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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_94/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 27 juin 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, 
Hohl et May Canellas. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
1. Y.________, 
2. Z.________, 
représentés par Me Manuel Bolivar, 
recourants, 
 
contre  
 
X.________, 
intimée. 
 
Objet 
bail à loyer; résiliation extraordinaire, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2017 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.   
X.________ (la bailleresse), Z.________ et Y.________ (les locataires) ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location à usage d'habitation d'un appartement de cinq pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis boulevard..., à Genève. Le contrat était conclu pour une durée d'un an, du 1 er septembre 2014 au 31 août 2015, puis renouvelable tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.  
Par avis du 18 mars 2015, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 août 2015. Dans la lettre accompagnant l'avis de résiliation, la bailleresse indique mettre un terme au contrat pour sa prochaine échéance contractuelle; par ailleurs, elle somme les locataires de cesser l'activité exercée dans l'appartement sous la forme d'un "salon de massage" et leur fixe un délai au 30 avril 2015 pour réintégrer les locaux, à défaut de quoi le bail sera résilié conformément à l'art. 257f CO
 
B.  
 
B.a. Le 20 avril 2015, les locataires ont saisi la Commission de conciliation puis, le 1 er juillet 2015, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève d'une requête tendant à ce que le congé du 18 mars 2015 soit déclaré inefficace, à ce qu'ils puissent ainsi habiter dans le logement concerné, subsidiairement à ce que ce congé soit annulé et, plus subsidiairement encore, à l'octroi d'une prolongation de bail.  
 
B.b. Le 12 mai 2015, les locataires étaient toujours formellement domiciliés à d'autres adresses que celle de l'appartement en cause.  
 
Par avis du 13 mai 2015, la bailleresse a résilié le bail pour le 30 juin 2015; elle se fondait sur l'art. 257f CO et l'avertissement du 18 mars 2015. 
 
B.c. Le 18 juin 2015, les locataires ont derechef saisi la Commission de conciliation puis, le 20 septembre 2015, le Tribunal des baux et loyers d'une requête tendant à ce que la résiliation du 13 mai 2015 soit annulée, respectivement déclarée inefficace.  
Les deux causes ont été jointes. Par jugement du 24 mai 2016, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé du 13 mai 2015, dit que la contestation relative au congé du 18 mars 2015 devenait sans objet et débouté les parties de toutes autres conclusions. 
Par arrêt du 16 janvier 2017, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel déposé par les locataires et a confirmé le jugement du 24 mai 2016. 
 
C.   
Z.________ et Y.________ interjettent un recours en matière civile. Ils demandent au Tribunal fédéral de constater la nullité du congé extraordinaire du 13 mai 2015 et de déclarer le congé du 18 mars 2015 contraire aux règles de la bonne foi, subsidiairement de prolonger le bail, plus subsidiairement de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. 
X.________ conclut au rejet du recours. 
Par ordonnance du 12 avril 2017, la Présidente de la cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif formée par les recourants. Dans un arrêt rendu parallèlement dans la cause 4G_1/2017, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable la demande d'interprétation déposée par l'intimée contre cette ordonnance. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse (art. 74 al. 1 let. a LTF; ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390 s.).  
 
1.2. Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). «Manifestement inexactes» signifie ici «arbitraires» (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). Il incombe à l'auteur du recours d'expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les constatations critiquées sont contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références); les critiques dites appellatoires, tendant simplement à une nouvelle appréciation des preuves, sont irrecevables (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).  
 
2.   
Les parties étaient liées par un contrat de bail à loyer soumis aux art. 253 ss CO. Un premier congé - ordinaire - a été donné le 18 mars 2015 pour le plus prochain terme contractuel, à savoir le 31 août 2015. Dans la lettre d'accompagnement, la bailleresse a sommé les locataires de mettre fin à l'activité de prostitution exercée dans l'appartement loué d'ici au 30 avril 2015, à défaut de quoi elle leur notifierait un congé extraordinaire sur la base de l'art. 257f al. 3 CO, ce qu'elle a effectivement fait le 13 mai 2015 pour le 30 juin 2015. 
A titre principal, la contestation porte sur l'annulation de ces congés. La cour cantonale a traité - pour le rejeter - l'argument des recourants selon lequel le congé du 18 mars 2015 contrevenait aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Or, a priori, si le congé extraordinaire du 13 mai 2015 est valable - ce que la cour cantonale a confirmé -, la validité du congé ordinaire du 18 mars 2015, donné pour une échéance plus éloignée, n'a pas à être examinée. 
Certes, le second congé a été signifié pendant la procédure engagée par les recourants afin de faire annuler la première résiliation. L'on pourrait ainsi se demander, compte tenu de l'art. 271a al. 1 let. d CO, s'il ne faudrait pas, à l'instar de la Chambre des baux et loyers, se pencher sur les motifs du premier congé. Cela étant, l'art. 271a al. 3 let. c CO exclut quoi qu'il en soit l'application de l'art. 271a al. 1 let. d CO lorsqu'un congé est donné pour les raisons mentionnées à l'art. 257f al. 3 et 4 CO. Or, tel est bien le cas en l'espèce. Partant, si le Tribunal fédéral conclut à la validité du second congé, l'examen du caractère abusif ou non du premier congé ne se justifie pas et les griefs corrélatifs des recourants n'ont pas à être discutés. Ceci vaut également pour l'argument tenant au caractère excessivement rigoureux du choix d'un congé ordinaire, plutôt que d'un congé extraordinaire précédé d'une sommation, d'autant que cette dernière est demeurée vaine dans le cas des recourants. 
 
3.   
Le congé extraordinaire du 13 mai 2015 a été signifié parce que l'appartement loué, destiné à l'usage d'habitation selon la convention des parties, était un lieu de prostitution et l'est demeuré après l'échéance du délai imparti par la bailleresse au 30 avril 2015 pour rétablir un usage conforme au contrat. 
 
3.1. L'art. 257f al. 3 CO accorde au bailleur la faculté de résilier le contrat de manière anticipée lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour lui ou les personnes habitant l'immeuble parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins; pour les baux d'habitations, le congé peut intervenir dans un délai minimum de trente jours pour la fin d'un mois.  
La résiliation fondée sur l'art. 257f al. 3 CO suppose, en tout cas, une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit préalable du bailleur, la persistance du locataire à méconnaître son obligation en relation avec le manquement évoqué dans la protestation et le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (cf. arrêt 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1 et les arrêts cités). En cas de violation persistante de stipulations contractuelles concernant l'affectation des locaux loués, le Tribunal fédéral, reconsidérant sa position, a jugé que le bailleur pouvait résilier le contrat sur la base de l'art. 257f al. 3 CO même si l'activité du locataire n'engendrait pas une situation insupportable selon cette disposition (ATF 132 III 109 consid. 5 p. 113 ss); dans le cas jugé, les locaux loués pour des bureaux étaient utilisés pour l'exploitation d'un salon de massages érotiques. 
 
3.2. Les recourants ne contestent pas que l'intimée ait dûment observé les modalités prévues à l'art. 257f al. 3 CO. Ils soulèvent deux griefs à l'encontre de l'arrêt cantonal.  
 
3.2.1. En premier lieu, la Chambre des baux et loyers aurait violé l'art. 152 al. 2 CPC en prenant en considération le courrier du 9 février 2016 de la Cheffe de la Police à la bailleresse, lequel constituait un moyen de preuve obtenu de manière illicite.  
Il résulte de ce document que le salon de massages érotiques "L.________" sis boulevard... a été créé et enregistré le 12 décembre 2014 auprès de la Brigade de lutte contre la Traite des êtres humains et la Prostitution illicite et que l'un des recourants en est le responsable. Cela étant, les recourants n'attaquent pas pour arbitraire le fait, constaté dans l'arrêt entrepris, selon lequel l'appartement était un lieu de prostitution. D'autres éléments fondent d'ailleurs cette constatation. L'admission de leur grief ne changerait dès lors rien à l'issue du litige, de sorte qu'il n'a pas à être tranché. 
 
3.2.2. En second lieu, les recourants reprochent à la Chambre des baux et loyers d'avoir retenu de manière arbitraire que "les activités de massage" avaient perduré au-delà du 30 avril 2015.  
Les locataires échouent dans cette démonstration. Que la cour cantonale ait retenu que le témoin M.________, employé de la régie immobilière, s'était rendu pour la dernière fois dans l'immeuble en avril 2015, alors qu'il aurait affirmé que cette visite s'était déroulée "probablement en avril 2015", ne s'apparente pas à une inexactitude manifeste sur un fait déterminant et échappe donc au grief d'arbitraire. Les supputations auxquelles se livrent les recourants, en se référant à la date d'entrée en fonction de son collègue N.________, n'y changent rien. Quant à ce dernier témoin, il a déclaré que, lors de sa dernière visite dans l'immeuble, en janvier 2016, une femme qu'il n'avait pas vue lors des précédentes visites lui avait ouvert - après une bonne minute durant laquelle il avait entendu des portes se fermer et claquer dans le logement - et qu'elle était vêtue d'un vêtement très fin, noir, qu'on ne mettait pas pour faire le ménage. Contrairement à ce que les recourants prétendent, il n'était pas insoutenable de déduire de cette déclaration que l'activité de prostitution avait perduré dans l'appartement loué malgré la protestation de la bailleresse. Nul besoin de recourir aux ouï-dire dudit témoin pour conforter cette appréciation de la cour cantonale. 
 
3.3. En conclusion, la Chambre des baux et loyers a jugé à bon droit que l'intimée avait valablement résilié le bail pour l'échéance du 30 juin 2015.  
 
4.   
A titre subsidiaire, la contestation porte sur la prolongation du bail. 
Dans la mesure où la conclusion des recourants relative à la nullité de la résiliation extraordinaire du 13 mai 2015 est rejetée, une prolongation n'entre pas en ligne de compte (cf. art. 272a al. 1 let. b CO). 
 
5.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. 
Les recourants prendront solidairement à leur charge les frais judiciaires (art. 66 LTF), mais ne verseront pas de dépens à l'intimée, qui n'est pas représentée par un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF; ATF 135 III 127 consid. 4 p. 136). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 27 juin 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann