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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_173/2012 
 
Arrêt du 28 juin 2012 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, 
Rottenberg Liatowitsch et Kolly. 
Greffière: Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représentée par 
Me Basile Schwab, 
recourante, 
 
contre 
 
Y.________, 
intimée. 
 
Objet 
société en nom collectif; indemnisation de l'associé sortant, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 23 février 2012 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Faits: 
 
A. 
X.________ et Y.________se sont associées en septembre 1996 pour exploiter une agence de placement de personnel dans le cadre d'une société en nom collectif. Elles partageaient les risques et profits de l'entreprise à parts égales et consacraient tout leur temps à l'exercice de cette activité. 
 
Impliquée dans un trafic de cocaïne, X.________ a été placée en détention préventive du 8 septembre au 28 décembre 1999. Comme les associées envisageaient de dissoudre la société, elles ont chargé leur fiduciaire d'évaluer l'entreprise selon les comptes arrêtés au 31 août 1999 et extrapolés au 31 décembre 1999. Dans un rapport du 14 octobre 1999, la fiduciaire a estimé la valeur de la société à 142'300 fr. en tablant sur un bénéfice de 94'500 fr. 
 
Le 1er décembre 1999, les parties ont signé une convention prévoyant la dissolution de la société en nom collectif et la reprise des actifs et passifs par Y.________, qui devait poursuivre seule l'activité commerciale en raison individuelle et indemniser son ex-associée selon un décompte au 31 décembre 1999, que leur fiduciaire devait établir. Celle-ci, dans un avenant du 6 avril 2000, a retenu une valeur nulle pour l'entreprise compte tenu d'une perte de 35'600 fr. Les parties n'ont pas pu se mettre d'accord sur l'indemnité de départ de X.________. 
 
Y.________a demandé une expertise privée à la société A.________, qui a chiffré la valeur de rendement de l'entreprise à 42'000 fr. 
 
Ultérieurement, Y.________a fait l'objet d'un prononcé de faillite rendu par le Tribunal de Bienne-Nidau en date du 22 juillet 2009. 
 
B. 
B.a Le 24 janvier 2003, X.________ a actionné Y.________devant l'une des Cours civiles du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel en concluant d'une part au paiement de 113'750 fr. à titre de compensation pour sa sortie de la société en nom collectif, d'autre part au paiement de 85'600 fr. à titre de salaire pour l'année 1999. 
 
Un expert a été mis en ?uvre en cours de procédure. Il a expliqué qu'il existe deux méthodes d'évaluation: d'une part, celle de la valeur substantielle, correspondant à la valeur réelle des actifs après déduction des dettes et des provisions; d'autre part, celle de la valeur de rendement, fondée sur la capacité de la société à générer des bénéfices. L'expert était d'avis qu'il fallait se fonder sur ces deux critères et retenir une valeur moyenne. Reprenant telle quelle la valeur de rendement fixée par A.________ à 42'000 fr., et chiffrant à -16'172 fr. la valeur selon bilan au 31 décembre 1999, il a estimé la valeur moyenne de la société à 12'914 fr., respectivement à 18'130 fr. la part revenant à l'associée sortante. L'expert pensait toutefois que ce dernier montant était sous-évalué, car le bilan présentait probablement des réserves latentes sur les actifs matériels et les travaux en cours, réserves dont l'expert n'était pas en mesure de déterminer l'importance. A son avis, celles-ci engendraient une plus-value de 25 % sur la part revenant à l'associée sortante. 
 
Par jugement du 27 avril 2011, le Juge instructeur de la Ire Cour civile a rejeté la demande. En substance, il a considéré que les parties, en signant la convention du 1er décembre 1999, avaient connaissance de la méthode de calcul appliquée lors de l'évaluation du 14 octobre 1999 et étaient liées par cette méthode dès lors qu'elles n'avaient pas formulé de réserves. En conséquence, il fallait admettre avec la fiduciaire que la valeur de l'entreprise était nulle. 
B.b X.________ a déféré la cause à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal en réitérant les conclusions prises en première instance. 
 
Par arrêt du 23 février 2012, la cour cantonale a partiellement admis l'appel en ce sens que Y.________doit payer à X.________ la somme de 14'563 fr. à titre d'indemnité de sortie. En bref, la cour a considéré que la convention du 1er décembre 1999 ne contenait aucune référence à des principes d'évaluation ou à une méthode de calcul de l'indemnité de sortie, ni aucun renvoi à l'évaluation faite par la fiduciaire le 14 octobre 1999, de sorte que les parties ne pouvaient être liées par l'avenant du 6 avril 2000. A défaut d'accord, il incombait au juge de fixer la somme revenant à l'associé sortant, conformément à l'art. 580 al. 2 CO. Pour ce faire, la Cour d'appel s'est essentiellement fondée sur l'expertise judiciaire, à laquelle elle a apporté quelques correctifs. A l'instar de ce que proposait le premier juge dans un obiter dictum, elle a tenu compte, y compris dans le calcul de la valeur de rendement, d'une rémunération de 10'000 fr. par mois et par associée pour une activité à plein temps; elle a en outre rectifié le montant des prélèvements effectués par la recourante en 1999. En raison de ces correctifs, elle a chiffré la valeur de rendement à 72'900 fr., soit 36'450 fr. par associée. Elle a en outre retenu pour X.________ une valeur selon bilan de -13'150 fr. au 31 décembre 1999. Elle a ainsi obtenu une valeur moyenne de 11'650 fr. (36'450 + [-13'150] = 23'300 : 2). La cour a augmenté ce chiffre de 25 % pour tenir compte des éventuelles réserves latentes, fixant en définitive l'indemnité de sortie à 14'563 fr. 
 
C. 
Par-devant le Tribunal fédéral, X.________ (ci-après: la recourante) a déposé un recours en matière civile dans lequel elle conclut au paiement de 113'750 fr. plus intérêts. Elle a formé une demande d'assistance judiciaire qui a été rejetée par ordonnance du 30 mai 2012. A la suite de ce rejet, elle s'est acquittée en temps utile de l'avance de frais requise. 
 
L'intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours satisfait sur le principe aux conditions de recevabilité du recours en matière civile (cf. art. 72 al. 1, art. 75, art. 76 al. 1, art. 90 et art. 100 al. 1 LTF). En particulier, la valeur litigieuse excède manifestement le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et art. 74 al. 1 let. b LTF). 
 
2. 
2.1 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), lequel est appliqué d'office, sous réserve des droits constitutionnels (cf. art. 106 LTF). N'étant pas lié par l'argumentation des parties, le Tribunal fédéral s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions de droit que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4). 
 
2.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
Cette faculté d'intervenir d'office doit notamment permettre au Tribunal fédéral de parer à une erreur manifeste, ou de compléter un état de fait trop succinct par un élément qui ressort à l'évidence du dossier et permet de répondre à un argument du recourant (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 62 ad art. 105 LTF). Le Tribunal fédéral n'a toutefois pas à examiner d'office pour chaque point de fait s'il y a matière à le rectifier. Il appartient bien plutôt au recourant qui entend s'écarter des constatations de l'arrêt attaqué d'expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées (cf. art. 97 al. 1 LTF); à défaut, il ne peut être tenu compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 IV 286 consid. 6.2; cf. aussi ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). 
 
3. 
3.1 La recourante reproche à la Cour d'appel d'avoir calculé son indemnité de sortie en se fondant arbitrairement sur une rémunération de 10'000 fr. par mois et par associée, nonobstant leur volonté claire de prélever uniquement le bénéfice au-delà d'une rémunération raisonnable comprise entre 7'000 et 8'000 fr. 
 
3.2 Le travail déployé par l'associé pour le compte de la société en nom collectif ne donne droit à des honoraires que s'il en a été convenu ainsi. A défaut d'un tel accord, le travail est considéré comme un apport en industrie rémunéré par une participation au bénéfice (LUKAS HANDSCHIN/HAN-LIN CHOU, Commentaire zurichois, 4e éd. 2009, n°s 63 et 66 ad art. 558-560 CO; PIERRE-ALAIN RECORDON, in Commentaire romand, 2008, n° 12 ad art. 558-560 CO). 
 
En pratique, il n'est pas toujours aisé de déterminer si les montants versés régulièrement aux associés sont des participations au bénéfice ou des honoraires. Les montants perçus à l'occasion d'un exercice déficitaire peuvent constituer un indice du montant de la rémunération due. Lorsque les exercices précédents étaient tous bénéficiaires, il s'agira de déterminer la contre-valeur objective du travail fourni pour arrêter le montant des honoraires, le surplus étant considéré comme une participation au bénéfice (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 64 s. ad art. 558-560 CO; cf. toutefois WILHELM HARTMANN, Commentaire bernois, 1943, n° 17 ad art. 558 CO, qui estime qu'en cas de doute, il faut retenir une participation au bénéfice). 
 
3.3 La recourante ne conteste pas le principe d'une rémunération pour chaque associée, mais uniquement les montants retenus. Il n'y a ainsi pas à revenir sur le premier point. 
 
3.4 Les décisions cantonales ne précisent pas le montant des prélèvements opérés par les deux associées en 1997. En 1998, celles-ci ont perçu des sommes quasi équivalentes, soit 118'046 fr. pour Y.________et 118'955 fr. 90 pour X.________. En 1999, Y.________a prélevé 144'428 fr. 65 et X.________ 87'235 fr. 75; cette dernière n'a travaillé que 8,3 mois pour la société. 
 
Dans son évaluation de l'entreprise faite en octobre 1999, la fiduciaire des ex-associées a tenu compte d'une rémunération de 10'000 fr. par mois et par associée. 
 
Quant à A.________, qui a estimé la valeur de rendement sur la base des exercices 1998 et 1999, elle a déterminé la rémunération des associées en tenant compte des conditions locales de rétribution dans la branche des prestations de services. Elle a estimé que les associées avaient droit à une rétribution fixe de 8'000 fr. par mois ainsi qu'à une part variable comprise entre 10 et 30 % du salaire de base, en fonction des résultats annuels. Elle a retenu pour chaque associée une rémunération totale de 120'000 fr. pour 1998 (soit 10'000 fr. par mois), et de 105'600 fr. pour 1999 (8'800 fr. par mois). 
 
L'expert judiciaire a dit ne pas avoir connaissance d'un accord sur la rémunération des associées; un tel accord n'était à son sens pas utile tant que les deux associées travaillaient à plein temps, puisque le résultat et la rémunération étaient partagés. Tel n'était toutefois pas le cas en 1999, où la recourante n'avait travaillé que 8,3 mois. De l'avis de l'expert, une rémunération annuelle de 120'000 fr. était "plutôt modeste" pour un responsable d'agence de travail temporaire à plein temps. Ce chiffre pouvait dès lors être retenu pour l'intimée, tandis que la recourante n'avait droit qu'à une rémunération de 83'000 fr. eu égard à son temps d'activité en 1999. L'expert a intégré ces chiffres dans son calcul de la valeur substantielle, tandis qu'il reprenait telle quelle la valeur de rendement calculée par A.________. Dans son rapport complémentaire, il a précisé que la valeur de rendement devait se calculer en tenant compte de la rémunération de l'ensemble des personnes travaillant pour la société, y compris les exploitants, le critère déterminant pour ces derniers étant le salaire qu'un tiers recevrait pour un travail identique. 
 
En définitive, la Cour d'appel a repris les rémunérations retenues par l'expert dans son calcul de la valeur substantielle. Elle a rectifié en conséquence le calcul de la valeur de rendement, en ce sens qu'une rémunération globale de 203'000 fr. (au lieu de 211'200 fr.) devait être retenue en 1999. 
 
3.5 La recourante reproche à l'autorité d'appel d'avoir retenu un salaire mensuel de 10'000 fr. en se fondant sur un motif erroné, à savoir que les parties auraient tacitement admis le montant retenu par la fiduciaire dans son évaluation du 14 octobre 1999. Cet argument avait certes été invoqué par le premier juge, mais il n'apparaît pas que la Cour d'appel l'ait fait sien. Celle-ci s'est manifestement fondée sur l'avis de l'expert judiciaire. A l'évidence, celui-ci a tenu compte des prélèvements opérés en 1998 et 1999, et les a confrontés aux chiffres de la pratique pour retenir le montant de 10'000 fr. En bref, la Cour d'appel a recouru au principe de la confiance faute d'avoir pu établir la volonté réelle des parties. 
 
La recourante objecte que les associées avaient une volonté claire à ce sujet. Elle n'indique toutefois pas quels allégués et moyens de preuve auraient dû conduire la cour cantonale à retenir un accord prévoyant une rémunération de base comprise entre 7'000 et 8'000 fr. La recourante se réfère aux prélèvements opérés en 1997, qui n'auraient été que de 83'000 fr. par associée. Or, un tel montant ne ressort pas des décisions cantonales. La recourante elle-même admet en page 3 de son mémoire qu'aucun élément ne permet de déterminer le montant prélevé en 1997. Elle ne saurait dès lors, en contradiction avec ses propos, chercher à reconstituer artificiellement les prélèvements effectués cette année-là. Quant à l'argument selon lequel les associées se partageaient un "poste unique" et ne pouvaient prétendre à une rémunération de 100 % chacune, il est de type appellatoire et n'est étayé par aucun élément concret. L'arrêt attaqué retient, sans être critiqué sur ce point précis, que les deux associées consacraient tout leur temps à la société jusqu'à l'arrestation de la recourante en septembre 1999. 
 
Pour le surplus, la recourante ne conteste pas que la valeur de rendement se fonde sur une rémunération objective des exploitants (cf. CARL HELBLING, Unternehmensbewertung und Steuern, 9e éd. 1998, p. 363), ce qui n'excluait pas de retenir pour 1998 une rémunération légèrement supérieure aux prélèvements opérés. 
 
Il s'ensuit que le grief de la recourante doit être rejeté. 
 
4. 
4.1 La recourante se plaint d'une fausse application de l'art. 580 al. 2 CO, respectivement d'un abus du pouvoir d'appréciation. 
4.2 
4.2.1 L'art. 580 CO intitulé "Somme due à l'associé sortant" a la teneur suivante: 
"1 La somme qui revient à l'associé sortant est fixée d'un commun accord. 
2 Si le contrat de société ne prévoit rien à cet égard et si les parties ne peuvent s'entendre, le juge détermine cette somme en tenant compte de l'état de l'actif social lors de la sortie et, le cas échéant, de la faute de l'associé sortant." 
L'indemnité prévue par cette disposition vise à compenser le fait que l'associé sortant perd sa participation en main commune à l'entreprise, ses droits de nature réelle sur l'actif social (JEAN-PAUL VULLIÉTY, in Commentaire romand, n° 2 ad art. 580 CO; MARIO SCHAEDLER, Die Abfindung des ausscheidenden Gesellschafters, 1962, p. 9). 
La fixation de l'indemnité de sortie doit se faire en deux temps. Le juge doit tout d'abord déterminer l'état du patrimoine social au moment de la sortie de l'associé, puis définir la prétention individuelle de l'associé sur ce patrimoine. 
4.2.2 Pour arrêter la situation patrimoniale, il convient d'établir un bilan spécial d'indemnisation, qui tient compte de la valeur d'exploitation de la société (ATF 100 II 376 consid. 2b p. 379; 93 II 247 consid. 2b et 2c; plus récemment, arrêts 4A_31/2009 du 30 novembre 2009 consid. 5.1.1 et 4C.278/2005 du 8 mai 2006 consid. 4.1; DANIEL STAEHELIN, in Commentaire bâlois, 4e éd. 2012, n° 4 ad art. 580 CO; VULLIÉTY, op. cit., n° 12 s. ad art. 580 CO). Les bilans annuels d'exploitation ne peuvent pas être utilisés tels quels, car ils ne reflètent pas nécessairement la valeur réelle de la société. En particulier, ils ne font pas apparaître les réserves latentes, à la constitution desquelles l'associé sortant a contribué, et qui doivent être prises en compte dans le calcul de sa part (ATF 93 II 247 consid. 2b p. 254; HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n°s 40 et 48 ad art. 580 CO). Il faut aussi prendre en compte la valeur que les éléments d'actif représentent ensemble pour une entreprise qui continue, en particulier son organisation, sa clientèle, sa réputation, en bref son goodwill, ainsi que le bénéfice net que l'on peut attendre des affaires en cours (ATF 93 II 247 consid. 2b p. 255; HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 50 s. ad art. 580 CO; VULLIÉTY, op. cit., n° 13 ad art. 580 CO; SCHAEDLER, op. cit., p. 28 s.). 
L'estimation de la société peut se faire selon différentes méthodes, en particulier selon la valeur substantielle et/ou la valeur de rendement. La première correspond à la valeur de remplacement de l'actif net; elle revient à déterminer combien il en coûterait pour mettre sur pied une entreprise ayant la même capacité de production que celle évaluée (Rapport du Conseil fédéral du 1er avril 2009, Valeur des entreprises en droit successoral, p. 15, accessible sur le site internet de l'Office fédéral de la justice, www.bj.admin.ch, rubrique "Documentation"; cf. aussi HELBLING, op. cit., p. 85 s. et 215; ETIENNE SCHÖN, Unternehmensbewertung im Gesellschafts- und Vertragsrecht, 2000, p. 26-30). Quant à la valeur de rendement, elle tient compte de la capacité de rendement futur de l'entreprise. Deux facteurs sont déterminants: le rendement futur est ramené à sa valeur actuelle par un taux de capitalisation (Rapport précité du Conseil fédéral, p. 9; cf. aussi SCHÖN, op. cit., p. 34 ss; SCHAEDLER, op. cit., p. 32 ss). 
 
L'art. 580 al. 2 CO n'impose pas une méthode d'estimation. Le choix dépend des circonstances d'espèce, le juge pouvant se fonder sur toute méthode permettant de déterminer une valeur de continuation. En particulier, il peut combiner la valeur substantielle avec la valeur de rendement (STAEHELIN, op. cit., n° 4 ad art. 580 CO; HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 54 ad art. 580 CO; SCHÖN, op. cit., p. 92 s. et 101). 
4.2.3 L'évaluation de la société à la date de sortie de l'associé fait apparaître un accroissement ou une diminution du patrimoine, qu'il convient de répartir entre les comptes d'apports des associés (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 57 ad art. 580 CO), conformément à la règle conventionnelle ou légale prévue pour la répartition des bénéfices et des pertes (cf. ATF 77 II 48 consid. 2b). Les comptes d'apports, ou comptes de capital, sont tenus séparément pour chaque associé; ils comprennent leur apport initial et les éventuels apports subséquents, auxquels s'ajoutent les bénéfices non touchés et les intérêts; les prélèvements et pertes non compensées en sont débités (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 24 ad art. 558-560 CO; SCHAEDLER, op. cit., p. 8; HARTMANN, op. cit., n° 11 ad art. 558 CO). Alors que ces comptes, dans les bilans d'exploitation en cours, n'indiquent qu'une valeur comptable, ils font apparaître, dans le bilan spécial d'indemnisation, la valeur réelle de la participation de l'associé sortant et, partant, la hauteur de son indemnité de sortie (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 60 ad art. 580 CO). 
4.2.4 Ces principes étant exposés, il convient de passer en revue les griefs soulevés par la recourante. 
4.3 
4.3.1 La recourante reproche à l'expert judiciaire, et partant à la Cour d'appel, d'avoir tenu compte uniquement de la valeur comptable de l'entreprise au 31 décembre 1999, sans faire de projections dans le futur. L'expert aurait effectué l'estimation d'une société gérée par deux personnes, alors que l'intimée devait poursuivre seule l'exploitation, avec la perspective d'obtenir le double de gains puisqu'elle n'avait plus à les partager. Seule la valeur de rendement aurait dû être prise en compte. Si la cour avait appliqué la méthode dite des multiplicateurs comme la recourante le préconisait, l'indemnité de sortie aurait été fixée à 113'750 fr. 
4.3.2 L'expert judiciaire a décidé de se fonder sur une valeur moyenne comprenant la valeur substantielle et la valeur de rendement. Or, cette dernière, au contraire de la valeur substantielle, tient compte du développement futur de la société; elle permet d'intégrer la contribution de l'associé sortant à la construction de la société, contribution qui continue de profiter aux associés restants (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 44 ad art. 580 CO). Quant au pronostic sur la réalisation des gains futurs, il se fonde habituellement sur la base des résultats passés (HANDSCHIN/CHOU, op. cit., n° 37 ad art. 580 CO; SCHÖN, op. cit., p. 35 s.; HELBLING, op. cit., p. 358 s. et 368). 
 
Contrairement à ce que plaide la recourante, le développement ultérieur de la société a donc été pris en compte au titre de la valeur de rendement. Le fait que l'expert, pour établir son pronostic, se soit fondé sur des résultats passés ne prête pas le flanc à la critique. Pour le surplus, l'on ne saurait en soi considérer la sortie d'une des deux associées comme une perspective d'augmentation de gain pour l'autre associée. Encore une fois, la capacité future de l'entreprise à produire un rendement doit être évaluée en fonction des forces de travail qui la composent, y compris celles fournies par les exploitants (cf. HELBLING, op. cit., p. 363). Selon l'arrêt attaqué, la recourante consacrait tout son temps à la société jusqu'en septembre 1999. La perte de sa force de travail a donc dû être compensée d'une manière ou d'une autre, que ce soit par exemple par l'engagement d'une autre personne, éventuellement par l'augmentation de l'activité de l'intimée, ou par une baisse du chiffre d'affaires. 
 
La recourante critique le fait d'avoir pris en compte la valeur substantielle. Toutefois, l'art. 580 al. 2 CO ne s'oppose nullement à ce que le juge combine la valeur substantielle et la valeur de rendement. La première représente le coût de remplacement pour obtenir une entreprise ayant la même capacité de production. Une telle valeur fait sens lorsqu'il s'agit d'apprécier l'étendue de la part revenant à un associé ayant contribué à mettre en place l'entreprise. 
 
La recourante invoque l'ATF 136 III 209, en soulignant que pour certaines petites et moyennes entreprises (PME), la jurisprudence admet de se fonder sur la seule valeur de rendement. 
 
L'arrêt en question se rapporte à l'estimation d'une entreprise commerciale dans le cadre de la liquidation d'un régime matrimonial. Dans ce contexte, il a été souligné qu'en droit des sociétés également, la valeur de continuation doit en principe être déterminée en incluant la valeur de rendement et la valeur substantielle. S'agissant des PME, l'arrêt concède que l'on puisse se fonder sur la seule valeur de rendement, lorsque les deux valeurs divergent tellement que l'entreprise ne peut manifestement pas retirer un rendement approprié des actifs liés au capital investi; la continuation de l'entreprise ne doit toutefois faire aucun doute (ATF 136 III 209 consid. 6.2.3 p. 216). Est ainsi visé un cas de figure où la valeur substantielle est supérieure à la valeur de rendement. Or, il n'apparaît pas qu'une telle hypothèse soit réalisée dans le cas concret. La jurisprudence en question n'est ainsi d'aucun secours à la recourante. 
 
L'on peut donner acte à la recourante qu'au sein de la doctrine, la valeur de rendement a progressivement acquis de l'importance au détriment de la valeur substantielle (cf. SCHÖN, op. cit., p. 46-48 et les réf. citées), des critiques ayant été émises sur cette dernière (cf. Rapport précité du Conseil fédéral, p. 15 s. et p. 19 s., et HELBLING, op. cit., p. 130). Il n'en demeure pas moins qu'en pratique, la combinaison des deux critères reste fréquente (SCHÖN, op. cit., p. 55; HELBLING, ibidem). Dans un domaine largement régi par l'appréciation, l'on ne saurait considérer qu'une telle combinaison contrevient à l'art. 580 al. 2 CO. Il n'apparaît pas que la Cour d'appel ait abusé de son pouvoir d'appréciation en se ralliant à la méthode mixte choisie par l'expert judiciaire au détriment de la seule valeur de rendement proposée par l'expertise privée. Pour le même motif, le grief formulé à l'encontre de la pondération des deux valeurs doit être rejeté. Il n'existe en effet pas de règle précise en la matière (cf. SCHÖN, op. cit., p. 53 s.; HELBLING, op. cit., p. 130-132), et la recourante ne démontre pas un abus du pouvoir d'appréciation, se contentant d'insister sur la valeur qui lui était la plus favorable. 
 
Quant à la méthode dite des multiplicateurs préconisée par la recourante, elle consiste à appliquer aux bénéfices un multiplicateur basé sur des valeurs d'expérience pour les entreprises du même secteur (Rapport précité du Conseil fédéral, p. 18). La doctrine relève que le choix du multiplicateur est plus délicat que celui du taux de capitalisation (cf. HELBLING, op. cit., p. 135 s., spéc. note 12 p. 136). Sur ce point également, on ne saurait dénoter un abus du pouvoir d'appréciation dans le fait que l'expert et les juges cantonaux n'ont pas appliqué cette méthode. 
 
4.4 La recourante objecte encore que dans son rapport complémentaire, l'expert aurait admis que son estimation ne tenait pas compte, ou insuffisamment, du goodwill et des actifs immatériels de la société. 
4.4.1 L'expert a précisé que le bilan au 31 décembre 1999 présentait probablement des réserves latentes sur les actifs matériels et les travaux en cours (non comptabilisés), sans qu'il soit possible de déterminer l'importance de ces réserves. L'expert était d'avis que ces réserves, qui influençaient uniquement la valeur substantielle, engendraient une plus-value de 25 % par rapport à la part revenant à l'associée sortante, part qui correspondait elle-même à la moitié de la valeur de la société. La Cour d'appel a majoré d'autant l'indemnité de sortie "pour tenir compte d'éventuelles réserves latentes". 
4.4.2 Dans son complément d'expertise, l'expert a effectivement admis que la nouvelle entreprise individuelle de l'intimée avait débuté dans des circonstances particulièrement favorables puisqu'elle avait pu reprendre la structure et l'organisation en place, ainsi que la clientèle déjà acquise. L'expert a toutefois laissé en suspens la question de savoir si ces éléments devaient être pris en compte dans la fixation de la valeur de l'entreprise, estimant qu'il s'agissait d'interpréter la convention du 1er décembre 1999. Il a ajouté que les résultats réalisés entre 1997 et 1999 étaient globalement insuffisants, ce qui influençait négativement la valorisation de l'entreprise. Alors qu'il était invité à préciser la valeur de l'entreprise selon le bilan d'indemnisation, il a répondu qu'il ne voyait pas de motif de s'écarter de ses calculs, en l'état actuel de la documentation et de la convention de décembre 1999, sous réserve de la question des prélèvements effectués en 1999. Dans son rapport principal, l'expert avait par ailleurs souligné que la valeur de rendement permet de valoriser le goodwill; il avait en outre indiqué que l'entreprise souffrait d'une certaine vulnérabilité en raison de la trop forte dépendance à l'égard de quelques clients importants. 
 
Au vu de tous ces éléments, et compte tenu de l'augmentation de 25 % retenue par la Cour d'appel alors qu'on ignore tout des travaux en cours et des réserves latentes sur les actifs matériels, il n'y a pas de raison de considérer que le goodwill n'aurait pas été pris en compte, ou sous-évalué au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation. 
 
4.5 L'on peut donner acte à la recourante qu'aux dires de l'expert, un tiers aurait pu, pour des raisons subjectives, accepter de payer un prix supérieur à la valeur de rendement. Toutefois, l'on ne saurait y voir l'aveu d'une sous-estimation de l'indemnité de sortie, mais tout au plus la reconnaissance de la part d'aléa qui entoure l'estimation d'une entreprise, et les divergences qui peuvent exister avec la valeur subjective. L'expert n'a du reste pas manqué de souligner dans la foulée l'insuffisance des résultats réalisés entre 1997 et 1999. 
 
4.6 La recourante insiste sur le fait que l'entreprise individuelle a réalisé en 2000 un résultat de 490'000 fr. Ce chiffre ressort effectivement de l'expertise, qui précise qu'il s'agit du résultat avant rémunération de l'exploitante. Cela étant, les circonstances dans lesquelles ce chiffre apparemment exceptionnel a été réalisé ne sont pas explicitées, et l'on observe qu'il ne s'est pas répété l'année suivante, le résultat avant rémunération ne s'élevant plus qu'à 187'000 fr. Sans plus autres informations, on ne saurait voir dans ces résultats la preuve d'une sous-estimation de l'indemnité de sortie revenant à la recourante. 
 
4.7 Pour le surplus, la recourante ne prétend pas que les juges cantonaux auraient méconnu les notions de valeur de rendement et de valeur substantielle. Elle ne conteste pas non plus les critères pris en compte, hormis les arguments déjà discutés, et ne critique pas les calculs effectués par la cour. En définitive, le grief tiré d'une violation de l'art. 580 al. 2 CO se révèle infondé. 
 
5. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. En conséquence, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse, n'a pas droit à des dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
Lausanne, le 28 juin 2012 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
La Greffière: Monti