Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_180/2022
Arrêt du 28 octobre 2022
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Maillard et Abrecht.
Greffière : Mme Castella.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Gian-Luigi Berardi, avocat,
recourante,
contre
Office cantonal de l'emploi du canton de Genève, Service juridique, rue des Gares 16, 1201 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-chômage (assistance juridique),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 8 février 2022 (A/3931/2021 ATAS/108/2022).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1972, a bénéficié de l'indemnité de chômage à partir du 1er novembre 2018, alors qu'elle était titulaire d'une autorisation de séjour.
Par décision du 26 mars 2019, l'Office cantonal genevois de la population et des migrations (OCPM) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de la prénommée et a prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant un délai pour quitter le territoire. Cette décision a été confirmée sur recours par jugement du Tribunal administratif de première instance (TAPI) du 7 février 2020, puis par arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 juillet 2020. Le recours interjeté contre l'arrêt de la Cour de justice a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (arrêt 2D_40/2020 du 16 septembre 2020).
A.b. Par courriel du 16 mars 2021, l'Office cantonal genevois de l'emploi (OCE) a invité A.________ à lui transmettre une autorisation de séjour et de travail valable ou une attestation de l'OCPM confirmant que sa demande de renouvellement de permis était en cours d'examen et qu'elle était autorisée à travailler dans l'intervalle. Par courriels des 31 mai et 7 juin 2021, l'OCPM a indiqué à l'OCE que l'intéressée n'était pas autorisée à travailler, cela depuis le 15 novembre 2020, date de l'échéance de son délai de départ.
A.c. Par décision du 7 juin 2021, l'OCE a dès lors nié l'aptitude au placement de l'intéressée à compter du 15 novembre 2020.
Le 8 juillet 2021, l'assurée s'est opposée à cette décision par l'intermédiaire de Me Gian Luigi Berardi et a requis l'assistance juridique.
Par courriel du 3 août 2021, l'OCPM a indiqué à l'OCE être disposé à délivrer une "autorisation de travail provisoire et révocable en tout temps si l'intéressée venait à trouver un employeur". Par courriel du 17 septembre 2021, il a confirmé que A.________ était autorisée à travailler temporairement.
Par décision du 21 septembre 2021, l'OCE a admis l'opposition compte tenu des indications fournies par l'OCPM, selon lesquelles l'assurée pouvait être autorisée à travailler si elle trouvait un emploi. Il a alors annulé la décision du 7 juin 2021 et a déclarée l'assurée apte au placement depuis le 1er novembre 2018.
Par décision du 18 octobre 2021, l'OCE a rejeté la demande d'assistance juridique.
B.
A.________ a déféré la décision du 18 octobre 2021 à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle concluait principalement à l'annulation de cette décision et au renvoi du dossier à l'OCE pour octroi de l'assistance juridique dans le cadre de la procédure d'opposition et, à titre subsidiaire, à l'allocation de dépens pour la procédure d'opposition.
Par arrêt du 8 février 2022, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l'office intimé afin qu'il lui accorde l'assistance juridique dans le cadre de la procédure d'opposition, respectivement qu'il statue sur l'allocation de dépens. Elle sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral
L'OCE conclut au rejet du recours. La cour cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF; cf. ATF 139 V 600 consid. 2.2) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige a trait au droit de la recourante à l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure d'opposition devant l'autorité intimée.
2.2. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à l'octroi de l'assistance juridique dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales (art. 37 al. 4 LPGA; ATF 132 V 200 consid. 4.1; arrêts 9C_13/2020 du 29 octobre 2020 consid. 5.2; 9C_786/2019 du 20 décembre 2019 consid. 5.1; 9C_786/2017 du 21 février 2018 consid. 4.2; 9C_680/2016 du 14 juin 2017 consid. 4.1.1; 8C_246/2015 du 6 janvier 2016 consid. 2.1). Il suffit d'y renvoyer.
On rappellera néanmoins que le recours à un avocat s'impose uniquement dans les cas exceptionnels où des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et où une assistance par le représentant d'une association, par un assistant social ou d'autres professionnels ou personnes de confiance d'institutions sociales n'entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les arrêts cités). A cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d'espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours; en particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l'état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s'orienter dans une procédure (arrêts 9C_786/2017 précité consid. 4.2; 9C_674/2011 du 3 août 2012 consid. 3.2).
3.
3.1. Les juges cantonaux ont constaté que lorsque l'intimé avait rendu la décision litigieuse, la recourante s'était vu signifier un refus d'autorisation de séjour qui était entré en force à la suite de l'arrêt de la Cour de justice du 7 juillet 2020. Or l'intimé n'était pas fondé à s'écarter de cette décision et ne pouvait pas procéder à un examen autonome du droit de la recourante à un titre de séjour. Partant, il n'avait pas à examiner les moyens développés par celle-ci quant à l'application du droit par l'OCPM, puis par le TAPI et la Cour de justice. L'analyse de ces griefs était du ressort de l'OCPM, seul compétent pour procéder au réexamen de sa décision du 26 mars 2019. C'était d'ailleurs bien à cette autorité que la recourante avait demandé le réexamen de son droit à une autorisation de séjour. Certes, les questions juridiques en lien avec son statut du point de vue du droit des étrangers étaient complexes. Toutefois, eu égard au caractère exécutoire de la décision de l'OCPM du 26 mars 2019, l'argumentation de la recourante consistant à pointer les erreurs dans l'application du droit prétendument commises par l'OCPM, puis par les instances judiciaires, était sans pertinence dans le cadre de la procédure d'opposition. La marge de manoeuvre de l'intimé se limitait en effet dans le cas d'espèce à s'informer de l'issue donnée par l'OCPM à la demande de réexamen et c'était du reste uniquement sur la base du préavis de cette autorité qu'il avait admis l'opposition, et non en raison des moyens soulevés par la recourante. Il aurait donc suffi à la recourante de signaler à l'intimé le dépôt d'une demande de réexamen auprès de l'OCPM. Or cette démarche n'exigeait pas l'assistance d'un conseil, d'autant moins que la recourante maîtrisait bien le français et que ses activités professionnelles l'avaient habituée aux contacts avec les autorités administratives. On ne pouvait donc pas admettre la nécessité de recourir aux services d'un avocat.
3.2. Invoquant son droit à l'assistance juridique, la recourante se plaint d'une violation des art. 37 al. 4 LPGA et 29 al. 2 (recte: al. 3?) Cst. Elle soutient en bref que le signalement à l'intimé de l'existence d'une procédure de réexamen encore pendante devant l'OCPM ne la dispensait pas de justifier le caractère a priori bien fondé de cette démarche. L'examen de l'aptitude à l'emploi d'une personne qui ne disposait pas d'une autorisation de séjour lui permettant d'accepter l'offre d'un employeur potentiel impliquerait de déterminer si celle-ci pouvait compter sur l'obtention d'une autorisation de travail. Or, comme l'ont relevé les premiers juges, les questions juridiques en lien avec le statut de la recourante étaient complexes. Estimer pour le surplus que l'argumentation développée dans l'opposition était sans pertinence ne constituerait pas une motivation suffisante. Ces considérations relèveraient bien plutôt de l'appréciation des chances de succès de l'opposition et non pas d'une appréciation de la complexité du cas. La complexité du cas ressortirait par ailleurs également des questions délicates qui pouvaient se poser, comme celles de savoir si l'OCE était lié par une décision manifestement erronée de l'OCPM ou si l'OCE pouvait se prononcer sur l'aptitude au placement d'une assurée alors qu'une procédure de réexamen était pendante.
3.3.
3.3.1. L'assuré a droit à l'indemnité de chômage, entre autres conditions, s'il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI [RS 837.0]). Selon l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire. L'aptitude au placement suppose, logiquement, que l'intéressé soit au bénéfice d'une autorisation de travail qui lui permette, le cas échéant, d'accepter l'offre d'un employeur potentiel. A défaut d'une telle autorisation, les organes de l'assurance-chômage ou, en cas de recours, le juge ont le pouvoir de trancher préjudiciellement le point de savoir si, au regard de la réglementation applicable, le ressortissant étranger serait en droit d'exercer une activité lucrative (ATF 120 V 378 consid. 3a). Il s'agit de déterminer - de manière prospective, sur la base des faits tels qu'ils se sont déroulés jusqu'au moment de la décision sur opposition (ATF 143 V 168 consid. 2; 120 V 385 consid. 2) - si l'assuré, ressortissant étranger, pouvait ou non compter sur l'obtention d'une autorisation de travail (arrêt 8C_654/2019 du 14 avril 2020 consid. 2.1 et les références, in SVR 2020 ALV n° 17 p. 53).
3.3.2. Comme il ressort de la jurisprudence susmentionnée, l'absence d'autorisation de travailler peut commander aux organes de l'assurance-chômage de déterminer de manière prospective si l'assuré peut ou non compter sur l'obtention d'une autorisation de travail. Le seul fait de devoir procéder à un tel examen ne confère pas à l'affaire un degré de complexité sortant de l'ordinaire. Par ailleurs, le pouvoir d'examiner à titre préjudiciel la question de l'autorisation de travailler d'un assuré étranger suppose que les autorités compétentes en matière de droit des étrangers ne se soient pas encore prononcées. Or il n'est pas contesté en l'espèce que lorsque la recourante a été déclarée inapte au placement, une décision de refus d'autorisation de séjour était entrée en force et un délai échéant le 15 novembre 2020 lui avait été imparti pour quitter la Suisse. Le fait que la recourante ait déposé une demande de réexamen n'y change rien. Il n'y avait plus de place pour un examen prospectif par l'intimé du droit de la recourante à une autorisation de travailler. En outre et contrairement à ce que laisse entendre la recourante, le fait que celle-ci ait été ultérieurement autorisée à travailler de manière provisoire à la suite de sa demande de réexamen - procédure pendante auprès du SEM au moment de l'arrêt attaqué - ne signifie aucunement que la décision du 26 mars 2019 était manifestement erronée. Enfin, on ne voit pas que la procédure de réexamen aurait complexifié l'affaire sur le plan de l'assurance-chômage. L'intimé s'est simplement informé du statut de la recourante auprès de l'OCPM, qui l'a informé que la recourante était provisoirement autorisée à travailler. Cette circonstance a entraîné, de facto, la reconnaissance par l'intimé de l'aptitude au placement de l'intéressée. Sous cet angle, la situation factuelle et juridique ne comportait donc aucune difficulté particulière susceptible de nécessiter l'assistance d'un avocat.
3.3.3. Pour le reste, la violation invoquée de l'art. 29 (al. 2 ou 3) Cst. ne fait l'objet d'aucune motivation particulière, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce grief (cf. art. 106 al. 2 LTF).
4.
4.1. Dans un second moyen, la recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir commis un déni de justice formel et violé l'art. 29 al. 1 et al. 2 Cst. en omettant de se prononcer sur sa conclusion tendant à l'allocation de dépens pour la procédure d'opposition. A supposer que les premiers juges aient implicitement refusé d'octroyer des dépens pour la procédure d'opposition, la recourante fait valoir que l'OCE était fondé à entrer en matière sur les griefs développés dans l'opposition, en l'absence en particulier d'un refus d'autorisation de travailler intervenu postérieurement au dépôt de la demande de réexamen. Ce serait par ailleurs grâce à l'assistance fournie par son mandataire dans le cadre de la procédure de réexamen de la décision de renvoi du 26 mars 2019 que l'OCPM a émis le préavis favorable du 3 août 2021 qui a conduit à l'admission de l'opposition devant l'OCE.
4.2. Ces griefs sont dénués de fondement. En rejetant le recours, la cour cantonale a également rejeté la conclusion tendant à l'allocation de dépens pour la procédure d'opposition. Par ailleurs, sous l'angle du devoir de motivation, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2 et les arrêts cités). Or, comme la recourante le mentionnait dans son recours cantonal, la procédure d'opposition ne donne en règle générale pas droit à des dépens (art. 52 al. 3 LPGA). Selon une jurisprudence bien établie, la seule exception par laquelle des dépens peuvent être alloués est celle de l'opposant qui, s'il avait succombé, aurait pu prétendre à l'assistance judiciaire (ATF 140 V 116 consid. 3.3; 132 V 200 consid. 4.1; 130 V 570 consid. 2.2; arrêts 8C_408/2022 du 7 octobre 2022 consid. 5.2; 9C_877/2017 du 28 mai 2018 consid. 2, in SVR 2018 EL n° 18 p. 44). On ne saurait donc reprocher aux premiers juges d'avoir violé l'art. 29 al. 2 Cst. en se limitant à examiner le droit de la recourante à l'assistance juridique, puisque le droit éventuel à des dépens impliquait que, sur le principe, les conditions de l'assistance juridique fussent remplies.
5.
Le recours se révèle mal fondé en tous points et doit être rejeté. La recourante, qui succombe, a demandé à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l'assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci était dénué de chances de succès et la requête d'assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
Lucerne, le 28 octobre 2022
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Castella