Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_356/2023
Arrêt du 28 mars 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hänni.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Guillaume Barazzone, avocat,
recourante,
contre
Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève, place de la Taconnerie 7, 1204 Genève,
représenté par Me David Hofmann, avocat.
Objet
Allocation d'aide extraordinaire destinée aux entreprises touchées par les mesures contre l'épidémie du Covid-19,
recours contre la décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 23 mai 2023 (ATA/543/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA, ancienne société anonyme inscrite au registre du commerce le 26 juin 1930 sous le numéro d'identification des entreprises (ci-après : IDE) xxx, avait, à teneur de l'extrait du registre du commerce avec radiations, pour but social la fabrication, l'achat et la vente de tous articles de boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, confiserie, chocolaterie, traiteur et glaces et d'une manière générale de tous produits alimentaires.
B.________ SA, société anonyme inscrite au registre du commerce le 20 juillet 2015 sous le numéro IDE yyy, avait pour but statutaire les services, l'assistance ou les conseils aux sociétés dans lesquelles B.________ Holding SA avait des intérêts financiers ou commerciaux.
A.b. Par contrat du 22 octobre 2018, B.________ SA a transféré une partie de son patrimoine à la société C.________ SA, inscrite au registre du commerce le 5 novembre 2018, dont le but social était le même que celui de B.________ SA. Elle lui a vendu ses activités de services au 30 juin 2018.
Le 12 novembre 2018, A.________ SA (ci-après : la société absorbée) et B.________ SA (ci-après: la société absorbante) ont conclu un contrat de fusion, par lequel la seconde a absorbé la première. Les parties ont convenu que la fusion deviendrait effective au moment de son inscription au registre du commerce et qu'à cette date, l'ensemble des actifs et passifs de la société absorbée serait transféré par voie de succession universelle à la société absorbante. Dans leurs rapports internes, les sociétés ont donné effet à la fusion au 1er juillet 2018 et décidé que toutes les affaires conclues par la société absorbée à partir de cette date seraient considérées comme conclues au nom et pour le compte de la société absorbante.
Le 14 novembre 2018, la société absorbée a été radiée du registre du commerce et B.________ SA a modifié sa propre raison sociale en A.________ SA. Elle a également repris le but social de la société absorbée, à savoir la fabrication, l'achat et la vente de tous articles de boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, confiserie, chocolaterie, traiteur et glaces et d'une manière générale de tous produits alimentaires.
B.
B.a. Le 19 octobre 2021, A.________ SA (ci-après : la société requérante) a rempli le formulaire de demande d'aide financière "pour cas de rigueur" pour l'année 2020. Par courriels du mois de juin 2022, elle a sollicité une aide similaire pour le premier semestre 2021.
B.b. Par décision du 12 septembre 2022, la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l'environnement (ci-après : la Direction générale) du Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève (ci-après : le Département) a refusé d'allouer une aide financière à la société requérante, au motif que le recul du chiffre d'affaires 2020 (1'368'153 francs) n'était pas d'au moins 40 % par rapport au chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 (1'395'395 francs) et 2019 (2'563'528 francs), pour la partie de l'activité faisant l'objet de la demande.
B.c. Le 6 octobre 2022, la société requérante a adressé une réclamation à la Direction générale, en mentionnant qu'elle exerçait deux types d'activités distinctes qui généraient du chiffre d'affaires et s'inscrivaient dans son but statutaire : d'une part, la vente d'articles aux magasins du réseau d'enseignes C.________, et d'autre part, la vente d'articles au secteur Horeca et aux réseaux de la grande distribution (ci-après : la vente en gros). Elle précisait avoir repris, au 1er juillet 2018, par la fusion, l'ensemble de la vente en gros, domaine dans lequel elle n'exerçait auparavant aucune activité, et que seul ce dernier secteur faisait l'objet de sa demande.
B.d. Par décision sur réclamation du 31 janvier 2023, la Direction générale a confirmé la décision du 12 septembre 2022. Selon elle, les effets de la fusion ne pouvaient être retenus pour la période antérieure au 1
er juillet 2018. Elle estimait que le chiffre d'affaires de la société absorbée, en particulier celui résultant de la vente en gros, ne pouvait pas être ajouté à celui de la société requérante, dès lors qu'il avait été réalisé par une société distincte, portant un numéro IDE différent, avant que ne se déploient les effets de la fusion.
Par arrêt du 23 mai 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé par la société requérante contre la décision précitée du 31 janvier 2023.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt susmentionné du 23 mai 2023 et de condamner le Département, par la Direction générale, à lui allouer les aides financières auxquelles elle avait droit pour les années 2020 et 2021, à tout le moins, la somme de 316'932.50 francs pour l'année 2020, avec intérêts à 5 % dès le 19 octobre 2021, et la somme de 211'569.40 francs pour l'année 2021, avec intérêts à 5 % l'an dès le 19 octobre 2021. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Direction générale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La Cour de justice indique persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La recourante réplique et mentionne qu'elle persiste intégralement dans les termes et conclusions de son recours du 23 juin 2023. Le Secrétariat d'État à l'économie, en dépit de ce qu'il avait annoncé, n'a pas produit de prise de position.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1). Toutefois, conformément à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de l'arrêt attaqué ou du dossier de la cause, la partie recourante doit exposer en quoi celles-ci sont réunies, en particulier en quoi l'arrêt attaqué est une décision pouvant faire l'objet d'un recours en matière de droit public, sous peine d'irrecevabilité (ATF 133 II 353 consid. 1 et les références citées).
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Portant sur l'octroi d'aides financières de l'État en lien avec l'épidémie de Covid-19, il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Le recours en matière de droit public est donc en principe ouvert. Toutefois, un tel recours n'est pas recevable contre les décisions concernant des subventions auxquelles la législation ne donne pas droit (art. 83 let. k LTF).
1.2. En l'espèce, l'aide financière litigieuse est fondée sur la loi genevoise 12'938 du 30 avril 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus pour l'année 2021 (ci-après: LAFE/GE-2021). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les aides financières allouées sur la base de cette loi sont des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF (arrêts 2C_757/2022 du 4 mai 2023 consid. 1.2; 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.2).
1.3. La recevabilité du recours en matière de droit public suppose dès lors un droit à la subvention.
1.3.1. La LAFE/GE-2021 prévoit différentes aides financières pour les entreprises: certaines reprennent les conditions de l'ordonnance fédérale du 25 novembre 2020 concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur, OMCR; RS 951.262) et pour lesquelles le canton bénéfice d'une participation financière de la Confédération au sens de cette ordonnance (art. 7 s. et 11 ss LAFE/GE-2021) et d'autres, purement cantonales, ne bénéficient pas du soutien financier de la Confédération, faute pour les entreprises concernées de remplir les critères de l'OMCR (art. 9 et 10 LAFE/GE-2021).
1.3.2. Ni l'art. 12 de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid-19 (Loi Covid-19; RS 818.102; dans sa teneur en vigueur du 20 mars 2021 au 31 décembre 2022 [RO 2021 878]), qui fixe les principes régissant les aides financières pour cas de rigueur versées par la Confédération, ni l'OMCR, qui met en oeuvre ces principes, n'ouvrent un droit à l'octroi des aides financières concernées. Ces textes ne font que fixer les conditions minimales pour que la Confédération participe financièrement aux programmes de soutien aux entreprises mis en place par les cantons (cf. arrêts 2C_757/2022 du 4 mai 2023 consid. 1.3.4; 2C_969/2022 du 12 avril 2023 consid. 1.3.3; 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.3.4).
1.3.3. Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'il n'existait pas de droit à l'octroi d'une aide financière sur la base des art. 9 et 10 LAFE/GE-2021 (arrêt 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.3 s.). Il n'a cependant encore jamais examiné si les art. 11 ss LAFE/GE-2021, qui s'appliquent lorsque le chiffre d'affaires moyen de la société requérante, pour les années 2018 - 2019, est supérieur à 5 millions de francs, donnaient un droit à l'octroi des aides financières en découlant (cf. arrêt 2C_969/2022 du 12 avril 2023 consid. 1.3.2, lequel laisse la question ouverte).
1.4. L'arrêt attaqué ne précise pas si le chiffre d'affaires moyen 2018-2019 de la recourante est supérieur ou non à 5 millions de francs et, ainsi, si la présente cause doit être examinée sous l'angle des art. 7 s. LAFE/GE-2021 ou 11 ss de cette même loi. La recourante fait valoir que son chiffre d'affaires moyen pour les années 2018-2019 était supérieur à 5 millions de francs (9'791'466 francs au deuxième semestre 2018 et 15'480'615 francs [chiffre d'affaires global] en 2019) et précise avoir communiqué ces faits à l'autorité précédente dans son mémoire de recours. Elle ajoute que ces montants n'ont pas été remis en question par l'autorité intimée, ce que celle-ci confirme dans son mémoire de réponse (p. 15 n. 50).
Bien que ne figurant pas dans l'arrêt attaqué, les chiffres d'affaires réalisés par la recourante durant les années 2018-2019 peuvent être retenus en dépit de l'art. 99 al. 1 LTF, qui fait obstacle à la prise en compte de faits nouveaux, dans la mesure où ces éléments servent à la détermination de la recevabilité du recours en matière de droit public (cf. ATF 136 II 497 consid. 3.3; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêts 2C_333/2023 du 22 juin 2023 consid. 2.3; 8C_547/2018 du 14 juin 2019 consid. 2.3; HANSJÖRG SEILER, Bundesgerichtsgesetz, 2e éd. 2015, n° 15 ad art. 99 LTF).
1.5. Sur le vu de ce qui précède, un renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle précise le chiffre d'affaires de la recourante pour les années concernées, ainsi que les dispositions légales applicables en lien avec ce chiffre ne se justifie pas et serait contraire au principe d'économie de procédure.
1.6. Il convient donc d'examiner la question de l'existence d'un droit (de principe) à une aide financière sous l'angle des art. 11 ss LAFE/GE-2021.
1.6.1. Selon la jurisprudence, il existe un droit à la subvention au sens de l'art. 83 let. k LTF lorsque la législation elle-même précise de manière suffisamment concrète les conditions d'octroi de la prestation, sans laisser à l'appréciation des autorités d'application le soin de déterminer si un montant sera ou non alloué (ATF 145 I 121 consid. 1.2; arrêt 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.3.1). Il est sans importance que l'acte fondant le droit aux subventions soit une loi ou une ordonnance ou que la reconnaissance d'un droit découle de plusieurs actes, telles une loi et son ordonnance d'application (ATF 129 V 226 consid. 2.2; arrêt 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.3.1 et les références). Si les conditions d'octroi sont suffisamment précises, il existe un droit à la subvention même si l'autorité dispose, dans le cadre de ces dispositions, d'une certaine marge de manoeuvre, notamment pour fixer le montant de l'aide (ATF 110 Ib 297 consid. 1; arrêts 2C_142/2022 du 15 décembre 2023 consid. 1.4.4; 2C_835/2022 du 7 mars 2023 consid. 1.3 et les références).
1.6.2. La recourante considère que l'art. 11 LAFE/GE-2021 indique quel type d'entreprises a le droit de bénéficier des aides financières. Elle relève que l'art. 12 LAFE/GE-2021 ainsi que les art. 19 et 20 du règlement du 5 mai 2021 d'application de la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (RAFE/GE-2021) énoncent les conditions pour avoir droit à une indemnisation et sa méthode de calcul. Enfin, elle ajoute que l'art. 13 LAFE/GE-2021 et l'art. 20 RAFE/GE-2021 prévoient un plafond d'indemnisation. Selon elle, le canton, au vu des dispositions applicables, n'a aucune marge de manoeuvre tant quant au principe que quant au montant de la subvention. Elle estime que le caractère obligatoire de la subvention visée par les art. 11 ss LAFE/GE-2021 est renforcé par le fait qu'elle est entièrement financée par la Confédération et qu'il n'existe pas de budget cantonal, contrairement à ce que prévoit l'art. 10 al. 2 LAFE/GE-2021.
1.6.3. Dans son mémoire de réponse, la Direction générale conteste que les dispositions en cause conféreraient un droit à une subvention. Se fondant sur les règles classiques d'interprétation (littérale, systématique, historique et téléologique), elle estime que les aides financières pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs découlent directement du droit fédéral. Selon elle, ces dispositions ne sauraient fonder un droit cantonal autonome et le droit fédéral, selon la jurisprudence, ne donne pas de droit à la subvention.
1.6.4. Concernant les entreprises dont le chiffre d'affaires moyen 2018-2019 est supérieur à 5 millions de francs, la LAFE/GE-2021, dans sa teneur en vigueur en septembre 2022 (cf. arrêt 2C_142/2022 du 15 décembre 2023 consid. 1.4.3 et références), prévoit les dispositions suivantes:
Art. 11 Bénéficiaires
Sont visées par les disposition du présent chapitre les entreprises répondant aux critères de l'article 8b, alinéa 1, de l'ordonnance fédérale concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de COVID-19, du 25 novembre 2020.
Art. 12 Indemnisation
1 L'indemnisation consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève, entièrement compensée par la Confédération, aux coûts fixes non couverts en raison du recul du chiffre d'affaires durant l'exercice 2020, cas échéant 2021 pour les mois de janvier à juin, conformément aux dispositions de l'ordonnance fédérale concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de COVID-19, du 25 novembre 2020.
2 L'indemnité est calculée sur la base de parts de coûts fixes forfaitaires conformément aux modalités prévues à l'article 8b de l'ordonnance fédérale concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de COVID-19, du 25 novembre 2020.
L'art. 13 LAFE/GE-2021 porte sur les plafonds d'indemnisation et reprend avec une formulation différente le contenu de l'art. 8c OMCR.
1.6.5. L'OMCR, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, prise en compte par la Cour de justice dans l'arrêt attaqué, prévoit:
Art. 5 Recul du chiffre d'affaires
1 L'entreprise a prouvé au canton que son chiffre d'affaires 2020 est inférieur à 60 % du chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l'épidémie de COVID-19.
1bis En cas de recul du chiffre d'affaires enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l'épidémie de COVID-19, l'entreprise peut calculer le recul de son chiffre d'affaires sur la base du chiffre d'affaires d'une période ultérieure de 12 mois au lieu du chiffre d'affaires de l'exercice 2020.
Art. 8b Calcul des contributions non remboursables pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 millions de francs
1 La contribution non remboursable accordée à une entreprise dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 millions de francs est calculée en multipliant le recul du chiffre d'affaires visé à l'art. 5 avec une part de coûts fixes forfaitaires.
2 Les entreprises qui ont enregistré un recul du chiffre d'affaires pendant plus de 12 mois peuvent ajouter le recul du chiffre d'affaires pour les mois de janvier à juin 2021 si ceux-ci ne sont pas déjà pris en compte dans le calcul visé à l'art. 5; le recul du chiffre d'affaires est calculé par rapport au chiffre d'affaires moyen des périodes correspondantes pour les exercices 2018 et 2019.
[...]
1.6.6. Concernant les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs, le législateur genevois a décidé de se référer au minimum d'aide garanti par la Confédération. Ce nonobstant et contrairement à ce que soutient la Direction générale, les aides en question restent de droit cantonal, le droit fédéral ne faisant qu'indiquer à quelles conditions la Confédération participe aux coûts des mesures cantonales en faveur desdites entreprises (cf. art. 1 al. 1 OMCR, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021; Message du 17 février 2021 relatif notamment à une modification de la loi Covid-19 [FF 2021 285, p. 18, 20 et 21]; cf.
supra consid. 1.3.2).
Contrairement à ce qui est le cas pour les aides exclusivement fondées sur le droit cantonal (art. 9 et 10 LAFE/GE-2021), les art. 11 ss LAFE/GE ne contiennent pas de disposition formulée de manière potestative, à l'instar de l'art. 9 LAFE/GE-2021. A la différence de l'art. 10 al. 2 LAFE/GE-2021, ces dispositions ne prévoient pas non plus que l'aide serait limitée à un certain budget. On ne voit pas que ces dispositions laisseraient une marge de manoeuvre à l'autorité pour refuser ou fixer l'aide financière dans l'hypothèse où les conditions d'octroi seraient remplies. La situation diffère donc de celle de l'arrêt 2C_142/2022 du 15 décembre 2023, qui portait sur le droit lucernois. En effet, le droit de ce canton prévoyait, contrairement au droit genevois, une disposition potestative (par renvoi), ainsi qu'une réserve budgétaire (consid. 1.4.9 s.). Dans le présent cas, l'existence de notion à préciser (comme celle de paiement de "la plus grande partie de ses charges salariales en Suisse" selon l'art. 3 al. 1 let. c OMCR en lien avec l'art. 3 al. 1 LAFE/GE-2021) ne suffit pas pour conclure à l'absence de droit.
De plus, les travaux préparatoires ne permettent pas de penser que le législateur genevois aurait souhaité laisser une marge d'appréciation aux autorités dans le choix d'octroyer ou non l'aide en question aux entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs. ll ressort en particulier de ces travaux que l'indemnisation de ces entreprises est "totalement réglée, sans marge de manoeuvre des cantons, par la Confédération" (intervention de la Conseillère d'État Fontanet à la séance du Grand conseil genevois du 30 avril 2021 à 16h10, premier débat). On peut aussi y lire que "les dispositions cantonales actuelles ne prévoient aucune exceptions pour les grandes entreprises avec un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs et renvoient exclusivement à l'[OMCR 20]" (PL 13072 [projet de loi modifiant la loi 12938] du 9 février 2022 p. 4, figurant dans le Mémorial du Grand conseil "Annexes: objets nouveaux" de la session VIII des 24 et 25 février 2022).
Le législateur genevois indique ainsi qu'il souhaite se calquer sur les critères fixés par la Confédération et que toute entreprise dont le chiffre d'affaires est supérieur à 5 millions de francs et qui respecte lesdits critères a droit à la subvention en cause.
Dès lors, aussi bien un examen sous l'angle littéral, historique que téléologique révèle que l'entreprise qui répond aux conditions des art. 11 ss LAFE/GE-2021 a droit aux aides en question. Une approche systématique ne va pas à l'encontre de l'appréciation qui précède. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte.
1.6.7. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies (cf. art. 42, 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 89 al. 1, 90 et 100 al. 1 LTF), il convient d'entrer en matière.
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral et du droit international (cf. art. 95 let. a et b et art. 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut en revanche pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). De tels griefs sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (cf. ATF 147 II 44 consid. 1.2; 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si celles-ci ont été opérées de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 137 II 353 consid. 5.1).
3.
L'objet du litige porte sur la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par la société absorbée durant le premier semestre 2018 dans le cadre de la détermination du recul du chiffre d'affaires de la recourante, dans le secteur "vente en gros", qui doit être inférieur à 60 % du montant du chiffre d'affaires moyen des années 2018-2019 (art. 11 al. 1 LAFE/GE-2021, en lien avec les art. 5 et 8b OMCR, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021; cf. également art. 12 al. 1 bis loi Covid-19, dans sa teneur en vigueur durant la même période; concernant les aides par secteur, cf. art. 5 RAFE-GE-2021).
3.1. La Cour de justice a retenu ce qui suit:
"
La fusion par absorption, soit la reprise sans liquidation par transfert de patrimoine, a déployé ses effets à partir du 1
er
juillet 2018 seulement de sorte que le chiffre d'affaires réalisé par la société absorbée avant cette date ne peut pas être ajouté à celui de la recourante. Les deux sociétés étaient jusqu'à cette opération des entités juridiques distinctes qui poursuivaient des buts différents, et la société absorbée possédait sa propre comptabilité et son propre numéro IDE jusqu'à sa radiation du registre du commerce. Les effets de la fusion ne peuvent pas être retenus pour une période antérieure au 1
er
juillet 2018. Le transfert d'activité puis la fusion par absorption résultent d'un choix entrepreneurial et ressortissent à la vie économique ordinaire des entreprises. Ces opérations n'ont aucune influence sur la date de la création de la recourante qui n'est pas une société fondée durant la période de référence 2018-2019, puisqu'elle a été inscrite au registre du commerce le 20 juillet 2015. Qu'elle ait changé de raison sociale et de but à partir du 1
er
juillet 2018 pour déployer dès ce moment des activités dans un tout autre domaine ne permet pas de s'écarter de la règle stricte concernant la prise en compte du chiffre d'affaires moyen pour les années 2018 et 2019, puisque sa date de création est antérieure au 31 décembre 2017. " (consid. 4).
3.2. La recourante se plaint d'une application arbitraire de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus; RS 221.301), en particulier des art. 3 al. 2 et 22 al. 1 LFus. Elle fait valoir que "
la fusion a déployé ses effets le 1
er
juillet 2018 et que c'est à partir de cette date que le transfert à titre universel du patrimoine de la Société Absorbée à la Recourante a eu lieu et que tous les droits et obligations de la Société Absorbée ont été transférés à la Recourante, y compris le chiffre d'affaires réalisé par la Société Absorbée au premier semestre 2018. Autrement dit, les revenus de la Société Absorbée au premier semestre 2018 (i.e., les espèces encaissées ou les créances en paiement envers les débiteurs) ont été transférés par voie de succession universelle à la Recourante le 1
er
juillet 2018". Elle reproche à la Cour de justice d'avoir versé dans l'arbitraire en comparant le transfert de patrimoine de la société absorbée suite à la fusion à un transfert d'activité résultant d'un choix entrepreneurial et en partant du principe que le chiffre d'affaires de l'intéressée ne comprendrait pas celui de la société absorbée avant le 1er juillet 2018. Elle estime également arbitraire de considérer, comme l'a fait la Cour de justice, "
que l'on a [affaire]
à deux sociétés distinctes pour calculer le chiffre d'affaires de l'année 2018". Selon elle, le législateur fédéral a en effet prévu que l'effet d'une fusion consiste en la réunion de deux sociétés distinctes en une seule société.
3.3. La LFus porte sur l'adaptation des structures juridiques des entreprises (art. 1 al. 1 LFus; Message concernant la LFus, FF 2000 p. 3996; HENRY PETER, LFus: un nouveau paradigme, in Coopération et fusion d'entreprises, 2005, p. 4 ss). Elle prévoit que la fusion de sociétés peut notamment résulter, comme en l'espèce, de la reprise d'une société par une autre (fusion par absorption) (art. 3 al. 1 let. a). Dans le cadre d'une telle fusion, la société absorbée est dissoute et radiée du registre du commerce (art. 3 al. 2 LFus). La société absorbée disparaît et cesse ainsi d'exister (VOGEL/HEIZ/BEHNISCH/SIEBER/OPEL, in FusG Kommentar, 3 éd. 2017, n° 1 ad Vorbemerkungen zu Art. 3-28 FusG). La fusion conduit au transfert à titre universel de l'ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante, soit au transfert de l'ensemble des droits et obligations de la première à la seconde (cf. art. 22 al. 1 LFus; arrêt 2C_744/2017 du 16 avril 2018 consid. 6.5).
La LFus ne règle toutefois aucunement la question du calcul du chiffre d'affaires moyen d'une société dans le cadre de l'aide financière prévue par la LAFE/GE-2021. Cette aide est réglementée par le droit cantonal et les autorités restaient donc libres de privilégier une approche formaliste, fondée sur le numéro IDE et sur la prise en considération uniquement des comptes de l'entreprise liée à ce numéro, en tenant compte du moment où la société absorbante et la société absorbée ont choisi de rendre leur fusion effective, soit, en l'occurrence, au 1er juillet 2018.
Le grief de violation de la LFus est partant infondé.
4.
La violation de l'égalité de traitement fondée sur l'hypothèse selon laquelle la recourante n'aurait non pas été la société absorbée, mais la société absorbante, tombe à faux. En effet, les deux cas de figure représentent précisément des situations différentes - dont l'une est hypothétique - qui ne permettent pas de conclure à une inégalité de traitement.
5.
La recourante se plaint également d'arbitraire en lien avec le droit cantonal, mais sans toutefois exposer précisément en quoi la Cour de justice aurait fait une application insoutenable de ce droit. Elle n'indique pas quelle disposition spécifique aurait été violée et son recours ne répond ainsi pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.
Par ailleurs, on rappellera que la présente subvention relève du droit cantonal. Or, ni le droit cantonal, ni l'OMCR, qui intervient en tant que droit cantonal supplétif (cf.
supra consid. 1.6.6), ni les commentaires du Département fédéral des finances du 11 mars 2022 concernant cette ordonnance (à tout le moins lorsque la fusion est intervenue après le 1er octobre 2020; cf.
infra consid. 6) ne réglementent la question de la prise en compte du chiffre d'affaires de la société absorbée en cas de fusion. Dans ces circonstances, la Cour de justice pouvait sans arbitraire confirmer l'approche, il est vrai formaliste, de la Direction générale qui privilégiait la notion juridique d'entreprise (et non économique, sur ces notions, cf. arrêt 2C_961/2016 du 30 mars 2017 consid. 4.4.3), en se focalisant sur l'existence de deux sociétés différentes entre la société absorbée et la société absorbante, avec des numéros d'identification et des comptabilités distincts. Le fait qu'une autre solution aurait été possible ne la rend pas arbitraire.
Enfin, la Cour de justice ne prête pas le flanc à la critique lorsque, pour déterminer la date de la création de la recourante, elle retient que la fusion résulte d'un choix entrepreneurial. ll n'est en effet pas insoutenable de considérer que, dans le cadre d'une fusion par absorption, la société absorbante veut croître et/ou se diversifier (cf. VOGEL/HEIZ/BEHNISCH/SIEBER/OPEL, op. cit. n° 3 ad Vorbemerkungen zu Art. 3-28 FusG) et qu'une telle démarche résulte alors d'un choix opérationnel. La recourante n'explique pas en quoi le raisonnement de la Cour de justice serait erroné lorsqu'elle retient que le transfert d'activité puis la fusion n'ont pas eu d'influence sur la date de la création de la recourante, qui a été inscrite au registre du commerce le 20 juillet 2015. Elle n'indique ainsi pas en quoi l'autorité précédente aurait arbitrairement appliqué l'art. 3 OMCR, auquel renvoie le RAFE-2021, qui prévoit des règles spéciales pour des entreprises crées après le 31 décembre 2017.
L'argument de la recourante voulant qu'il serait arbitraire de ne pas lui octroyer d'aide, alors qu'une subvention aurait certainement été versée à la société A.________ SA si la fusion n'avait pas eu lieu ne convainc pas. Il s'agit d'une simple hypothèse qui ne saurait annuler les conséquences de la fusion, décidée par les sociétés précitées. Cette fusion, effectuée en 2018, a mis fin à l'existence de la société absorbée, en modifiant de façon importante la situation sur le plan économique et juridique. Comme déjà mentionné, l'autorité précédente pouvait sans violer le droit se focaliser sur des critères tels que l'existence de la société requérante et sur le numéro IDE (cf.
supra consid. 5).
6.
Le principe de la prééminence de la substance sur la forme, qui permet de ne pas tenir compte d'un changement de nature juridique (comme dans le cas d'une transformation d'une entreprise individuelle en Sàrl; cf. commentaires précités de l'ordonnance Covid-19 en cas de rigueur 2020 du 11 mars 2022 p. 6) n'est d'aucune aide à la recourante. En effet, ce principe n'est invoqué dans lesdits commentaires que pour les entreprises dont la forme juridique a changé après le 1er octobre 2020 (p. 6). Or, on ne saurait appliquer ce principe au cas d'espèce puisque la fusion en cause est intervenue avant cette date. Par ailleurs, la recourante ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, que le droit cantonal prévoirait l'application d'un tel principe à des conditions plus larges que celles précitées.
7.
Enfin, comme le relève à raison l'autorité intimée dans son mémoire de réponse, la recourante reproche en vain à la Cour de justice de ne pas avoir exposé les calculs de la subvention. En effet, celle-ci ayant considéré que les conditions à l'octroi d'une subvention n'étaient pas remplies (recul du chiffre d'affaires inférieur à 40 %), il n'y avait pas lieu de procéder au calcul de l'aide financière.
8.
Il découle de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté.
9.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'000.- francs, sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, et au Secrétariat d'Etat à l'économie SECO.
Lausanne, le 28 mars 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. de Chambrier