Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_817/2024
Arrêt du 27 août 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hurni.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel,
passage de la Bonne-Fontaine 41, 2300 La Chaux-de-Fonds.
Objet
Détention pour des motifs de sûreté,
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale, du 22 juillet 2024 (CPEN.2023.63/der).
Faits :
A.
A.a. Par jugement du 9 août 2023, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a notamment condamné A.________ pour escroquerie, pour gestion fautive, pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, pour faux dans les titres, pour faux dans les certificats, pour inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes et faillite, pour conduite d'un véhicule sans assurance-responsabilité civile, pour usage abusif d'une plaque d'immatriculation et pour possession et transport illégaux d'armes à une peine privative de liberté ferme de 24 mois. Il a en outre renoncé à ordonner l'expulsion de A.________ du territoire suisse et a ordonné sa mise en détention pour des motifs de sûreté.
A.b. Par jugement du 17 avril 2024, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois (ci-après: la Cour pénale) a partiellement admis l'appel de A.________. Elle a réformé le jugement du 9 août 2023 en ce sens notamment que A.________ était acquitté des chefs d'accusation de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (chiffre I de l'acte d'accusation), de banqueroute frauduleuse (chiffre III de l'acte d'accusation), de faux dans les titres (chiffre IV de l'acte d'accusation) et de violation de l'art. 25 de la loi fédérale sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 (LCas-Covid-19; RS 951.26). La Cour pénale a cependant confirmé la condamnation de A.________ pour escroquerie, pour gestion fautive, pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, pour faux dans les titres, pour faux dans les certificats, pour inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes et faillite, pour conduite d'un véhicule sans assurance-responsabilité civile, pour usage abusif d'une plaque d'immatriculation et pour possession et transport illégaux d'armes, à une peine privative de liberté de 24 mois. Elle a en outre confirmé la renonciation à ordonner l'expulsion de l'intéressé du territoire suisse.
A.c. A.________ a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement. La cause est pendante devant la Ire Cour de droit pénal du Tribunal fédéral sous la référence 6B_441/2024.
B.
B.a. Par décision du 17 avril 2024, la Cour pénale a également ordonné le maintien de A.________ en détention pour des motifs de sûreté, lequel demeurait ainsi détenu depuis le 9 août 2023.
Par arrêt du 4 juin 2024 (cause 7B_615/2024), la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a déclaré irrecevable, puisque tardif, le recours formé par A.________ contre la décision du 17 avril 2024.
B.b. Par ordonnance du 22 juillet 2024, la Présidente de la Cour pénale a rejeté la demande de mise en liberté formulée le 17 juillet 2024 par A.________.
C.
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance précitée, en concluant à sa réforme en ce sens que sa libération immédiate soit ordonnée, le cas échéant moyennant le prononcé de mesures de substitution à la détention pour des motifs de sûreté, voire encore qu'il soit placé en semi-détention. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.
Invités à se déterminer, l'autorité précédente y a renoncé, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours.
Dans le délai imparti, le recourant a renoncé à formuler des observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 ss LTF) est ouvert contre les décisions rendues par la direction de la juridiction d'appel qui rejettent une demande de libération de la détention pour des motifs de sûreté, en application de l'art. 233 CPP (arrêts 1B_195/2022 du 3 mai 2022 consid. 1.1; 1B_13/2022 du 3 février 2022 consid. 1). Par ailleurs, selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant a qualité pour recourir à cet égard. Sa conclusion tendant à la mise en oeuvre d'une semi-détention est en revanche irrecevable, dès lors que seule la question de la détention pour des motifs de sûreté a fait l'objet de l'ordonnance attaquée et qu'aussi, cette conclusion est nouvelle (art. 80 al. 1 et 99 al. 2 LTF). Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ; art. 212 al. 3 et 237 al. 1 CPP). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit des indices sérieux de commission d'une infraction par l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP).
2.2. Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes. Il conteste en revanche l'existence d'un risque de fuite (cf. consid. 4
infra) et soutient que son maintien en détention pour des motifs de sûreté violerait le principe de la proportionnalité (cf. consid. 5i
nfra).
3.
3.1. Le recourant remet tout d'abord en cause l'absence de contrôle périodique des conditions de sa détention pour des motifs de sûreté. Il soutient à cet égard qu'il aurait dû être indiqué dans l'ordonnance attaquée jusqu'à quelle date il était maintenu en détention. Selon lui, l'art. 227 CPP imposerait au juge de la détention, quel que soit le stade de la procédure, de mentionner dans sa décision la durée de son maintien en détention pour des motifs de sûreté.
3.2. Son raisonnement ne saurait toutefois être suivi.
En effet, de jurisprudence constante, la détention pour des motifs de sûreté ne doit pas faire l'objet d'un contrôle périodique une fois la juridiction d'appel saisie, en l'absence de renvoi à l'art. 227 al. 7 CPP. Elle peut être ordonnée pour une durée indéterminée, respectivement jusqu'à l'entrée en force du jugement sur appel. Cela étant, le prévenu peut demander en tout temps sa libération auprès de la direction de la procédure d'appel conformément à l'art. 233 CPP (ATF 139 IV 186 consid. 2.2.3; arrêts 7B_527/2023 du 19 septembre 2023 consid. 4; 1B_5/2023 du 23 mars 2023 consid. 2.6.2).
4.
4.1. Le recourant critique ensuite l'appréciation de l'autorité précédente sur l'existence d'un risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP. Il ne serait, selon lui, plus à craindre qu'il se soustraie à la sanction prévisible en prenant la fuite, dès lors qu'il a déjà effectué 12 mois en détention, dont 7 mois dans des conditions qu'il estime illicites, et qu'il a recouru contre le jugement sur appel en demandant sa réforme en ce sens qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de 12 mois. Le recourant indique en outre qu'il aurait collaboré avec les autorités pénales depuis le début de la procédure et qu'il ne sera pas expulsé du territoire suisse, où il prévoirait de séjourner et de travailler. Il expose enfin que sa détention pour des motifs de sûreté ne pourrait en tout état pas s'étendre au-delà du 9 décembre 2024, respectivement dépasser une durée totale de 16 mois, soit les deux tiers de la peine privative de liberté à laquelle il a été condamné.
4.2. Selon l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté peuvent être ordonnées s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite.
D'après la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Néanmoins, même si cela ne dispense pas de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence admet que lorsque le prévenu a été condamné en première instance à une peine importante - et a fortiori lorsque celle-ci a été confirmée en seconde instance -, le risque d'un long séjour en prison apparaît plus concret que durant l'instruction (ATF 145 IV 503 consid. 2.2). Le risque de fuite s'étend également au risque de se soustraire à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en tombant dans la clandestinité à l'intérieur du pays (ATF 143 IV 160 consid. 4.3).
4.3. En l'espèce, l'autorité précédente a justifié le maintien en détention du recourant en raison d'un risque élevé de fuite. Elle a relevé à cet égard que le recourant, ressortissant français né en 1985, était menacé d'une peine privative de liberté de 24 mois sous déduction de la période de détention déjà subie. Durant la procédure préliminaire, le recourant, jusqu'alors domicilié au Locle (NE), s'était retrouvé sans domicile fixe et s'était ensuite rendu en Albanie, loin de la Suisse où résidaient ses enfants. Sans autorisation valable de séjour en Suisse et sans réelles attaches avec ce pays, le recourant était très mobile. Dans ces circonstances, il y avait lieu de craindre qu'il se soustraie à l'exécution du jugement en fuyant à l'étranger ou en disparaissant dans la clandestinité en Suisse (cf. ordonnance attaquée, consid. 6 p. 5).
4.4. Cette appréciation doit être confirmée.
Le recourant ne conteste en effet pas qu'il mène une vie nomade, qu'il n'a aucun domicile fixe en Suisse et qu'il ne dispose plus d'une autorisation valable pour y séjourner. Il n'expose en particulier pas quelles seraient les attaches qui le lieraient avec la Suisse et quelles perspectives d'avenir l'y retiendraient à défaut d'être expulsé de ce territoire, ni même n'allègue qu'il entretiendrait des relations régulières avec ses enfants qui y résident. Il apparaît au contraire que, séparé, le recourant ne voit ses enfants que de temps à autre, qu'il a été actif en France - où il a été condamné en 2018 à trois ans d'emprisonnement avec sursis pour abus de confiance, pour banqueroute et pour faux dans les titres - et qu'après sa libération, il projette d'importer et d'exporter des voitures entre la Suisse et l'Albanie où il a précédemment séjourné (cf. art. 105 al. 2 LTF; cf. jugement de la Cour pénale du 17 avril 2024, consid. 9b et 9d p. 40 ss). Le recourant ne soutient en outre pas que d'autres membres de sa famille vivraient en Suisse et n'explique pas où il pourrait y loger en cas de libération. Il se prévaut d'une promesse d'embauche sans toutefois préciser en quoi elle consisterait, étant observé que cet élément ne suffit pas à écarter tout risque de fuite.
À ces différents éléments s'ajoute la condamnation du recourant à une peine privative de liberté ferme de 24 mois, confirmée par jugement de la Cour pénale du 17 avril 2024. Certes, le jugement sur appel n'est pas encore définitif. Il constitue néanmoins un indice supplémentaire de la peine susceptible de devoir être exécutée (ATF 143 IV 168 consid. 5.1). Quoi qu'en dise le recourant, il s'expose à devoir purger un solde de peine de 12 mois, sous réserve d'une libération conditionnelle aux conditions de l'art. 86 CP, dont la réalisation est cependant incertaine. Il apparaît dès lors, au vu de l'ensemble des circonstances évoquées, qu'un départ à l'étranger ou une entrée dans la clandestinité, même sans ressources particulières, pourraient constituer, aux yeux du recourant, des alternatives préférables à celle de devoir affronter l'éventualité d'une incarcération sans être certain d'être libéré conditionnellement aux deux tiers de sa peine.
Le recourant n'expose en outre pas - et on ne voit pas - en quoi le fait d'avoir demandé une réparation pour des jours de détention dans des conditions illicites serait propre à influer sur l'existence d'un risque de fuite. En tant qu'il allègue par ailleurs qu'il serait "le roi des imbéciles" de fuir alors qu'il serait innocent, il démontre au contraire, en niant toute responsabilité pénale dans les faits qui lui sont reprochés, que, le cas échéant, sa condamnation sera difficile à accepter et qu'il pourrait être réticent à exécuter un solde de peine. Enfin, comme l'a relevé l'autorité précédente, le fait que le recourant se soit présenté à chaque convocation devant le tribunal de première instance n'est pas de nature à modifier une telle appréciation.
5.
5.1. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., il convient par ailleurs d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.
5.2.
5.2.1. Le recourant - qui se borne à indiquer qu'il existerait une possible mesure de substitution en raison d'une promesse d'embauche - échoue en l'occurrence à établir, par une motivation conforme aux exigences en la matière, en quoi l'autorité cantonale aurait violé le droit (soit en particulier l'art. 237 CPP) en retenant qu'aucune mesure de substitution n'était envisageable (cf. art. 42 al. 2 LTF).
Pour le surplus, l'autorité précédente a écarté à juste titre la possibilité de prononcer des mesures de substitution à la détention du recourant. En effet, au regard des considérations qui précèdent, on ne voit pas quelles mesures de substitution pourraient être suffisantes pour pallier le risque de fuite. La saisie des documents d'identité n'est pas de nature à empêcher le recourant de passer dans la clandestinité ou de s'enfuir à l'étranger (ATF 145 IV 503 consid. 3.2 et 3.3.2), en particulier dans un pays limitrophe comme la France pouvant être rejoint par la voie terrestre en principe sans contrôle d'identité en raison de l'espace Schengen. Une interdiction de quitter la Suisse, respectivement l'obligation de se présenter régulièrement à un poste de police ou de donner suite aux convocations judiciaires, sont également impropres à pallier le risque de fuite existant. Il en va finalement de même de toute autre mesure ne reposant que sur la volonté de l'intéressé de s'y soumettre, telle que l'obligation d'avoir un travail régulier que le recourant semble proposer sans autre développement.
5.2.2. En tant que le recourant se plaint de douleurs au foie qui ne pourraient pas être traitées en détention, un tel grief ne se rapporte pas aux conditions de son maintien en détention, mais relève du régime carcéral (cf. arrêts 7B_1013/2023 du 9 janvier 2024 consid. 5.4; 1B_145/2023 du 12 avril 2023 consid. 5.3). Rien ne permet au reste d'exclure que le recourant puisse avoir accès aux soins que sa santé requiert, à mesure de sa nécessité, et que, le cas échéant, il soit pris en charge par le service médical de l'établissement de détention (cf. art. 64 de la loi neuchâteloise sur l'exécution des peines et des mesures pour les personnes adultes [LPMPA/NE; RS/NE 351.0]).
5.2.3. Enfin, du point de vue temporel, compte tenu des infractions reprochées et de la peine prononcée en première instance, confirmée par la Cour pénale, ainsi que de la durée de la détention déjà subie, le principe de la proportionnalité demeure également respecté.
L'autorité précédente est cependant invitée à examiner avec prudence la durée de la détention avant jugement, lorsque celle-ci s'approchera de celle de la peine privative de liberté encourue, étant observé que le rapport entre la durée de la détention déjà subie et celle encourue n'est en tout cas pas seul déterminant (cf. ATF 145 IV 179 consid. 3; arrêt 1B_279/2020 du 23 juin 2020 consid. 3.3).
5.3. En définitive, vu le risque de fuite existant, le défaut de mesures de substitution propres à le réduire et la peine privative de liberté encourue, l'autorité précédente pouvait, sans violer le droit fédéral, rejeter la demande de mise en liberté du recourant.
6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire. Les conditions y relatives étant réunies, l'assistance requise sera octroyée sous la forme de la dispense de payer les frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale, à l'Office d'exécution des sanctions et de probation du canton de Neuchâtel et à Maika Pedisic, Neuchâtel.
Lausanne, le 27 août 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière