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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_574/2023  
 
 
Arrêt du 28 février 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, Bovey et De Rossa. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Me Olivier Righetti, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Carlo Ceccarelli, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 juin 2023 (PO19.046090-221565 225). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ Sàrl, de siège à U.________, a notamment pour but l'exploitation d'ateliers de menuiserie et d'ébénisterie.  
B.________ est propriétaire d'un appartement (part d'étage no xxx, constituant le lot 30 des plans) dans la propriété par étages " C.________ ", constituée sur la parcelle de base no yyy de la Commune de U.________, sise à (...). 
 
A.b. Le 3 mai 2019, B.________ et son père, d'une part, et D.________ SA, E.________ SA et F.________ pour les sociétés précitées et pour lui-même, d'autre part, ont conclu une convention par laquelle ces derniers se sont engagés à entreprendre la réfection totale de l'appartement de B.________.  
Par avenant à cette convention non daté, F.________, agissant au nom et pour le compte de G.________ Sàrl, a confirmé que ladite société se reconnaissait débitrice solidaire des obligations prises par D.________ SA, E.________ SA et F.________ lui-même, et découlant de la convention précitée. 
 
A.c. Les travaux ont débuté à la fin de l'année 2018, soit avant la conclusion de la convention précitée.  
G.________ Sàrl, en qualité de direction des travaux, a procédé à la remise en état de l'appartement, confiant la réalisation des travaux à divers sous-traitants. 
 
A.d. G.________ Sàrl et E.________ SA ont confié à A.________ Sàrl des travaux de menuiserie intérieure, portant notamment sur la fabrication sur mesure et la pose d'une armoire dans l'entrée et le couloir, d'une armoire dans la chambre principale, d'une armoire et un dressing dans la chambre d'amis, d'une armoire à chaussures et des portes de communication. A.________ Sàrl a également été chargée de remplacer la porte palière de l'appartement.  
Au cours des travaux, B.________ a requis pour la chambre d'amis une armoire identique à celle déjà présente dans sa propre chambre. 
 
B.  
 
B.a. Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du 17 octobre 2019, A.________ Sàrl a en substance conclu à l'inscription, à titre superprovisionnel, respectivement provisionnel, au Registre foncier d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs d'un montant de 41'302 fr. 40, avec intérêts à 5% l'an dès le 18 juillet 2019 et autres accessoires légaux en sa faveur sur la part de copropriété par étages de B.________.  
Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 18 octobre 2019, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Tribunal civil) a fait droit à cette requête. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 2 mars 2020, dont les motifs ont été adressés le 2 mai 2020 aux parties, le Tribunal a maintenu l'inscription précitée à titre provisoire et a imparti un délai au 15 juillet 2020 pour déposer une demande au fond. 
 
B.b. Par jugement du 14 juin 2022, motivé le 1er novembre 2022, le Tribunal civil a admis la demande du 15 juillet 2020 formée par A.________ Sàrl à l'encontre de B.________ et a ordonné l'inscription définitive au Registre foncier d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs d'un montant de 41'302 fr. 40, avec intérêts à 5% l'an dès le 18 juillet 2019 et autres accessoires légaux en faveur de A.________ Sàrl sur la part de copropriété par étages de B.________.  
Par arrêt du 5 juin 2023, envoyé aux parties le 9 suivant, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis l'appel de B.________ interjeté le 2 décembre 2022 contre le jugement précité et l'a réformé en ce sens notamment que la demande est rejetée et qu'il est donné ordre au Registre foncier, office de U.________, de radier l'inscription provisoire, faite le 18 octobre 2019, de l'hypothèque légale. 
 
C.  
Par acte daté du 12 juillet 2023, mais posté le 3 août 2023, A.________ Sàrl exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que le jugement du 14 juin 2022 est confirmé; subsidiairement, elle requiert le renvoi de la cause " pour être jugée dans le sens des considérants ". Elle requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif. 
 
D.  
 
D.a. Dans la lettre d'accompagnement jointe au recours, le conseil de la recourante a indiqué avoir déposé à un automate " MyPost24 " en date du 12 juillet 2023 un mémoire de recours en cinq exemplaires originaux, accompagné d'un bordereau de pièces en deux exemplaires. Vu qu'il n'avait reçu aucun avis de réception du Tribunal de céans concernant l'enregistrement de l'affaire, il avait procédé à une recherche " Track and Trace ", d'où il ressortait que le dépôt avait bien été enregistré en date du 12 juillet 2023 et que le pli avait fait l'objet d'une démarche le 13 juillet 2023 en vue de sa distribution. Dès lors que le " Track and Trace " ne mentionnait pas la distribution effective, il avait requis de la Poste des informations. Celle-ci venant de l'informer que le Tribunal fédéral n'avait pas reçu les actes déposés le 12 juillet 2023, il procédait au dépôt de ces actes le 3 août 2023. Il joignait en outre une copie du récépissé de dépôt des actes daté du 12 juillet 2023.  
 
D.b. Par courrier du 12 septembre 2023, le conseil de la recourante a notamment expliqué qu'un tiers l'avait informé avoir reçu le pli déposé le 12 juillet 2023, " complètement déchiré ", et qu'il avait préféré que ce tiers ne remette pas le document à son étude mais qu'il agisse officiellement auprès de la Poste ou du Tribunal fédéral; il l'avait interpellé afin de savoir quelles démarches avaient été entreprises, mais était dans l'attente d'une réponse. Le conseil de la recourante a par ailleurs demandé au Tribunal de céans si le dépôt des documents en question avait été enregistré et, dans la négative, quelle démarche il " préconisait " pour ce dépôt.  
Le 15 septembre 2023, le Tribunal de céans a notamment répondu que le dépôt des documents n'avait pas été enregistré. 
 
D.c. Par ordonnance du 25 septembre 2023, le Juge instructeur a invité la recourante à se déterminer sur le respect du délai du recours et à produire toutes les pièces utiles à cette fin.  
Par acte du 5 octobre 2023, la recourante a adressé des déterminations, desquelles il ressort notamment que son conseil, en séjour à l'étranger, avait demandé à la personne qui avait reçu l'acte de recours par erreur de le conserver jusqu'à son retour en Suisse; ayant repris contact avec elle le 14 août 2023, celle-ci lui avait indiqué qu'elle pouvait lui ramener les documents parce qu'elle n'était pas à l'aise de les détenir, ce à quoi il avait alors répondu qu'il souhaitait qu'elle les transmette directement à la Poste ou au Tribunal fédéral; finalement, cette personne l'avait informé avoir préféré détruire les documents. 
 
D.d. Invitées à déposer des réponses sur le respect du délai de recours et sur le fond de la cause, la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt; l'intimée a indiqué s'en remettre à justice sur la question du respect du délai de recours et, sur le fond, a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.  
La recourante n'a pas fait usage de son droit de répliquer. 
 
E.  
Par ordonnance présidentielle du 24 août 2023, la requête d'effet suspensif assortissant le recours a été admise. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par le tribunal supérieur du canton, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a participé à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). Par ailleurs, le recours a été déposé dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF).  
 
1.2. Le délai de recours contre la décision entreprise est de 30 jours dès sa notification (art. 100 al. 1 LTF). Selon l'art. 48 al. 1 LTF - dont le contenu matériel est identique à l'art. 143 al. 1 CPC (cf. arrêt 4A_95/2023 du 12 décembre 2023 consid. 3.1) -, le délai est observé, en cas d'envoi postal, si le mémoire est remis au plus tard le dernier jour du délai à La Poste Suisse. Est déterminant le moment où l'acte est déposé à un guichet postal, dans une boîte aux lettres postale ou dans un automate " MyPost24 " (ATF 142 V 389 consid. 2.2; cf. également en lien avec l'art. 143 al. 1 CPC, arrêts 4A_95/2023 précité consid. 3.2 et 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 4.2). En cas de doute, la preuve du respect du délai, et donc de la date du dépôt de l'acte, doit être apportée par celui qui soutient avoir agi en temps utile au degré de la certitude et non simplement au degré de la vraisemblance prépondérante; une telle preuve peut résulter du sceau postal, du récépissé de l'envoi posté en recommandé ou par la quittance imprimée par l'automate " MyPost24 " (cf. arrêts 6B_569/2023 du 31 juillet 2023 consid. 1.1; 4A_95/2023 précité consid. 3.3).  
En l'occurrence, la décision entreprise a été notifiée à la recourante le 12 juin 2023, de sorte que le délai de recours est arrivé à échéance le 12 juillet 2023, ce qui n'est pas contesté. La recourante produit certes une quittance imprimée par l'automate " MyPost24 " attestant de l'envoi d'une lettre recommandée à destination du Tribunal fédéral le 12 juillet 2023 à 22h39. Dans la mesure où l'envoi n'est toutefois pas parvenu à destination, il n'est pas possible de déterminer si, comme elle l'allègue, ce pli contenait un mémoire recours et si celui-ci correspondait à celui qu'elle a envoyé le 3 août 2023 après s'être rendue compte n'avoir reçu aucun avis de réception de la part du Tribunal fédéral et que son premier envoi s'était perdu. Il y a lieu d'observer avec l'intimée que le prix de l'envoi figurant sur la quittance " MyPost24 " de 5 fr. 30 semble peu élevé pour un pli recommandé comportant un recours en cinq exemplaires originaux de 31 pages chacun, accompagné d'un bordereau de pièces en deux exemplaires de 34 pages chacun. Il apparaît par ailleurs que le conseil de la recourante a attendu près de trois semaines avant de s'inquiéter du sort de l'envoi de son recours; il n'a de surcroît pas entrepris les démarches utiles afin de récupérer son pli, immédiatement après qu'un " tiers " lui eut annoncé l'avoir reçu par erreur, ce qui aurait permis d'éviter sa destruction et de vérifier, si ce n'est le numéro d'envoi figurant sur l'étiquette de l'enveloppe - dont on ignore s'il était encore visible -, à tout le moins que le prétendu recours s'y trouvait. Quoi qu'il en soit, la question de savoir si, dans ces circonstances, la preuve du respect du délai de recours doit être admise peut souffrir de demeurer indécise, le recours étant de toute manière voué à l'échec pour les motifs qui suivent. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF; ATF 143 V 19 consid. 2.3; 140 III 86 consid. 2). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2; 140 III 264 consid. 2.3), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1; ATF 147 I 73 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.  
Après avoir notamment relevé que la livraison et la pose des armoires et de la porte palière n'étaient pas des travaux tombant dans le champ d'application de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, la cour cantonale a rejeté l'inscription définitive de l'hypothèque légale au motif, d'une part, que la preuve du respect du délai de quatre mois de l'art. 839 al. 2 CC n'avait pas été apportée et, d'autre part, que la créance pour laquelle l'hypothèque légale était requise n'était pas établie. Dès lors que le rejet des critiques du recourant concernant le non-respect du délai est de nature à sceller le sort de la cause, il y a lieu de circonscrire le litige à l'examen de cette question. 
 
3.1. L'inscription de l'hypothèque des artisans et entrepreneurs peut être requise dès le moment de la conclusion du contrat (art. 839 al. 1 CC; arrêt 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.4) et doit être obtenue, à savoir opérée au registre foncier, au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC). Il s'agit d'un délai de péremption qui ne peut être ni suspendu ni interrompu, mais il peut être sauvegardé par l'annotation d'une inscription provisoire (ATF 137 III 563 consid. 3.3; 126 III 462 consid. 2c/aa; arrêts 5A_203/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1.1; 5A_630/2021 précité loc. cit.; 5A_518/2020 du 22 octobre 2020 consid. 3.1 et les autres références).  
Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l'objet du contrat d'entreprise ont été exécutés et que l'ouvrage est livrable. Ne sont considérés comme travaux d'achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat d'entreprise et du descriptif, non les prestations commandées en surplus sans qu'on puisse les considérer comme entrant dans le cadre élargi du contrat. Des travaux de peu d'importance ou accessoires différés intentionnellement par l'artisan ou l'entrepreneur, ou bien encore des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de quelque autre défaut) ne constituent pas des travaux d'achèvement (ATF 102 II 206 consid. 1a; arrêts 5A_203/2023 précité loc. cit.; 5A_109/2022 du 15 septembre 2022 consid. 2.2 et les références; 5A_630/2021 précité loc. cit.; 5A_518/2020 précité loc. cit. et les références). Les travaux effectués par l'entrepreneur en exécution de l'obligation de garantie prévue à l'art. 368 al. 2 CO n'entrent pas non plus en ligne de compte pour la computation du délai (ATF 106 II 22 consid. 2b; arrêts 5A_203/2023 précité loc. cit.; 5A_518/2020 précité loc. cit. et les références). 
Si un artisan ou un entrepreneur a travaillé en exécution de plusieurs contrats, il possède autant de créances distinctes. Le délai d'inscription d'une hypothèque légale court en principe séparément, pour chaque contrat, dès l'achèvement des travaux auxquels il se rapporte (ATF 76 II 134 consid. 1). Cependant, si les objets des divers contrats sont étroitement liés les uns aux autres au point de constituer économiquement et matériellement un tout, il faut les traiter comme s'ils avaient donné lieu à une seule convention. Il faut considérer que des contrats forment une unité s'ils sont à ce point imbriqués les uns dans les autres qu'ils forment un tout d'un point de vue pratique (ATF 106 II 123 consid. 5b et c; 104 II 348 consid. II.2). Dans cette hypothèse, l'entrepreneur est en droit de faire inscrire l'hypothèque légale pour le montant total de ce qui lui est dû dans les quatre mois dès l'achèvement des derniers travaux formant cette unité. En revanche, lorsqu'un entrepreneur se voit attribuer après coup d'autres travaux de nature différente, le délai commence à courir pour chacun d'eux séparément, à partir de l'achèvement des travaux auxquels il se rapporte (ATF 111 II 343 consid. 2c; 104 II 248 consid. II.2; 76 II 134 consid. 1). De même, si en vertu d'un seul contrat plusieurs ouvrages ont été commandés sur un seul immeuble, le délai commence à courir, en principe, séparément pour chaque ouvrage. Toutefois, le Tribunal fédéral a admis qu'il y a un délai unique lorsque les ouvrages à réaliser sont fonctionnellement interdépendants et ont été construits d'un seul trait (ATF 125 III 113 consid. 3b; 111 II 343 consid. 2c; arrêts 5A_630/2021 précité loc. cit.; 5A_282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 7.1 et les autres références, publié in SJ 2017 I p. 265 et in RNRF 2019 p. 109). 
 
3.2. En l'occurrence, la cour cantonale a constaté que la recourante n'avait pas établi que les différentes prestations livrées avaient fait l'objet d'une seule commande. Elle n'avait pas davantage établi qu'elles étaient interdépendantes les unes des autres ou fournies d'un seul trait. Dès lors le respect du délai de péremption devait être examiné pour chaque commande. Or la recourante, qui invoquait le respect du délai pour l'ensemble des prestations fournies, ne démontrait pas la nature de chaque commande et le moment où chacune d'elles avait été exécutée. Ainsi, à défaut de savoir quelle prestation avait été fournie et à quelle date, la requête ne pouvait qu'être rejetée dans son entier. Cela dit, la cour cantonale a relevé qu'afin de retenir, même pour certains travaux, que le délai de péremption de quatre mois avait été respecté, il fallait, vu l'inscription intervenue le 18 octobre 2019, que des travaux, susceptibles de fonder une hypothèque légale, aient été fournis après le 18 juin 2019. En l'espèce, la recourante avait déposé des décomptes d'heures sur ce point. Établis par celle-ci à une date inconnue, ces décomptes n'étaient pas probants à eux seuls pour établir la date de réalisation des prestations invoquées. Il en ressortait que des opérations de deux natures avaient été exécutées après le 18 juin 2019.  
Les premières libellées " finition de pose, poignées porte coulissante, renforcer penderie, réglage et pose d'une porte en verre " concernaient la livraison et la construction de meubles, notamment d'armoires, à savoir des prestations qui n'étaient pas couvertes par l'hypothèque légale; à supposer que ces prestations tombaient sous le coup de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, il n'était au demeurant pas démontré, au vu du procès-verbal de vérification des travaux du 31 [recte: 29] mai 2019, que ces travaux constituaient autre chose que la réfection de défauts, qui ne retarderaient pas le départ du délai de péremption. 
Restait l'opération relative à la " pose porte palière " mentionnée à hauteur de deux heures le 24 juin 2019 sur le décompte d'heures. La cour cantonale a retenu à ce propos qu'il appartenait à la recourante de démontrer qu'elle avait posé cette porte le 24 juin 2019 au plus tôt. Or un de ses employés avait indiqué que la porte palière était déjà installée lorsqu'il avait travaillé sur le chantier, soit avant que le dressing ne soit monté. Selon lui, il ne s'agissait pas d'une porte provisoire. Un second employé avait quant à lui déclaré qu'à son arrivée sur le chantier le 20 juin 2019, la porte palière était déjà là. Selon la cour cantonale, il n'y avait pas lieu de douter de tels témoignages concordants qui attestaient que la porte palière n'avait pas été " posée " le 24 juin 2019 comme allégué par la recourante tant dans ses écritures que dans le décompte d'heures produit. On pouvait également se référer au courriel du 8 mai 2019 dans lequel F.________ avait agendé au 28 mai 2019 la fin " impérative de la pose " par la recourante, échéance réitérée par courriel du 29 mai 2019. De même, G.________ Sàrl avait attesté par sa signature du procès-verbal de vérification du 29 mai 2019 que les travaux avaient été réalisés à cette date. Le témoignage d'un troisième employé de la recourante n'avait à cet égard aucune force probante: en effet, le témoin avait expressément indiqué avoir discuté avec la recourante de son témoignage et avait déclaré ce qui suit: " nous avons oublié certaines choses que nous avons faites là-bas et nous avons regardé ce que nous avons fait, soit les dates. " Il avait ensuite déclaré: " à partir du 15 juin 2019, nous avons fait les finitions sur les portes de communication et le 24 juin, j'ai posé la porte p alière. " Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a relevé qu'il fallait en déduire que cet employé avait répété ce qui figurait sur le décompte d'heures, produit en procédure et qu'il avait consulté avant son audition, mais pas qu'il se souvenait avoir réellement posé la porte palière le 24 juin 2019. Son témoignage n'était donc pas probant de ce dernier fait, ce d'autant moins qu'il était contredit par les deux autres employés de la recourante. La pose de la porte palière le 24 juin 2019 n'était ainsi pas établie et ne pouvait être prouvée par les décomptes d'heures dressés par la recourante elle-même, à une date inconnue et non signés. La cour cantonale a ajouté que la recourante invoquait un échange de messages instantanés WhatsApp entre H.________ et le représentant de la recourante datés des 23 et 24 juin 2019 qui faisaient état d'un changement de porte palière. Pris en considération avec le procès-verbal de vérification du 31 [recte: 29] mai 2019 - qui indiquait que seuls des défauts mineurs devaient être supprimés, dans un délai au 6 juin 2019, sauf " éléments en commande ", sans précision des éléments en question - et les témoignages susrappelés, ce message permettait tout au plus de retenir que la porte palière avait été posée avant le 24 juin 2019 mais devait être changée ensuite, pour une raison qu'on ignore. C'était ainsi la réfection d'un défaut qui était en jeu, au pire une prestation différée volontairement, ce qui à nouveau n'était pas propre à modifier le départ du délai de péremption de l'art. 839 al. 2 CC. Au demeurant, la seule pose d'une porte, même " palière ", ne démontrait pas l'exécution par la recourante d'un ouvrage au sens de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC et ne pouvait partant retarder le délai de péremption. 
Dans ces conditions, la cour cantonale a considéré que la recourante n'avait pas apporté la preuve stricte, ici applicable, qu'elle avait encore exécuté des travaux donnant droit à une hypothèque légale dans les quatre mois ayant précédé son inscription provisoire. 
 
3.3.  
 
3.3.1. Il faut d'emblée relever que la recourante ne conteste pas le constat de la cour cantonale relatif au fait que les travaux qu'elle a entrepris n'avaient pas fait l'objet d'une seule commande et qu'ils n'étaient pas interdépendants les uns des autres, et qu'ainsi le respect du délai de péremption devait être examiné pour chacun des travaux séparément. Elle ne prétend pas non plus qu'elle aurait entrepris d'autres travaux après le 18 juin 2019 que ceux mentionnés dans l'arrêt entrepris, à savoir " finition de pose, poignées porte coulissante, renforcer penderie, réglage et pose d'une porte en verre " en lien notamment avec les armoires, et la " pose porte palière ". Concernant ces premiers travaux, si elle s'en prend à la motivation cantonale selon laquelle les armoires seraient des meubles et que leur livraison et leur pose ne seraient pas des prestations couvertes par l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, elle ne remet pas en cause la motivation selon laquelle elle n'avait pas établi que les travaux en question constituaient autre chose que la réfection de défauts, qui, même s'ils tombaient sous le coup de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, n'avaient pas pour effet de retarder le point de départ du délai péremptoire de l'art. 839 al. 2 CC. Étant donné que ces motivations sont alternatives (ou indépendantes), la recourante se devait, pour satisfaire à son obligation de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2.1), de critiquer chacune d'elles (ATF 138 III 728 consid. 3.4; 133 IV 119 consid. 6.3). Faute de l'avoir fait, son grief est irrecevable, en tant qu'il concerne les travaux qu'elle a entrepris sur les armoires.  
Cela étant, la seule question pertinente qui demeure est celle de savoir si la livraison et la pose de la porte palière peuvent jouir de la garantie de l'hypothèque légale. 
 
3.3.2. En lien avec cette porte, la recourante soutient d'abord que l'arrêt entrepris violerait l'art. 8 CC, en ne tranchant pas la question de savoir si sa pose tardive était due à un défaut ou à une prestation différée volontairement. Selon la recourante, il appartenait à l'intimée d'établir l'existence d'un défaut ou d'une prestation différée. Or il n'était pas constaté que celle-ci aurait prouvé ni même allégué de tels éléments.  
Par sa critique, la recourante oublie qu'il incombe à l'artisan et entrepreneur d'établir que le délai de quatre mois a été respecté et qu'en conséquence le propriétaire de l'immeuble n'a pas à prouver la tardiveté de l'inscription (arrêt 5A_420/2014 du 27 novembre 2014 consid. 4.1.3; SJ 1981 p. 103 s.; TC VD, 06.12.2010, 159/2010/PHC in DC 2011 p. 93 n. 241; BOVEY, in Commentaire romand, CC II, 2016, n. 87 ad art. 839 CC; STEINAUER, Les droits réels, tome III, 5e éd. 2021, n. 4517; BOHNET, Actions civiles, vol. I, 2e éd. 2019, n. 46 p. 709; SCHUMACHER/REY, Das Bauhandwerkerpfandrecht, System und Anwendung, 4e éd. 2021, n. 1734 p. 557). C'est donc elle qui supporte le fardeau de l'allégation objective et le fardeau de la preuve des faits établissant le respect du délai de l'art. 839 al. 2 CC (art. 8 CC) et, partant, assume l'échec de l'allégation, respectivement de la preuve de ces faits (cf. ATF 147 III 463 consid. 4.2.3; 143 III 1 consid. 4.1; arrêt 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.2 et les références), étant rappelé qu'au stade de l'inscription définitive l'apport de la preuve stricte est exigé (SCHUMACHER/REY, op. cit., loc. cit.). Son grief tombe donc à faux.  
 
3.3.3. Invoquant un grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, la recourante se plaint ensuite de ce que la cour cantonale n'a pas tenu compte du décompte des heures de ses employés, d'où il ressortait que la porte palière avait été posée le 24 juin 2019. Elle relève que ce document constituait l'" échine dorsale " (sic) des moyens de preuve, étant donné qu'il présentait de manière chronologique et globale toutes les opérations qu'elle avait effectuées. Son contenu était corroboré par plusieurs autres éléments de fait isolés, également constatés dans l'arrêt entrepris, et ressortant des messages ou des témoignages. Sur la base de ce document, force était de constater qu'elle avait apporté la preuve de l'exécution de prestations susceptibles d'une inscription de l'hypothèque légale et que celles-ci avaient été réalisées dans le délai de quatre mois précédant l'inscription provisoire. Le raisonnement des juges cantonaux fondé sur les témoignages de deux de ses employés indiquant que cette porte était déjà présente auparavant était insoutenable car il était évident que l'on était en présence d'un bâtiment déjà construit pour lequel des travaux de réfection avaient été demandés et que donc l'appartement disposait déjà d'une porte palière. Comme cela ressortait de la facture, il s'agissait uniquement de remplacer la porte existante. Les juges cantonaux ne pouvaient ainsi pas déduire de l'existence d'une porte palière avant la date du 24 juin 2019 que celle-ci n'avait pas été posée à cette date conformément au décompte. De plus, la considération selon laquelle les décomptes n'avaient pas été établis par les travailleurs mais par la recourante elle-même était tout simplement choquante et inadmissible puisqu'elle remettait en cause la probité des personnes qui s'étaient exprimées alors qu'aucun élément sérieux ne permettait de fonder une telle appréciation désobligeante.  
 
3.3.4. Cette dernière remarque relève du simple procès d'intention, de sorte qu'elle ne mérite pas plus ample développement. Quoi qu'en dise la recourante, il n'apparaît pas insoutenable de considérer que les décomptes des heures qu'elle a produits, qui sont des documents internes à la recourante, complétés de manière manuscrite, non datés et non signés, ne sont pas à eux seuls suffisants pour prouver que l'inscription provisoire respecte le délai de l'art. 839 al. 2 CC. Ses considérations, en partie appellatoires, sur leur caractère exhaustif, exact et central ne permettent pas de leur donner une force probante plus élevée de celle que l'arrêt entrepris lui a accordée. Cela étant, la cour cantonale a jugé que la date de la livraison et de la pose de la porte palière figurant dans le décompte d'heures était incertaine en raison de témoignages divergents de deux employés de la recourante, des courriels de F.________ d'où il ressortait que la fin " impérative " des travaux de la recourante devait intervenir le 28 mai 2019 et du procès-verbal de vérification signé le 29 mai 2019 par G.________ Sàrl attestant que les travaux étaient reçus et vérifiés et qu'ils présentaient des défauts mineurs. Or la recourante n'explique pas pour quelle raison l'annonce de la fin des travaux, ainsi que leur réception, ont été faites à la fin du mois de mai 2019 alors qu'elle aurait encore dû entreprendre les travaux relatifs à la porte palière. Concernant les témoignages des employés de la recourante, celle-ci ne conteste pas l'absence de force probante du troisième témoignage au motif que cet employé s'était entretenu au préalable avec elle et qu'il n'avait fait que répéter ce qui figurait sur les décomptes d'heures. Il est par ailleurs constant que l'appartement de l'intimée était déjà construit et que les travaux réalisés par la recourante étaient des travaux de réfection. Cela ne pouvait à l'évidence pas être ignoré des employés de la recourante. Dès lors, l'on ne saurait d'emblée déduire, comme celle-ci l'affirme, qu'en déclarant en audience que la porte palière était " déjà installée " ou " déjà là ", ses deux autres employés, également entendus comme témoins, se référaient en réalité à l'ancienne porte et non à celle que la recourante devait poser, l'allégué en lien avec lequel ces employés ont été entendus faisant expressément mention de la livraison et de la pose de cette porte. Pour le surplus, la recourante ne dit mot sur la motivation de la cour cantonale selon laquelle l'échange de messages WhatsApp des 23 et 24 juin 2019 permettait tout au plus de retenir que ce changement concernait la réfection d'un défaut ou une prestation différée volontairement si ce n'est qu'il appartenait à l'intimée d'apporter cette preuve (cf. supra consid. 3.3.2).  
Il résulte de ce qui précède que la recourante échoue à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement apprécié les preuves en considérant que la recourante n'avait pas apporté la preuve stricte que la porte palière avait été livrée et posée dans le délai de quatre mois précédant l'inscription provisoire de l'hypothèque légale, ce qui conduit au rejet du recours dans son intégralité. 
 
4.  
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée qui a été invitée à se déterminer (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 4'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Registre foncier du district de U.________. 
 
 
Lausanne, le 28 février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin