constitue l'événement assuré au sens de l'art. 23 LPP mais bien la survenance d'une incapacité de travail d'une certaine importance due à l'affection invalidante (cf. VSI 1998 p. 126 consid. 3c). En l'occurrence, cette affection est d'ordre psychiatrique et rien au dossier ne permet d'affirmer qu'elle était déjà la cause de l'incapacité de travail subie par l'assuré en octobre 1994. 
 
c) En conséquence, le lien de connexité matérielle entre l'incapacité de travail subie par l'assuré alors qu'il travaillait encore au service de la société S.________ SA et l'invalidité fait défaut. En revanche, il n'est pas contestable - ni, du reste, contesté par les parties - qu'à l'époque où a débuté l'incapacité de travail déterminante due aux troubles psychiques invalidants dans la seconde moitié de l'année 1995, l'assuré était employé à plein temps par la société C.________ SA et de ce fait affilié à la recourante. Cette dernière est dès lors tenue àprestations. 
 
4.- Il suit de là que le recours est mal fondé. 
S'agissant d'un litige qui oppose deux caisses de pensions au sujet de l'obligation d'allouer des prestations à un assuré, la procédure n'est pas gratuite (ATF 127 V 106). La recourante, qui succombe, supportera dès lors les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). L'assuré intimé a d'autre part droit à une indemnité de dépens à la charge de la recourante. 
Enfin, contrairement à ses conclusions, la caisse intimée n'a pas droit à une telle indemnité de dépens (ATF 122 V 330 consid. 6). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances, 
 
prononce : 
 
I. Le recours est rejeté. 
 
II. Les frais de la procédure, d'un montant de 6000 fr., sont mis à la charge de la recourante et sont compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée. 
 
 
III. La recourante versera à R.________ une indemnité de dépens de 2500 fr. pour la procédure fédérale. 
 
 
IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 27 mai 2002 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
La Greffière :