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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause 
{T 7} 
I 129/02 
 
Arrêt du 29 janvier 2003 
IIe Chambre 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière : Mme Berset 
 
Parties 
P.________, recourant, représenté par Me François Berger, avocat, rue de l'Hôpital 7, 2000 Neuchâtel, 
 
contre 
 
Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimé 
 
Instance précédente 
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel 
 
(Jugement du 29 janvier 2002) 
 
Faits : 
A. 
P.________ a travaillé en qualité de serrurier dans une entreprise de Neuchâtel depuis le 1er janvier 1991. Le 30 décembre 1993, alors qu'il tentait de retenir une lourde pièce de métal, il a subi une entorse au genou droit. Son état a nécessité quatre interventions chirurgicales . 
 
Le 24 juillet 1995, le prénommé a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à son reclassement dans une nouvelle profession, en indiquant qu'il était totalement incapable de travailler depuis le 30 décembre 1993. Par décision du 19 mars 1997, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (OAI) a mis l'assuré au bénéfice d'une formation dans le domaine de l'électronique pour la période du 29 septembre 1997 au 28 septembre 1998. P.________ a interrompu cette formation le 17 novembre 1997 pour cause de maladie. 
 
L'OAI a confié une première expertise aux docteurs O.________, V.________ et A.________, respectivement médecin-chef, médecin adjoint et médecin-assistant du/au service de rhumatologie et de médecine physique de l'Hôpital X.________ ( rapport du 15 juillet 1998), et une deuxième expertise aux docteurs X.________ et D.________, respectivement médecin-chef adjoint et médecin-assistant du/au Centre psycho-social Z.________ (rapport du 1er septembre 1999). 
 
Par décision du 30 octobre 2000, l'OAI a rejeté la demande de prestations formée par l'assuré, en niant son droit à une rente d'invalidité. 
B. 
Saisi d'un recours de l'assuré, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel l'a rejeté par jugement du 29 janvier 2002. 
C. 
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, dès le 1er janvier 1995, après mise en oeuvre, le cas échéant, d'une instruction médicale complémentaire. 
 
L'OAI conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
D. 
Par décision du 23 avril 1999, confirmée sur opposition le 29 octobre suivant et, sur recours, par le Tribunal administratif le 29 août 2000, la CNA a octroyé à P.________ une rente d'invalidité de 33 1/3 %, rétroactivement dès le 1er décembre 1998, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10 %. 
 
Considérant en droit : 
1. 
En procédure fédérale, le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité. 
 
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, de sorte que l'on peut y renvoyer. 
 
On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, soit postérieurement à la date de la décision litigieuse (30 octobre 2000), n'est pas applicable en l'espèce (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Cet arrêt prend dès lors en considération le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002. 
2. 
D'après une jurisprudence constante, l'administration est tenue, au stade de la procédure administrative, de confier une expertise à un médecin indépendant, si une telle mesure se révèle nécessaire. Lorsque de telles expertises sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 353 consid. 3b/bb). 
 
En outre, il convient de relever qu'une expertise présentée par une partie n'a pas la même valeur que des expertises mises en oeuvre par un tribunal ou par l'administration conformément aux règles de procédure applicables. En vertu des principes énoncés par la jurisprudence concernant l'appréciation des preuves, le juge est toutefois tenu d'examiner si elle est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l'opinion ou les conclusions de l'expert mandaté par le tribunal ou par l'administration (ATF 125 V 354 consid. 3c). 
 
D'une manière générale, en présence d'avis médicaux contradictoires, le juge doit apprécier l'ensemble des preuves à disposition et indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une appréciation plutôt que sur une autre. A cet égard, l'élément décisif pour apprécier la valeur probante d'une pièce médicale n'est en principe ni son origine, ni sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références; VSI 2001 p. 108 consid. 3a). 
3. 
3.1 Les troubles somatoformes douloureux entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner. La tâche de l'expert consiste alors à poser un diagnostic dans le cadre d'une classification reconnue et se prononcer sur le degré de gravité de l'affection. Il doit évaluer le caractère exigible de la reprise par l'assuré d'une activité lucrative. Ce pronostic tiendra compte de divers critères, tels une structure de la personnalité présentant des traits prémorbides, une comorbidité psychiatrique, des affections corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale, un éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs années de la maladie avec des symptômes stables ou en évolution, l'échec de traitements conformes aux règles de l'art. Le cumul des critères précités fonde un pronostic défavorable. Enfin, l'expert doit s'exprimer sur le cadre psychosocial de la personne examinée. Au demeurant, la recommandation de refus d'une rente doit également reposer sur différents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la divergence entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (VSI 2000 p. 154 consid. 2c; Mosimann, Somatoforme Störungen : Gerichte und (psychiatrische) Gutachten, RSAS 1999, p. 1 ss et 105 ss). 
3.2 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, le Tribunal fédéral des assurances a, dans un arrêt ATF 127 V 294, précisé sa jurisprudence relative aux atteintes à la santé psychique. Ainsi, les facteurs psychosociaux ou socioculturels ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 299 consid. 5a in fine; VSI 2000 p. 155 consid. 3). 
4. 
La juridiction cantonale s'est fondée sur les avis des experts rhumatologues et des experts psychiatres pour admettre que l'assuré disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, l'état dépressif léger diagnostiqué par le docteur X.________ ne constituant pas une atteinte de gravité suffisante pour qualifier d'invalidants les troubles somatoformes douloureux présentés par l'intéressé. 
4.1 Sur le plan somatique, les docteurs O.________, V.________ et A.________ ont fait état de gonalgies droites, status après distorsion du genou droit et quatre interventions chirurgicales, cervicalgies chroniques, lombalgies basses. Ils ont fixé la capacité de travail de l'assuré à 40 % dans son ancienne occupation de serrurier et à 100% dans une activité adaptée à sa pathologie. Ces conclusions revêtent entière valeur probante au sens de la jurisprudence précitée. 
4.2 Sur le plan psychique, les experts rhumatologues ont mentionné un état dépressif modéré, qui n'aurait pas d'influence sur la capacité de gain de l'assuré. De leur côté, les experts psychiatres ont diagnostiqué un syndrome douloureux somatoforme persistant et un trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée - correspondant respectivement aux affections F 45.4 de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, dixième révision (CIM-10) de l'Organisation Mondiale de la Santé et F 43.21 du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) de l'Association des psychiatres américains (American Psychiatric Association) - et fixé l'incapacité de travail du recourant à 50 % pour les deux années consécutives à leur rapport, «sans pouvoir exclure a priori une évolution psychopathologique, ce qui imposera une réévaluation du cas après ce délai». En présence de ces deux appréciations divergentes aussi bien quant à l'inventaire des troubles psychiques et à l'incapacité de travail en découlant, il convient d'accorder entière valeur probante aux conclusions des docteurs X.________ et D.________ - dont la psychiatrie est la spécialité - qui répondent en tous points aux exigences de la jurisprudence (cf. consid. 2 ci-dessus). 
4.3 Dans ce contexte, l'appréciation du 27 novembre 2000 du docteur C.________, médecin traitant généraliste - postérieure à la décision administrative litigieuse - faisant état d'une aggravation des affections psychiques et fixant à 60-70% le taux global d'incapacité de travail du recourant pour les troubles physiques et psychiques n'est pas apte à mettre en doute l'appréciation des experts rhumatologues et psychiatres, pour les motifs indiqués par les premiers juges. Au demeurant, les médecins du Centre psycho-social neuchâtelois avaient expressément mentionné les deux évolutions possibles de l'état psychique du recourant et préconisé une réévaluation de son cas dans un délai de deux ans dès la date de son rapport (1er septembre 1999). 
4.4 Contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le recourant ne présente pas uniquement un syndrome somatoforme douloureux, mais également un autre trouble psychique bien défini relevant d'une classification internationale reconnue. Par ailleurs, il ne ressort nullement de la jurisprudence citée au consid. 3.1 ci-dessus que seuls les troubles somatoformes douloureux liés à une comorbidité psychiatrique grave seraient susceptibles d'entraîner une invalidité au sens de la LAI, comme le retient le jugement entrepris. Une telle comorbidité constitue tout au plus l'un des critères, certes important, à prendre en considération dans le cadre d'une évaluation globale de la situation médicale. A cet égard, la signification donnée par la juridiction cantonale à la jurisprudence publiée dans la revue Pratique VSI 2000 p. 156 n'est pas exacte : dans l'arrêt en question, le Tribunal fédéral des assurances avait nié l'existence d'une incapacité de travail fondée sur des troubles somatoformes douloureux; il s'était notamment référé à un rapport psychiatrique excluant une comorbidité psychiatrique grave, mais ce document ne faisait que corroborer les conclusions d'une expertise psychiatrique complète, sur laquelle reposait la conviction du tribunal. En l'espèce, sont réunis un certain nombre de critères permettant d'apprécier le caractère invalidant du trouble somatoforme, conformément à la jurisprudence (comorbidité psychiatrique, affections corporelles chroniques, perte d'intégration sociale, caractère chronique de la maladie sans rémission durable). De surcroît, les éléments du dossier ne permettent pas de retenir une exagération des symptômes ou une simulation. Au contraire, selon les experts, l'aspect volontaire ne joue qu'un faible rôle en comparaison avec les mécanismes inconscients et les défenses mises en jeu que l'assuré ne maîtrise pas. 
4.5 Par ailleurs, ces praticiens attribuent les difficultés psychiques du recourant exclusivement aux deux troubles diagnostiqués, soit à un substrat médical pertinent au sens de l'arrêt ATF 127 V 294, et non à pas des facteurs de nature socioculturelle, ethnique ou familiale. Ils expliquent essentiellement la présence des troubles psychiques par le fait que l'atteinte physique a représenté pour le recourant une perte incommensurable et produit une cassure qu'il n'a pas pu réparer dans son mode de fonctionnement sans le retour d'une image de lui valide et performante. De l'avis des experts, les affections psychiques dont souffre le recourant sont, à elles seules, de nature à entraver sa capacité de travail à raison de 50 %, soit de manière importante selon la jurisprudence précitée. 
4.6 Ces constatations médicales sont suffisantes pour qu'on puisse se convaincre, en accord avec les critères dégagés par la jurisprudence citée au consid. 3, du caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux associé au trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée, cela au moins pour les deux ans qui suivent la date du rapport d'expertise, une réévaluation de la situation s'imposant après cette cette période, selon les termes mêmes des experts pour lesquels le tableau psychopathologique présenté par l'assuré à la date de leur rapport était sujet à deux évolutions possibles, soit une éventuelle réintégration du monde du travail, soit une aggravation progressive de l'invalidité faisant obstacle à la reprise d'une activité lucrative. 
4.7 Conformément aux conclusions des experts, il y a lieu de retenir que le recourant, même dans une activité adaptée à sa pathologie, présentait une incapacité de travail de 50 %, au plus tard à partir du mois de septembre 1999. Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l'administration pour qu'elle détermine les incidences de l'incapacité de travail du recourant sur sa capacité de gain, en procédant à une comparaison des revenus, et statue à nouveau sur son droit à la rente. 
5. 
La date à partir de laquelle le recourant a présenté une incapacité de travail à raison de ses affections psychiques n'est pas déterminée. Il ressort tout au plus du rapport du docteur X.________ que l'on pourrait inscrire l'échec de la tentative du reclassement professionnel par l'assuré (en 1997) dans le contexte d'une phase dépressive latente liée à un processus de deuil. Dans un rapport du 22 septembre 1999, le docteur F.________, médecin de l'office intimé, était d'avis, pour sa part, que le handicap psychique aurait dû être débusqué à un stade antérieur. A cette date, il proposait de retenir une incapacité de travail de 100 % depuis le 31 décembre 1993 et de 60 % (avec droit à une demi-rente d'invalidité) dès le 15 juillet 1998 (date de l'expertise rhumatologique). La détermination du début de l'incapacité de travail nécessite également une instruction complémentaire. Il incombera à l'office intimé d'y procéder. 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce : 
 
1. 
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 29 janvier 2002 du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel ainsi que la décision du 30 octobre 2000 de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel sont annulés. 
2. 
La cause est renvoyée à l'office intimé pour instruction complémentaire au sens des motifs et nouvelle décision. 
3. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
4. 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel versera au recourant la somme de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 
5. 
Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au regard du procès de dernière instance. 
6. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 29 janvier 2003 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: