4P.222/2000
{T 0/2}
Ie COUR CIVILE
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28 novembre 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, juges. Greffier: M. Carruzzo.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
X.________ S.A.,
contre
Y.________,
(art. 9 Cst.; contrat de travail)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Y.________ a travaillé de mars 1994 à fin septembre 1998, comme ingénieur-informaticien, pour le compte d'une société neuchâteloise. L'extinction des rapports de travail a donné lieu à un différend entre les parties et le salaire du mois de septembre 1998 n'a pas été versé à l'employé.
B.- Le 3 décembre 1998, Y.________ a assigné X.________S.A. en paiement de 3307 fr., somme correspondant à son salaire brut pour le mois de septembre 1998 (6350 fr.), allocation pour enfant (140 fr.) en sus, dont à déduire trois jours de congé (875 fr.86), les charges sociales (807 fr.16) ainsi qu'une avance reçue (1500 fr.).
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Pour justifier de sa libération, elle a fait valoir des créances compensatoires supérieures au montant réclamé par le demandeur, reprochant à ce dernier de n'avoir pas respecté le délai de résiliation, de s'être octroyé des vacances en trop et d'avoir manqué de nombreuses heures de travail.
Par jugement du 7 juillet 1999, le Tribunal de prud'hommes du district de Neuchâtel a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme de 5182 fr., sous déduction des charges sociales et de l'avance de 1500 fr.
Statuant par arrêt du 11 août 2000, la Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel a rejeté le recours interjeté par la défenderesse, après avoir déclaré irrecevables les nouvelles pièces produites à l'appui de celui-ci. S'agissant du délai de résiliation, la cour cantonale s'en est tenue au délai d'un mois indiqué dans la lettre d'engagement du 9 juin 1994, estimant qu'aucun document écrit ultérieur - notamment la convention signée le 4 mars 1996 - n'établissait que les parties auraient passé un nouvel accord au sujet du délai de résiliation; elle a donc admis que la résiliation du
contrat de travail signifiée à l'employeur par lettre du 22 août 1998 pour le 30 septembre 1998 était intervenue en conformité avec la clause ad hoc du contrat initial, toujours en vigueur. Quant aux jours de vacances pris en trop, la Cour de cassation civile a constaté que la défenderesse n'était pas parvenue à prouver que le chiffre de 4, retenu en première instance, était inférieur à la réalité. Par identité de motif, elle a écarté le moyen relatif aux heures de travail manquantes, lequel était du reste étayé par des pièces nouvelles et, comme telles, irrecevables.
C.- Agissant par l'entremise de son directeur, la défenderesse a formé un recours au Tribunal fédéral. Sans prendre de conclusions expresses, elle soutient que l'arrêt de la Cour de cassation civile est arbitraire parce qu'il "ignore d'une manière inexplicable la pièce essentielle et les faits importants du dossier". La recourante a produit les trois pièces que la cour cantonale avait jugées irrecevables.
L'intimé n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui a été imparti à cette fin. Quant à la Cour de cassation civile, elle se réfère purement et simplement à son arrêt.
Considérant en droit :
1.- a) L'arrêt attaqué est une décision finale prise par le tribunal suprême du canton de Neuchâtel dans une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur est inférieure à 8000 fr. Il ne peut donc être l'objet que d'un recours de droit public, de sorte que la règle de la subsidiarité absolue de ce moyen de droit est respectée (art. 84 al. 2 OJ).
La recourante est personnellement touchée par la décision en cause, qui rejette le recours interjeté par elle contre un jugement de première instance la condamnant à verser une somme d'argent à la partie adverse. Elle a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 88 OJ).
Le recours a été déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ). La recourante n'y a certes pas pris de conclusions formelles, contrairement aux prescriptions de l'art. 90 al. 1 let. a OJ. Toutefois, comme elle agit sans l'assistance d'un mandataire professionnel, il n'y a pas lieu de poser des exigences trop strictes à cet égard (ATF 117 Ia 126 consid. 5d p. 133, 115 Ia 12 consid. 2b; Forster, in: Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, vol. I, 2e éd., p. 86, n. 2.54), d'autant moins que, hormis certaines exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, le recours de droit public n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 122 I 120 consid. 2a, 351 consid. 1f, 121 I 225 consid. 1b, 326 consid. 1b). Or, il ressort clairement de l'acte de recours que la recourante estime ne plus rien devoir à l'intimé et qu'elle entend, dès lors, obtenir l'annulation de l'arrêt cantonal qui confirme la condamnation pécuniaire prononcée à son encontre en première instance. Par conséquent, le recours est recevable sous cet angle également.
b) En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale.
La recourante méconnaît cette règle lorsque, dans le cadre de ses deuxième (heures de travail manquantes) et troisième (jours de vacances pris en trop) griefs, elle s'en prend uniquement au jugement de première instance (référence "J"), alors qu'elle ne pouvait attaquer que l'arrêt de la Cour de cassation civile devant le Tribunal fédéral. Dans cette mesure, son recours de droit public est irrecevable, d'autant plus qu'il est étayé par trois pièces nouvelles dont le dépôt n'est pas admissible dans une telle procédure (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212, 121 I 367 consid. 1b p. 370, 113 Ia 225 consid. 1b/bb p. 229 et les arrêts cités).
2.- a) Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation invoquée (ATF 117 Ia 393 consid. 3). S'il invoque une violation de l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se contenter de prétendre que la décision entreprise est arbitraire. Lorsque le grief concerne l'application du droit, il doit citer la norme juridique qui, de manière qualifiée, aurait été appliquée faussement ou n'aurait pas dû être appliquée. Il lui faut démontrer que la décision attaquée est manifestement insoutenable, qu'elle est en contradiction flagrante avec la situation de fait ou viole gravement un principe de droit incontesté ou encore contredit de manière choquante le sentiment de la justice. Une critique de nature purement appellatoire est irrecevable (ATF 125 I 166 consid. 2a, 124 I 247 consid. 5 p. 250, 124 V 137 consid. 2b).
Le premier moyen soulevé dans le présent recours (délai de résiliation) satisfait à ces exigences. L'arbitraire y est expressément invoqué, quand bien même la recourante ne cite pas l'art. 9 Cst., ce qui n'est pas décisif (cf. ATF 115 Ia 12 consid. 2b in fine). Pour le surplus, la recourante s'en prend, sur ce point, à l'arrêt de la Cour de cassation civile (référence "C"), mentionne la pièce essentielle que la cour cantonale aurait arbitrairement ignorée (l'accord du 4 mars 1996) et expose, en se référant à la disposition légale topique (art. 339c CO; recte: art. 335c CO), pour quelle raison il était à ses yeux insoutenable de considérer que le délai de résiliation était en l'occurrence d'un mois au lieu de deux.
Il convient, dès lors, d'examiner la pertinence des critiques formulées par la recourante à l'encontre des considérations émises par la cour cantonale en ce qui concerne le délai de résiliation litigieux.
b) aa) Le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée.
Le contrat de durée déterminée est celui dont la fin a été conventionnellement fixée par les parties et qui s'éteint sans que l'une d'entre elles doive (ou puisse) le résilier (art. 334 al. 1 CO). Les parties peuvent fixer soit un terme, soit une durée, soit un laps de temps objectivement déterminable, pourvu qu'elles soient en mesure de connaître de façon suffisamment précise la fin des rapports de travail. En cas de reconduction tacite, après l'expiration de la période convenue, l'art. 334 al. 2 CO pose la présomption que le contrat est renouvelé pour une durée indéterminée.
Le contrat de durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO). Selon l'art. 335c al. 1 CO, le contrat peut être résilié pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d'un mois pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement (al. 1). Ces délais peuvent être modifiés par accord écrit, contrattype de travail ou convention collective; des délais inférieurs à un mois ne peuvent toutefois être fixés que par convention collective et pour la première année de service (al. 2).
bb) En l'espèce, il est constant, et d'ailleurs non contesté, qu'en vertu du chiffre 7 du contrat de travail conclu par les parties le 9 juin 1994, le délai de résiliation a été fixé à un mois, ce qui était admissible au regard de l'art. 335c al. 2 CO.
Dans l'arrêt attaqué, la Cour de cassation civile dit avoir cherché en vain "un document écrit (c'est elle qui souligne) établissant que les parties soient parvenues à un nouvel accord s'agissant du délai de résiliation". A son avis, la convention signée par les parties le 4 mars 1996 ne comporterait aucune modification du contrat initial quant au délai de résiliation, si bien que, sur ce point, les parties restaient liées par le contrat du 9 juin 1994.
La convention manuscrite du 4 mars 1996, munie de la signature des deux parties, est ainsi libellée:
"Convention réglant le nouveaux (sic) contrat de
travail entre Y.________ et X.________S.A., suite à
l'accord oral du 28 février 1996.
Salaire brut mensuel: 5800.- SFr.
Début du contrat: 1er mai 1996
Salaire fixé jusqu'au: 1er Août 1997
Délai de préavis: (ces trois mots ont été biffés)
pour engagement de travail durée déterminée au
moins jusqu'au 1.8.97"
Sur le vu de cet accord écrit, il est insoutenable d'affirmer, comme le fait la cour cantonale, que la validité de la résiliation litigieuse, signifiée par l'intimé en date du 22 août 1998, devait être examinée à la lumière de la
clause ad hoc du contrat du 9 juin 1994, en l'absence de tout écrit ultérieur de nature à modifier la situation. Au contraire, comme le souligne à juste titre la recourante sous lettre a.1) de son acte de recours, les parties ont signé, le 4 mars 1996, un nouveau contrat - il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles l'auraient fait pour éluder l'application de dispositions protectrices de la loi - qui a modifié radicalement les données du problème, s'agissant de l'extinction des rapports de travail. En effet, les signataires de ce nouveau contrat y ont inclus une clause spécifique relative à la durée des rapports de travail à compter du 1er mai 1996, manifestant ainsi clairement leur commune intention de ne plus s'en tenir, sur ce point, à la clause figurant dans le contrat du 9 juin 1994, qui eût permis à chacune d'elles de résilier le nouveau contrat moyennant un délai de congé d'un mois. Aussi était-il arbitraire de calculer le délai de congé sur la base de cette clause-là. A l'expiration de la durée minimale du nouveau contrat ("au moins jusqu'au 1.8.97") - il s'agissait donc d'un contrat de durée déterminée improprement dit (sur cette notion, cf., mutatis mutandis, l'ATF 114 II 165 consid. 2b), soit d'un contrat de durée indéterminée(Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., n. 3 ad art. 334 CO) plutôt que d'un véritable contrat de durée déterminée -, la question du délai de congé ne pouvait plus être réglée par référence au contrat initial remplacé dès le 1er mai 1996 par le nouveau contrat, mais devait l'être par application de la norme dispositive du code des obligations, à savoir l'art. 335c al. 1.
Il suit de là qu'en toute hypothèse, le délai de congé ne pouvait pas être inférieur à deux mois à la date du 22 août 1998, puisqu'il s'était écoulé plus d'une année dès l'entrée en vigueur du nouveau contrat (1er mai 1996) et même à compter de l'expiration de la durée minimale fixée par ce dernier (1er août 1997). On peut d'ailleurs relever, à ce propos, que l'intimé lui-même avait observé un délai de deux mois lorsqu'il avait notifié à la recourante une première résiliation, le 21 mars 1998, pour le 31 mai 1998 avant de faire machine arrière. C'est dire que l'intéressé n'a pas respecté le délai de préavis légal en résiliant le contrat de travail le 22 août 1998 pour le 30 septembre de la même année. La conclusion inverse, à laquelle a abouti la Cour de cassation civile, est ainsi entachée d'arbitraire, ce qui conduit à l'admission du recours sur ce point et, par conséquent, à l'annulation de l'arrêt attaqué.
3.- Vu l'art. 343 al. 3 CO, il n'y a pas lieu de percevoir de frais. La question des dépens ne se pose pas en l'espèce, dès lors que la recourante agit seule, qu'elle n'a obtenu qu'en partie gain de cause et que l'intimé ne s'est pas déterminé sur le recours.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours dans la mesure où il est
recevable et annule l'arrêt attaqué;
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué de
dépens;
3. Communique le présent arrêt en copie aux parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 28 novembre 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,