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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_25/2024  
 
 
Arrêt du 27 novembre 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Tano Barth, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Refus de retirer diverses pièces de la procédure, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 29 décembre 2023 (P/19944/2023 - ACPR/1005/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ fait l'objet d'une instruction pénale dirigée par le Ministère public de la République et canton de Genève pour séquestration et enlèvement (art. 183 ch. 1 et 2 CP), subsidiairement pour tentative de séquestration et enlèvement (art. 22 CP en lien avec l'art.183 ch. 1 et 2 CP), pour actes préparatoires délictueux de meurtre (art. 260bis al. 1 let. a CP) ainsi que pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).  
En particulier, il est reproché à A.________, né en 1994, d'avoir intentionnellement enlevé l'enfant B.________, né en 2020, dans le but de le tuer. Au moment des faits, qui se seraient déroulés le 14 septembre 2023, vers 19 heures 15, à hauteur du préau de l'école primaire N.________, à U.________, la soeur de l'enfant, elle-même âgée de 16 ans, n'aurait pas été en mesure d'empêcher A.________ de quitter les lieux avec son frère dans les bras. Ce serait grâce à l'intervention d'un témoin que A.________ aurait finalement lâché l'enfant, avant de prendre la fuite en courant, non sans avoir au préalable tenté de frapper le témoin. 
 
A.b. A.________ a été interpellé par la police le même 14 septembre 2023. Le rapport d'interpellation établi le 15 septembre 2023 faisait état de ce qui suit:  
 
"Acheminé [à l'hôtel de police], A.________ a été soumis à un éthylotest, qui s'est révélé négatif. Au moment de la fouille de sécurité, il s'est violemment opposé aux gendarmes, à plusieurs reprises. Au final, il a été fait appel à un médecin afin de calmer A.________. La Dre C.________ de Genève-Médecins est intervenue. Dans un premier temps, elle a administré 2mg de Temesta, ce qui n'a pas permis [de l'apaiser]. Notons que lors d'un échange informel réunissant les policiers, la praticienne et le prévenu, ce dernier a indiqué qu'il entendait des voix et que ces voix lui avaient ordonner "de le tuer". Au final, la Dre C.________ a fait appel à une ambulance via le 144 et ordonné l'acheminement du prévenu aux Urgences de psychiatrie des HUG, sous garde policière". 
Il y était en outre précisé, sous les rubriques "Faits reprochés" et "Auditions", que A.________ n'avait pas pu être auditionné. En outre, il n'avait pas été "en mesure de signer un quelconque document de procédure, au vu de son état psychologique". 
 
A.c. Du 15 septembre 2023 au 5 octobre 2023, A.________ a été placé à des fins d'assistance à l'Unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire de O.________, avant d'être transféré à la prison de P.________, en détention provisoire.  
 
A.d. Selon le rapport établi le 4 octobre 2023 dans le cadre de l'expertise ordonnée par le Tribunal genevois de protection de l'adulte et de l'enfant dans le cadre du placement évoqué ci-avant, A.________ présentait, au moment des faits, une décompensation délirante d'une schizophrénie paranoïde.  
 
B.  
 
B.a. Le 15 octobre 2023, A.________ a sollicité du Ministère public le retrait de diverses pièces de la procédure, soit en particulier du rapport d'interpellation du 15 septembre 2023 ainsi de toutes les autres pièces faisant référence à "l'échange informel" intervenu à l'hôtel de police ensuite de son interpellation.  
Selon A.________, cet échange informel serait intervenu en violation des droits de la défense et constituerait donc une preuve inexploitable. 
 
B.b. Par avis du 16 octobre 2023, le Ministère public a informé A.________ qu'aucune pièce ne serait retirée du dossier pénal.  
 
B.c. Par arrêt du 29 décembre 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ contre l'avis du 16 octobre 2023.  
 
C.  
 
C.a. A.________ interjette un recours en matière pénale contre l'arrêt du 29 décembre 2023. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que soient ordonnés le retrait du dossier pénal, la conservation à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis la destruction de différentes pièces, qu'il énumère. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.  
 
C.b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours.  
La Chambre pénale de recours ne formule pas d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu au cours d'une procédure pénale par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Il est donc susceptible de faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF.  
 
1.2.  
 
1.2.1. L'arrêt attaqué, confirmant le refus du Ministère public de retrancher des pièces produites au dossier, ne met pas un terme à la procédure pénale engagée contre le recourant.  
Vu son caractère incident, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'en présence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant généralement pas applicable en matière pénale (ATF 144 IV 127 consid. 1.3). Le préjudice irréparable au sens de la disposition susmentionnée se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 144 IV 127 consid. 1.3.1). 
 
1.2.2. Les décisions relatives à l'administration ou à l'exploitation des preuves (cf. art. 140 et 141 CPP) ne sont en principe pas de nature à entraîner un dommage juridique irréparable (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; 144 IV 90 consid. 1.1.3; 143 IV 387 consid. 4.4; arrêt 7B_625/2024 du 9 septembre 2024).  
Le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un tel préjudice, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure. En particulier, la question de la légalité des moyens de preuve peut être soumise au juge du fond (art. 339 al. 2 let. d CPP), autorité dont il peut être attendu qu'elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence. Les motifs retenus par le juge de première instance peuvent ensuite être contestés dans le cadre d'un appel (cf. art. 398 ss CPP) et, en dernier ressort, le prévenu peut remettre en cause ce jugement devant le Tribunal fédéral (art. 78 ss LTF; ATF 144 IV 90 consid. 1.1.3; 143 IV 387 consid. 4.4). 
Cette règle comporte toutefois des exceptions. Tel est le cas lorsque la loi prévoit expressément la restitution immédiate, respectivement la destruction immédiate, des preuves illicites (cf. notamment l'ancien art. 248 dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881], ainsi que les art. 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP). Il en va de même quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée. De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1; cf. ATF 148 IV 82 consid. 5.4; arrêts 7B_6/2024 du 6 mai 2024 consid. 1.4.2; 7B_625/2024 du 9 septembre 2024 consid. 2.2.2). 
 
1.2.3. Il incombe, d'une manière générale, au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir et ceux permettant de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 148 IV 155 consid. 1.1; arrêts 7B_420/2024 du 5 août 2024 consid. 1.4; 7B_175/2024 du 11 juillet 2024 consid. 2.1).  
 
1.3. En l'espèce, le recourant soutient que le rapport d'interpellation établi par la police le 15 septembre 2023, tout comme les autres pièces du dossier qui en ferait mention, seraient inexploitables au regard de l'art. 141 CPP. Il fait principalement valoir que le rapport en cause ferait état de déclarations qu'il avait faites à titre informel, sans la présence d'un avocat et sans avoir été informé de ses droits au sens de l'art. 158 CPP.  
Il expose, à titre subsidiaire, que le rapport, ainsi que les autres pièces du dossier en faisant mention, seraient également inexploitables en vertu de l'art. 140 CPP du fait qu'il se serait trouvé en pleine crise schizophrénique à la suite de son interpellation, que du Temesta (2mg) - un puissant anxiolytique - lui aurait alors été administré de force et qu'il aurait donc été incapable de discernement au moment de cet échange informel ou, à tout le moins, qu'il n'aurait disposé que de facultés intellectuelles restreintes au sens de l'art. 140 CPP; les déclarations en cause seraient également inexploitables dans la mesure où elles avaient été faites en présence de la Dre C.________, soumise au secret médical. 
 
1.4. Par de telles explications, le recourant ne parvient pas encore à démontrer que le maintien au dossier du rapport litigieux, ainsi que des autres pièces en faisant mention, l'exposerait en l'état à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a CPP.  
 
1.4.1. On rappellera en premier lieu que, si l'art. 131 al. 3 CPP prévoit le caractère inexploitable des auditions du prévenu effectuées sans l'assistance d'un avocat, il n'impose pas pour autant leur retranchement du dossier et leur destruction immédiate, contrairement aux cas visés aux art. 248, 271 al. 3, 277 et 289 al. 6 CPP, de sorte que le recourant ne subit aucun préjudice irréparable du fait de leur maintien au dossier pénal durant l'instruction (ATF 141 IV 289 consid. 2.9; arrêt 1B_444/2022 du 4 novembre 2022 consid. 2.2).  
 
1.4.2. Au reste, le recourant ne parvient pas à démontrer que le constat du caractère illicite des moyens de preuve visés s'imposerait d'emblée à ce stade de la procédure.  
Il n'y a en effet rien d'évident à considérer que des déclarations spontanément faites à un agent de police, ou plus largement des discussions informelles avec les autorités pénales, seraient en tout état inexploitables. Comme l'a relevé la cour cantonale, la question fait ainsi l'objet de débats doctrinaux selon les différents cas de figure envisageables (cf. les références citées dans l'arrêt attaqué [consid. 3.3 p. 6 s.]). À tout le moins, en tant que le recourant axe son argumentation principalement sur l'absence de droits à lui signifiés en vertu de l'art. 158 CPP, on observera que la police est néanmoins habilitée, lors de ses investigations (cf. art. 306 CPP), à entamer des discussions informelles avec les personnes dans le but de clarifier les faits et de déterminer les infractions qui ont été commises (cf. arrêt 6B_284/2022 du 16 novembre 2022 consid. 3.1.2 et les références citées; cf. également ATF 143 IV 397 consid. 3.4.2). 
Cela étant relevé, il demeurera loisible au recourant de soulever devant le juge du fond la question de la légalité des moyens de preuve dont il demande le retranchement. 
 
1.4.3. De même, c'est bien au juge du fond qu'il appartiendra, le cas échéant, de déterminer, à la lumière de l'ensemble des éléments recueillis en cours d'instruction, si les déclarations en cause doivent être écartées du dossier pour des motifs liés à une éventuelle incapacité de discernement du recourant au moment de son échange avec les policiers ou à un hypothétique secret auquel aurait été tenu le médecin présent lors de cet échange informel.  
En l'état, à défaut d'une inexploitabilité qui apparaisse comme d'emblée évidente à ces égards, le recourant ne peut pas justifier d'un risque de préjudice irréparable. 
 
1.4.4. Enfin, il ne suffit pas non plus au recourant de se plaindre d'un possible allongement de la procédure lié au maintien au dossier du rapport litigieux, une telle circonstance constituant, de jurisprudence constante, un inconvénient de fait et non un préjudice de nature juridique au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (cf. ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 144 IV 321 consid. 2.3; 144 III 375 consid. 1.2). Il n'est à cet égard pas décisif que le recourant se trouve en détention provisoire, étant observé qu'il n'y a rien d'évident non plus à considérer que le retranchement des pièces en question permettrait, à lui seul, de rendre injustifié son maintien en détention.  
 
1.5. En conséquence, dès lors que l'existence d'un préjudice irréparable n'est ni établie ni manifeste, la décision attaquée ne saurait faire l'objet d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral.  
 
2.  
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable. 
Comme le recours était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires; ceux-ci seront toutefois fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 27 novembre 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely