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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_19/2024, 9C_20/2024  
 
 
Arrêt du 27 novembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
9C_19/2024 
A.________ AG, 
représentée par Mes Fouad Sayegh et Yacine Rezki, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne, 
intimée, 
 
et 
 
9C_20/2024 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ AG, 
représentée par Mes Fouad Sayegh et Yacine Rezki, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
Redevance de radio-télévision des entreprises selon art. 70 ss LRTV, période fiscale 2021, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 17 novembre 2023 (A-2570/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ AG (ci-après: la société ou la contribuable) est inscrite au registre du commerce du canton de U.________. 
En date du 23 mars 2021, l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) lui a facturé la redevance de radio-télévision pour l'année 2021 à hauteur de 2'505 fr. (catégorie tarifaire 9). La société s'étant opposée à la perception de la redevance, l'AFC a fixé celle-ci à 2'505 fr. plus intérêts moratoires pour l'année 2021, par décision du 9 mai 2022. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 17 novembre 2023, le Tribunal administratif fédéral, Cour I, a partiellement admis le recours de la société dans le sens des considérants et a constaté que l'art. 67b al. 2 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur la radio et la télévision (ORTV; RS 784.401) est contraire à la Constitution. Il a rejeté le recours pour le surplus (ch. 1 du dispositif). En bref, il a considéré que malgré son caractère non conforme à la Constitution, l'art. 67b al. 2 ORTV devait néanmoins continuer à s'appliquer pour des motifs de proportionnalité et de sécurité du droit, de sorte que la redevance pour l'année 2021, d'un montant de 2'505 fr., était due. 
 
C.  
A.________ AG et l'AFC interjettent toutes deux un recours en matière de droit public contre cet arrêt. 
A.________ AG conclut à la réforme de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral en ce sens que la décision de l'AFC du 9 mai 2022 est annulée (cause 9C_19/2024). 
L'AFC conclut quant à elle à l'annulation du ch. 1 du dispositif de l'arrêt du 17 novembre 2023, dans la mesure où il a été constaté que l'art. 67b al. 2 ORTV est contraire à la Constitution (cause 9C_20/2024). 
Alors que la contribuable conclut principalement à l'irrecevabilité du recours de l'AFC et subsidiairement à son rejet, l'AFC conclut au rejet du recours de A.________ AG. Les parties se sont encore déterminées sur leur réponse respective. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Les deux recours déposés devant la Cour de céans sont dirigés contre le même arrêt du Tribunal administratif fédéral. Ils s'inscrivent dans le même contexte procédural et factuel et sont tous deux recevables (cf. infra consid. 1.3). Il se justifie par conséquent de joindre les causes et de les traiter en un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]; cf. ATF 142 II 293 consid. 1.2 in fine). Une jonction se justifie d'ailleurs d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, aussi bien l'administration fiscale que le contribuable déposent un recours en matière de droit public.  
 
1.2. Les recours sont dirigés contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est dès lors en principe ouverte.  
 
1.3. Il convient d'examiner en particulier la qualité pour recourir de l'AFC, qui est contestée par la société. Celle-ci fait valoir que l'art. 67b al. 2 ORTV demeure applicable selon l'arrêt déféré, de sorte que le recours de l'AFC serait purement abstrait.  
 
1.3.1. Le droit de recours des autorités fédérales selon l'art. 89 al. 2 let. a LTF est de nature abstraite et autonome. Il sert à assurer une application correcte et uniforme du droit fédéral. Les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF ne sont pas applicables aux autorités fédérales qui recourent sur cette base. Il en découle notamment que leur qualité pour recourir n'est pas liée à un intérêt digne de protection ou à un intérêt public spécifique, car l'intérêt à une application uniforme du droit fédéral suffit. En revanche, le droit de recours de l'autorité ne doit pas être utilisé pour favoriser des intérêts purement privés ou dans le seul but de venir en aide à un particulier. Ainsi, le Tribunal fédéral a admis la qualité pour recourir de l'AFC dans des cas où l'autorité de recours avait confirmé sa décision de taxation, sur la base d'une autre motivation. Le recours de l'autorité fiscale ne portait alors que sur la motivation, sans qu'une admission de celui-ci eût une incidence dans le cas d'espèce sur les intérêts fiscaux de la Confédération. Le recours prévu par l'art. 89 al. 2 let. a LTF ne permet toutefois pas de porter à l'examen du Tribunal fédéral une question sans lien avec la réalité; il doit porter sur des problématiques concrètes rattachées à un cas particulier. Le recours doit en outre présenter une certaine actualité et - à tout le moins potentiellement - une certaine pertinence ("Aktualität und Relevanz"). En définitive, l'exercice du droit de recours spécial des autorités fédérales suppose un intérêt actuel et pratique comparable à celui exigé à l'art. 89 al. 1 LTF, mais qui peut se concentrer sur l'application correcte du droit fédéral (arrêt 2C_392/2022 du 15 novembre 2022 consid. 1.2.3 et les références).  
 
1.3.2. En l'espèce, contrairement à ce que la société allègue, l'AFC dispose de la qualité pour recourir contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral fondée sur l'art. 89 al. 2 let. a LTF, en lien avec les art. 4 al. 1 et 12 de l'ordonnance fédérale du 17 février 2010 sur l'organisation du Département fédéral des finances (Org DFF; RS 172.215.1). En effet et en premier lieu, l'administration recourante agit dans le cadre de son domaine de compétence: elle peut rendre une décision relative au montant de la redevance due (art. 70b al. 2, 5 et 6 de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et télévision [LRTV; RS 784.40]; art. 13 let. e Org DFF) sur la base de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021) et est chargée, outre de la facturation, des procédures de recours concernant la redevance (cf. Message du 29 mai 2013 relatif à la modification de la loi fédérale sur la radio et la télévision [ci-après: Message radio/TV], FF 2013 4440 ch. 1.2.1). Ensuite, ainsi que le fait valoir l'AFC, la question litigieuse, qui a principalement trait à la conformité à la Constitution de l'art. 67b ORTV, n'a jamais été tranchée par le Tribunal fédéral et elle est susceptible d'apparaître dans de nombreuses autres procédures. Or si l'AFC semble ici être en droit de s'en prendre à la motivation de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, elle est d'autant plus fondée à recourir que la question soulevée joue également un rôle dans la procédure initiée par le recours de la société (cause 9C_19/2024). À l'appui de sa réponse dans cette cause, l'AFC fait en effet valoir que le tarif appliqué à la société recourante serait conforme à la Constitution, et ce contrairement à ce qu'a retenu l'instance précédente. Il existe dès lors un intérêt pratique et actuel à ce que le Tribunal fédéral s'assure, dans le cas d'espèce, que l'instance précédente a fait une application correcte du droit fédéral au regard de la question soulevée par l'AFC devant lui.  
 
1.4. De son côté, A.________ AG dispose également de la qualité pour recourir, en tant que contribuable particulièrement touchée par l'arrêt attaqué (cf. art. 89 al. 1 LTF).  
 
1.5. Les autres conditions de recevabilité étant remplies, il y a donc lieu d'entrer en matière sur les deux recours.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine toutefois la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 146 I 62 consid. 3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.  
 
3.  
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. 
La question de la recevabilité des documents publiés sur Internet auxquels renvoie l'AFC dans son recours ("enquête sur le public des médias électroniques 2021", "Redevance radio et télévision pour les entreprises, rapport d'activité et comptes annuels 2023" [publié par l'AFC], "Les résultats comptables des entreprises suisses, Années comptables 2019 et 2020" [publié par l'Office fédéral des statistiques, OFS]) - recevabilité que la société conteste en invoquant l'interdiction de l'allégation de faits nouveaux - peut demeurer indécise. Ils ne sont en effet pas pertinents pour l'issue du litige. Ainsi, "l'estimation grossière de la redevance par entreprise assujettie" proposée par l'AFC n'apporte aucun élément pour la solution du litige. Quant au document invoqué par l'AFC en relation avec son argument selon lequel le chiffre d'affaires ne serait pas un indicateur de la capacité économique, il n'a pas à être pris en considération dès lors que l'analyse de ce critère est de toute façon soustraite à l'examen du Tribunal fédéral, comme il résulte de ce qui suit (infra consid. 12.2.2). Enfin, le nombre de ménages disposant d'un équipement médiatique n'est pas déterminant en l'occurrence pour la qualification de la redevance des entreprises comme impôt ou taxe, de sorte que la contribuable allègue en vain que le document y relatif serait irrecevable. 
 
4.  
 
4.1. Le litige a trait à la perception de la redevance de radio-télévision des entreprises pour l'année 2021 auprès de la société. Il doit être examiné à la lumière de la LRTV et de l'ORTV dans leur teneur en vigueur au 1er janvier 2021, conformément au principe selon lequel à défaut de dispositions expresses contraires, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêts 2C_907/2022 du 16 décembre 2022 consid. 4.1; 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 12, non publié in ATF 147 II 155).  
 
4.2. La redevance de radio-télévision (art. 68 à 70d LRTV) a été remaniée par la modification de la LRTV du 26 septembre 2014 (acceptée en votation populaire le 14 juin 2015), avec effet au 1er juillet 2016 (RO 2016 2131). L'art. 68 LRTV prévoit que la Confédération perçoit une redevance pour le financement de l'exécution du mandat de prestations constitutionnel en matière de radio et de télévision (art. 93 al. 2 Cst.) (al. 1). La redevance est perçue par ménage et par entreprise (al. 2). Le produit et l'utilisation de la redevance ne figurent pas dans le Compte d'État, à l'exception des indemnités dues à la Confédération (al. 3). Selon l'art. 68a al. 1, 1re phrase, LRTV, le Conseil fédéral fixe le montant de la redevance pour les ménages et les entreprises.  
Sous le titre marginal "assujettissement des entreprises" figurant dans la section 3 intitulée "redevance des entreprises", l'art. 70 al. 1 LRTV prévoit qu'une entreprise est assujettie à la redevance lorsqu'elle a atteint le chiffre d'affaires minimal fixé par le Conseil fédéral durant la période fiscale au sens de l'art. 34 de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA (LTVA) close l'année civile précédente. L'al. 2 précise qu'"est réputée entreprise toute entité enregistrée auprès de l'AFC dans le registre des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et ayant son siège, son domicile ou un établissement stable sur le territoire suisse. N'est pas réputée entreprise une société simple au sens de l'art. 530 du code des obligations". Selon l'art. 70 al. 4 LRTV, le Conseil fédéral fixe le chiffre d'affaires minimal de sorte que les petites entreprises soient exemptées de la redevance. Aux termes de l'art. 70 al. 5 LRTV, le montant de la redevance est fixé d'après le chiffre d'affaires. Le Conseil fédéral détermine plusieurs tranches de chiffre d'affaires avec un tarif pour chaque tranche (catégories tarifaires). 
 
4.3. En exécution de l'art. 70 al. 4 et 5 LRTV, le Conseil fédéral a adopté l'art. 67b al. 1 ORTV (dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2021; RO 2020 1461), selon lequel le chiffre d'affaires annuel minimum pour l'assujettissement d'une entreprise à la redevance s'élève à 500'000 fr. L'al. 2 de cette disposition précise le montant de la redevance annuelle d'une entreprise par tranches de chiffre d'affaires selon le tableau suivant:  
 
 
chiffre d'affaires en francs  
redevance en francs  
a. Tranche 1  
de 500 000 à 749 999  
160  
b. Tranche 2  
de 750 000 à 1 199 999  
235  
c. Tranche 3  
de 1 200 000 à 1 699 999  
325  
d. Tranche 4  
de 1 700 000 à 2 499 999  
460  
e. Tranche 5  
de 2 500 000 à 3 599 999  
645  
f. Tranche 6  
de 3 600 000 à 5 099 999  
905  
g. Tranche 7  
de 5 100 000 à 7 299 999  
1 270  
h. Tranche 8  
de 7 300 000 à 10 399 999  
1 785  
i. Tranche 9  
de 10 400 000 à 14 999 999  
2 505  
j. Tranche 10  
de 15 000 000 à 22 999 999  
3 315  
k. Tranche 11  
de 23 000 000 à 32 999 999  
4 935  
l Tranche 12  
de 33 000 000 à 49 999 999  
6 925  
m. Tranche 13  
de 50 000 000 à 89 999 999  
9 725  
n. Tranche 14  
de 90 000 000 à 179 999 999  
13 665  
o. Tranche 15  
de 180 000 000 à 399 999 999  
19 170  
p. Tranche 16  
de 400 000 000 à 699 999 999  
26 915  
q. Tranche 17  
de 700 000 000 à 999 999 999  
37 790  
r. Tranche 18  
1 000 000 000 et plus  
49 925  
 
 
 
4.4. Selon les explications du Conseil fédéral à l'appui de la modification de la LRTV (adoptée le 26 septembre 2014), la nouvelle redevance des entreprises abolit l'ancien système (fondé sur l'obligation de payer la redevance liée à un appareil de réception en état de fonctionner); en raison du critère différent appliqué, elle est agencée autrement. Avec le nouveau système, il n'importe plus qu'un appareil de réception radio ou télévision soit utilisé dans une entreprise et dans quel but. La distinction effectuée jusqu'alors entre réception à titre professionnel ou à titre commercial ainsi que l'application de tarifs différenciés qui en découlaient n'ont plus lieu d'être. Selon le nouveau système, la redevance n'est plus liée à la possession d'un appareil de réception et une redevance annuelle unique doit être désormais facturée par entreprise assujettie, qui doit couvrir toutes les succursales et filiales. Dans cette mesure, la redevance ne doit plus être fixée selon les types d'utilisation des appareils (réception à titre professionnel ou à titre commercial) ou le nombre de succursales (filiales), mais selon la taille de l'entreprise, déterminée en fonction du chiffre d'affaires total (Message radio/TV, FF 2013 4457 s. ch. 2.1.3). Le remplacement de la redevance de réception par la redevance de radio-télévision (changement de système) a eu lieu au 1er janvier 2019 (art. 109b al. 2 LRTV et 86 al. 1 ORTV).  
 
5.  
 
5.1. Le Tribunal administratif fédéral a tout d'abord retenu que la redevance de radio-télévision des entreprises devait être qualifiée d'impôt et non de taxe causale ou de taxe d'incitation. En effet, ce n'était pas les prestations étatiques qui justifiaient l'assujettissement des entreprises, mais uniquement un critère d'assujettissement territoria l. L'instance précédente a rappelé ensuite qu'elle avait déjà eu l'occasion d'examiner le tarif résultant de l'art. 67b al. 2 aORTV (dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020), lequel ne contenait que six catégories tarifaires. Notamment dans son arrêt A-1378/2019 du 5 décembre 2019 (consid. 3.1 et 3.4.2 s.), elle avait alors considéré que rien ne justifiait une schématisation aussi grossière et avait constaté l'inconstitutionnalité de la norme d'exécution au regard du principe d'égalité; ce constat s'imposait également en raison du fait que le barème était dégressif. Selon les juges précédents, à la suite de leurs critiques, le Conseil fédéral a décidé le 16 avril 2020 d'affiner la structure tarifaire de l'art. 67b al. 2 aORTV, qui a été modifié avec effet au 1er janvier 2021.  
Examinant ensuite l'art. 67b al. 2 ORTV à l'aune du principe de la légalité en matière fiscale prévu par l'art. 127 al. 1 Cst., les juges précédents ont considéré que tant la qualité de contribuable que la base du calcul de l'impôt (perçu en fonction du chiffre d'affaires) étaient fixées dans la loi (cf. art. 70 LRTV), de sorte que les grandes lignes du calcul de la redevance figuraient bien dans la LRTV. Par conséquent, la marge de manoeuvre conférée au Conseil fédéral notamment quant à la fixation des paliers tarifaires n'était pas critiquable. Dans le cas d'espèce toutefois, au regard des principes de l'égalité de traitement et de la capacité contributive, la contribuable était imposée proportionnellement plus lourdement sur son chiffre d'affaires (de l'ordre de 12 millions correspondant au classement dans la catégorie 9) qu'une entreprise classée dans une catégorie tarifaire supérieure. Pour l'instance précédente, le nouvel art. 67b al. 2 ORTV était certes plus différencié et moins dégressif que l'art. 67b al. 2 aORTV, mais le nouveau tarif demeurait dégressif dans une mesure contraire à l'égalité de traitement. Ainsi, la charge relative (0,019 %) assumée par la contribuable en raison de son classement dans la catégorie 9 se révélait trois fois supérieure à celle (0,006 %) assumée par une entreprise relevant de la catégorie 16 et réalisant un chiffre d'affaires de 400 millions de francs. Partant, la modification de l'art. 67b al. 2 ORTV, entrée en vigueur au 1er janvier 2021, demeurait contraire au principe d'égalité de traitement. 
 
5.2. Nonobstant le caractère contraire à la Constitution de l'art. 67b al. 2 ORTV, le Tribunal administratif fédéral a jugé que la disposition devait néanmoins être appliquée conformément à sa jurisprudence (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-1378/2019 du 5 décembre 2019 consid. 3.4.4, lequel se réfère à l'ATF 113 Ia 46 consid. 7b). En effet, le contraire aurait pour effet que le financement de la radio et de la télévision, exigé par la Constitution, ne serait provisoirement plus garanti et une telle conséquence serait contraire au principe de proportionnalité. Aussi les juges précédents ont-ils enjoint l'auteur de l'ordonnance de réexaminer le tarif à la lumière de leurs considérations et d'élaborer un nouveau tarif sur une base progressive et/ou partiellement linéaire.  
 
6.  
 
6.1. L'AFC reproche avant tout au Tribunal administratif fédéral d'avoir qualifié la redevance de radio-télévision des entreprises d'impôt, alors qu'il s'agit d'une taxe d'imputation des coûts ou d'une taxe sui generis à laquelle le principe de l'imposition selon la capacité contributive au sens de l'art. 127 al. 2 Cst. ne serait pas applicable.  
On relèvera d'emblée qu'à l'inverse de ce que prétend la société en faisant une lecture erronée de l'ATF 142 I 155 consid. 4.4.6, ce grief est recevable devant la Cour de céans, même si l'AFC n'avait pas remis en cause le point de vue de A.________ AG au cours de la procédure de première instance, selon lequel la redevance de radio-télévision constitue un impôt (et que l'art. 127 Cst. est dès lors applicable). Conformément à la jurisprudence citée, sauf lorsqu'il agit à l'encontre du principe de la bonne foi (en procédure) - reproche que la société n'élève pas en l'occurrence à l'égard de l'AFC -, si le recourant invoque de nouveaux griefs constitutionnels pour la première fois devant le Tribunal fédéral et que l'autorité précédente disposait d'un plein pouvoir d'examen et devait appliquer le droit d'office (comme en l'occurrence), le Tribunal fédéral doit entrer en matière sur ces nouveaux griefs. 
 
6.2. Se plaignant, quant à elle, d'une violation des art. 8 et 127 al. 2 Cst., la société recourante soutient que "l'inconstitutionnalité de la décision fixant la redevance doit irrémédiablement conduire à son annulation", les conditions auxquelles une décision inconstitutionnelle peut exceptionnellement être maintenue n'étant pas réalisées.  
 
7.  
 
7.1. Compte tenu des motifs des recours, il convient tout d'abord d'examiner le grief de l'AFC sur la nature de la redevance de radio-télévision prélevée auprès des entreprises sur la base de la LRTV. Pour cet examen, il paraît utile de rappeler au préalable la différence entre les impôts et les contributions (ou taxes) causales, les taxes d'orientation n'entrant pas en considération en l'espèce (sur ces taxes, cf. ATF 147 I 16 consid. 3.3 et les références).  
 
7.2.  
 
7.2.1. Les impôts sont définis comme des contributions versées par les citoyens à la collectivité publique au titre de participation aux coûts des tâches d'intérêt général incombant à celle-ci, indépendamment d'une contre-prestation de la part de l'État (ATF 147 I 16 consid. 3.2.2; 138 II 70 consid. 5.2; 135 I 130 consid. 2).  
 
7.2.2. Selon qu'ils servent à alimenter la caisse générale de l'État ou qu'ils sont destinés à couvrir des coûts spécifiques, on distingue entre les impôts généraux et les impôts d'affectation ("Zwecksteuer"; "imposte a destinazione vincolata"). Une distinction supplémentaire peut encore être effectuée entre les impôts d'affectation qui servent à financer la réalisation de tâches d'intérêt général (routes, écoles, hôpitaux, etc.) et ceux qui servent à couvrir des coûts spécifiques causés par des personnes déterminées ou qui profitent plus spécifiquement à une partie des citoyens, par rapport à la majorité des administrés, soit les impôts dits d'attribution ou de répartition des coûts ("Kostenanlastungssteuern"). Dans ce cas, le cercle des contribuables comprend les personnes à la charge desquelles, pour des motifs objectifs et raisonnables, la collectivité publique peut mettre en priorité les dépenses en cause plutôt que de les imposer à l'ensemble des contribuables; cet impôt est dû indépendamment de l'usage ou de l'avantage obtenu individuellement par le contribuable ou de la dépense que celui-ci a provoquée. En d'autres termes, il n'est pas nécessaire que le contribuable retire un avantage individuel particulier pour justifier l'imposition. Le fait de délimiter les contribuables pouvant être appelés à participer au devoir fiscal, par des motifs objectifs et raisonnables, concrétise le principe de l'égalité (ATF 147 I 16 consid. 3.2.2; arrêt 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1.2).  
On précisera encore que les impôts dits d'imputation sont mis à la charge d'un groupe déterminé de contribuables parce que ceux-ci ont un rapport plus étroit avec certaines dépenses que l'ensemble des personnes non assujetties (principe d'équivalence simple de groupe ou "einfache Gruppenäquivalenz"). Avec de tels impôts, il n'est pas question d'un échange concret de prestations. Ce qui est plutôt déterminant, c'est le fait que les personnes concernées profitent généralement plus que d'autres des dépenses en question (proximité d'utilité abstraite ou "abstrakte Nutzennähe") ou qu'elles apparaissent comme la principale source génératrice de ces dépenses (proximité de coûts abstraite ou "abstrakte Kostennähe") (cf. arrêt 2C_397/2021 du 25 novembre 2021 consid. 4.5.1 et les références). 
 
7.2.3. Les contributions (ou taxes) causales représentent la contrepartie d'une prestation spéciale ou d'un avantage particulier appréciable économiquement accordé par l'État; elles reposent donc sur une contre-prestation étatique qui en constitue la cause. Elles sont généralement subdivisées en trois sous-catégories: les émoluments, les charges de préférence et les taxes de remplacement. Il en existe d'autres sortes, telles que les taxes régaliennes (ATF 147 I 16 consid. 3.2.1; 143 I 220 consid. 4.2; 135 I 130 consid. 2; arrêt 2C_483/2015 du 22 mars 2016 consid. 4.1.1; pour un exemple d'une taxe de régale de droit cantonal sur la chasse, cf. ATF 114 Ia 8). Les différents types de contributions causales ont en commun d'obéir au principe de l'équivalence - qui est l'expression du principe de la proportionnalité en matière de contributions publiques -, selon lequel le montant de la contribution exigée d'une personne déterminée doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celle-ci (rapport d'équivalence individuelle ou "Individualäquivalenz"; sur cette notion en particulier, cf. arrêts 2C_140/2021 du 17 novembre 2022 consid. 3.2; 2C_1001/2020 du 9 mars 2021 consid. 2.4.1). En outre, la plupart des contributions causales - en particulier celles dépendant des coûts, à savoir celles qui servent à couvrir certaines dépenses de l'État, telles que les émoluments et les charges de préférence - doivent respecter le principe de la couverture des frais. Selon ce principe, le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l'ensemble des coûts engendrés par la subdivision concernée de l'administration (ATF 149 I 305 consid. 3.2).  
Selon la jurisprudence, ce n'est que lorsque la condition d'équivalence individuelle est remplie que l'on peut partir du principe que le prélèvement en cause est une taxe causale. Dans le cas de la taxe causale, la simple proximité abstraite de l'utilité ou des coûts ne suffit pas; il faut au contraire qu'il existe une contrepartie concrète (cf. arrêt 2C_140/2021 du 17 novembre 2022 consid. 3.2 et 3.6.1 et les références). La condition préalable à la perception de la taxe causale est en effet un avantage particulier, individuel et concret, imputable à l'assujetti (ATF 131 I 313 consid. 3.3). Si l'équivalence individuelle fait défaut (ou si l'obligation de payer la taxe est simplement liée à la situation abstraite des intérêts du cercle des personnes assujetties), il faut partir du principe que le prélèvement en cause est un impôt (sous la forme d'un impôt d'imputation des coûts avec équivalence simple de groupe; cf. ATF 132 II 371 consid. 2.3; 131 I 313 consid. 3.3). 
 
8.  
 
8.1. En ce qui concerne l'ancienne redevance de réception de la radio-télévision (cf. art. 55 aLRTV dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mars 2007), le Tribunal fédéral a eu l'occasion à plusieurs reprises de qualifier cette contribution. Il a considéré que la redevance payée pour la réception de la radio et de la télévision devait être qualifiée de taxe régalienne. En effet, la réception d'émissions de radio et de télévision était limitée par l'obligation d'être titulaire d'une concession et par la redevance y relative; la taxe n'était pas perçue en contrepartie de la réception de programmes déterminés, suisses ou étrangers, mais uniquement pour l'utilisation d'un service de monopole de l'État. Partant, la redevance ne constituait pas une contribution publique causale (cf. ATF 121 II 183 consid. 3a et 3b; 109 Ib 308 consid. 5a; 101 Ib 462 consid. 2a; arrêt 2A.322/1995 du 12 janvier 1996 consid. 2b).  
Dans un second temps, le Tribunal fédéral a retenu qu'à la lumière de l'évolution du droit de la radio et de la télévision (art. 55bis aCst., repris par l'art. 93 Cst.; ancienne LRTV du 21 juin 1991 [RO 1992 601], en vigueur du 1er avril 1992 au 31 mars 2007, puis LRTV du 24 mars 2006, avec effet au 1er avril 2007), la qualification de la redevance de réception de la radio-télévision en tant que taxe régalienne ne pouvait plus être maintenue (ATF 141 II 182 consid. 6.4). La LRTV, au contraire de l'ancien droit, ne prévoyait aucun monopole pour la réception des programmes de radio et de télévision, mais instituait au contraire une liberté de réception conforme à l'art. 16 al. 3 Cst. et 10 CEDH (liberté d'information). Par conséquent, dès lors que le droit de recevoir les émissions de radio et de télévision était, de toute manière à la libre disposition de chacun sur la base de la loi et de la Constitution, ce droit ne pouvait pas être vu comme une régale étatique qui serait accordée par l'ancien Office fédéral des télécommunications à l'auditeur ou au téléspectateur. Par ailleurs, il était exclu de considérer la redevance de réception comme la contre-prestation pour la cession d'un droit de réception, la redevance en cause n'étant pas liée au droit de recevoir des émissions (ATF 141 II 182 consid. 6.4). Dans la mesure où cette redevance ne pouvait être vue ni comme une taxe régalienne ni comme la contrepartie pour une autre prestation de services fournie par la Confédération - celle-ci ne fournissant pas de prestation en dehors de sa tâche régulatrice -, elle constituait une taxe étatique que la Confédération percevait afin de pouvoir soutenir les diffuseurs financés par cette redevance, particulièrement la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR). Elle devait donc plutôt être qualifiée d'impôt d'affectation ou de contribution publique sui generis. Elle était comparable à la taxe de séjour: celle-ci était prélevée auprès d'un cercle déterminé de personnes par la collectivité publique qui transmettait le produit à une association touristique ou à l'office du tourisme afin que ceux-ci puissent fournir certaines prestations dans l'intérêt public, prestations que les redevables de la taxe pouvaient certes utiliser, sans toutefois y être en aucune manière obligés, et dont des tiers pouvaient également profiter (ATF 141 II 182 consid. 6.7 et les références). 
Par la suite, le Tribunal fédéral a confirmé que la redevance de radio-télévision constitue un impôt d'affectation. Il a précisé que cette conception s'impose d'autant plus depuis le changement de système qui a consacré le passage de l'ancienne redevance de réception à la redevance de ménage selon le droit actuel: celle-ci est perçue auprès de l'ensemble des ménages suisses, sans aucun lien avec une quelconque contrepartie ou utilité individuelle et sert au financement public d'un service public. Il en a déduit que la redevance n'est donc pas une taxe causale, car une telle taxe implique une contrepartie attribuable individuellement (ATF 145 I 52 consid. 5.2); dès lors que la redevance est perçue auprès de tous les ménages suisses et est due indépendamment de toute utilité concrète ou d'une part de causalité ("Verursacheranteil"), elle réalise les caractéristiques d'un impôt (ATF 145 I 52 consid. 5.2), singulièrement d'un impôt d'affectation puisque son produit sert à financer des tâches en relation avec la radio et la télévision ("Zwecksteuer"; arrêt 2C_852/2021 du 10 décembre 2021 consid. 2.4.3 et les références; cf. aussi arrêt 2C_547/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.4). La doctrine majoritaire considère également qu'il s'agit d'un impôt (PETER HETTICH/MAXIMILIAN SCHÖLLER, in Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 4e éd. 2023, n° 35 ss ad art. 93 Cst.; PETER KARLEN, Zum Erfinden neuer öffentlicher Abgaben, ZBI 115/2014, p. 2; RENÉ WIEDERKEHR, Sonderabgaben, in recht 35/2017, p. 43 ss; MARTIN KOCHER, Die bundesgerichtliche Kontrolle von Steuernormen, 2018, p. 508 ss n° 1354 ss; contra PETER LOCHER/GEORG MÜLLER, Ist die Haushaltsabgabe wirklich eine Steuer ?, ZBl 123/2022 p. 474 ss, cf. consid. 8.3.2 infra). 
 
8.2. À l'instar de ce qui a été jugé pour la redevance de radio-télévision des ménages (art. 69 ss LRTV), dans l'ATF 141 II 182 et l'arrêt 2C_852/2021 du 10 décembre 2021, la redevance de radio télévision prélevée auprès des entreprises selon l'art. 70 LRTV ne peut être considérée ni comme une taxe régalienne, ni comme la contrepartie pour une autre prestation de services fournie par la Confédération. De plus, il n'existe aucun motif de ne pas qualifier cette redevance d'impôt d'affectation, de la même façon que la redevance des ménages. En effet, comme dans la situation prévalant pour les ménages, le système applicable aux entreprises est indépendant de l'utilisation concrète d'un appareil de réception radio ou télévision dans une entreprise et du but de l'utilisation. On rappellera que l'application de l'art. 70 LRTV n'est plus liée à la possession d'un appareil de réception et une redevance annuelle unique doit être désormais facturée par entreprise assujettie qui couvre toutes les succursales et filiales (supra consid. 4.4).  
 
8.3. Les critiques soulevées par l'AFC sur la qualification comme impôt de la redevance en cause ne justifient pas une autre solution.  
 
8.3.1. Tout d'abord, le principe d'équivalence individuel (supra consid. 7.2.3) doit être nié en l'espèce, en l'absence d'un avantage particulier, individuel et concret, que retirerait une entreprise soumise à la redevance. Au contraire, l'obligation de payer celle-ci est simplement liée à la situation abstraite des intérêts du cercle des personnes assujetties. Il n'existe en effet pas dans ce cadre une correspondance individuelle entre la contribution réclamée au contribuable et une prestation offerte par l'État à celui-ci. En ce sens, on ne saurait considérer que le fait que la radio et la télévision contribuent indéniablement à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement (cf. art. 93 al. 2 Cst.) constitue une prestation directe que fournirait la Confédération aux assujettis. S'il est vrai, ainsi que le relève l'administration recourante, que le système de radiodiffusion est d'importance pour le fonctionnement de la démocratie directe (même pour ceux qui prétendraient ne jamais voir ou entendre de programmes suisses), on ne saurait considérer qu'une entreprise en tant qu'entité pourtant soumise à la taxe, retire un avantage concret et direct à cet égard.  
 
8.3.2. En se référant à un avis de doctrine (PETER LOCHER/GEORG MÜLLER, op. cit., p. 474 ss), l'administration recourante soutient que la particularité de la redevance des ménages et de la redevance des entreprises est que pratiquement toutes les personnes qui y sont assujetties disposent d'un équipement médiatique et que ces redevances sont aménagées en fonction des coûts. Elles correspondraient dès lors non pas à une taxe sans contrepartie prélevée pour couvrir les besoins financiers généraux des pouvoirs publics (soit un impôt), mais à une taxe causale d'imputation des coûts ou à une taxe sui generis. En substance, les auteurs auxquels l'AFC se réfèrent sont d'avis qu'au vu de l'utilisation extrêmement diversifiée des différents appareils permettant notamment la réception de programmes, il n'est pas possible de parler de taxe causale ordinaire, faute de principe d'équivalence individuelle. En revanche, une qualification de "taxe causale d'imputation" ("Kostenanlastungskausalabgabe") se justifierait en raison d'une "équivalence de groupe qualifiée" ("qualifizierte Gruppenäquivalenz"; cf. également PETER LOCHER, Von der Schwierigkeit, "neu erfundene" öffentliche Abgaben sachgerecht einzuordnen, in νόμοις πείθου - gehorche den Gesetzen: Liber amicorum für Hansjörg Seiler, 2022, p. 148).  
Cette position ne saurait être partagée. Admettre que la redevance en cause constitue une "taxe causale d'imputation" impliquerait de créer une nouvelle catégorie de taxe qui ne pourrait être distinguée des impôts d'affectation et particulièrement des impôts d'attribution que par des nuances dont on peinerait à définir les contours. L'opinion défendue par les auteurs précités revient en effet à considérer que, dans le cas des "taxes causales d'imputation des coûts", il existerait une identité prépondérante ou large entre la personne assujettie à la taxe et la personne bénéficiaire de la prestation, alors que dans le cas des "impôts d'imputation des coûts", il n'y aurait qu'une identité partielle. Or il serait tout sauf aisé de tracer avec précision où se situe exactement cette limite (cf. en ce sens, RENÉ WIEDERKEHR/CLAUDIA SOHI-HÖCHNER, Was sind eigentlich Kausalabgaben?, PJA 2023, p. 1140). Il convient donc de s'en tenir à la jurisprudence actuelle, qui fait le départ entre le principe d'équivalence individuelle et celui d'équivalence (simple) de groupe, afin de déterminer si un prélèvement particulier constitue un impôt d'imputation ou une taxe causale (cf. supra consid. 7.2.3). Dans ce contexte, l'administration recourante n'expose aucunement en quoi consisterait l'"équivalence de groupe qualifiée" des entreprises mais se limite à exposer l'avis de LOCHER/MÜLLER. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de revenir sur la qualification de la redevance de radio-télévision en tant qu'impôt d'affectation, l'argument de ces auteurs sur la palette des contenus digitaux et de radio-télévision susceptibles d'être utilisés de manière hétérogène ne suffisant pas à admettre un avantage particulier, individuel et concret de la part de l'État. 
 
8.3.3. On ne saurait pas non plus suivre l'AFC lorsqu'elle allègue que puisque la taxe litigieuse ne figure pas aux art. 126 à 135 Cst., le constituant ne l'aurait nécessairement pas qualifiée d'impôt. En premier lieu, on rappellera que sous l'empire de la Constitution de 1999, l'art. 131 Cst., qui traite des impôts spéciaux, réunit plusieurs dispositions qui étaient éparpillées dans l'ancienne Constitution (cf. THIERRY OBRIST, Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n° 1 et 2 ad art. 131 Cst.). Ensuite, il existe d'autres exemples d'impôts spéciaux qui ne figurent pas aux art. 128 à 135 Cst. mais n'en sont pas moins aussi des impôts d'attribution. On pense en particulier à la taxe prévue à l'art. 32e al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01; cf. ATF 131 II 271 consid. 5.3).  
 
9.  
Dès lors que la redevance pour la radio et la télévision perçue auprès de la contribuable doit être qualifiée d'impôt d'affectation, il convient d'examiner le grief subsidiaire de l'AFC, selon lequel c'est à tort que le Tribunal administratif fédéral a nié la conformité de l'art. 67b al. 2 ORTV à la Constitution, puisque l'art. 127 al. 2 Cst. ne serait applicable que de manière limitée à la contribution en cause. La disposition constitutionnelle - pas plus que les art. 8 al. 1 ou 9 Cst. - ne pourrait "exiger" qu'une taxe liée au chiffre d'affaires ait obligatoirement un tarif linéaire ou même progressif. 
 
10.  
 
10.1. On rappellera que le Tribunal fédéral peut examiner à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité d'ordonnances du Conseil fédéral. Il examine en principe librement la légalité et la constitutionnalité des ordonnances, dites dépendantes, de cette autorité qui reposent sur une délégation législative. Il analyse, dans un premier temps, si l'ordonnance reste dans les limites des pouvoirs conférés par la loi au Conseil fédéral, mais il ne peut pas contrôler si la délégation elle-même est admissible. Si l'ordonnance est conforme à la loi, il examine, dans un second temps, sa conformité à la Constitution, à moins que la loi permette d'y déroger. Lorsque la délégation législative est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, cette clause s'impose au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 190 Cst. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral doit se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution; il n'est pas habilité à substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral. Il se limite à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le plus approprié pour atteindre ce but. Il ne revient pas au Tribunal fédéral d'examiner l'opportunité de l'ordonnance ou de prendre position au sujet de l'adéquation politique, économique ou autre d'une disposition d'une ordonnance (ATF 148 II 444 consid. 6.2; 146 II 56 consid. 6.2.2 et les arrêts cités; arrêt 2C_35/2023 du 19 juin 2023 consid. 6.1).  
Au demeurant, dans la mesure où l'ordonnance reste dans le cadre de la délégation de compétence et ne fait que reprendre une inconstitutionnalité affectant la loi elle-même, le Tribunal fédéral ne peut, en vertu de l'art. 190 Cst., refuser de l'appliquer (ATF 131 II 271 consid. 4; 130 I 26 consid. 2.2 et les références). Ces limites s'appliquent également dans la mesure où la loi autorise le Conseil fédéral à édicter des prescriptions fiscales ou à fixer des impôts (cf. notamment ATF 131 II 735 consid. 4.1 et 4.4; arrêts 2C_677/2020 du 9 juin 2021 consid. 4.1; 2A.62/2005 du 22 mars 2006 consid. 4.1). 
 
10.2.  
 
10.2.1. En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés.  
De manière générale en matière fiscale, le principe de l'égalité de traitement est concrétisé par les principes de la généralité et de l'égalité de l'imposition, ainsi que par celui de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique. Le principe de la généralité de l'imposition interdit, d'une part, que certaines personnes ou groupes de personnes soient exonérés sans motif objectif (interdiction du privilège fiscal), car les charges financières de la collectivité qui résultent des tâches publiques générales qui lui incombent doivent être supportées par l'ensemble des citoyens (ATF 147 I 16 consid. 4.2.3; 141 I 235 consid. 7.1; 133 I 206 consid. 6.1; ATF 132 I 153 consid. 3.1); il prohibe, d'autre part, une surimposition d'un petit groupe de contribuables (interdiction de la discrimination fiscale; cf. ATF 141 I 235 consid. 7.1). 
Selon le principe de l'égalité de l'imposition, les personnes dont les situations sont semblables doivent être imposées de la même manière. À l'inverse, de réelles différences dans les situations de fait doivent mener à des charges fiscales différentes (ATF 137 I 145 consid. 2.1; 133 I 206 consid. 6.1; arrêt 2C_516/2018 du 18 juin 2018 consid. 5.1 et les références). 
D'après le principe d'imposition selon la capacité économique, toute personne doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens; la charge fiscale doit être adaptée à la substance économique à disposition du contribuable (ATF 149 II 19 consid. 5.3; 141 II 338 consid. 3.2). 
 
10.2.2. Ces différents principes de droit fiscal déduits de l'égalité de traitement doivent être respectés "dans la mesure où la nature de l'impôt le permet", comme le prévoit l'art. 127 al. 2 Cst. (cf. ATF 147 I 16 consid. 4.2.2) Sont en premier lieu visés par cette disposition les impôts ordinaires sur le revenu et la fortune (arrêts 2C_547/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4.2.2; 2C_852/2021 du 10 décembre 2021 consid. 2.4.4). En revanche, en présence d'impôts spéciaux ou d'impôts d'affectation, ces principes n'ont par définition qu'une portée restreinte ou limitée (cf. ATF 128 I 102 consid. 6d; arrêt 2C_547/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4.2.2 et les références; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire romand, Constitution fédérale, n° 60 ad art. 127 Cst.).  
 
10.2.3. On ajoutera que le législateur dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu dans l'aménagement du système fiscal (art. 127 al. 1 Cst.). Sous cet angle, la comparaison verticale, c'est-à-dire entre contribuables ayant une capacité économique différente est plus difficile à établir que ne l'est la comparaison horizontale c'est-à-dire entre contribuables jouissant de la même capacité économique. Néanmoins, dans les rapports horizontaux, le principe de l'imposition selon la capacité économique n'exige pas une imposition absolument identique, la comparaison étant également limitée dans ce cas. Dans l'examen de dispositions légales inévitablement imparfaites, le juge constitutionnel doit par conséquent faire preuve d'une certaine retenue sous peine de courir le danger de créer une nouvelle inégalité alors qu'il cherche à obtenir l'égalité entre deux catégories de contribuables. Il ne peut pas s'écarter à la légère des règles légales édictées par le législateur; il en va différemment lorsque le législateur s'est abstenu (ATF 140 II 157 consid. 7.3 et les références).  
 
11.  
Au sujet du contrôle constitutionnel des barèmes fiscaux applicables aux impôts directs cantonaux, le Tribunal fédéral s'impose, de jurisprudence constante, une certaine retenue lors de leur examen. En effet, l'aménagement du barème fiscal (notamment l'évolution de la progression) dépend dans une large mesure d'appréciations politiques; dans ce contexte, différentes opinions en matière de politique sociale et financière sont possibles et admissibles, de sorte qu'il ne lui appartient pas d'examiner l'opportunité politique d'un barème fiscal (cf. ATF 133 I 206 consid. 8.2). En revanche, et déjà depuis longtemps (cf. ATF 118 Ia 1 consid. 3a), le Tribunal fédéral a exigé, au sujet de l'égalité de traitement verticale (c'est-à-dire de la répartition de l'impôt entre les contribuables de situations financières différentes selon leur capacité contributive), que l'évolution du barème ou de la courbe de la charge fiscale soit régulière (pour des exemples: ATF 133 I 206; 128 I 102). 
 
12.  
 
12.1. Comme exposé ci-avant (supra consid. 4.2), le législateur a conféré au Conseil fédéral la compétence de fixer le montant de la redevance d'après le chiffre d'affaires, avec un tarif pour chaque tranche (catégories tarifaires; art. 70 al. 5 LRTV). L'art. 67b ORTV concrétise ces principes en prévoyant un chiffre d'affaires minimum (al. 1), ainsi qu'un tarif par tranches de chiffre d'affaires (al. 2). Ce faisant, le Conseil fédéral est demeuré dans les limites du pouvoir qui lui a été conféré sur ces aspects, ce que les parties ne contestent au demeurant pas. En revanche, et contrairement à ce que prétend l'administration recourante, il ne ressort pas du texte de l'art. 70 al. 5 LRTV que le Conseil fédéral était expressément habilité à édicter un barème dégressif. Le Message radio/TV, auquel elle se réfère, ne lui est d'aucun secours. En effet, le Conseil fédéral y a uniquement indiqué que "pour des raisons pratiques, la redevance n'augmente toutefois pas de manière linéaire; diverses catégories sont définies, auxquelles s'appliquent différents tarifs. Il appartiendra au Conseil fédéral de définir les catégories ainsi que les tarifs correspondants dans les dispositions d'exécution" (cf. FF 2013 4459, ch. 2.1.3). En outre, au sujet de l'exemple de barème applicable aux entreprises qui a été présenté dans le Message Radio/TV, il n'apparaît pas que le Conseil fédéral ait voulu soumettre au Parlement l'adoption de ce barème précis; il ressort en effet du texte que "si cette structure tarifaire était appliquée, la part des entreprises se monterait à 200 millions de francs" (cf. FF 2013 4439 ch. 2.1.1). De plus, en ce qui concerne l'intervention du Conseiller national Martin Candinas au cours des débats parlementaires à laquelle se réfère l'AFC (BO 2014 CN 274), on ne voit pas que le rapporteur de la commission ait fait référence à un tarif dégressif, en mentionnant le seuil à partir duquel les entreprises seraient soumises à la redevance. Partant, la question de savoir si la fixation du barème figurant à l'art. 67b ORTV, qui constitue une ordonnance de délégation, est conforme à la Constitution n'est pas soustrait à l'examen du Tribunal fédéral, étant rappelé qu'il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral (supra consid. 10.1).  
 
12.2. Il convient maintenant d'examiner si, comme l'instance précédente l'a retenu, le caractère dégressif du tarif fixé à l'art. 67b ORTV est contraire au principe d'égalité devant l'impôt, ce que l'AFC conteste.  
 
12.2.1. En premier lieu, lorsqu'on place, dans un graphique, les seuils de chiffre d'affaires sur l'axe horizontal et la charge fiscale moyenne (exprimée en pour-mille) correspondant à celle au début de chaque tranche sur l'axe vertical, on constate que le barème de l'art. 67b al. 2 ORTV est pleinement dégressif de la première tranche (catégorie tarifaire 1) à la dernière (catégorie tarifaire 18). Il prend, d'un point de vue graphique et mathématique, la forme d'une courbe logarithmique inversée.  
Ensuite, les différences d'imposition relatives entre les différentes tranches sont loin d'être négligeables. Ainsi, la charge fiscale moyenne pour un chiffre d'affaires de 1'200'000 fr. (catégorie tarifaire 3; taux d'impôt de 0.27083 0 /00 [325 fr./1'200'000 fr.]) est de 27 fr. 083 (100'000 fr. x 0.27083 0 /00), alors que la charge moyenne pour un chiffre d'affaires de 400'000'000 fr. (catégorie tarifaire 16; taux d'impôt de 0.0672 0 /00) est de 6 fr. 72 (100'000 fr. x 0.0672 0 /00). En conséquence, la charge fiscale moyenne de la catégorie tarifaire 3 est, au début de la tranche, quatre fois plus élevée que celle du début de la tranche de la catégorie tarifaire 16 (403 % [27 fr. 083 x 100 / 6 fr. 72). De même, la charge moyenne de la catégorie tarifaire 9 est 3,5 fois plus élevée que celle de la catégorie tarifaire 16 et celle de la tranche 14 (90'000'000 fr. de chiffre d'affaires) est 2,25 fois plus élevée que celle de la catégorie tarifaire 16. 
 
12.2.2. L'administration recourante se plaint tout d'abord en vain de ce que le raisonnement de l'instance précédente ne tiendrait pas suffisamment compte du fait que le chiffre d'affaires n'est pas un indicateur de la capacité contributive, puisque ce critère a été prévu expressément par le législateur à l'art. 70 al. 5 Cst. et qu'il convient donc de s'y tenir. Le Tribunal fédéral n'a rien à redire au fait que l'auteur de l'ordonnance transpose une norme de la loi fédérale en appliquant un critère qui y est prévu (cf. ATF 131 II 271 consid. 8.3). De plus, le Tribunal fédéral a déjà admis que la fixation d'un barème d'un impôt spécial (cantonal), avec un minimum et un maximum, calculé d'après le chiffre d'affaires est dans l'absolu conforme aux principes de l'art. 127 al. 2 Cst. (ATF 128 I 102 consid. 6d).  
Ensuite, bien que les principes de l'art. 127 al. 2 Cst. n'aient qu'une portée restreinte dans l'examen du cas d'espèce puisque la redevance est un impôt d'affectation (supra consid. 10.2.2), on constate au regard de l'évolution dégressive du barème lui-même qu'il existe de grandes différences (en termes relatifs) en lien avec les charges fiscales moyennes entre les diverses catégories tarifaires de l'art. 67b al. 2 ORTV. Or ces différences contreviennent au principe de l'égalité de l'imposition. Bien que l'existence de catégories tarifaires réponde à un besoin de praticabilité, on constate par exemple que les contribuables appartenant à la catégorie tarifaire 3 sont désavantagés, du point de vue de la charge fiscale moyenne, par rapport aux contribuables classés dans la catégorie tarifaire suivante. Il en va de même des contribuables appartenant à chacune des catégories tarifaires par rapport à ceux qui doivent payer la redevance fondée sur la catégorie tarifaire suivante. Or, les diverses tranches tarifaires prévues ne se tiennent pas entre elles dans un rapport raisonnable dans une perspective globale du système d'imposition de l'art. 67b al. 2 ORTV et de l'objet de l'impôt. Il n'existe en effet aucun motif objectif ou d'impératif lié à la logique du système qui justifierait que l'imposition moyenne de la catégorie tarifaire 3 (avec un chiffre d'affaires de 1'200'000 fr.) soit par exemple quatre fois plus élevée que l'imposition résultant d'un chiffre d'affaires de 400'000'000 fr. (catégorie tarifaire 16), et ce même si les différences du montant de la redevance en termes absolus entre les diverses catégories peuvent sembler faibles (à tout le moins s'agissant des premières catégories tarifaires). À cet égard, la justification du système actuel par l'AFC, pour qui un tarif linéaire voire progressif conduirait potentiellement les entreprises ayant un chiffre d'affaires élevé mais un bénéfice faible à se voir imposer une charge liée à la redevance de radio-télévision disproportionnée, n'emporte pas la conviction: l'examen du barème en cause doit se faire de manière globale et non pas de manière isolée en fonction de positions tarifaires individuelles (cf. ATF 133 I 206 consid. 8.2). Au demeurant, il n'est pas conforme à l'art. 127 al. 2 Cst. de compenser le fait qu'une entreprise au chiffre d'affaires important puisse se voir imposer une redevance relativement élevée nonobstant un bénéfice faible par un barème dégressif, qui place les contribuables d'une catégorie inférieure dans une situation moins avantageuse (en termes de charge fiscale moyenne) par rapport à cette entreprise. 
 
12.3. En définitive, c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a conclu que les dispositions tarifaires de l'art. 67b al. 2 ORTV étaient contraires à la Constitution. Le recours de l'AFC se révèle mal fondé sur ce point.  
 
13.  
Il reste à examiner si la juridiction fédérale de première instance a tiré de l'inconstitutionnalité de l'art. 67b al. 2 ORTV des conséquences conformes au droit sur le cas concret de la société recourante, étant rappelé que le Tribunal administratif fédéral a décidé de maintenir la taxation (supra consid. 5.2). 
 
13.1. La société recourante fait valoir en substance que l'instance précédente aurait maintenu de manière contraire au droit une "décision [de taxation] inconstitutionnelle". De plus, aucune des situations dans lesquelles le Tribunal fédéral avait maintenu une taxation contraire à la Constitution ne serait applicable en l'espèce.  
Pour sa part, l'AFC soutient que même si l'art. 67b al. 2 ORTV devait être considéré comme contraire à la Constitution, il serait justifié de maintenir son application jusqu'à sa révision par le Conseil fédéral. Elle demande au Tribunal fédéral de rendre une décision incitative. 
 
13.2. En principe, lors d'un contrôle concret, le juge constitutionnel ne peut appliquer une loi qu'il a reconnue comme non conforme à la Constitution et doit ainsi annuler la décision attaquée. Il peut cependant, dans certains cas, constater l'inconstitutionnalité de la décision entreprise mais renoncer à l'annuler et rejeter le recours, le cas échéant dans le sens des considérants. Une telle décision est usuellement nommée décision incitative ("Appellentscheid"), car elle comporte un appel plus ou moins précis et directif à l'égard du législateur afin qu'il élabore une réglementation conforme à la Constitution. Une décision incitative a ainsi pour conséquence, d'une part, de maintenir une décision viciée et de débouter un recourant qui sur le fond pourrait être suivi et, d'autre part, de légitimer les autorités à continuer à appliquer, au moins temporairement, une norme reconnue comme n'étant pas conforme à la Constitution jusqu'à ce que le législateur adopte une nouvelle réglementation. Aussi une décision incitative ne peut-elle être admise qu'exceptionnellement et pour de justes motifs. Tel est le cas lorsque l'abandon de la norme jugée inconstitutionnelle n'entraînerait pas seulement un manque relativement insignifiant, mais un véritable vide juridique. Il en va de même lorsque, en raison de l'annulation de la norme en cause, la collectivité risquerait de subir un préjudice excessif car, par exemple, toute une réglementation serait bouleversée, une tâche publique importante ne pourrait provisoirement plus être accomplie - du moins plus de façon satisfaisante - ou une règle antérieure également inconstitutionnelle serait remise en vigueur. Un autre critère autorisant le prononcé d'une décision incitative est le fait que le juge ne puisse pas, dans le cadre de ses compétences, remplacer la norme défectueuse par une réglementation particulière valable jusqu'à ce que le législateur ait agi. La prise d'une telle décision est en outre d'autant plus admissible que l'atteinte portée par la norme en question à l'ordre constitutionnel est de moindre gravité (ATF 143 II 476 consid. 3.6 [recours contre un acte normatif cantonal]; arrêts 2C_251/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.2 [recours contre un acte normatif cantonal]; 2C_670/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.1 et les références [recours contre le montant d'une taxe fixée par une commune]).  
 
13.3. Il existe des motifs justificatifs sérieux pour maintenir la taxation de la contribuable nonobstant le caractère inconstitutionnel de l'art. 67b al. 2 ORTV. En premier lieu, il ne serait pas possible, ainsi que le fait valoir l'AFC d'utiliser l'ancien tarif appliqué avant le 1er janvier 2021 puisque celui-ci a également été considéré comme contraire à la Constitution (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-1378/2019 du 5 décembre 2019 [qui n'a pas été attaqué devant le Tribunal fédéral]). De plus, le Tribunal fédéral ne peut pas, dans le cadre de ses compétences, remplacer la norme objet du litige par une réglementation particulière valable jusqu'à ce que le Conseil fédéral ait agi. Il en découlerait donc un véritable vide juridique; aucune facture ne pourrait être émise jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouveau tarif.  
Par ailleurs, sous l'angle de la mise en péril du financement de la radio et de la télévision, il en résulterait un préjudice non négligeable pour la communauté puisqu'un nombre important d'entreprises contribuables serait concerné pour les taxations à venir, contrairement à ce qu'allègue la société recourante en affirmant que seules les entreprises ayant contesté "à temps" leurs factures pourraient tirer avantage de l'annulation de l'arrêt entrepris. En tant qu'elle soutient que seul un "nombre infime" de contribuables serait touché et qu'à peine douze pour-cent du budget alloué à la redevance serait menacé, elle omet que la somme versée à titre de redevance par les entreprises s'élevait en 2019 à 163 millions de francs (cf. Office fédéral de la communication, Feuille d'information 2 sur la redevance de radio-TV pour les entreprises, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/54094.pdf [consulté le 5 août 2024]). Or un tel montant amputerait de manière significative les possibilités d'accomplir de façon satisfaisante les tâches importantes liées à la production et à la diffusion des programmes de radio et de télévision. Partant, jusqu'à ce que le Conseil fédéral adopte un nouveau tarif, une tâche publique ne pourrait provisoirement plus être exécutée que de manière plus difficile, ce en contradiction avec le mandat constitutionnel de l'art. 93 al. 2 Cst. À cela s'ajoute que si l'art. 67b al. 2 ORTV entre certes en contradiction avec les principes de l'art. 127 al. 2 Cst., l'atteinte portée à l'ordre constitutionnel et aux droits individuels de la société n'est pas extrêmement grave, contrairement à ce que celle-ci allègue. On constate en effet que les écarts absolus sont relativement peu importants, surtout pour les premières catégories tarifaires dans laquelle la contribuable a été colloquée. Partant, le Tribunal fédéral renoncera à réformer l'arrêt entrepris en ce sens que la décision de l'AFC du 9 mai 2022 est annulée. 
 
13.4. En conséquence, les motifs de la société recourante sont entièrement mal fondés.  
 
14.  
Il suit de ce qui précède que tant le recours de l'AFC que celui de la société doivent être rejetés. Les frais de la procédure fédérale seront supportés par moitié par chacune des parties, puisqu'elles succombent chacune dans leurs conclusions (art. 66 al. 1 LTF). Alors que l'AFC n'a pas droit à des dépens, elle est tenue d'en verser à la société qui a conclu au rejet de son recours (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours de A.________ AG (cause 9C_19/2024) est rejeté. 
 
2.  
Le recours de l'Administration fédérale des contributions (cause 9C_20/2024) est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis par 2'000 fr. à charge de A.________ AG et par 2'000 fr. à charge de l'Administration fédérale des contributions. 
 
4.  
L'Administration fédérale des contributions versera à A.________ AG une indemnité de dépens fixée à 2'000 fr. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lucerne, le 27 novembre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser