Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1285/2023
Arrêt du 28 novembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et von Felten.
Greffière : Mme Meriboute.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Injure; empêchement d'accomplir un acte officiel; LCR,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 28 septembre 2023 (P/19602/2020 AARP/379/2023).
Faits :
A.
Par jugement du 2 février 2023, le Tribunal de police a reconnu A.________ coupable d'injure (art. 177 al. 1 du Code pénal [CP]), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de la loi sur la circulation routière [LCR]), de falsification ou contrefaçon de plaques de contrôle (art. 97 al. 1 let. e LCR), d'utilisation de plaques de contrôle falsifiées ou contrefaites (art. 97 al. 1 let. f LCR) et de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), tout en l'acquittant de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91 al. 1 let. e LCR) pour les faits du 18 octobre 2020. Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à 30 fr. l'unité, avec un sursis de quatre ans, renonçant par ailleurs à révoquer le sursis octroyé le 17 avril 2019 par le ministère public, mais en lui adressant un avertissement et en prolongeant le délai d'épreuve d'un an. A.________ a enfin été condamné aux frais de la procédure, arrêtés à 1'800 fr., le solde étant laissé à la charge de l'État, ainsi qu'à un émolument complémentaire de 600 francs.
B.
Par arrêt du 28 septembre 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ et a confirmé le jugement du 2 février 2023.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
B.a. Le 18 octobre 2020, le caporal B.________ et la gendarme C.________ ont procédé au contrôle d'un véhicule, stationné sur les cases dépose-minute de la place U.________ dépourvu de plaque d'immatriculation avant. Une réplique en papier de la plaque de contrôle (correspondant au numéro officiel) était apposée sur le véhicule. Contacté par téléphone, A.________, détenteur du véhicule, s'est rendu sur les lieux. Lorsqu'il a été question d'éclaircir les faits à la police, A.________ ne s'était volontairement pas laissé menotter, gardant tantôt les bras figés contre son corps, tantôt les remuant pour tenter de se libérer de l'emprise des policiers. Dans le cadre de cette arrestation, A.________ avait crié "
fuck the police " et a traité le caporal de "
raciste ".
B.b. L'intervention de la police a été requise, le 13 février 2021, suite à un accident de la circulation à hauteur du chemin V.________, à W.________. Sur place, la police a constaté l'abandon d'un véhicule automobile totalement endommagé, photographies à l'appui. La voiture était partie en embardée contre le terre-plein central qui séparait les deux voies de circulation, avait heurté un arbre et terminé sa course sur ledit terre-plein et une voie de circulation. Son détenteur avait déclaré l'avoir prêtée à A.________. Se présentant cinq jours plus tard à la police, A.________ a admis avoir été au volant du véhicule dont il avait perdu la maîtrise, la voiture ayant glissé sur une plaque de verglas.
C.
La Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a transmis au Tribunal fédéral un courrier de A.________, daté du 10 novembre 2023, par lequel il conteste l'arrêt du 28 septembre 2023. Ce courrier est interprété par conséquent comme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Par deux actes remis par porteur le 5 décembre 2023 - l'un rédigé en français et l'autre en anglais -, A.________ complète son recours, en concluant en substance à la réforme de l'arrêt précité en ce sens qu'il est acquitté de tous les chefs d'accusation. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour "un nouveau procès".
Il sollicite une indemnisation, la réparation de dommages et l'octroi de l'assistance judiciaire.
Il demande également l'octroi de l'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
En tant que le recourant présente un mémoire rédigé en français, à savoir dans une langue officielle, celui-là est recevable sous l'angle de l'art. 42 al. 1 LTF.
Tel n'est en revanche pas le cas du second mémoire du recourant, rédigé en anglais, dont il ne sera dès lors pas tenu compte. On observera néanmoins que le mémoire en langue française paraît contenir les mêmes développements que celui rédigé en langue anglaise, dont il constituerait une traduction intégrale.
2.
Le recourant se plaint de ne pas avoir été assisté d'un avocat lors de l'audience d'appel.
2.1.
2.1.1. La direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). Tel est notamment le cas lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois, d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende ou d'un travail d'intérêt général de plus de 480 heures (art. 132 al. 3 CPP).
2.1.2. Aux termes de l'art. 134 al. 1 CPP, si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné.
2.2. En l'espèce, il ressort du dossier que par ordonnance du 13 avril 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a révoqué l'ordonnance du 14 février 2022 accordant au recourant le bénéfice de la défense d'office au motif qu'il ne s'agissait plus d'un cas de défense d'office ( art. 132 et 134 CPP ). En effet, par jugement du 2 février 2023, le recourant avait été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, compte tenu d'un acquittement partiel, étant précisé que le ministère public avait initialement requis 180 jours-amende. En outre, par courrier du 5 avril 2023, le recourant avait sollicité un changement de défenseur d'office faisant valoir que la relation de confiance avec sa défenseure d'office était "gravement perturbée" (art. 105 al. 2 LTF; cf. pièce 7). Le recourant semble vouloir contester, à ce stade, l'ordonnance de révocation. De manière générale, la décision de révocation du mandat d'office prise par la direction de la procédure déploie ses effets juridiques avec sa notification (cf. arrêt 6B_1237/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.3). Alors qu'il ne se plaint aucunement d'un quelconque problème de notification, le recourant n'a pas utilisé la voie de recours idoine contre cette décision, il est désormais forclos de le faire.
En outre, pour peu qu'on le comprenne, il semble estimer qu'il devait bénéficier d'un avocat devant la cour cantonale en raison de son état de santé et d'un statut de protection qui lui serait reconnu en Australie. Toutefois, il se fonde sur des faits non constatés dans l'arrêt attaqué sans qu'il ne démontre, par une critique répondant aux exigences de motivation accrue de l'art. 106 al. 2 LTF, qu'ils auraient été arbitrairement omis.
Partant, ses critiques sont irrecevables.
3.
Invoquant une violation de l'art. 6 CEDH, le recourant critique le fait de n'avoir reçu aucune traduction écrite du procès-verbal d'audience.
3.1. L'art. 68 CPP prévoit que la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu'une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue de la procédure ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1, 1re phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu'il comprend, même si celui-ci est assisté d'un défenseur. Nul ne peut se prévaloir d'un droit à la traduction intégrale de tous les actes de procédure et des pièces du dossier (al. 2).
L'art. 68 al. 2 CPP renvoie aux droits particuliers du prévenu, qui découlent pour l'essentiel des art. 32 al. 2 Cst., 6 par. 3 let. a et e CEDH, 14 par. 3 let. a et f du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques [Pacte ONU II; RS 0.103.2], ainsi que de la pratique fondée sur ces dispositions. Ces articles garantissent au prévenu le droit d'obtenir gratuitement la traduction de toutes les pièces et déclarations qu'il lui faut comprendre pour assurer efficacement sa défense et bénéficier d'un procès équitable (ATF 143 IV 117 consid. 3.1). Il n'existe toutefois aucun droit d'obtenir la traduction intégrale du dossier, ainsi que des actes de procédure; s'agissant des ordonnances pénales, le dispositif et l'indication des voies de droit doivent être traduits. Le prévenu n'est pas non plus dispensé de signaler son besoin d'obtenir une traduction et/ou de s'enquérir du contenu d'une ordonnance (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.3; arrêt 6B_1140/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.1 et les arrêts cités).
3.2. Il apparaît douteux que la critique du recourant, en ce qu'elle concerne la violation de droits conventionnels, notamment l'art. 6 CEDH soit suffisamment motivée au regard des exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. Quoi qu'il en soit, son grief est infondé pour les motifs suivants.
Il ressort du procès-verbal d'audience de jugement du 14 septembre 2023 que le recourant a bénéficié de l'assistance d'une interprète (art. 105 al. 2 LTF; cf. pièce 27). L'art. 68 al. 2 CPP prévoit qu'une communication orale est suffisante (cf. arrêts 1B_275/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.2; 6B_668/2014 du 22 décembre 2017 consid. 7.5.3) et, à cet égard, le recourant ne prétend pas que son interprète n'aurait pas pu lui traduire le procès-verbal. Le recourant a pu prendre connaissance oralement de ce procès-verbal dans une langue qu'il comprenait conformément au droit. Contrairement à ce qu'il semble penser, il ne dispose pas d'un droit à une traduction écrite intégrale de ce document. Par surabondance, il sied de rappeler que le principe de la bonne foi, concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP, ne concerne en procédure pénale pas seulement les autorités pénales, mais, le cas échéant les différentes parties, y compris le prévenu. De ce point de vue, la critique du recourant relative à une prétendue incompréhension du procès-verbal est d'autant plus mal venue qu'à la relecture de celui-ci, il a souhaité le rectifier sur deux points précis (art. 105 al. 2 LTF; cf. pièce 27, p. 7).
Mal fondé le grief du recourant est rejeté.
4.
Le recourant invoque une violation des art. 3 et 5 CEDH en lien avec des mauvais traitements qu'il aurait subis lors du contrôle de police et critique son placement en garde à vue.
Le recourant se fonde sur des faits non constatés dans l'arrêt attaqué sans qu'il ne démontre, par une critique répondant aux exigences de motivation accrue de l'art. 106 al. 2 LTF, qu'ils auraient été arbitrairement omis. De plus, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a déposé plainte pénale en relation avec les violences policières qu'il allègue et au sujet desquelles la procédure P/21646/2020 serait toujours pendante (cf. arrêt attaqué, p. 5). Les critiques du recourant ne concernent pas l'objet de la décision de dernière instance cantonale, si bien que le recours en matière pénale est irrecevable sur ce point (art. 80 al. 1 LTF). En tout état, le recourant n'invoque nullement d'éventuels motifs justificatifs en lien avec les infractions qui lui sont reprochées dans l'arrêt cantonal entrepris.
Partant, le grief du recourant est irrecevable.
5.
Le recourant conteste l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.
5.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).
5.2. Le recourant expose de manière peu compréhensible sa propre vision de l'ensemble du litige dans une démarche de nature appellatoire qui ne remplit à l'évidence pas les exigences de motivation, ni ne démontre que l'appréciation cantonale serait insoutenable. Les critiques de fait seront traitées ci-après pour autant qu'elles n'apparaissent pas d'emblée irrecevables pour les motifs qui précèdent.
5.3. Le recourant conteste avoir dit "
fuck the police ", il soutient qu'il n'y aurait aucune preuve, que les témoins oculaires auraient déclaré qu'il était calme et poli avec la police et que les dires des policiers ne seraient pas crédibles. En l'espèce, la cour cantonale a retenu sans que le recourant n'en démontre l'arbitraire que les déclarations du témoin D.________ n'apportait aucun éclairage probant, dans la mesure où celui-ci avait reconnu n'avoir rien compris de ce qu'il s'était dit ou passé. En outre, la vidéo ne montrait aucun tiers se situant à quelques mètres du lieu d'interpellation, la personne se trouvant aux côtés des protagonistes étant - selon les premières déclarations du recourant - un autre témoin dénommé E.________, de sorte que la présence de l'intéressé sur les lieux apparaissait douteuse. Dès lors, le recourant ne peut nullement se prévaloir de ces témoignages pour nier avoir tenu les paroles litigieuses. Selon la cour cantonale, les policiers avaient rapporté de manière constante et cohérente que le recourant avait dit "
fuck the police " et traité le caporal de "
raciste ". En revanche, le recourant avait d'abord reconnu l'usage du mot "
raciste ", puis l'avait nié par la suite. Bien que le recourant ait été acquitté de toute prévention pour le mot "
raciste ", la cour cantonale pouvait sans arbitraire apprécier son revirement comme une démonstration de son caractère versatile. On ne discerne pas en quoi la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en retenant que, contrairement au recourant, les policiers assermentés qui avaient été constants dans leurs déclarations et alors qu'aucun élément ne permettait d'établir qu'ils auraient menti ou été à la recherche d'un quelconque bénéfice secondaire étaient crédibles.
Le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits doit être rejeté.
6.
Le recourant conclut à l'octroi d'indemnités en lien avec l'acquittement qu'il réclame. Comme le prénommé n'obtient pas celui-ci, ses conclusions sont sans objet.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
8.
La cause étant tranchée, la demande d'effet suspensif devient sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 28 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Meriboute