Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_580/2023
Arrêt du 28 février 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Heine.
Greffier : M. Ourny.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 juillet 2023 (AA 159/21 - 84/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1970, a travaillé dès le 1
er février 2003 comme aide maçon à plein temps chez B.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Selon une déclaration d'accident du 23 novembre 2017, dix ans auparavant, le prénommé était tombé sur sa main droite après avoir glissé sur du verglas; il avait continué à travailler et n'avait pas consulté de médecin, mais dix ans plus tard, les douleurs étaient devenues très fortes et il n'arrivait presque plus à utiliser sa main. Dans un rapport du 30 novembre 2017, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur ainsi qu'en chirurgie de la main, a fait état d'une fracture avec pseudarthrose du scaphoïde du poignet droit, associée à des remaniements post-traumatiques. La CNA a pris en charge le cas. L'assuré, qui a été mis en incapacité totale de travail, a également consulté un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
A.b. Le 26 février 2018, l'assuré a subi une arthroplastie partielle radio-carpienne et une dénervation partielle du poignet droit. Du 13 novembre 2018 au 12 décembre 2018, il a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (CRR). Il a ensuite subi trois nouvelles interventions chirurgicales (une arthrodèse complète avec greffe osseuse autologue, le 8 mai 2019; une arthroplastie de l'articulation radio-ulnaire distale et une excision de l'os pisiforme, le 13 novembre 2019; une ablation de matériel d'ostéosynthèse avec adhésiolyse/ténolyse, le 25 janvier 2021).
A.c. Dans son rapport d'examen final du 1
er juin 2021, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA, a estimé que l'état de santé de l'assuré était stabilisé. Celui-ci - qui souffrait aussi de troubles anxieux - disposait sur le plan somatique d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, telles qu'elles avaient été définies au terme du séjour à la CRR. Dans une appréciation du même jour, le docteur D.________ a évalué l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) à 17,5 %. Le 19 juin 2021, la CNA a fait savoir à l'assuré qu'elle mettait un terme au paiement des frais médicaux et de l'indemnité journalière au 31 juillet 2021.
A.d. Par décision du 14 juillet 2021, la CNA a refusé d'allouer une rente d'invalidité à l'assuré, compte tenu de sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses restrictions fonctionnelles. Elle lui a revanche octroyé une IPAI de 22'050 fr., fondée sur un taux de 17,5 %. L'assuré ayant fait opposition contre cette décision, la CNA a recueilli l'avis du docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement, qui s'est rallié aux conclusions du docteur D.________.
Par décision sur opposition du 26 octobre 2021, la CNA a rejeté l'opposition de l'assuré. Elle a en outre réduit le montant de l'IPAI - toujours fondée sur un taux de 17,5 % - à 18'690 fr.
B.
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a rejeté par arrêt du 10 juillet 2023.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de la décision sur opposition du 26 octobre 2021, et au renvoi de la cause à la CNA pour nouvelle décision.
L'intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale se réfère purement et simplement à son jugement. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. Le recourant a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Au vu de la motivation du recours et de ses conclusions, le litige porte uniquement sur la rente d'invalidité.
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).
3.
L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l'allocation de prestations d'assurance en cas d'accident (art. 6 ss LAA), à l'évaluation de l'invalidité d'après la méthode ordinaire de la comparaison des revenus (art. 16 LPGA [RS 830.1]; ATF 144 I 103 consid. 5.3; 143 V 295 consid. 2.2 et 4.1.3; 137 V 334 consid 3.1.1; 134 V 322 consid. 4.1; 129 V 222), ainsi qu'à l'appréciation des preuves, en particulier des rapports médicaux (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; cf. aussi ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Il suffit d'y renvoyer.
4.
4.1. Invoquant les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de la garantie d'un tribunal indépendant et impartial, motif pris que F.________, assesseure ayant siégé en instance cantonale, aurait été par le passé présidente du Bureau Romand d'Expertises Médicales (BREM) ainsi que médecin-conseil remplaçante et médecin d'arrondissement de la CNA.
4.2.
4.2.1. Si un justiciable entend faire valoir une situation d'incompatibilité, respectivement un motif de récusation en relation avec la composition irrégulière d'une autorité judiciaire, il doit, conformément à la jurisprudence rendue en matière de récusation, invoquer ce motif dès qu'il en a connaissance sous peine d'être déchu du droit de s'en prévaloir ultérieurement. Il est en effet contraire au principe de la bonne foi d'attendre l'issue d'une procédure pour ensuite, à l'occasion d'un recours, tirer argument d'un motif de récusation qui était connu auparavant. Cela ne signifie toutefois pas que la composition concrète de la Cour amenée à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable; il suffit que l'information ressorte d'une publication générale facilement accessible, en particulier sur internet, par exemple l'annuaire officiel. La partie assistée d'un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière du tribunal (ATF 148 V 225 consid. 3.2; 140 I 271 consid. 8.4.3; 139 III 120 consid. 3.2.1).
4.2.2. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial découlant de l'art. 30 al. 1 Cst. - qui offre les mêmes garanties que l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 134 I 238 consid. 2.1) - permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 147 III 379 consid. 2.3.1; 147 III 89 consid. 4.1; 144 I 159 consid. 4.3; 142 III 521 consid. 3.1.1).
4.3. En l'espèce, la liste des assesseurs en fonction auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud, notamment au sein de la Cour des assurances sociales, est facilement accessible sur le site internet du tribunal. En procédure cantonale, le recourant, qui n'était certes pas encore assisté de son mandataire actuel, était toutefois représenté par un syndicat. On peut donc se demander si le recourant n'aurait pas pu s'attendre, au moment du dépôt de son recours cantonal, à ce que F.________ puisse faire partie du collège appelé à statuer (cf. arrêt 8C_20/2022 du 10 juin 2022 consid. 4.3). Le point de savoir si le motif de récusation est invoqué de manière tardive peut cependant rester indécis. Comme l'a déjà jugé le Tribunal fédéral dans un cas concernant un assuré représenté par M
e Duc, le fait que F.________ a, par le passé, présidé le BREM et travaillé pour l'intimée n'est pas de nature à mettre en doute son impartialité (cf. arrêt 8C_784/2019 du 25 février 2020 consid. 2.5). Le grief du recourant s'avère ainsi mal fondé.
5.
Se plaignant d'une violation de l'art. 43 al. 1 LPGA, le recourant reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir suffisamment instruit le dossier sur le plan médical.
5.1. Aux termes de l'art. 43 al. 1 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (première phrase); les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (seconde phrase).
C'est la tâche du médecin de porter un jugement sur l'état de santé et d'indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2; 125 V 256 consid. 4). Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6 et 4.7; arrêt 8C_816/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.2 et l'arrêt cité).
5.2. En l'occurrence, la cour cantonale a considéré qu'aucun élément du dossier n'incitait à s'écarter de l'appréciation des docteurs D.________ et E.________. La stabilisation de l'état de santé du recourant, admise par le docteur C.________, ne prêtait pas à controverse. Le rapport du 1
er juin 2021 du docteur D.________ était détaillé et motivé. Les conclusions de ce médecin étaient claires et étayées. Il avait tenu compte des plaintes du recourant et son rapport avait été établi à l'issue d'un examen clinique et en connaissance du dossier médical. Le recourant, qui estimait disposer d'une capacité de travail de 50 % seulement, en se fondant sur l'avis du docteur C.________, ne pouvait pas être suivi. Ce médecin n'avait pas retenu une telle capacité de travail en raison du seul accident, mais avait indiqué, en septembre 2020, que les douleurs semblaient être multifactorielles. En mai 2020, il avait confirmé que le recourant avait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Il n'avait mentionné une capacité de travail réduite qu'à partir de septembre 2021, tout en précisant que ce serait à l'assurance-maladie de prendre en charge le cas. Pour le reste, il s'était limité à décrire certaines restrictions fonctionnelles et à signer des certificats médicaux non motivés. L'appréciation de ce médecin ne permettait donc pas de mettre en doute les conclusions des médecins d'arrondissement de l'intimée. Il ne pouvait donc pas être reproché à celle-ci de ne pas avoir mis en oeuvre une expertise portant sur les limitations fonctionnelles et la gravité de l'atteinte. Par appréciation anticipée des preuves, la requête en ce sens du recourant devait être rejetée.
Compte tenu d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (activité sans mouvements répétitifs et/ou prolongés du poignet droit, surtout avec utilisation de la force, et sans ports de charges répétitifs et/ou prolongés de plus de 10 à 15 kg), la comparaison des revenus conduisait à un taux d'invalidité de 8 %, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.
5.3. Le recourant soutient que dans son rapport du 20 juillet 2021, le docteur C.________, qui le suit depuis 2017, aurait clairement fait état d'une situation non-stabilisée, en évoquant une récidive des douleurs latérales ulnaires du poignet droit, possiblement attribuables à une ténosynovite. Le docteur E.________ aurait pourtant ignoré cette problématique. En outre, en évaluant, dans son rapport du 10 septembre 2021, la capacité de travail à 50 %, le docteur C.________ aurait émis un avis en totale contradiction avec les appréciations des médecins d'arrondissement de l'intimée, de sorte qu'un doute subsisterait quant à la réelle capacité de travail. L'intimée aurait donc dû mettre en oeuvre une expertise.
5.4. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le docteur C.________ a finalement confirmé, dans son rapport du 10 septembre 2021, que l'état de santé du recourant était stabilisé "depuis de nombreux mois". Il précisait que les éventuelles infiltrations - évoquées dans son avis antérieur du 20 juillet 2021 - auraient peu d'impact sur la symptomatologie. S'agissant de la stabilisation de l'état de santé du recourant, son appréciation converge ainsi avec celle des médecins d'arrondissement de l'intimée. En ce qui concerne la capacité de travail dans une activité adaptée, le docteur C.________ n'a effectivement pas fait état d'une capacité réduite avant son rapport du 10 septembre 2021, alors qu'il avait précédemment attesté une capacité totale dans un rapport du 8 mai 2020 et avait constaté entre-temps, le 20 juillet 2021, une amélioration de la mobilisation des doigts, décrite comme quasi-complète, ensuite de la dernière intervention chirurgicale. Par ailleurs, il n'a pas expliqué pour quelle raison il s'écartait finalement de l'appréciation de ses confrères. Il n'a pas non plus donné de détails sur la nature des troubles à l'origine de l'incapacité de travail de 50 %. Or, il avait précédemment souligné - notamment dans un rapport du 28 septembre 2020 - les origines multifactorielles, notamment psychiques, des douleurs du recourant. Dans ces conditions, l'avis du docteur C.________ ne fait pas douter de la fiabilité et de la pertinence de l'appréciation des docteurs D.________ et E.________, lesquels n'ont tenu compte que des affections somatiques causées par l'accident. Cette appréciation est du reste validée par les observations des médecins de la CRR, qui, avant même les trois dernières opérations, ont émis un pronostic favorable de réinsertion dans une activité adaptée, compte tenu des seuls facteurs médicaux. Par conséquent, il n'y avait pas de raison d'ordonner une expertise. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté.
6.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 28 février 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
Le Greffier : Ourny