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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_707/2020  
 
 
Arrêt du 28 octobre 2020  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Muschietti. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Kitsos, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnité pour dommage économique, 
 
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 23 janvier 2020 (CPEN.2018.34/der). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 15 février 2017, le Tribunal criminel des Montagnes et du Val-de-Ruz a condamné A.________, pour blanchiment d'argent et infraction à la législation sur la circulation routière, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. Il a en outre alloué au prénommé une indemnité de 8'000 fr. à titre de l'art. 429 al. 1 let. c CPP. 
 
B.   
Par jugement du 23 janvier 2020, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, statuant notamment sur l'appel du ministère public ainsi que sur l'appel joint formé par A.________ contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que ce dernier est condamné, pour blanchiment d'argent, infraction à la législation sur la circulation routière et infraction à la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants, à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. Il a confirmé le jugement pour le surplus. 
 
Il en ressort notamment ce qui suit. 
 
B.a. A.________ est né en 1963 en Arménie, pays dont il est ressortissant. Il est arrivé en Suisse en 2000 avec son épouse. En 2012, il travaillait à 50% comme opérateur dans une entreprise d'horlogerie et touchait une demi-rente d'invalidité.  
 
Son casier judiciaire ne fait état d'aucune inscription. 
 
B.b. Le 17 août 2012, le ministère public a ouvert une instruction à l'encontre de A.________ notamment.  
 
Le 18 février 2013, A.________ a été interpellé à son domicile. Sa détention provisoire a été ordonnée. Le 11 juin 2013, des mesures de substitution ont été ordonnées à la place de la détention provisoire. Le 27 juin 2013, le prénommé a été libéré, après 130 jours de détention. Le 11 février 2016, la levée des mesures de substitution concernant A.________ a été ordonnée. 
 
Le contrat de travail dont bénéficiait A.________ a été résilié le 23 mai 2013 par son employeur. 
 
Par acte d'accusation du 12 juillet 2016, A.________ a été renvoyé devant le tribunal de première instance, notamment pour recel, blanchiment d'argent et escroqueries. 
 
C.   
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 23 janvier 2020, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'une indemnité de 456'142 fr. lui est allouée à titre de l'art. 429 al. 1 let. b CPP et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de lui octroyer une indemnité à titre de l'art. 429 al. 1 let. b CPP
 
1.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.  
 
Cette disposition instaure une responsabilité causale de l'Etat, qui est tenu de réparer l'intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239 et les références citées). Elle vise essentiellement des pertes de salaires et de gains liées à l'impossibilité de réaliser une activité lucrative en raison du temps consacré à la participation aux audiences ou d'une mise en détention avant jugement. Elle concerne également l'éventuelle atteinte à l'avenir économique consécutif à la procédure, de même que les autres frais liés à la procédure, comme les frais de déplacement ou de logement (arrêts 6B_1418/2019 du 5 février 2020 consid. 3.1; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.1 non publié aux ATF 142 IV 163 et les références citées). L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile (art. 41 ss CO; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239; arrêt 6B_928/2014 précité consid. 4.1.2 non publié aux ATF 142 IV 163). Le droit à des dommages-intérêts fondés sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquat entre le dommage subi et la procédure pénale (arrêts 6B_280/2019 du 19 mai 2020 consid. 2.2; 6B_928/2014 précité consid. 4.1.2 non publié aux ATF 142 IV 163). 
En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut l'enjoindre de les chiffrer et de les justifier. S'il lui incombe, le cas échéant, d'interpeller le prévenu, elle n'en est pas pour autant tenue d'instruire d'office l'ensemble des faits pertinents concernant les prétentions en indemnisation. C'est au contraire au prévenu (totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240). Le prévenu doit ainsi prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage, mais également le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (arrêts 6B_1418/2019 précité consid. 3.1; 6B_995/2019 du 25 octobre 2019 consid. 1.1.1). 
 
Un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non; il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat. Le constat d'un lien de causalité naturelle relève du fait. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 249 s. et les références citées). 
 
1.2. Selon la cour cantonale, le recourant avait fait valoir le fait qu'au moment de sa mise en détention provisoire il était employé à 50% dans une entreprise en tant qu'opérateur de production, pour un salaire mensuel brut de 2'162 francs. Son contrat avait été résilié le 23 mai 2013 par son employeur, en raison de l'incarcération subie. Le recourant avait été libéré le 27 juin 2013. Un lien de causalité naturelle et adéquate entre la détention provisoire et la résiliation des rapports de travail devait ainsi être retenu.  
 
L'autorité précédente a ajouté que le recourant était âgé de 50 ans à l'époque de la résiliation des rapports de travail. L'intéressé avait prétendu qu'il n'aurait ensuite plus trouvé d'emploi, en étayant son argumentation par la production de preuves de recherches en ce sens destinées à l'assurance-chômage. Les premières recherches avaient été entreprises en mai 2014, pour des postes à temps partiel, puis, dès la fin de l'année 2014, pour des emplois en majorité à temps plein. Le recourant avait indiqué avoir traversé, après sa libération, une "courte période de maladie". La survenance d'une maladie puis le défaut de preuve de recherches d'emploi jusqu'en mai 2014 conduisaient à considérer que l'absence de revenus salariés du recourant ne pouvait être mise en lien de causalité naturelle et adéquate avec sa détention. Ses prétentions en matière de perte de gains devaient être rejetées. 
 
1.3. Le recourant prétend obtenir un montant de 456'142 fr., correspondant à 103'776 fr. pour la rémunération dont il aurait été privé du 1er juillet 2013 au 28 février 2017 - date de la fin du mois durant lequel le jugement de première instance, impliquant un acquittement partiel, a été rendu -, à 43'200 fr. pour la perte de prévoyance jusqu'à la retraite, ainsi qu'à 309'166 fr. pour la perte de revenus entre le jugement de première instance et l'âge de la retraite.  
 
1.3.1. S'agissant de la prétendue perte de revenus consécutive à la fin des rapports de travail en 2013, le recourant réclame le versement d'une indemnité correspondant aux salaires qui auraient dû être perçus entre sa libération de la détention provisoire et le jugement rendu par le tribunal de première instance en février 2017. Or, si, comme l'a retenu la cour cantonale, le licenciement du recourant a bien été causé par sa détention, on ne saurait sans autre admettre l'existence du dommage allégué. En effet, il ressort du jugement attaqué que, après sa remise en liberté, le recourant a connu une période de maladie, puis qu'il a recherché un emploi, dès le mois de mai 2014, dans le cadre de l'assurance-chômage. On ignore absolument si et dans quelle mesure le recourant aurait, durant cette période, perçu des prestations d'une assurance sociale en raison de la maladie rencontrée ou de son inscription au chômage. Après avoir travaillé durant des années pour le même employeur, cela jusqu'en mai 2013, on ne voit pas comment le recourant aurait pu se retrouver sans revenus, des prestations de l'assurance-chômage ayant en toute hypothèse dû lui être servies. On ignore également dans quelle mesure le recourant aurait ou non été capable de travailler ou de rechercher un emploi lorsqu'il s'est trouvé frappé par la maladie, l'intéressé ne fournissant aucun détail à cet égard. Ainsi, l'existence d'un dommage pour le recourant, causé par la perte de son emploi, n'est aucunement prouvée. Au demeurant, on ne perçoit pas pourquoi le recourant pourrait prétendre à l'obtention de montants correspondant à son salaire jusqu'au jugement de première instance, dès lors qu'il ne ressort aucunement du jugement attaqué que l'intéressé aurait été empêché - entre sa libération et la décision du 15 février 2017 - de travailler ou de chercher un emploi en raison de la procédure pénale alors en cours.  
 
1.3.2. Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir tenu compte de la maladie rencontrée après sa libération afin de juger qu'il n'avait pu travailler, cela indépendamment de la procédure pénale dont il faisait l'objet. Il prétend, à cet égard, que cette maladie aurait résulté de la détention subie et l'aurait empêché d'effectuer des recherches d'emploi. Sur ce dernier point, il faut relever que la prétendue incapacité de travail du recourant ressort de ses propres allégations, aucun document ne permettant en particulier de comprendre si et dans quelle mesure l'intéressé aurait été empêché de procéder à de simples recherches d'emploi. Quoi qu'il en soit, le recourant entend déduire la cause de son affection de ses propres déclarations en procédure. Durant l'audition évoquée par le recourant, ce dernier a livré les explications suivantes (cf. PV d'audition du 14 février 2017) :  
 
"J'ai des problèmes de santé. Je consulte plusieurs médecins. Je souffre de diabète, de sorte que je dois prendre de l'insuline. J'ai également des problèmes nerveux, psychiques, pour lesquels je prends des médicaments. Je précise qu'il s'agit de problèmes liés à mon moral. Je dois subir vendredi prochain une transfusion de sang car j'ai 4 fois plus de fer que la normale. Si j'ai bénéficié d'une rente Al c'est en raison d'une maladie psychique. J'ai très mal vécu ma période de détention provisoire. Je suis tombé dans le coma quand j'étais en prison. En sortant de détention je suis revenu trois fois à la vie." 
 
Il ressort de ce qui précède, d'une part, que le recourant ne s'est pas décrit comme malade en raison de la détention subie, mais a rapporté diverses affections, dont le diabète ou des problèmes de fer, dont on ne voit pas comment elles pourraient résulter du séjour en prison. D'autre part, le recourant a expliqué qu'il souffrait déjà d'une maladie psychique préalablement à son incarcération, raison pour laquelle il avait bénéficié d'une rente partielle d'invalidité. On ne saurait donc déduire de ces déclarations que le recourant aurait souffert d'une maladie - l'ayant empêché de travailler ou d'effectuer des recherches d'emploi - causée par son incarcération. Au demeurant, si tel avait été le cas, on ne comprend pas pourquoi l'intéressé, qui consultait plusieurs médecins, n'aurait alors pu objectiver son état de santé. 
 
1.3.3. Enfin, le recourant soutient qu'après avoir perdu son emploi il n'aurait que difficilement pu trouver une autre activité, en raison de l'atteinte causée à sa réputation et de la médiatisation de l'affaire qui l'aurait rendu "facilement reconnaissable par tout employeur potentiel". L'argumentation du recourant est irrecevable dans la mesure où elle repose sur des éléments qui ne ressortent pas de l'état de fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF) et dont le recourant ne démontre aucunement l'arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). Il en va ainsi lorsque le recourant affirme que sa réputation aurait été entachée de manière publique, en particulier vis-à-vis d'employeurs potentiels, ou que la médiatisation de l'affaire l'aurait rendu reconnaissable pour des tiers. On peut d'ailleurs relever que la réputation du recourant n'a pas uniquement été entachée par une procédure pénale qui se serait par la suite révélée infondée, mais également en raison de ses agissements ayant conduit à sa condamnation - qui n'est plus contestée à ce stade - notamment pour blanchiment d'argent, laquelle sera en définitive inscrite au casier judiciaire.  
 
Enfin, le recourant précise qu'il n'a pas de formation professionnelle et qu'il ne peut revendiquer qu'une "pratique limitée de la langue française". Il n'apparaît donc pas que l'intéressé pourrait rechercher un emploi dans un domaine d'activité où sa réputation personnelle devrait être irréprochable, mais qu'il pourrait tout au plus prétendre à une activité peu qualifiée, pour laquelle le fait d'avoir fait l'objet d'une procédure pénale ayant pour partie débouché sur un acquittement ne devrait pas constituer un obstacle. On ne voit pas, en conséquence, que la procédure pénale conduite pour partie à tort à l'encontre du recourant pourrait se trouver en relation de causalité adéquate avec son incapacité durable à retrouver un emploi, encore moins que ladite procédure aurait pu, de manière définitive, exclure celui-ci du marché du travail comme il le suggère. 
 
1.4. C'est donc sans arbitraire ni violation du droit fédéral que l'autorité précédente a refusé d'accorder au recourant une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. b CPP en lien avec la cessation de toute activité professionnelle postérieurement à sa libération de la détention provisoire. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
2.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 28 octobre 2020 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa