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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.226/2002 /ech 
 
Arrêt du 27 septembre 2002 
Ire Cour civile 
 
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre, 
greffière Aubry Girardin. 
 
X.________ S.A., 
défenderesse et recourante, représentée par Me Matteo Inaudi, avocat, avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève, 
 
contre 
 
A.________, 
demandeur et intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève. 
 
interprétation d'un contrat; dol; erreur 
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 17 mai 2002). 
 
Faits: 
A. 
Jusqu'au 1er janvier 1998, A.________ était le directeur général adjoint de X.________ S.A. (ci-après: X.________), dont le siège est à Genève et qui a pour but la gestion de fortune, ainsi que la participation à des opérations de nature commerciale. 
 
X.________ a été l'administratrice de la société française Y.________. 
 
Le 1er avril 1991, le président directeur général de Y.________ et son frère ont vendu leur participation au capital de cette société à la famille B.________. 
 
A la suite de cette opération, un certain nombre de procédures judiciaires, civiles et pénales, ont été ouvertes en France à l'encontre de X.________ et de A.________ notamment. 
 
Le 16 avril 1997, les parties en litige ont signé une convention intitulée "Protocole de transaction" (ci-après: le Protocole) dont le but était l'indemnisation du préjudice subi par Y.________ et par la société qui avait joué le rôle d'intermédiaire lors de la vente du 1er avril 1991, moyennant le renoncement par ces sociétés à toutes actions civiles et pénales. S'agissant du volet civil, X.________, son directeur général, A.________ et deux autres sociétés s'engageaient à verser 6'000'000 FF en faveur de la famille B.________ notamment; quant au volet pénal, le versement prévu s'élevait à 15'500'000 FF, auquel s'ajoutait un montant supplémentaire de 4'000'000 FF payable à condition que X.________ et son directeur général bénéficient d'une relaxe ou d'un non-lieu et que A.________ bénéficie d'une pareille mesure pour le chef de complicité d'escroquerie dont il était accusé. 
 
Presque simultanément, X.________, son directeur général, A.________ et une autre société ont signé, sous forme d'un courrier daté du 22 avril 1997, une convention (ci-après: la Convention). Cet accord avait pour but de régler les aspects financiers du litige opposant les signataires à la famille B.________. Il était prévu que la participation financière de A.________ et du directeur général de X.________ dans l'affaire Y.________ était limitée à 5'000'000 FF. Quant à X.________, elle s'engageait pour le surplus en ces termes : "réclamations financières de toute nature déjà formulées ou qui pourraient l'être dans le futur par qui que ce soit. A titre d'exemple, et sans que cette énumération revête un caractère exhaustif, nous citons (...) y compris frais de justice et d'avocat". En outre, la Convention prévoyait que "le présent courrier, qui vaut convention entre nous, ne saurait être affecté ou modifié en aucune manière par la convention que notre société s'apprête à signer avec le groupe B.________ et les créanciers de Y.________, voire par toute autre convention, à moins qu'il n'y soit expressément mentionné ou qu'il soit convenu entre nous qu'une telle convention emporte modification des présentes. Notre accord demeure valable même en cas de non-signature ou convenable exécution de toute convention signée ou à passer". 
 
Le 28 novembre 1997, un montant de 5'000'000 FF a été débité du compte de A.________ auprès de X.________ et versé sur un compte de passage auprès de cette société. 
 
Les obligations découlant du Protocole ont été dûment exécutées de part et d'autre. 
 
Par la suite A.________ a contesté la validité du Protocole, affirmant qu'il s'était engagé sous la contrainte de plaintes pénales et qu'il entendait récupérer les sommes indûment versées, soit en ce qui le concernait 5'000'000 FF. 
 
Le 19 juin 1998, il a indiqué au directeur général de X.________ qu'il entendait bien ne rien verser à l'hoirie B.________, mais que sa contribution dans le cadre de la solution transactionnelle intervenue dans la procédure en comblement de passif n'était, quant à elle, absolument par remise en cause. 
 
Les consorts B.________ et d'autres sociétés se sont à nouveau constitués parties civiles à l'ouverture du procès pénal devant se tenir du 12 au 14 octobre 1998 en France, afin de statuer, entre autres, sur le sort de A.________. 
 
Par lettre du 8 juin 1999, X.________ a notifié à A.________ l'invalidation de la Convention pour erreur essentielle, voire dol. Elle lui reprochait d'avoir eu l'intention de dénoncer le Protocole déjà lors de la conclusion de ladite convention. 
B. 
Le 19 juillet 2000, A.________, se fondant sur la Convention, a assigné X.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève en paiement de 267'850 FF avec intérêt à 5 % dès le 30 décembre 1998. Ce montant correspondait à une note d'honoraires de son avocat français se rapportant à l'activité déployée par ce dernier durant l'année 1998 dans le cadre de la procédure pénale relative à l'affaire Y.________. 
 
X.________ s'est opposée aux prétentions de A.________ en invoquant l'invalidation de la Convention pour dol ou erreur essentielle. 
 
Par jugement du 22 juin 2001, le Tribunal de première instance a condamné X.________ au paiement du montant réclamé par A.________. 
 
Ce jugement a été confirmé, le 17 mai 2002, par la Chambre civile de la Cour de justice. Celle-ci a rejeté l'appel interjeté par X.________ en considérant, à l'instar des juges de première instance, que l'appelante ne pouvait invoquer le dol ou l'erreur pour se soustraire à la Convention. 
C. 
Contre l'arrêt du 17 mai 2002, X.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral, dans lequel elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au déboutement de l'ensemble des prétentions formées par A.________. 
 
A.________ (le demandeur) propose au Tribunal fédéral de rejeter le recours dans la mesure où il serait recevable et de confirmer l'arrêt du 17 mai 2002. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
La défenderesse semble avoir perdu de vue ces principes. Pour étayer les violations du droit fédéral dont elle se prévaut, elle présente, de manière appellatoire, sa propre version des événements, qui diverge des faits constatés par la cour cantonale, mais sans se prévaloir d'une des exceptions lui permettant de s'en écarter. Tout en relevant à juste titre qu'une telle argumentation n'est pas admissible, le demandeur y répond en se fondant lui aussi sur des faits ne figurant pas dans l'arrêt attaqué, de sorte que la Cour de céans n'en tiendra pas davantage compte dans son raisonnement. C'est donc exclusivement à la lumière des éléments de fait retenus par les juges cantonaux que les critiques de la défenderesse seront examinées. 
2. 
En application de la Convention, le demandeur peut prétendre au remboursement par la défenderesse de la note d'honoraires de son avocat français portant sur 267'850 FF, ce qui n'est du reste pas contesté. Le litige porte uniquement sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en refusant d'admettre l'existence d'un dol ou d'une erreur qui aurait permis à la défenderesse d'invalider la Convention et d'échapper ainsi à ses engagements. 
3. 
A titre liminaire, la défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir à tort procédé à une interprétation de la Convention, afin de déterminer la volonté commune des parties, alors qu'il s'agissait uniquement de se prononcer sur l'existence d'un vice du consentement. 
 
Il est vrai qu'il ne peut y avoir vice du consentement que si les parties ont passé un accord (ATF 105 II 23 consid. 2b p. 26). Toutefois, la cour cantonale n'a pas interprété la Convention pour remettre en cause la volonté concordante des parties de conclure un tel acte, mais afin d'examiner si le comportement reproché au demandeur par la défenderesse, à savoir signer la Convention, alors qu'il aurait déjà eu l'intention de dénoncer le Protocole ultérieurement, pouvait constituer un dol. On ne voit manifestement pas en quoi le recours aux règles d'interprétation dans un tel contexte pourrait se révéler incompatible avec les principes régissant les vices du consentement (cf. par exemple ATF 123 III 165 consid. 3). 
4. 
La défenderesse invoque ensuite une violation de l'art. 28 CO, faisant grief à la cour cantonale de n'avoir pas admis que le demandeur s'était rendu coupable d'une tromperie en lui taisant, lors de la signature de la Convention, qu'il avait la volonté de se départir par la suite du Protocole. 
4.1 Selon l'art. 28 CO, la partie induite à contracter par le dol de l'autre n'est pas obligée, même si son erreur n'est pas essentielle. Le dol suppose que la partie qui s'en prévaut ait conclu le contrat sur la base d'une erreur provenant d'une tromperie intentionnelle et que, sans cette erreur, elle ne se serait pas engagée ou alors à des conditions qui lui auraient été plus favorables (cf. Gauch/ Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil I, 7e éd. Zurich 1998, no 856). La tromperie peut consister soit dans de fausses déclarations soit dans la dissimulation d'éléments de fait; la dissimulation de faits ne constitue toutefois une tromperie que s'il existe un devoir de renseigner, qui peut découler de la loi, du contrat ou de la bonne foi (ATF 117 II 218 consid. 6a; 116 II 431 consid. 3a). On admet que, dans le cadre de pourparlers contractuels, il existe un rapport de confiance qui oblige les parties à se renseigner l'une l'autre de bonne foi dans une certaine mesure sur les faits qui sont de nature à influencer la décision de l'autre partie de conclure le contrat ou de le conclure à certaines conditions (ATF 106 II 346 consid. 4a p. 351; 105 II 75 consid. 2a p. 80). L'étendue du devoir d'information des parties ne peut être déterminée de façon générale, mais dépend des circonstances du cas particulier, notamment de la nature du contrat, de la manière dont les pourparlers se sont déroulés, de même que des intentions et des connaissances des participants (ATF 116 II 431 consid. 3a; 105 II 75 consid. 2a p. 80). Enfin, il convient de préciser que l'établissement des circonstances et la détermination de la volonté des parties relèvent du fait et lient donc le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 II 171 consid. 4c/bb p. 182; 123 III 165 consid. 3a et l'arrêt cité). 
4.2 La cour cantonale a nié l'existence d'une tromperie. Laissant ouvert le point de savoir si le demandeur avait déjà l'intention de dénoncer le Protocole lors de la conclusion de la Convention, les juges ont considéré que, même si tel était le cas, celui-ci n'avait de toute manière pas dissimulé des faits qu'il était tenu de révéler selon les règles de la bonne foi. Pour aboutir à cette conclusion, ils se sont fondés sur le texte de la Convention qui prévoyait que celle-ci était indépendante de toute autre et demeurait valable en cas de non-signature ou de non-exécution de toute autre convention. Ils en ont déduit que la défenderesse, qui était rompue aux affaires, avait ainsi accepté le risque de se voir obligée par la Convention, même en cas de non-signature du Protocole. Interprétant la clause en question, la cour cantonale a retenu que les parties avaient voulu insister sur le caractère indépendant de la Convention, ce que le texte de celle-ci exprimait très clairement, et qu'il fallait en inférer que les parties voulaient que cet accord demeure valable non seulement en cas de non-signature ou convenable exécution, mais aussi en cas de dénonciation de toute autre convention. 
 
Sur la base de ces considérations sur la volonté subjective des parties, que la défenderesse cherche en vain à remettre en cause à la fin de son recours, sous le couvert de l'art. 18 CO, perdant de vue qu'elles relèvent du fait et qu'elles ne peuvent être revues dans le cadre de la présente procédure (cf. supra consid. 1 et 4.1 in fine), on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait violé l'art. 28 CO. En effet, il est exclu de reprocher au demandeur, en vertu des règles de la bonne foi, de ne pas avoir révélé son éventuelle intention de contester ultérieurement le Protocole lors de la conclusion de la Convention, alors qu'il a été constaté que les parties voulaient que les deux accords soient indépendants et que la Convention ne puisse pas être influencée par la non-signature, l'inexécution ou la dénonciation ultérieure du Protocole ou de toute autre convention. En outre, l'arrêt attaqué ne retient pas que le demandeur aurait eu l'intention de tromper la défenderesse. Au contraire, il ressort des faits que celui-ci a, pour sa part, respecté ses obligations découlant de la Convention, puisqu'il a fourni à la défenderesse le montant de 5'000'000 FF convenu. 
5. 
Il reste à examiner si, comme le soutient la défenderesse, la cour cantonale a méconnu les art. 23, 24 al. 1 ch. 4 et 25 CO, en refusant d'admettre l'invalidation de la Convention pour erreur essentielle. 
5.1 Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle. L'erreur est essentielle, notamment lorsqu'elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO). L'erreur doit donc concerner un élément de fait décisif, sans lequel la partie qui s'en prévaut n'aurait pas conclu le contrat ou en 
tout cas pas aux mêmes conditions (cf. ATF 118 II 297 consid. 2c p. 300 s.; 114 II 131 consid. 2). En d'autres termes, il doit exister un lien de causalité entre l'erreur et l'accord convenu (Schmidlin, Commentaire bernois, art. 23/24 CO no 40 ss; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd. Berne 1997, p. 329). 
5.2 En l'espèce, cette condition fait clairement défaut, dès lors qu'il a été constaté que les parties ont voulu garantir l'indépendance de la Convention et le maintien de sa validité, quelle que soit l'issue du Protocole. Par conséquent, même si le demandeur avait déjà eu l'intention de dénoncer le Protocole au moment de la signature de la Convention, ce qui n'a du reste même pas été établi, et que la défenderesse ait été dans l'erreur à ce sujet, on ne voit pas l'influence qu'aurait pu exercer cet élément sur l'accord du 22 avril 1997. La défenderesse ne pouvait ainsi invoquer les art. 23 et 24 al. 1 ch. 4 CO pour invalider la Convention. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu d'examiner si, au surplus, celle-ci s'est prévalue d'une erreur d'une façon contraire aux règles de la bonne foi, en application de l'art. 25 CO
5.3 Enfin, comme aucune des causes d'invalidation invoquées par la défenderesse ne peut être valablement retenue, la question de savoir si la déclaration d'invalidation a été formulée passé le délai d'une année prévu à l'art. 31 CO ou si la défenderesse a expressément ratifié la Convention dans ce délai, comme l'invoque le demandeur, n'a pas d'intérêt. 
 
Le recours sera par conséquent rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. 
6. 
Les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. 
2. 
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 
3. 
La défenderesse versera une indemnité de 5'000 fr. au demandeur à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 27 septembre 2002 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: La greffière: