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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.38/2002 /COL 
 
Arrêt du 28 mars 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Féraud, Fonjallaz, 
greffier Zimmermann. 
 
A.________, 
B.________, toutes deux représentées par Me Philippe Neyroud, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, 
recourantes, 
 
contre 
 
C.________, représenté par Me Jean-François Ducrest, avocat, rue Toepffer 11bis, case postale 178, 1211 Genève 12, 
D.________, représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat, place de la Taconnerie 3, 1204 Genève, 
intimés, 
Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec l'Espagne 
 
(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 19 décembre 2001) 
 
Faits: 
A. 
Le 19 juillet 1996, le Royaume d'Espagne a demandé à la Suisse l'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure pénale ouverte notamment contre le ressortissant espagnol C.________, inculpé de faux en écritures commerciales, de faux en écritures publiques, d'escroquerie, de falsification du prix des marchandises et de délit fiscal, qui auraient été commis dans la gestion de la société E.________, dont C.________ avait été l'un des dirigeants. La demande tendait à la remise de la documentation concernant un compte « xxx » ouvert auprès de la Bank of America à Genève, à l'identification de son titulaire et des mouvements opérés de juin 1988 à décembre 1989. 
 
L'Office fédéral de la police (ci-après: l'Office fédéral) a délégué l'exécution de la demande au Juge d'instruction du canton de Genève. Cette procédure a été désignée sous la rubrique CP/314/95. Le 16 mai 1997, le Juge d'instruction a ordonné la transmission à l'Etat requérant de la documentation relative à deux comptes ouverts auprès de la Bank of America, dénommés « xxx » et « yyy », de la documentation relative à trois comptes ouverts auprès de la Banque Lombard, Odier & Cie, à Genève, au nom d'une société dont C.________ est l'ayant droit, ainsi que de la documentation relative à trois comptes ouverts auprès de la Bankers Trust SA C.________ a entrepris cette décision devant la Chambre d'accusation du canton de Genève, qui l'a débouté le 18 mars 1998. Par arrêt du 7 juillet 1998, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit administratif formé notamment par C.________ contre cette décision (cause 1A.100/1998). 
 
L'Etat requérant a formé plusieurs demandes complémentaires, qui ont fait l'objet de décisions de clôture portant sur la transmission de nouveaux lots de documents. 
B. 
Le 30 juin 1997, l'Emirat du Koweït a demandé à la Suisse l'entraide judiciaire pour les besoins d'une procédure ouverte contre C.________ et des tiers pour faux dans les titres, détournement de biens publics et abus de confiance, qui auraient été commis dans la gestion de sociétés publiques ou de sociétés détenant des fonds publics, parmi lesquelles E.________. La demande portait sur la remise de la documentation bancaire relative aux fonds détournés, acheminés sur des comptes en Suisse. 
 
L'Office fédéral a délégué l'exécution de cette demande au même Juge d'instruction que celui chargé de la demande espagnole. Dans le cadre de cette procédure désignée sous la rubrique CP/242/97, le Juge d'instruction a ordonné la saisie de la documentation relative aux comptes « xxx » et « yyy ». Cette saisie, portant sur la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1992, tout en recoupant celle effectuée dans le cadre de la CP/314/95, était plus ample que celle-ci. Cette procédure est en cours. 
C. 
Le 26 mai 1998, la société A.________, liée à E.________, a dénoncé C.________ et des tiers au Procureur général du canton de Genève pour des détournements d'un montant total de 300 millions USD, commis au détriment de A.________ et de E.________. Le 9 juin 1998, à raison des faits contenus dans cette plainte, le Procureur général a ouvert pour faux dans les titres (art. 251 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP) une procédure pénale désignée sous la rubrique P/6133/98, dans laquelle E.________ s'est constitué partie civile. Le 13 novembre 1998, le Juge d'instruction a inculpé D.________, ancien dirigeant de la Bankers Trust à Genève, de blanchiment d'argent, de faux dans les titres et d'escroquerie. Cette procédure a été reprise ensuite par le même Juge d'instruction que celui chargé des procédures d'entraide CP/314/95 et CP/242/97. Le 27 novembre 1998, le Juge d'instruction a ordonné l'apport à la procédure P/6133/98 de la documentation bancaire saisie dans le cadre des procédures CP/314/95 et CP/242/97. Il a ordonné une mesure semblable, le 7 octobre 1999, concernant une partie de la documentation supplémentaire réunie dans le cadre de la procédure CP/242/97. 
 
Le 12 septembre 2000, le Juge d'instruction a, par l'entremise de l'Office fédéral de la justice (qui a, dans l'intervalle, repris les fonctions de l'Office fédéral de la police en matière d'entraide judiciaire, ci-après: l'Office fédéral), adressé une demande d'entraide au Royaume d'Espagne, pour les besoins de la procédure P/6133/98. Cette demande tendait à l'audition de C.________ comme témoin. 
 
Le 24 janvier 2001, le Juge d'instruction s'est rendu à Madrid pour entendre C.________, en présence du juge d'instruction espagnol. Un document établi le 23 mars 2001, joint au dossier de la procédure espagnole, indique qu'à l'issue de cette audience, le Juge d'instruction aurait convenu avec les mandataires de E.________ de leur remettre la documentation relative aux procédures CP/314/95 et CP/242/97. Ce document ne contient aucune explication quant au motif de la demande. 
Le 20 février 2001, le Juge d'instruction a remis au mandataire de E.________, sous la forme de quatre disquettes informatiques, une copie de pièces versées à la procédure P/6133/98, correspondant à des extraits des procédures CP/314/95 et CP/242/97. Le 26 février 2001, les mandataires espagnols de E.________ ont versé ces disquettes au dossier de la procédure pénale ouverte en Espagne. 
 
Le 2 avril 2001, le mandataire genevois de C.________ est intervenu auprès du Juge d'instruction pour protester contre cette remise, qualifiée d' « entraide sauvage ». Le 3 avril 2001, le Juge d'instruction s'est borné à lui répondre qu'une procédure était ouverte contre D.________ et que dans ce cadre les parties pouvaient faire des copies des pièces du dossier et en disposer librement. 
 
Le 11 mai 2001, C.________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation contre la remise, le 20 février 2001, des quatre disquettes informatiques au mandataire de A.________. 
 
Par « ordonnance préparatoire » du 21 septembre 2001, la Chambre d'accusation a invité D.________ et E.________ à participer à la procédure. 
 
Le 19 décembre 2001, la Chambre d'accusation a admis le recours et annulé la décision du 20 février 2001 portant sur la remise des quatre disquettes informatiques au juge espagnol, dans la mesure où cette remise aurait porté sur des comptes dont C.________ est le titulaire et qui n'auraient pas fait l'objet d'une décision de transmission « officielle et définitive ». La Chambre d'accusation, tenant la remise du 20 février 2001 pour une décision de clôture de la procédure d'entraide CP/314/95, a estimé que celle-ci était défectueuse, dans la mesure où il n'apparaissait pas avec certitude que les pièces contenues dans les disquettes auraient fait l'objet, au préalable, d'une décision de transmission définitive. Elle a renvoyé la cause au Juge d'instruction en l'invitant à établir la liste des pièces saisies dans la CP/314/95, concernant les comptes dont C.________ est le titulaire et qui n'auraient pas fait l'objet d'une décision de clôture définitive (consid. 2 let. a), ainsi qu'à établir la liste des pièces concernant les comptes dont C.________ est le titulaire, saisies dans le cadre de la CP/242/97 et qui ne l'auraient pas été dans le cadre de la CP/314/95 (consid. 2 let. b). La Chambre d'accusation a invité le Juge d'instruction à communiquer ces listes au juge espagnol, en l'invitant à ne pas faire usage de ces documents. 
D. 
Agissant conjointement par la voie du recours de droit administratif, les sociétés A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 19 décembre 2001. Elles font valoir que le recours cantonal était irrecevable pour tardiveté et que les documents contenus dans les quatre disquettes litigieuses auraient déjà été transmis antérieurement dans le cadre de la CP/314/95. 
 
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction propose l'admission du recours. C.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. D.________ s'en rapporte à justice. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 150 consid. 1a p. 151, 166 consid. 1 p. 168, et les arrêts cités). 
1.1 Comme cela ressort de son dispositif, mis en relation avec son considérant 2, la décision attaquée renvoie la cause au Juge d'instruction pour qu'il détermine le contenu exact des disquettes remises le 20 février 2001 au mandataire genevois de E.________. Il s'agit là d'une décision incidente, contre laquelle le recours de droit administratif n'est recevable que si elle entraîne un préjudice irréparable (art. 101 let. a OJ, mis en relation avec l'art. 45 al. 1 PA; ATF 120 Ib 97 consid. 1c p. 99/100; 116 Ib 344 consid. 1c p. 347). Une décision de renvoi contenant des instructions impératives à l'autorité inférieure sur les points tranchés définitivement dans les considérants n'est pas de nature incidente, mais finale, car elle présente les traits d'un arrêt partiel (ATF 118 Ib 196 consid. 1b p. 198/199; 117 Ib 325 consid. 1b p. 327). Si, comme le suppose la Chambre d'accusation, la remise des disquettes litigieuses devait, selon les circonstances, équivaloir à une décision de clôture dans le cadre de la procédure CP/314/95 (cf. consid. 1.2 ci-dessous), le recours de droit administratif serait ouvert au fond (cf. art. 101 let. a OJ, mis en relation avec l'art. 25 al. 1 EIMP). 
1.2 Le 20 février 2001, le Juge d'instruction a remis à E.________ comme partie civile à la procédure pénale P/6133/98, quatre disquettes informatiques contenant des pièces du dossier de cette procédure, correspondant à des documents bancaires, tirées des procédures d'entraide CP/314/95 et CP/242/97. Pour la Chambre d'accusation, cette remise devrait être assimilée à une décision de clôture dans la procédure CP/314/95, si les autorités espagnoles avaient reçu, par l'entremise de E.________, partie civile à la procédure pénale en Espagne, des documents relatifs à des comptes dont C.________ est le titulaire et qu'elles n'auraient pu recevoir qu'après le prononcé d'une décision de clôture entrée en force. Sur ce point, la décision attaquée n'est pas absolument claire. D'un côté, la Chambre d'accusation semble considérer la remise du 20 février 2001 comme une décision de clôture de fait. D'un autre côté, se trouvant dans l'impossibilité de déterminer elle-même si les informations contenues dans les disquettes litigieuses sont identiques à celles déjà communiquées à l'Etat requérant dans les décisions de clôture rendues dans le cadre de la CP/314/95, la Chambre d'accusation a renvoyé la cause au Juge d'instruction pour qu'il procède à cette vérification. Or, de deux choses l'une: ou bien les informations sont identiques et la remise du 20 février 2001 porte tout au plus sur la répétition de mesures d'entraide déjà entrées en force; ou bien ces informations ne sont pas identiques, ce qui soulèverait, dans des termes encore indéfinis, la question délicate de la nature juridique de la remise du 20 février 2001. Le choix entre ces deux termes de l'alternative dépend ainsi de la clarification préalable du contenu exact des disquettes litigieuses. La Chambre d'accusation n'a pas tranché ce point et sa décision, même si elle n'est pas dépourvue d'ambiguïté, ne préjuge pas de la décision à prendre par le Juge d'instruction. Si celui-ci, au terme des investigations ordonnées par la Chambre d'accusation, parvient à la conclusion que les informations contenues dans les disquettes litigieuses ont déjà été transmises à l'Etat requérant par une décision de clôture entrée en force, il lui suffira de constater ce fait. Si, en revanche, il se confirmait que par la remise du 20 février 2001, l'Etat requérant a reçu des informations nouvelles, se poserait alors la question de savoir si une telle transmission devait se faire ou non par les voies de l'entraide judiciaire et donner lieu au prononcé d'une décision de clôture. Dans l'affirmative, il conviendrait de s'interroger sur la possibilité de guérir après coup une transmission irrégulière parce que prématurée, si toutes les conditions de l'entraide étaient remplies. 
1.3 La décision attaquée, de nature incidente, ne cause aux recourantes aucun dommage irréparable, par quoi il faut entendre, au sens de l'art. 101 let. a OJ mis en relation avec l'art. 45 al. 1 PA, l'intérêt de fait à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (ATF 120 Ib 97 consid. 1c p. 100; 116 Ib 344 consid. 1c p. 347/348). En effet, les recourantes n'exposent pas être confrontées à des difficultés quelconques liées à la prolongation - qui ne devrait pas être nécessairement longue - de procédures engagées depuis près de quatre ans. Un tel dommage n'est au demeurant pas discernable. 
1.4 Le recours est ainsi irrecevable au regard de l'art. 101 let. a OJ, mis en relation avec l'art. 45 al. 2 PA, sans qu'il soit nécessaire d'approfondir les points de savoir si la remise du 20 février 2001 devait être assimilée à une décision de clôture au sens de l'art. 80d EIMP, si le délai de recours a été respecté dans la procédure cantonale et si les recourantes avaient qualité pour agir au regard de l'art. 80h let. b EIMP
2. Les frais sont mis à la charge des recourantes (art. 156 OJ), ainsi qu'une indemnité à verser à l'intimé C.________ à titre de dépens (art. 159 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé D.________, qui s'en est remis à justice. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge des recourantes, ainsi qu'une indemnité de 1'000 fr. à verser à l'intimé C.________ à titre de dépens. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens pour le surplus. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 98 843/4). 
Lausanne, le 28 mars 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: