Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_416/2021
Arrêt du 27 juillet 2022
IIe Cour de droit social
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Truttmann, Juge suppléante.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 28 juin 2021 (CDP.2021.47-AI).
Faits :
A.
A.________, née en mars 2000, est atteinte d'autisme infantile. Elle a, de ce fait, bénéficié de diverses prestations de l'assurance-invalidité. Par décisions des 6 juin et 26 novembre 2018, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l'office AI) lui a reconnu le droit à une rente entière de l'assurance-invalidité ainsi qu'à une allocation pour impotent de degré moyen à partir du 1er avril 2018. A la demande de l'assurée et après plusieurs échanges de correspondance, il a indiqué à A.________ qu'il prenait en charge les coûts supplémentaires d'une formation professionnelle initiale consistant en une formation pratique INSOS dans le domaine de la floriculture à partir du 1er août 2020, ainsi que les frais de transport et de nourriture (communication du 10 juillet 2020). Il a précisé que l'assurée continuerait à toucher la rente perçue jusque-là pendant la durée de la mesure. Par courrier du 3 août 2020, A.________ a requis l'allocation d'une petite indemnité journalière de 122 fr. 10 dès le 4 avril 2020 (subsidiairement à partir du 29 avril 2020) et l'octroi, à titre exceptionnel, d'une indemnité de dépens de 2'553 fr. 80 en raison des manquements de l'office AI qui auraient rendu nécessaire l'assistance d'un avocat. L'office AI a rejeté ces demandes par décision du 27 janvier 2021.
B.
L'assurée a déféré cette décision à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, qui l'a déboutée par arrêt du 28 juin 2021.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont elle demande l'annulation ainsi que celle de la décision de l'office AI du 27 janvier 2021. Elle conclut principalement au renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle décision portant sur l'octroi d'indemnités journalières AI pendant sa formation professionnelle initiale. Subsidiairement, elle demande le renvoi de l'affaire à la juridiction précédente pour complément d'instruction et mise en oeuvre d'une audience publique.
L'office AI ainsi que l'Office fédéral des assurances sociales concluent au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.
Même si la recourante se limite à prendre des conclusions cassatoires, son recours en matière de droit public, qui se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF), est recevable. Il ressort en effet de son mémoire de recours q u'elle entend obtenir le versement d'indemnités journalières de l'assurance-invalidité pendant la formation prise en charge par celle-ci (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3 et les références).
2.
2.1. Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité judiciaire précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF) mais peut rectifier ou compléter d'office les lacunes ou les erreurs manifestes (art. 105 al. 2 LTF). Il n'examine en principe que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), en particulier s'ils concernent la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF), et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). La recourante peut critiquer la constatation des faits, qui peuvent exercer une influence sur le sort du litige, uniquement s'ils ont été établis en violation du droit ou d'une façon manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2).
2.2. La modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 2020 (Développement continu de l'AI; RO 2021 705) est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. La décision administrative litigieuse a été rendue antérieurement à cette date, le 27 janvier 2021. Selon les principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références), les dispositions de la LAI et du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI; RS 831.201) ainsi que de la LPGA sont donc applicables en l'espèce dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021.
3.
Il y a lieu tout d'abord d'examiner les griefs d'ordre formel, tendant au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision.
3.1. L'assurée reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA) et son droit d'être entendue en refusant d'interpeller l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) au sujet de l'application ou non de l'art. 8a LAI en cas de formation professionnelle initiale au sens de l'art. 16 LAI.
Selon l'art. 61 let. c seconde phrase LPGA, la maxime inquisitoire est applicable à la procédure judiciaire cantonale. En vertu de ce principe, il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer des preuves (cf. p.ex. arrêt 9C_146/2021 du 25 juin 2021 consid. 3.4 et les références). Or en se plaignant de ce que la juridiction cantonale a manqué de requérir l'avis de l'OFAS sur "l'application ou non de l'art. 8a LAI en cas de formation professionnelle initiale au sens de l'art. 16 LAI chez une assurée de 20 ans qui souffre de troubles du spectre autistique", la recourante vise en réalité à ce qu'une question de droit soit soumise à l'autorité de surveillance. Dès lors que la maxime inquisitoire concerne l'établissement des faits, elle n'entre pas en ligne de compte en lien avec une question de droit. Le reproche d'une violation de ce principe, pas plus que celui tiré d'une violation du droit d'être entendue de la recourante (art. 29 al. 2 Cst.) ne sont fondés.
3.2. La recourante fait ensuite grief à la juridiction cantonale de n'avoir pas tenu compte de sa requête d'audience publique formulée sous chiffre II de son écriture de recours cantonal.
Ce grief est également mal fondé, dans la mesure où, dans le domaine des assurances sociales, une audience de débats publics présuppose une demande des parties, déposée en première instance et dont il doit ressortir clairement et sans équivoque qu'une audience conforme à l'art. 6 § 1 CEDH est demandée (not. arrêt 9C_260/2021 du 6 décembre 2021 consid. 3.2 et les références). Pareille demande ne ressort pas du mémoire de recours du 9 février 2021 adressé au Tribunal cantonal, dont le chiffre II - auquel se réfère la recourante - est intitulé "II. Moyens de preuve et audience publique". Sous cet intitulé, la recourante requérait la production complète du dossier AI ainsi que l'interpellation de l'OFAS. Par contre, on y cherche en vain une quelconque demande d'audience publique. En l'absence d'une requête en ce sens, le Tribunal cantonal n'a commis aucune violation du droit.
4.
4.1. Sur le fond, le litige porte sur le droit de la recourante à des indemnités journalières pendant sa formation pratique INSOS dans le domaine de la floriculture entreprise à partir du 1er août 2020, en lieu et place du maintien du versement de la rente entière d'invalidité allouée depuis le 1er avril 2018.
L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales (art. 16 LAI et 5 RAI) et la jurisprudence relatives à la formation professionnelle initiale (arrêts 9C_252/2007 du 8 octobre 2008 consid. 5 in SVR 2009 IV n° 12 p. 27; I 285/05 du 23 décembre 2005 consid. 2 in SVR 2006 IV n° 49 p. 179). Il suffit d'y renvoyer.
4.2. On rappellera que dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 janvier 2021 (supra consid. 2.2), l'art. 22 al. 1 LAI prévoit que l'assuré a droit à une indemnité journalière pendant l'exécution des mesures de réadaptation prévues à l'art. 8 al. 3 LAI si ces mesures l'empêchent d'exercer une activité lucrative durant trois jours consécutifs au moins, ou s'il présente, dans son activité habituelle, une incapacité de travail (art. 6 LPGA) de 50 % au moins. Selon l'art. 22 al. 1bis LAI, l'assuré qui suit une formation professionnelle initiale ainsi que l'assuré qui n'a pas encore atteint l'âge de 20 ans et n'a pas encore exercé d'activité lucrative ont droit à une indemnité journalière s'ils ont perdu entièrement ou partiellement leur capacité de gain. En vertu de l'art. 22 al. 5 LAI, les mesures prévues à l'art. 16 al. 2 let. c LAI ne donnent pas droit à une indemnité journalière. Conformément à l'art. 22 al. 5bis LAI, lorsqu'un assuré reçoit une rente de l'assurance-invalidité, celle-ci continue de lui être versée en lieu et place d'indemnités journalières durant la mise en oeuvre des mesures de réinsertion au sens de l'art. 14a LAI et des mesures de nouvelle réadaptation au sens de l'art. 8a LAI. Si l'assuré subit une perte de gain ou qu'il perd une indemnité journalière d'une autre assurance en raison de la mise en oeuvre d'une mesure, l'assurance lui verse une indemnité journalière en plus de la rente (art. 22 al. 5ter LAI).
5.
5.1. Constatant que le droit à la prise en charge, par l'assurance-invalidité, des coûts supplémentaires de la formation initiale de la recourante n'était pas contesté, la juridiction cantonale a considéré que l'assurée ne tombait sous le coup ni de l'al. 1bis ni de l'al. 5ter de l'art. 22 LAI, mais bien de l'al. 5bis de la norme. Cet alinéa avait été expressément prévu pour des cas de figure comme le sien, dans lesquels la personne assurée bénéficiait déjà d'une rente d'invalidité avant de commencer des mesures de nouvelle réadaptation au sens de l'art. 8a LAI. Selon les premiers juges, l'art. 22 al. 5bis LAI garantit à l'assurée - titulaire d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er avril 2018 - que ces mesures ne s'accompagnent d'aucune manière d'une péjoration de son revenu global. De leur avis, dès lors qu'elle a droit à une formation professionnelle initiale au sens de l'art. 16 LAI, du 1er août 2020 au 31 juillet 2022, dans le cadre des mesures de nouvelle réadaptation prévues par l'art. 8a LAI et que son droit à une rente entière est maintenu, elle n'a pas droit à des indemnités journalières pendant la période en cause.
5.2. La recourante invoque une violation des art. 8a et 22 al. 1biset al. 5bis LAI. Se référant au ch. 1056 de la Circulaire de l'OFAS sur les indemnités journalières de l'assurance-invalidité (CIJ), la recourante fait valoir que même si elle bénéficiait d'une rente d'invalidité avant la formation professionnelle initiale, cette prestation devait être remplacée dans tous les cas par des indemnités journalières, que le montant de l'indemnité journalière soit inférieur ou supérieur à celui de la rente. De plus, la mesure qui lui avait été accordée ne constituerait pas une mesure de réadaptation au sens de l' art. 8a al. 1 let. a et b LAI , parce qu'elle ne viserait pas l'amélioration de sa capacité de gain mais à lui donner un métier.
6.
6.1. Le droit de la recourante à une formation professionnelle initiale au sens de l'art. 16 LAI n'est pas contesté. Si, dans un premier temps, elle a été empêchée de débuter une formation après sa scolarité (terminée en 2015) en raison de son atteinte à la santé (cf. "Notes entretien réadaptation" du 4 mai 2017), elle a été en mesure, grâce à d'importants progrès réalisés par la suite au Centre de formation B.________, à U.________, d'envisager la formation pratique INSOS en 2020 (cf. rapport d'entretien d'évaluation du 7 juillet 2020). Il s'agit d'une formation pratique dispensée par l'association de branche des prestataires de services pour les personnes en situation de handicap (nationaler Branchenverband der Institutionen für Menschen mit Behinderung [INSOS]), qui correspond à une préparation professionnelle à un travail auxiliaire ou à une activité en atelier protégé au sens de l'art. 5 al. 1 RAI (cf. ATF 142 V 523 consid. 2.2). L'intimé a accordé cette formation en tant que mesure de nouvelle réadaptation au sens de l'art. 8a LAI. Selon l'al. 1 de cette disposition, les bénéficiaires de rente ont droit à des mesures de nouvelle réadaptation aux conditions suivantes: leur capacité de gain peut, selon toute vraisemblance, être améliorée (let. a) et ces mesures sont de nature à améliorer leur capacité de gain (let. b).
6.2. Quoi qu'en dise la recourante, la prestation qui lui a été accordée vise en l'espèce à améliorer sa capacité de gain, en ce sens qu'elle représente une étape vers l'intégration (éventuelle) dans l'économie libre. La mesure de formation professionnelle initiale (correspondant à la préparation à un travail auxiliaire ou à une activité en atelier protégé au sens de l'art. 16 al. 2 let. a LAI) suppose en effet que ladite formation offre une perspective de mise en valeur économique suffisante et qu'il soit impossible, sans la mesure, d'envisager un placement sur le marché primaire de l'emploi ou en atelier protégé (sur l'objectif de la formation professionnelle dans une perspective économique, cf. ATF 142 V 523 consid. 5.3.1 et les références). En l'espèce, l'intimé a reconnu un potentiel de réadaptation à l'assurée au sens de l'art. 8a LAI, puisqu'il a admis que la formation accordée lui permettrait d'envisager l'exercice du métier de floricultrice. Lors de l'entretien d'évaluation, le collaborateur de l'office AI n'a pas exclu que le pronostic émis par les parents de l'assurée ("Il y aura probablement des paliers jusqu'à l'économie libre") se réalise. Par ailleurs, à l'inverse de ce que semble penser l'assurée, selon laquelle la formation professionnelle initiale ne s'inscrirait pas dans le cadre des mesures prévues par l'art. 8a LAI, ladite formation fait partie des mesures d'ordre professionnel envisageables à ce titre, en vertu de l'art. 8a al. 2 let. b LAI. Le grief d'une violation de l'art. 8a LAI est mal fondé.
En tant que la recourante se prévaut ensuite de l'art. 22 al. 1bis LAI, elle perd de vue que l'art. 22 al. 5bis LAI constitue une règle particulière en relation avec les mesures prévues par l'art. 8a LAI comme l'ont dûment mis en évidence les premiers juges, en exposant les raisons pour lesquelles le législateur a considéré nécessaire que les personnes touchant déjà une rente de l'assurance-invalidité durant ces mesures devaient continuer à recevoir cette prestation (consid. 3b de l'arrêt entrepris). L'OFAS s'est au demeurant entièrement rallié aux considérations des premiers juges. Ceux-ci n'ont pas violé le droit en considérant que l'application de l'art. 22 al. 5bis LAI faisait obstacle à celle de l'al. 1bis de la disposition.
6.3. Ensuite de ce qui précède, le recours est mal fondé.
7.
Vu l'issue de la procédure, la recourante supportera les frais y afférents (art. 65 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 27 juillet 2022
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Stadelmann
La Greffière : Perrenoud