Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_542/2021
Arrêt du 28 février 2022
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, juge présidant, Niquille et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Alexandre Zen-Ruffinen,
recourant,
contre
Fédération Internationale de Football Association (FIFA),
intimée.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 14 septembre 2021 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2019/A/6665).
Faits :
A.
A.a. La Fédération Internationale de Football Association (FIFA), association de droit suisse ayant son siège à Zurich, est la structure faîtière du football au niveau international. Elle dispose d'un pouvoir disciplinaire sur les fédérations nationales de football, les joueurs ou les officiels qui méconnaîtraient ses règles, en particulier son Code d'éthique (ci-après: CEF).
A.________, ressortissant..., était le président de la Confédération Brésilienne de Football (CBF) entre 1989 et 2012. Il était aussi membre du Comité exécutif de la FIFA ainsi que du Comité exécutif de la Confederación Sudamericana de Fútbol (CONMEBOL), association regroupant les fédérations nationales de football sud-américaines. En 2012, il a démissionné de ses divers postes.
A.b. Le 27 mai 2015, le Ministère de la justice des États-Unis (
United States Department of Justice) a publié un communiqué de presse révélant que plusieurs officiels des organisations actives dans le domaine du football avaient été inculpés aux Etats-Unis d'Amérique de diverses infractions. Par la suite, certains d'entre eux ont fait l'objet d'une arrestation.
Le 25 novembre 2015, les autorités américaines ont établi un nouvel acte d'accusation visant d'autres officiels actifs au sein du monde du football, parmi lesquels figurait notamment A.________, lequel s'est vu inculper de racket, de blanchiment d'argent et d'escroquerie par le moyen des télécommunications (
wire fraud conspiracies). Elles lui reprochaient notamment d'avoir touché des pots-de-vin en échange de l'attribution de certains droits relatifs à la couverture de diverses compétitions sud-américaines de football, à savoir la
Copa Libertadores, la
Copa America et la
Copa do Brasil.
A.c. Le 4 décembre 2015, la Chambre d'instruction de la Commission d'éthique de la FIFA a ouvert une procédure disciplinaire contre A.________ en raison de la violation possible par celui-ci de diverses dispositions du CEF.
Une fois l'instruction close, la Chambre de jugement de la Commission d'éthique de la FIFA (ci-après: la Chambre de jugement), statuant par décision du 26 juillet 2019, a retenu que A.________ avait violé l'art. 27 CEF (corruption) et lui a interdit, à vie, d'exercer toute activité en lien avec le football à un niveau national et international, tout en lui infligeant, de surcroît, une amende de 1'000'000 fr. En bref, elle a retenu que l'intéressé avait régulièrement touché des pots-de-vin représentant un montant total d'environ 7,7 millions de dollars américains (USD) en lien avec l'attribution des droits relatifs à la couverture des trois compétitions de football précitées. Dans la mesure où A.________ avait agi de cette manière dans un souci d'enrichissement personnel, il y avait lieu non seulement de prononcer sa suspension à vie de toute activité en lien avec le football mais aussi de le sanctionner d'une amende.
B.
B.a. Le 20 décembre 2019, A.________ a saisi le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) d'un appel dirigé contre la décision rendue par la Chambre de jugement.
Après avoir tenu une audience par visioconférence le 24 février 2021, la Formation du TAS, composée de trois arbitres, a rendu sa sentence finale le 14 septembre 2021, au terme de laquelle elle a rejeté l'appel et confirmé la décision attaquée. Les motifs de cette sentence sont résumés ci-après dans la mesure utile au traitement des griefs formulés par A.________.
B.b.
B.b.a. La Formation commence par relater les faits pertinents à ses yeux (sentence, n. 1-7). Elle détaille ensuite la procédure visant l'intéressé, telle qu'elle a été conduite devant la Commission d'éthique de la FIFA (sentence, n. 8-22), puis sous son autorité (sentence, n. 23-51). Après quoi, elle expose les arguments qui ont été avancés par l'appelant et par la FIFA pour étayer, le premier son appel (sentence, n. 53 s.), la seconde sa réponse (sentence, n. 55 s.).
B.b.b. Dans les chapitres suivants de la sentence attaquée, la Formation constate, d'une part, sa compétence (sentence, n. 57-61) et, d'autre part, que l'appel a été formé en temps utile (sentence, n. 62-64).
Pour ce qui est du droit régissant le fond, la Formation précise qu'elle appliquera en premier lieu la réglementation interne de la FIFA, en particulier le CEF (dans sa version de 2018); à titre supplétif, elle se référera au droit suisse (sentence, n. 65-67). En ce qui concerne l'application
ratione temporis de cette réglementation, elle relève que cette question est régie par l'art. 3 CEF, lequel a la teneur suivante:
" Le présent code s'applique à tout comportement, même survenu avant l'adoption du présent code. Un individu ne peut être sanctionné pour une infraction au présent code que si le comportement en question était contraire au code en vigueur au moment des faits. La sanction ne peut être plus sévère que la plus lourde des sanctions applicables au moment des faits. "
La Formation souligne que la Chambre de jugement a reconnu l'appelant coupable d'avoir enfreint l'art. 27 CEF pour des faits commis entre 2006 et 2012, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de l'édition 2018 du CEF. Au terme de son examen des versions successives du CEF, il appert toutefois que l'application de la version 2018 de ce code ne conduit pas à imputer à l'appelant une infraction non prévue par les versions antérieures du CEF ni à lui infliger des sanctions plus sévères que celles prévues par les éditions précédentes (sentence, n. 68 s.).
B.b.c. Après avoir réglé diverses questions procédurales (sentence, n. 72-100), la Formation en vient à l'examen des faits de corruption reprochés à l'appelant. Elle commence par citer le texte de l'art. 27 al. 1 CEF (sentence, n. 101), lequel a la teneur suivante:
" Les personnes auxquelles s'applique le présent code ne peuvent ni solliciter, ni obtenir sous forme de promesse, accepter, offrir, promettre ou donner un avantage pécuniaire personnel ou indu - ou quelque autre avantage que ce soit - dans le but d'obtenir ou conserver un marché ou quelque avantage impropre à ou de la part de quiconque, que ce soit au sein de la FIFA ou à l'extérieur de celle-ci. De tels actes sont interdits, qu'ils soient effectués directement ou indirectement par ou en relation avec des tierces parties. En particulier, les personnes auxquelles s'applique le présent code ne peuvent offrir, promettre, donner, proposer, solliciter ou accepter d'avantage pécuniaire indu - ou quelque autre avantage que ce soit - pour l'exécution ou l'omission d'un acte se rapportant à leurs activités officielles et contraire à leurs devoirs ou relevant de leur discrétion. "
Procédant à l'examen des conditions d'application cumulatives de la disposition précitée, la Formation constate que l'appelant revêtait la qualité d'officiel au sens de l'art. 2 CEF durant la période pertinente, c'est-à-dire de 2006 à 2012, et, partant, qu'il était soumis aux règles du CEF (sentence, n. 104-106).
La Formation se penche, dans la foulée, sur les prétendus avantages pécuniaires indus perçus par l'appelant, en passant en revue les faits qui lui sont reprochés en lien avec la
Copa Libertadores, avec la
Copa America et, enfin, avec la
Copa do Brasil.
Sur la base de son appréciation des preuves administrées, la Formation considère que l'appelant a perçu au moins 600'000 USD par an depuis 2006 jusqu'à sa démission en 2012, soit un montant total de 4'200'000 USD, de la part d'une société pour l'attribution des droits de diffusion de la
Copa Libertadores (sentence, n. 109-116).
La Formation retient aussi que l'appelant a accepté de recevoir la somme de 1'000'000 USD de la part d'une société en échange de la signature, en 2010, d'un contrat conférant à celle-ci des droits exclusifs de diffusion des éditions 2015, 2019 et 2023 de la
Copa America (sentence, n. 117-131).
S'agissant des faits reprochés à l'appelant en lien avec la
Copa do Brasil, la Formation relève qu'il n'est pas contesté que la CBF a cédé, entre 1990 et 2009, les droits commerciaux relatifs à ladite compétition de football à la société B.________, détenue par C.________, contrat qui a été renouvelé en janvier 2009 jusqu'en 2014. Le 8 décembre 2011, un concurrent de la société précitée, D.________ Ltda. (ci-après: D.________), dont l'ayant droit économique est E.________, a conclu un contrat avec la CBF aux fins d'obtenir les droits commerciaux liés aux éditions 2015 à 2022 de la
Copa do Brasil, ce qui a donné naissance à un litige entre C.________ (B.________) et E.________ (D.________). Afin de régler leur différend, les deux sociétés en question ont conclu un arrangement en août 2012 aux fins de se partager les droits en question et de se répartir équitablement les bénéfices liés aux éditions 2013 à 2022 de la
Copa do Brasil. Sur la base des preuves administrées et, singulièrement, de diverses conversations téléphoniques échangées en 2014 entre C.________ et E.________, la Formation considère que l'appelant a accepté de recevoir un million de reals brésiliens (BRL) par année pour la période allant de 2012 à 2022, représentant un montant total d'environ 2,5 millions USD (sentence, n. 134-145).
Poursuivant son examen des conditions d'application de l'art. 27 al. 1 CEF, la Formation constate que l'intéressé a perçu des avantages financiers indus à hauteur de 7,7 millions USD (sentence, n. 147 s.). Elle souligne que les sommes promises ou versées à l'appelant se rapportent à ses activités officielles, puisque, en sa qualité de président de la CBF et de membre du Comité exécutif de la CONMEBOL, c'est lui qui a signé la plupart des contrats en lien avec la
Copa Libertadores, la
Copa America ainsi que le contrat avec D.________ relatif à la
Copa do Brasil (sentence, n. 150). Au terme de son analyse, elle estime que les montants illégitimes promis ou versés à l'appelant par diverses sociétés ou leurs ayants droit économiques, et notamment par C.________ et/ou sa société B.________ ainsi que par E.________ et/ou sa société D.________, l'ont été en vue d'obtenir de la part de la CBF et de la CONMEBOL l'attribution et/ou le renouvellement des droits relatifs à la couverture de diverses compétitions de football (sentence, n. 151-154). La Formation aboutit ainsi à la conclusion que les conditions d'application de l'art. 27 al. 1 CEF sont réalisées (sentence, n. 155).
B.b.d. Au moment d'examiner les conséquences de l'infraction commise par l'appelant, la Formation observe que ce dernier a indiqué, au cours de l'audience tenue par elle, que, dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable d'avoir violé l'art. 27 al. 1 CEF, la sanction qui lui avait été infligée par la Chambre de jugement ne serait alors pas disproportionnée (sentence, n. 158). Par surabondance, elle indique que la sanction infligée à l'intéressé lui paraît également proportionnée, eu égard notamment aux montants extraordinairement élevés des pots-de-vin, au comportement intentionnel de l'appelant ainsi qu'à la position élevée qu'il occupait au sein de l'univers du football, tant au niveau national qu'international (sentence, n. 158).
C.
Le 20 octobre 2021, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée.
Au terme de sa réponse du 4 janvier 2022, la FIFA (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Dans sa réponse, le TAS a proposé le rejet du recours.
Le recourant a déposé une réplique spontanée, dans laquelle il a maintenu ses conclusions initiales.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant lui, celles-ci se sont servies qui du français (le recourant), qui de l'anglais (l'intimée). Dès lors, le présent arrêt sera rendu dans la langue du recours, conformément à l'usage.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
Dans son mémoire, le recourant s'emploie à démontrer que la valeur litigieuse fixée par l'art. 74 al. 1 let. b LTF est atteinte. Cet exposé est toutefois superflu. Il a en effet échappé à l'intéressé que l'art. 77 al. 1 LTF, dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021 (RO 2020 4179), précise que le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux indépendamment de la valeur litigieuse, tant pour l'arbitrage international que l'arbitrage interne (arrêt 4A_200/2021 du 21 juillet 2021 consid. 2).
Pour le reste, qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore des motifs de recours invoqués, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des griefs formulés par le recourant.
4.
4.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit (arrêt 4A_522/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.1). Il ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF), ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_34/2016 du 25 avril 2017 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).
5.
Dans un premier moyen, le recourant, se plaignant d'une violation de son droit d'être entendu (art. 190 al. 2 let. d LDIP), reproche au TAS de n'avoir pas satisfait à son devoir minimum de traiter les problèmes pertinents.
5.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Ils pourront le faire en démontrant que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêt 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1).
C'est le lieu de rappeler que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2).
5.2. Pour étayer son grief, le recourant expose qu'il a soutenu, dans son mémoire d'appel soumis au TAS, qu'il avait cessé d'exercer toutes ses fonctions dans le domaine du football au début de l'année 2012 et que les faits survenus ultérieurement relatifs à la commercialisation des droits de diffusion de la
Copa do Brasil ne tombaient dès lors pas sous le coup des dispositions du CEF. A cet égard, il rappelle que les sociétés B.________ et D.________ ont conclu un contrat tendant à la répartition des bénéfices liés à la couverture des éditions 2013 à 2022 de la
Copa do Brasil en août 2012 soit après son départ. L'intéressé fait grief à la Formation de ne pas s'être prononcée sur ce moyen qu'il avait régulièrement avancé dans son mémoire d'appel. Il s'emploie en outre à démontrer que cet argument était propre à influencer l'issue du litige.
5.3. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer.
Force est d'emblée de relever que le recourant, sous le couvert d'une prétendue violation de son droit d'être entendu, s'en prend à la motivation du TAS et tente d'obtenir un examen matériel de la sentence par l'autorité de recours. Il n'y a pas lieu de le suivre sur ce terrain-là.
En tout état de cause, la lecture de la sentence entreprise permet de constater que les arbitres ont bel et bien pris en considération l'argumentation du recourant, contrairement à ce que ce dernier soutient. Les éléments auxquels fait allusion l'intéressé dans ses écritures ont en effet été mentionnés et exposés dans la sentence attaquée (n. 53). La Formation a en outre correctement résumé, sous n. 132 de sa sentence, la position des parties en ce qui concerne les faits reprochés au recourant en lien avec la
Copa do Brasil, en indiquant ce qui suit:
" 132. The facts are disputed among the Parties. The Appellant submits that the evidence on file relates exclusively to 2014,
i.e. a period of time when the Appellant was no longer a football official, and that the alleged bribes are not demonstrated; this is the case with respect to the telephone conversation between Mr E.________ and Mr C.________ as well as the evidence referring to payments made between Mr E.________ and Mr C.________ with respect to the joint exploitation of the rights in the Copa do Brasil as agreed for the period between 2013 and 2022. Moreover, the evidence on file does not refer to the Appellant, which makes sense, since at the time of this evidence the Appellant was no longer active in football, so that it would make no sens for third parties to pay bribes to him. FIFA, in turn, contends that the evidence on file refers to the Appellant receiving bribe payments prior to 2014, at a period of time when he was an official within the meaning of the FCE. The evidence on file unambiguously confirms that the Appellant solicited and received bribes (i) from Mr C.________ in connection with the assignment of the commercial rights of the Copa do Brasil to B.________ from 1990 to 2009 and reaffirmed in 2009, and (ii) from Mr E.________, when the same commercial rights were assigned to D.________ in 2011. "
Face aux arguments antagonistes des parties, la Formation a visiblement privilégié la thèse défendue par l'intimée écartant ainsi, par la force des choses, celle prônée par le recourant. Elle a en effet constaté que le contrat, signé par le recourant, en vertu duquel la société D.________ s'était vu attribuer les droits relatifs à la couverture de plusieurs éditions de la
Copa do Brasil avait été passé en décembre 2011, soit avant la démission du recourant. Au moment d'apprécier les faits reprochés à ce dernier en lien avec cette compétition de football, la Formation a manifestement attaché de l'importance au contrat conclu en décembre 2011 et non à la convention passée en août 2012 entre D.________ et B.________. Lorsqu'elle a examiné si les sommes versées ou promises à l'intéressé étaient en lien avec ses activités officielles, elle a en effet considéré ce qui suit:
" 149. In order for a violation of Article 27 (1) of the FCE to occur, there must be a
quid pro quo or ratio of equivalence between the undue advantage and the specific action by the official obtaining it. Based on the wording of Article 27 (1) of the FCE, in order to assess the existence of such ratio of equivalence, the Panel shall address the following requisites:
(1) the payment involves an act which is related to official activities of the recipient or offeree;
(...)
150. As to the first requisite, the Panel notes that, in his capacity of President of the CBF and member of the CONMEBOL Executive Committee, the Appellant signed most of the contracts relating to Copa Libertadores, the agency contract (...) in connection with the Copa America and the contract with D.________ in relation to the Copa do Brasil. All of these acts are - without any doubt - acts relating to official activities of the Appellant. The first requisite is therefore met. "
Force est dès lors d'admettre, comme le démontre du reste de façon pertinente l'intimée dans sa réponse, que la Formation a rejeté, à tout le moins de manière implicite, les arguments avancés par le recourant, lequel ne saurait au demeurant obtenir une motivation précise sur chaque détail du raisonnement tenu par les arbitres. Quant à savoir si la motivation fournie est cohérente et convaincante, cette question ne ressortit pas au droit d'être entendu et échappe à la cognition du Tribunal fédéral.
A le supposer recevable, le grief considéré ne peut dès lors qu'être rejeté.
6.
Dans un second moyen, le recourant s'en prend à la sanction disciplinaire qui lui a été infligée. Invoquant notamment l'art. 27 al. 2 CC, il soutient que la sentence attaquée est contraire à l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP), dès lors que la sanction disproportionnée prononcée à son endroit porterait atteinte aux droits de sa personnalité. Il reproche notamment à la Formation de n'avoir pas procédé à une pesée soigneuse des différents intérêts en présence, d'avoir omis de tenir compte de certains éléments à décharge et de ne pas avoir entrepris de véritable réflexion sur la proportionnalité de la sanction. Il soutient que la sanction qui lui a été infligée est excessive et que, du fait de son manque de précision, elle l'exposerait au bon vouloir de l'intimée.
6.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4). Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2 et les références citées).
Selon la jurisprudence, la violation de l'art. 27 al. 2 CC n'est pas automatiquement contraire à l'ordre public matériel; encore faut-il que l'on ait affaire à un cas grave et net de violation d'un droit fondamental (ATF 144 III 120 consid. 5.4.2).
6.2. Le devoir de se conformer aux règles de la bonne foi vaut pour quiconque participe à la procédure. Ce principe, de portée générale, qui a été codifié pour la procédure civile ordinaire (cf. art. 52 CPC), régit aussi la procédure arbitrale et ce dans le domaine de l'arbitrage interne comme en matière d'arbitrage international (arrêts 4A_600/2016, précité, consid. 1.1.4; 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 4.2.2 et les références citées).
6.3.
6.3.1. En l'occurrence, le recourant ne prétend pas ni ne démontre avoir formulé le moindre grief devant le TAS au sujet de la sanction qui lui avait été infligée par la Chambre de jugement. Et pour cause puisqu'il ressort de la sentence attaquée, sous n. 158, que l'intéressé a déclaré lors de l'audience tenue par la Formation que, dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable d'avoir enfreint l'art. 27 al. 1 CEF, la sanction prononcée à son endroit ne serait alors pas disproportionnée. En se plaignant après coup, devant le Tribunal fédéral, de la sévérité excessive de ladite sanction et en tirant argument de l'absence de motivation suffisante de la Formation sur cette question, le recourant, qui n'a non seulement pas formulé la moindre critique à cet égard devant le TAS mais a expressément reconnu que la sanction n'était pas disproportionnée, adopte un comportement contradictoire, incompatible avec les règles de la bonne foi (
venire contra factum
proprium), qui ne mérite aucune protection. La tentative de l'intéressé de minimiser
a posteriori la portée de ses déclarations, celui-ci affirmant, de manière difficilement intelligible, s'être exprimé ainsi aux fins de " montrer sa confiance à la façon de celui qui met sa main à couper ", n'apparaît au demeurant guère convaincante.
6.3.2. En tout état de cause, le recourant ne démontre pas en quoi le résultat auquel a abouti la Formation serait contraire à l'ordre public matériel au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
En matière de sanctions disciplinaires infligées dans le domaine du sport, c'est le lieu de rappeler que le Tribunal fédéral n'intervient à l'égard des décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation que si elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (arrêts 4A_318/2018, précité, consid. 4.5.2; 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.2). Dans l'affaire Platini où elle a été amenée à examiner la sanction infligée à ce dernier sous l'angle déjà restreint du grief d'arbitraire au sens de l'art. 393 let. e CPC, la Cour de céans a relevé que seule la mise en évidence d'une ou de plusieurs violations crasses de leur pouvoir d'appréciation par les arbitres, qui plus est à l'origine d'une sanction excessivement sévère, pourrait justifier l'intervention du Tribunal fédéral (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.2). Le pouvoir d'examen de la Cour de céans est encore plus limité
in casu, puisqu'il s'exerce dans le cadre du grief de contrariété à l'ordre public matériel, notion plus restrictive que celle d'arbitraire. Il convient de garder cela à l'esprit lors de l'analyse des critiques élevées contre la sanction litigieuse.
Considérés à la lumière de ces règles et principes, dans le cadre prédéfini du pouvoir d'examen dont jouit la Cour de céans, les moyens soulevés par le recourant ne permettent nullement d'établir que la sentence serait contraire à l'ordre public matériel dans son résultat en ce qui concerne la peine disciplinaire qu'il s'est vu infliger par la Formation. L'intéressé ne remet en effet pas en question les éléments à charge retenus par le TAS pour justifier la sanction qui lui a été infligée, à savoir le montant extrêmement important des pots-de-vin en jeu, le caractère intentionnel de ses agissements ainsi que la position élevée qu'il occupait au sein des hautes instances du football. Par ailleurs, lorsque l'intéressé, âgé de 74 ans, se plaint de la durée illimitée de la sanction et de ne plus pouvoir exercer d'activités économiques dans le domaine du football, il ne faut pas perdre de vue que le recourant a lui-même décidé de mettre un terme à ses activités dans le monde du football en 2012 déjà, de sorte que les atteintes à la personnalité dont il se plaint doivent être sérieusement tempérées. Au demeurant, lorsque le recourant affirme que la suspension prononcée à son encontre équivaut à un " boycott illimité " supprimant sa liberté économique et fait valoir que le montant de l'amende qui lui a été infligée représente 110 ans du revenu moyen au Brésil, il semble confondre le Tribunal fédéral statuant sur un recours en matière d'arbitrage international avec une cour d'appel autorisée à revoir librement la mesure de la sanction. Quoi qu'il en soit, le recourant ne rend nullement vraisemblable ni n'établit que la suspension et l'amende qui ont été prononcées à son encontre mettraient véritablement son existence économique en péril, étant précisé que l'intéressé conserve la possibilité d'exercer d'autres activités lucratives dans d'autres secteurs. Par ailleurs, quoi que soutienne l'intéressé, l'extension territoriale de la sanction au plan mondial est logique et légitime dans le cas d'une fédération internationale régissant le sport concerné (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.3).
Le recourant dénonce enfin le manque de précision de la sanction prononcée à son encontre lui interdisant " toute activité relative au football " (
any kind of football-related activity). En cela, il n'a pas tout à fait tort. Force est, en effet, d'admettre que cette formulation pourrait théoriquement favoriser d'éventuels abus de la part de l'intimée. Les considérations émises sur ce point dans l'affaire Platini peuvent toutefois être reprises ici
mutatis mutandis (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.3). Il faut, en effet, bien marquer que pareille interdiction ne saurait être assimilée à un blanc-seing donné à l'intimée, qui justifierait l'application sans limites de cette interdiction à n'importe quelle activité, fût-elle sans rapport avec les domaines régis par l'intimée ou ses associations affiliées, c'est-à-dire essentiellement l'organisation des compétitions de football. Il n'est toutefois pas nécessaire d'annuler pour autant la sentence attaquée, car la sanction prononcée est susceptible d'être interprétée d'une manière soutenable. Quoi qu'en dise le recourant, on peine à imaginer que l'intimée s'ingénierait à inciter tel ou tel sponsor à ne pas faire appel à ses services, voire à lui interdire d'entrer dans un stade comme simple spectateur, d'assister aux rencontres disputées par son petit-fils ou de regarder un match de football dans son salon. Cet argument relève de la pure spéculation. Au demeurant, l'intimée pourrait également se voir opposer ici les concessions faites dans l'affaire Platini (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.7.3) si d'aventure il lui prenait l'envie d'appliquer de manière chicanière une sanction dont l'objet est défini un peu trop largement.
Au vu de ce qui précède, la sanction infligée au recourant, entérinée par le TAS, n'apparaît pas incompatible avec l'ordre public matériel, eu égard notamment à la gravité des faits reprochés à l'intéressé.
7.
Il s'ensuit le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée dès lors que c'est son propre département juridique qui a rédigé sa réponse au recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 18'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
Lausanne, le 28 février 2022
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant: Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo