Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_666/2023
Arrêt du 29 janvier 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
Muschietti, Juge présidant, van de Graaf et von Felten.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Mathias Eusebio, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République
et canton du Jura,
Le Château, 2900 Porrentruy,
2. B.________ SA,
représentée par Me Jean-Marie Allimann, avocat,
3. C.________ SA,
représentée par Me Christophe Wagner, avocat,
4. D.________ SA,
représentée par Me Adrian Veser, avocat,
5. E.________ SA,
6. F.________ SA,
toutes les deux représentées par
Me Jean-Christophe Diserens, avocat,
intimés.
Objet
Escroquerie, faux dans les titres, vol,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal
de la République et canton du Jura, Cour pénale,
du 6 avril 2023 (CP 48/2021).
Faits :
A.
Par jugement du 7 octobre 2021, le Tribunal pénal du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a notamment déclaré A.________ coupable d'escroquerie, d'abus de confiance, de banqueroute frauduleuse, de vol, de complicité de faux dans les titres et de faux dans les titres, le condamnant à une peine privative de liberté de 3,5 ans, sous déduction de 306 jours de détention subis avant jugement en tant que peine partiellement complémentaire à celles des 4 avril 2011, 24 juin 2015 et 21 août 2015, au dédommagement de B.________ SA et G.________ SA, solidairement avec H.________, et au versement d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de leurs droits de procédure aux parties plaignantes concernées, ainsi qu'aux 90 % de sa part (60 %) des frais judiciaires fixée à 156'755 fr. 80. Le tribunal pénal a en outre renoncé à révoquer les sursis accordés à A.________ les 4 avril 2011 et 24 juin 2015, pris acte que le prénommé reconnaissait devoir la somme de 7'000 fr. et de 3'000 fr. à respectivement I.________ et J.________ et renvoyé les parties plaignantes à agir par la voie civile s'agissant de leurs prétentions civiles.
B.
Par jugement du 6 avril 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a essentiellement confirmé le verdict de culpabilité visant A.________. Elle a toutefois réformé le jugement entrepris en ce sens que A.________ était condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, dont 16 mois ferme, avec délai d'épreuve de 2 ans.
Les faits pertinents suivants ressortent de ce jugement.
B.a. A.________, qui se présente comme ingénieur en micro-technologie, et H.________ ont exercé des fonctions dirigeantes et ont détenu des participations dans plusieurs sociétés, dont K.________ SA, inscrite au registre du commerce le 22 mai 2003, L.________ Sàrl et M.________ SA. A.________ et H.________ étaient respectivement président, avec signature individuelle, et secrétaire, avec signature collective à deux, de K.________ SA. A.________ est également le seul actionnaire de la société italienne N.________. La dissolution de K.________ SA a été prononcée, ainsi que sa liquidation selon les règles de la faillite, par décision du 16 octobre 2009 du juge civil, la faillite ayant été suspendue faute d'actifs selon l'ordonnance du 2 novembre 2009.
A.________ a occupé un poste de management général au sein de la société D.________ SA, en vertu d'un contrat de mandat, de novembre 2009 jusqu'à fin mars 2011 tout au plus.
E.________ SA a engagé A.________ en qualité de "Responsable Développement Mouvements" dès le 1er juillet 2013. Elle l'a licencié avec effet au 31 octobre 2016 dans un premier temps, et avec effet immédiat, pour justes motifs, dans un second temps, soit au 14 juillet 2016.
B.b. Dans le cadre de la conclusion, le 20 mars 2008, d'un contrat-cadre entre C.________ SA et K.________ SA visant le développement, la fabrication et la livraison de mouvements de montres, dont la commande globale atteignait le montant de 13'688'000 fr. sur une durée de 60 mois, A.________ a donné des informations erronées et fourni de faux documents au sujet de K.________ SA à C.________ SA, représentée par O.________, dans le but de la mettre en confiance et de l'inciter à se contenter de garanties insuffisantes. C.________ SA a effectué trois versements en faveur de K.________ SA, soit 2'737'600 fr. le 20 mars 2008, 99'000 fr. le 19 juin 2008 et 722'280 fr. le 10 juillet 2008, pour la somme totale de 3'558'880 francs. A.________ a utilisé une partie de cette somme d'argent à d'autres fins que celle prévue par le contrat-cadre, en particulier pour son profit personnel.
B.c. A.________ et H.________ ont fourni des fausses informations à P.________ SA (actuellement G.________ SA) afin d'amener celle-ci à conclure avec K.________ SA le contrat d'affacturage du 26 novembre 2008, lequel prévoyait une cession des créances de K.________ SA à G.________ SA en échange du soutien financier anticipé de celle-ci. A.________ et H.________ ont ensuite violé leurs obligations contractuelles en ne recouvrant pas certaines créances sur le compte nanti et prévu à cet effet auprès de G.________ SA, lui causant un dommage s'élevant à 811'233 fr. 44.
B.d. A.________ a facturé, le 3 septembre 2010, au nom de la société D.________ SA, pour un montant de 167'0000 fr., une montre de marque D1.________ à une société slovaque, Q.________, commandée pour son propriétaire E1.________, qu'il n'avait jamais eu l'intention de livrer. A cette fin, il a établi de fausses factures sur le papier à en-tête de D.________ SA.
B.e. Profitant de son accès à un lot de prototypes de pièces horlogères et de montres dans le cadre de ses fonctions auprès de F.________ SA entre le 1er juillet 2013 et le 14 juillet 2016, A.________ a subtilisé 14 montres appartenant à cette manufacture.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré de la prévention d'escroquerie au préjudice de G.________ SA, de la prévention d'escroquerie au préjudice de C.________ SA, de la prévention d'escroquerie au préjudice de D.________ SA, de la prévention de faux dans les titres au préjudice de D.________ SA et de la prévention de vol au préjudice de F.________ SA. Il conclut pour le surplus au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur la mesure de la peine, le sort des prétentions civiles de G.________ SA et le sort des frais et dépens de la procédure cantonale.
D.
Invités à se déterminer sur le recours élevé à l'encontre des chefs d'accusation d'escroquerie et de faux dans les titres (cas n° 21 de l'acte d'accusation), la société D.________ SA y a renoncé, tandis que la cour cantonale et le ministère public ont déposé des observations. Le recourant a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le recourant conteste sa condamnation pour escroquerie commise au préjudice de C.________ SA (cas n° 3 de l'acte d'accusation).
1.1. A teneur du jugement entrepris, les faits suivants ont été admis.
A l'époque de la conclusion du contrat entre C.________ SA et K.________ SA, il était devenu urgent, dans le secteur de l'horlogerie, de trouver un nouveau fournisseur de mouvements au vu de la possibilité pour R.________ de refuser toute livraison de mouvements à des entités externes au groupe en 2011 au plus tard. C.________ SA avait eu connaissance, par son consultant externe, de l'existence de la société K.________ SA. Le recourant et l'administratrice déléguée de C.________ SA, O.________, avaient alors été mis en contact. La prénommée avait indiqué que le recourant avait tout mis en oeuvre pour la mettre en confiance et l'inciter à conclure des affaires avec K.________ SA en la présentant comme un partenaire incontournable; elle en voulait notamment pour preuve l'échange de courriels entre eux dont il ressortait entre autres que le carnet de commandes de K.________ SA débordait pour les années à venir, que K.________ SA était sollicitée par de nombreux autres clients potentiels, que des marques de renom telles que S.________ faisaient partie de ses clients, que des groupes horlogers importants auraient offert de racheter K.________ SA pour des sommes élevées et que la valeur de K.________ SA s'élevait à minimum 35'000'000 fr. selon T.________, comptable externe de la société. Le courriel du 9 octobre 2007 de ce dernier à ce sujet s'était cependant avéré avoir été rédigé par le recourant. En outre, lorsque C.________ SA avait voulu visiter K.________ SA, le recourant lui avait opposé une clause de confidentialité conclue avec ses autres clients pour lui refuser l'accès. Bien que l'avocat italien de O.________ lui ait conseillé de réécrire complètement le contrat-cadre proposé par le recourant, dans la mesure où rien ne pouvait garantir ce contrat sauf une garantie bancaire, elle l'avait signé tel quel, étant donné qu'il aurait fallu des semaines pour remanier entièrement le projet de contrat et que C.________ SA ne disposait pas de suffisamment de temps. Avant de signer le contrat, elle s'était tout de même renseignée auprès de A1.________ sur la société K.________ SA et avait fait des recherches sur le recourant et H.________, le dernier cité apparaissant comme ayant une bonne réputation sur la place horlogère. Par ailleurs, O.________ avait exigé une garantie bancaire, qui n'avait pas pu être fournie car la société était trop jeune et avait utilisé ses actifs pour investir. A la place, le contrat du 20 mars 2008 prévoyait une cession provisoire de 10 % d'actions de K.________ SA, "estimée à une valeur dynamique de CHF 2'500'000.-", à titre de garantie jusqu'à ce que la commande soit complètement exécutée. À ce sujet, selon les déclarations de T.________, à la date du contrat de cession des actions, la valeur de la société estimée à 25 millions de francs n'était pas correcte, étant davantage de l'ordre de 5 à 8 millions de francs. Il n'arrivait pas non plus à la conclusion que la valeur de la société était de 35 millions de francs en octobre 2007, son appréciation étant plutôt comprise entre 2 et 3 millions.
A teneur de l'expertise de B1.________ SA du 28 février 2014, mise en oeuvre pendant l'instruction, la valeur de K.________ SA au 9 octobre 2007 devait être estimée entre 1.3 et 2.3 millions de francs. L'expert a conclu que les comptes 2007 étaient sciemment faux. Du reste, T.________ avait indiqué qu'il n'était pas d'accord avec les comptes de cette année-là et que cela avait précisément été le motif de sa démission.
1.2. Le recourant critique l'établissement des faits et l'appréciation des preuves de la cour cantonale. Il conteste avoir tout mis en oeuvre pour mettre O.________ en confiance, preuve en était que lors de leur première rencontre, il lui avait dit qu'il n'avait de place pour prendre une commande pour C.________ SA, mais avait finalement accepté car il connaissait son consultant externe, C1.________. Par ailleurs, la constatation de fait de la cour cantonale selon laquelle le recourant avait refusé l'accès à l'usine à O.________ était erronée car il ressortait d'un courriel que celle-ci avait pu visiter une partie de l'usine. Le recourant fait également grief à la cour cantonale de n'avoir pas pris en compte les déclarations de H.________ qui avait notamment confirmé que la fabrication des montres commandées dans le cadre du projet C.________ SA était possible sans autre investissement. Le recourant avait souhaité aller au terme du contrat et c'était C.________ SA qui y avait mis fin de manière précipitée. Enfin, l'autorité précédente avait erré en retenant qu'il était l'auteur du courriel du 9 octobre 2007 relatif à la valeur de la société, ce message ayant bien été envoyé par T.________.
1.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2, 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
1.2.2. Le recourant se contente de réfuter des éléments de fait ressortant du jugement cantonal, comme celui d'être l'auteur de l'email du 9 octobre 2007, sans même discuter les motifs qui sous-tendent de telles constatations. Plus généralement, ses développements procèdent d'une large rediscussion des pièces du dossier, respectivement reposent sur sa propre appréciation des faits de la cause, qu'il oppose à celle de la cour cantonale. Ils sont ainsi essentiellement appellatoires et, partant, irrecevables dans cette mesure. On peut dès lors se restreindre à relever ce qui suit.
1.2.3. Loin d'exclure que le recourant ait cherché à créer un climat de confiance, les réticences que l'intéressé a exprimées avant d'accepter la commande de C.________ SA au motif que K.________ SA traitait déjà les demandes d'autres clients, ainsi que l'impression laissée à O.________ qu'il lui faisait néanmoins la faveur de prendre sa commande, semblent au contraire s'inscrire dans la stratégie du recourant tendant à inciter C.________ SA à nouer hâtivement une relation commerciale avec K.________ SA sans se montrer trop exigeant sur la question des garanties. Par ailleurs, lorsque le recourant affirme qu'il aurait été en mesure de mener le projet à bien si on lui en avait laissé le temps, il méconnaît qu'il n'y a eu aucune production concrète des mouvements commandés et qu'il a été établi qu'il avait utilisé une partie des acomptes versés par C.________ SA à des fins autres que celle visée par le contrat du 20 mars 2008 (règlement de dettes personnelles, sponsoring d'écurie de voitures de course, financement de véhicules, placements). Il n'est pas reproché au recourant de ne pas avoir réussi à produire les montres désirées par C.________ SA avant que celle-ci ne mette un terme à leur collaboration, mais d'avoir amené cette société à lui verser de l'argent sous le prétexte fallacieux de les investir ensuite dans l'étude puis le développement de mouvements de montres, alors qu'en réalité, une large partie des fonds étaient affectés à ses besoins personnels. Le recourant échoue ainsi à démontrer que l'état de fait cantonal serait empreint d'arbitraire.
1.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu que l'élément de l'astuce était réalisé en l'espèce, O.________ n'ayant en particulier pas observé toutes les mesures de prudence qui s'imposaient. La prénommée avait signé le contrat-cadre avec K.________ SA contre l'avis de son conseil italien, qui lui avait dit que le contrat devait être réécrit. En outre, les comptes 2007 de K.________ SA n'étaient pas encore bouclés lorsque les parties avaient signé le contrat du 20 mars 2018. O.________ aurait pu insister pour voir toute l'usine, ainsi que demander à rencontrer H.________ et le fiduciaire, T.________. Elle aurait également pu soumettre les comptes que le recourant lui avait remis à des membres du conseil d'administration de C.________ SA, qui auraient certainement pu constater qu'ils étaient faux.
1.3.1. Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, commet une escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas; il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). Celui qui promet une prestation sans avoir l'intention de l'exécuter agit astucieusement parce qu'en promettant, il donne le change sur ses véritables intentions, ce que sa victime est dans l'impossibilité de vérifier (ATF 135 IV 76 consid. 5.2; 118 IV 359 consid. 2; plus récemment cf. arrêts 1B_635/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.3.1). Toutefois, la tromperie sur la volonté affichée n'est pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l'examen de la solvabilité de l'auteur n'est pas exigible ou est impossible et qu'il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de ce dernier de s'exécuter (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2; 125 IV 124 consid. 3a; 118 IV 359 consid. 2).
L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 143 IV 302 consid. 1.4.1; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).
1.3.2. La cour cantonale a relevé que la société K.________ SA avait été recommandée auprès de O.________ par le consultant externe de C.________ SA, C1.________. O.________ n'avait cependant pas pu obtenir de plus amples informations sur K.________ SA auprès des intervenants de la branche pour des motifs de concurrence. L'autorité précédente a considéré qu'il ne pouvait lui être reproché de n'avoir entrepris aucune démarche pour tenter de garantir l'investissement de C.________ SA dès lors qu'à défaut d'autres possibilités, en particulier l'émission d'une garantie bancaire, elle n'avait eu d'autre choix que de se contenter de la seule garantie offerte par K.________ SA, à savoir la cession provisoire en sa faveur de 10 % du capital-actions de K.________ SA, représentant une valeur de l'ordre de son investissement selon les renseignements comptables fournis au sujet de la valeur de K.________ SA; du reste, il était aussi reconnu qu'une
due diligence aurait été une démarche disproportionnée eu égard aux circonstances du cas d'espèce. Enfin, les informations données par le recourant notamment quant à la valeur de K.________ SA, respectivement des parts du capital-actions, étaient - volontairement - inexactes et donc trompeuses puisque fortement surévaluées par le recourant dans le seul but de parvenir à la conclusion du contrat-cadre du 20 mars 2008, et ainsi au versement d'acomptes par C.________ SA à K.________ SA. En effet, selon les estimations du comptable ainsi que les conclusions de l'expertise financière réalisée par B1.________ SA, les comptes 2007 étaient sciemment faux. A cela s'ajoutait le courriel du 9 octobre 2007, créé de toute pièce par le recourant dans le but de convaincre O.________ du bien-fondé de ses affirmations quant à la prétendue valeur de K.________ SA. O.________ n'avait aucune raison de remettre en cause les dires d'un comptable externe à l'entreprise et soumis à une obligation légale d'exactitude. Autrement dit, le recourant ne s'était pas contenté de donner des informations qu'il savait fausses à O.________, il avait encore falsifié les comptes de sa société et s'était fait passer pour le comptable afin que O.________ soit en pleine confiance au moment de recevoir ces indications mensongères. En définitive, la cour cantonale a considéré que le recourant était parvenu à installer le climat de confiance nécessaire à l'obtention de versements d'argent, à tout le moins s'agissant du premier acompte de 2'737'600 francs.
1.3.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique. On comprend en particulier que dans le contexte de l'époque, alors que R.________ avait indiqué vouloir cesser de livrer à la concurrence les composants horlogers produits par son groupe et que la Commission de la concurrence avait donné son feu vert à une réduction progressive desdites livraisons (cf. jugement du tribunal de première instance du 7 octobre 2021, consid. 3.3 p. 13), la stratégie du recourant, qui consistait à présenter K.________ SA comme un partenaire incontournable et très sollicitée par de nombreux clients, dont des sociétés de renom, avait conduit O.________ à signer le contrat-cadre qu'il lui avait soumis sans plus attendre.
Par ailleurs, le recourant n'indique pas sur quel fondement O.________ aurait dû douter de la véracité des informations qu'il lui communiquait et procéder ainsi à davantage de vérifications. En particulier, il ne démontre pas que O.________ aurait dû se méfier de l'état des comptes présentés et, partant, requérir une entrevue avec T.________, respectivement soumettre les comptes à ses collègues en leur demandant d'en vérifier l'exactitude. Au demeurant, le recourant s'écarte de l'état de fait cantonal sans en démontrer le caractère arbitraire lorsqu'il affirme que les falsifications des comptes auraient pu être aisément décelées par des tiers. Il n'est ainsi nullement établi que les démarches qu'il évoque auraient permis d'éviter que O.________ ne se fasse une représentation erronée de la situation de K.________ SA, encore moins de révéler les intentions de son dirigeant de détourner à son profit une partie des acomptes versés par C.________ SA.
Ainsi, en communiquant des informations financières erronées au sujet de K.________ SA, notamment en fournissant de faux documents créés dans le but de mettre C.________ SA en confiance et de l'inciter à se contenter des garanties insuffisantes qu'il pouvait lui offrir, dans un contexte économique et concurrentiel chahuté dont il a su tirer avantage, le recourant, qui avait en réalité l'intention d'utiliser à son profit une partie de l'argent versé par C.________ SA en violation de l'accord conclu, a bien usé d'une tromperie astucieuse, une coresponsabilité de la dupe étant exclue.
1.4. Le recourant conteste que l'élément intentionnel soit rempli. La cour cantonale a retenu l'infraction d'escroquerie en lien avec le versement du premier acompte opéré par C.________ SA, mais l'a exclue en ce qui concernait le second et le troisième versement d'acomptes, dont il n'était pas établi qu'ils n'auraient pas été affectés au but convenu. Selon le recourant, il en découlait que l'intention de tromper astucieusement O.________ n'existait pas, et ce dès le versement du premier acompte, puisque le projet avec C.________ SA s'inscrivait dans le long terme.
1.4.1. Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève de l'établissement des faits. Est en revanche une question de droit, celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention, notamment de dol éventuel, et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 135 IV 152 consid. 2.3.2).
1.4.2. La cour cantonale n'a pas retenu la prévention d'escroquerie à l'encontre du recourant en lien avec le versement des deuxième et troisième acomptes car, d'une part, C.________ SA ne pouvait plus, à partir du 3 juin 2008, date à laquelle une
due diligence simplifiée avait été mise en oeuvre, prétendre avoir été trompée ou confortée dans son erreur par le recourant et, d'autre part, il n'était pas établi que ces versements aient été utilisés à d'autres fins que celles prévues par le contrat-cadre. Contrairement à ce qu'allègue le recourant, on ne voit pas en quoi il faudrait en déduire qu'il n'avait pas eu l'intention de tromper astucieusement O.________ lors de la conclusion du contrat-cadre. En effet, le recourant a parfaitement pu vouloir détourner une partie seulement des fonds versés dans le cadre du projet C.________ SA. Il n'est d'ailleurs pas contesté qu'une fois en mains de K.________ SA, il a utilisé cet argent pour régler des dettes personnelles et financer des voitures de course, notamment. Partant, le recourant ne parvient pas à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement retenu qu'il avait sciemment trompé C.________ SA. Il n'établit pas non plus que la cour cantonale se serait fondée sur une conception erronée de la notion d'intention. Compte tenu des griefs soulevés par le recourant, la cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en jugeant que celui-ci avait agi intentionnellement.
1.5. Le recourant ne soulève pas d'autre grief à l'encontre de sa condamnation pour escroquerie au préjudice de C.________ SA, qui peut dès lors être confirmée.
2.
Le recourant discute sa condamnation pour escroquerie commise au préjudice de G.________ SA (cas n° 1 de l'acte d'accusation).
2.1. Dans un premier moyen, invoquant la violation du principe d'accusation, le recourant fait valoir que l'acte d'accusation ne chiffre pas son enrichissement et ne contient donc pas tous les éléments constitutifs de l'infraction prétendument commise au préjudice de G.________ SA.
L'auteur de l'escroquerie doit avoir agi avec un dessein d'enrichissement; en revanche, l'enrichissement effectif n'est pas un élément constitutif de l'infraction (ATF 119 IV 210 consid. 4b; arrêt 6B_42/2009 du 20 mars 2009 consid. 7.3.1; (Garbarski/Borsodi, in: Commentaire Romand, Code pénal II, 2017, n° 126
ad art. 146 CP et les références citées). Partant, le recourant est malvenu de se plaindre de l'absence d'indication chiffrée sur l'enrichissement de l'auteur dans l'acte d'accusation. Ainsi formulé, son grief est sans fondement.
2.2. Invoquant l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, le recourant discute les faits sur lesquels la cour cantonale s'est fondée pour conclure à une tromperie astucieuse. Il conteste ainsi avoir communiqué des informations erronées à G.________ SA à propos de la créance C.________ SA et de l'arrivée de nouveaux investisseurs. En particulier, il nie avoir donné de fausses indications relatives aux valeurs des créances cédées car le contrat entre K.________ SA et C.________ SA était encore valide et en cours, de sorte que ces valeurs correspondaient à des montants dus. En effet, lorsque le contrat d'affacturage avec G.________ SA avait été conclu, C.________ SA n'avait versé que les premiers acomptes d'un peu plus de 3 millions de francs au total et K.________ SA pouvait encore escompter recevoir le solde, soit près de 10 millions. En outre, l'ex-belle-famille du recourant était réellement intéressée à entrer dans le capital-actions de K.________ SA. Il n'avait donc pas faussement fait croire à l'arrivée de nouveaux investisseurs.
2.2.1. L'argumentation du recourant est sans pertinence dans la mesure où il ne lui est pas reproché d'avoir mentionné la commande de C.________ SA dans le cadre de la négociation du contrat d'affacturage avec G.________ SA, n'étant pas contesté que C.________ SA apparaissait comme le débiteur principal de K.________ SA, à hauteur de 52 %, sur la liste des postes ouverts servant de base de calcul du financement "Factoring" du 26 novembre 2008. Il est en revanche fait grief au recourant d'avoir omis de préciser à G.________ SA, en violation de ses obligations, qu'un important litige opposait K.________ SA à C.________ SA, lequel avait pris naissance en juillet 2008 selon les indications de l'expertise mise en oeuvre pour les besoins de la procédure, soit plusieurs mois avant la conclusion du contrat d'affacturage. C.________ SA n'avait du reste effectué aucun paiement depuis la mise en place du financement "Factoring". Le recourant ne démontre ainsi nullement l'arbitraire de la constatation cantonale selon laquelle il avait délibérément caché à la banque que certaines des créances cédées étaient litigieuses.
2.2.2. Par ailleurs, les explications du recourant sur le potentiel investisseur, qui n'était autre que sa belle-famille, sont fondées non sur des faits qui ressortent du jugement attaqué, mais uniquement sur ceux qu'il allègue librement. Purement appellatoires, elles sont irrecevables.
Il s'ensuit que le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des moyens de preuve est infondé, dans la mesure de sa recevabilité.
2.3. Le recourant conteste l'astuce et prétend à une coresponsabilité de la dupe. Il soutient que G.________ SA aurait pu prendre contact avec son ex-belle-famille ou même C.________ SA, auditer des clients, demander les comptes, faire une
due diligence ou encore réaliser une analyse de risque, à l'image de celle réalisée le 8 novembre 2006 en lien avec des contrats de leasing que K.________ SA avait conclu avec G.________ SA. La seule lecture d'un bilan de la société était de toute évidence insuffisante.
2.3.1. Le recourant n'expose pas en quoi la constatation de la cour cantonale selon laquelle G.________ SA avait procédé aux vérifications usuelles avant la conclusion d'un contrat d'affacturage serait insoutenable (cf. consid. 1.2.1
supra). Dans cette mesure déjà, il ne démontre pas que G.________ SA aurait dû procéder à davantage de contrôles que ceux qu'elle avait effectués. Pour le reste, il n'est pas contesté que les comptes 2007 de K.________ SA présentés à G.________ SA étaient faux, puisque le bénéfice affiché de 1'073'937 fr. 24 devait être corrigé en une perte d'environ 1.4 million selon l'expert mandaté par la direction de la procédure. La cour cantonale a encore constaté que le recourant avait retardé l'audit que G.________ SA entendait effectuer, en promettant de rembourser le montant dû à G.________ SA de 1'039'316 fr. 45 au plus tard le 30 avril 2009, dans le cadre de la prochaine augmentation du capital de K.________ SA, puis en évoquant un potentiel investisseur. Aux fausses informations comptables et aux fausses promesses émanant du recourant s'ajoutent ses manoeuvres frauduleuses, en particulier la dissimulation de la vérité au sujet de la créance C.________ SA en violation de son obligation contractuelle de mentionner le litige y relatif, mais également son intention d'encaisser certaines créances non sur le compte nanti prévu par le contrat d'affacturage, mais sur d'autres comptes afin de les subtiliser à G.________ SA. Au regard de cet édifice de dissimulations et d'informations mensongères, on ne saurait reprocher un manque de prudence ou une légèreté à la banque, qui n'avait aucune raison de se méfier de sa cliente avec laquelle elle entretenait des relations commerciales préalablement à la signature du contrat d'affacturage.
2.3.2. Dans ces circonstances, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant l'astuce et en écartant une coresponsabilité de la dupe. Le grief du recourant est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.4. Au regard des critiques soulevées par le recourant, sa condamnation du chef d'escroquerie au détriment de G.________ SA ne viole pas le droit fédéral.
3.
Le recourant conteste l'infraction d'escroquerie commise, à teneur de l'acte d'accusation (cas n° 21), au préjudice de D.________ SA. Il reproche à la cour cantonale d'avoir violé la maxime d'accusation en retenant que l'infraction en question avait, en définitive, été commise au détriment de Q.________.
3.1. Le principe de l'accusation est consacré par l'art. 9 CPP. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut également retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique. Le principe de l'accusation est également déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; arrêts 6B_558/2023 du 11 septembre 2023 consid. 1.1; 6B_1166/2022 du 2 août 2023 consid. 3.1.1).
Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonctions de délimitation et d'information; ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1 et les références citées). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut pas avoir de doutes sur le comportement qui lui est reproché (arrêts 6B_1254/2022 du 16 juin 2023 consid. 3.1; 6B_206/2022 du 18 janvier 2023 consid. 2.1.2).
3.2. A teneur de l'acte d'accusation, le recourant s'est rendu coupable d'"[...] escroquerie (art. 146 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP), par le fait d'avoir adressé, pour le compte de la société D.________ SA, une facture à la société Q.________ d'un montant de 167'000 fr. pour la vente d'une montre D1.________, d'avoir établi une autre facture pour la comptabilité de la société D.________ SA d'un même montant avec un libellé différent, d'avoir en outre établi une facture de même référence de D.________ SA à une société N.________ (dirigée par lui-même) afin de justifier des retraits d'argent sur le compte de la société, en ne livrant finalement pas la montre à l'acheteur sous prétexte que son fournisseur n'était pas en mesure de la livrer, l'identité dudit fournisseur étant inconnue, infractions commises à U.________ et sur territoire soumis à la juridiction helvétique dès septembre 2010 au préjudice de la société D.________ SA".
3.3. La cour cantonale a retenu que le recourant avait élaboré une fausse facture avec le papier à en-tête de D.________ SA dans le but de mettre en confiance l'acheteur qui croyait conclure une transaction par le biais d'une entreprise horlogère suisse, respectivement de le dissuader de toute vérification. Cette facture avait été transmise à Q.________ dont le propriétaire, E1.________, avait exprimé le souhait d'acquérir une montre de marque D1.________ au prix de fabrique, produit que le recourant avait faussement assuré pouvoir obtenir grâce à un prétendu contact au sein de l'entreprise D1.________. Conseillé par une personne de confiance, Q.________ avait versé l'argent, qui plus est à une société suisse, sans autre vérification. Dans ces conditions, la cour cantonale a considéré que le recourant avait eu l'intention, par un édifice de mensonges, d'obtenir le versement de Q.________, respectivement de s'enrichir ou d'enrichir autrui grâce au montant de 167'000 fr., sans jamais mettre la montre désirée à disposition de la dupe. La cour cantonale a encore précisé que l'infraction avait été commise au préjudice de Q.________, qui n'avait jamais obtenu la montre, ni le remboursement du montant de 167'000 fr. dont elle s'était acquittée en faveur de D.________ SA.
L'autorité précédente a ajouté que l'on saisissait aisément, à la lecture de l'acte d'accusation, que Q.________ était la lésée directe de l'infraction, dont le nom ressortait précisément, de sorte que le recourant savait pertinemment ce qui lui était reproché. Il était dès lors malvenu d'invoquer une violation de la maxime d'accusation. Le recourant devait donc être déclaré coupable d'escroquerie au préjudice de Q.________.
3.4. Selon ce qui précède, la cour cantonale a substitué Q.________ à D.________ SA comme lésée, mais également comme dupe de l'escroquerie. Pour ce faire, elle s'est fondée sur des faits qui ne sont pas décrits dans l'acte d'accusation. En effet, elle a retenu que le recourant avait élaboré une fausse facture avec le papier à en-tête de D.________ SA, non pas afin de justifier les retraits d'argent sur le compte de D.________ SA comme l'indiquait l'acte d'accusation, mais dans le but de mettre en confiance l'acheteuse, soit la société Q.________, qui croyait conclure une transaction par le biais d'une entreprise horlogère suisse, respectivement le dissuader de toute vérification. L'autorité précédente a encore nouvellement constaté que le recourant n'avait jamais eu l'intention d'honorer son engagement envers Q.________. Enfin, il ressortait uniquement de l'acte d'accusation qu'une facture avait été envoyée à Q.________ pour la vente de la montre, mais non que Q.________ l'avait payée et n'avait pas pu en obtenir le remboursement auprès de D.________ SA. Or cet élément est déterminant pour conclure, ainsi que l'a fait la cour cantonale, que l'infraction a été commise au préjudice de Q.________.
En somme, la cour cantonale a ajouté les éléments de fait qui lui permettaient d'en déduire l'existence d'une tromperie astucieuse au préjudice de Q.________, et non plus de D.________ SA. Ainsi, même en supposant que la qualité de lésée puisse être appréciée différemment par la cour cantonale, il n'en demeure pas moins que l'acte d'accusation ne contenait pas tous les faits essentiels qui ont permis à la cour cantonale de condamner le recourant. De surcroît, l'indication que l'infraction était commise au préjudice de D.________ SA conduisait à faire une certaine lecture des faits décrits dans l'acte d'accusation, alors que l'articulation de l'infraction telle que retenue par la cour cantonale était en définitive bien différente. Dans cette mesure, on ne saurait affirmer que l'infraction imputée était suffisamment délimitée et que les faits reprochés à la personne accusée étaient clairs pour elle. L'exemple suivant permet au besoin de s'en convaincre: lors des débats de première instance, le recourant avait fait plaider que l'élément constitutif du dommage n'était pas réalisé dès lors que D.________ SA n'avait pas été appauvrie (jugement de première instance, consid. 4.2.3 p. 38), argument pertinent pour contester l'infraction telle que décrite dans l'acte d'accusation, mais qui perdait totalement son objet dès lors que Q.________ était substituée à D.________ SA en tant que lésée. En ce sens, la modification apportée par la cour cantonale a pu porter atteinte aux droits de la défense.
Considérant ce qui précède, il sied de conclure qu'en condamnant le recourant pour escroquerie au préjudice de Q.________, la cour cantonale a violé le droit fédéral, en particulier le principe d'immutabilité de l'acte d'accusation (art. 350 al. 1 CPP) et la maxime d'accusation ( art. 9 et 325 CPP ). Le recours est admis sur ce point.
Il s'ensuit que le grief de violation de l'art. 433 CP, formé par le recourant dans le cas où sa condamnation pour escroquerie au préjudice de Q.________ devait être confirmée, est sans objet.
4.
Le recourant conteste sa condamnation pour faux dans les titres au préjudice de D.________ SA (cas n° 21 de l'acte d'accusation).
4.1. Selon l'art. 251 ch. 1 CP, se rend coupable de faux dans les titres celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
L'art. 251 ch. 1 CP vise notamment le titre faux ou la falsification d'un titre, soit le faux matériel. Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité. Un simple mensonge écrit ne constitue cependant pas un faux intellectuel. Le document doit revêtir une crédibilité accrue et son destinataire pouvoir s'y fier raisonnablement. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration (ATF 146 IV 258 consid. 1.1; 144 IV 13 consid. 2.2.2).
La comptabilité commerciale et ses éléments (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) sont, en vertu de la loi, propres et destinés à prouver des faits ayant une portée juridique. Ils ont une valeur probante accrue ou, autrement dit, offrent une garantie spéciale de véracité (ATF 141 IV 369 consid. 7.1; 138 IV 130 consid. 2.2.1; 132 IV 12 consid. 8.1; 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3), de sorte que de tels documents dont le contenu est faux doivent être qualifiés de faux intellectuels (ATF 146 IV 258 consid. 1.1.1).
De jurisprudence constante, les factures ne sont, en règle générale, pas des titres (ATF 138 IV 130 consid. 2.2.1 p. 135 et les arrêts cités). Une valeur probante accrue peut cependant exceptionnellement leur être reconnue au regard de l'usage concret auquel elles sont destinées ou lorsque l'émetteur a une position similaire à celle d'un garant ou encore lorsqu'il se trouve dans une relation de confiance particulière avec le destinataire (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.3; 138 IV 130 consid. 2.2.1; arrêt 7B_134/2022 du 14 août 2023 consid. 4.3.3 et les références citées). Dans la relation entre l'émetteur de la facture et son destinataire, dite facture ne peut avoir une crédibilité accrue que dans des circonstances particulières (ATF 138 IV 130 consid. 2.4.2). La jurisprudence l'admet exceptionnellement lorsque la facture ne remplit pas qu'une fonction de facturation, mais qu'elle est destinée, objectivement et subjectivement, à servir au destinataire avant tout comme pièce comptable, si bien que sa comptabilité s'en trouve faussée. L'affectation objective comme pièce comptable d'une facture au contenu inexact doit être admise lorsque l'auteur agit de concert avec le destinataire respectivement ses organes ou ses employés responsables de la tenue de la comptabilité et qu'il fabrique, avec leur consentement ou sur ordre ou incitation de leur part, une facture au contenu inexact destinée à servir de pièce comptable (ATF 138 IV 130 consid. 2.4.3 et 3.1; arrêt 7B_134/2022 précité consid. 4.3.3).
4.2. Il ressort du jugement entrepris que plusieurs factures en lien avec un "projet Q.________" avaient été établies au nom de D.________ SA; deux l'avaient été le 31 août 2010, étaient adressées à Q.________ pour le montant de 167'000 fr. et portaient la référence 10-xxxx-aaa (dossier cantonal, A.10.42 et A.10.43), une troisième, datée du 3 septembre 2009 [recte: 2010], adressée à Q.________ pour le montant de 167'000 fr., portait la référence 10-yyyy-aaa (dossier cantonal, A.10.31) et enfin, une quatrième datée du 6 septembre 2010, était adressée à N.________, société dirigée par le recourant, pour un montant de 193'000 fr., et portait la référence 10-yyyy-aaa (dossier cantonal, A.10.45).
La cour cantonale a constaté que le recourant reconnaissait à tout le moins être l'auteur de la facture du 3 septembre 2010 ainsi que d'une facture rectificatrice établie en vue de récupérer le montant de 167'000 fr. en faveur de sa société N.________; il s'agissait, selon toute vraisemblance, de celle du 6 septembre 2010 adressée à N.________ pour un montant de 193'000 francs. L'autorité précédente a considéré qu'en ayant intégré ces fausses factures à la comptabilité de D.________ SA, le recourant s'était rendu coupable de faux dans les titres puisque celles-ci avaient participé de la valeur probante accrue de la comptabilité de D.________ SA dans le but de maquiller l'escroquerie commise au préjudice de Q.________ grâce aux nom et comptes de D.________ SA, respectivement d'utiliser l'argent encaissé à son profit ou au profit d'autrui en ne laissant que la trace d'une opération nulle dans la comptabilité de D.________ SA.
4.3.
4.3.1. Selon ce qui précède, l'autorité précédente a retenu que les factures établies par le recourant et constitutives de faux sont celles du 3 septembre 2010 et du 6 septembre 2010.
Or, ainsi que le relève le recourant, de même que le ministère public dans ses observations du 7 novembre 2023, la facture qui se trouve dans les comptes de D.________ SA n'est pas celle du 3 septembre 2010 portant la référence 10-yyyy-aaa, mais celle du 31 août 2010 portant la référence 10-xxxx-aaa (pièce A.10.44 du dossier cantonal; cf. art. 105 al. 2 LTF). Comme l'a constaté le tribunal de première instance (cf. jugement du 7 octobre 2021, consid. 3.7 p. 25, pièce 313 du dossier cantonal; voir aussi: plainte pénale de D.________ SA, pièce A.10.10 du dossier cantonal), il n'est pas établi que la facture du 3 septembre 2010 ait servi comme pièce comptable. Partant, elle ne bénéficie pas d'une force probante accrue au sens de la jurisprudence précitée (consid. 4.1
supra), même s'il s'agit de la facture que Q.________ a reçue et payée (cf. consid. 3.7 p. 25 du jugement de première instance du 7 octobre 2021; pièces A.10.30 et A.10.33 du dossier cantonal; cf. art. 105 al. 2 LTF: cf aussi: observations du ministère public du 7 novembre 2023). Quant à la facture du 31 août 2010 portant la référence 10-xxxx-aaa, dont la cour cantonale ne dit rien, il n'est pas établi, à teneur du jugement entrepris, que le recourant en serait l'auteur, ni qu'il en aurait fait usage dans le but de tromper autrui, au sens de l'art. 251 al. 1 CP (cf. également: observations de la cour cantonale du 30 octobre 2023).
4.3.2. La facture du 6 septembre 2010 a été adressée par D.________ SA à N.________ pour un montant de 193'000 francs. Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, on ne perçoit pas comment cette facture aurait permis de dissimuler l'escroquerie prétendument commise au préjudice de Q.________. En effet, elle ne sert manifestement pas à masquer la réception, sur le compte de D.________ SA, de la somme de 167'000 fr. versée le 22 septembre 2010 par Q.________, puisqu'elle s'adresse à N.________ et que le versement en question est déjà documenté, dans les livres de D.________ SA, par une autre facture adressée à Q.________. Elle ne permet pas non plus de justifier un éventuel transfert de la somme reçue vers N.________ dès lors que, à teneur de cette pièce, c'est D.________ SA qui facture N.________, et non l'inverse. On ne voit donc pas de quelle façon l'établissement de cette facture aurait servi à récupérer le montant de 167'000 fr. en faveur de la société N.________, comme le retient pourtant la cour cantonale. De même, contrairement aux considérations cantonales, la combinaison des factures du 3 septembre 2010 et du 6 septembre 2010, toutes deux émises au nom de D.________ SA, n'a, en toute hypothèse, pas pour effet d'obtenir une opération nulle dans les comptes de D.________ SA.
Il est vrai que le libellé de la facture du 6 septembre 2010 - "Progetto Q.________" - interroge sur son rôle dans le complexe de faits liés à la vente de la montre D1.________. Il ressort néanmoins de ce qui précède que la cour cantonale n'est pas parvenue à établir que cette facture aurait été émise afin d'en rectifier une autre (on ignore laquelle), respectivement qu'elle aurait été utilisée par le recourant pour mettre en oeuvre, dissimuler, ou encore tirer personnellement profit de la transaction conclue avec Q.________. On ne peut ainsi déduire de l'état de fait cantonal qu'elle aurait eu pour but de fausser la comptabilité de D.________ SA. Il sied encore de relever qu'il figure au dossier une convention du 6 juillet 2011 par laquelle N.________ reconnaît devoir à D.________ SA la somme de 161'297 fr. 50 à titre de solde de la facture 10-yyyy-aaa (pièces A.10.94; A.10.105 et A.10.106 du dossier cantonal; jugement de première instance, consid. 3.7 p. 26), ce qui confirme, au besoin, que l'émettrice et la destinataire de cette facture en reconnaissent le bien-fondé.
En définitive, la cour cantonale ne met en exergue aucun élément concret permettant de conclure que la facture du 6 septembre 2010 constaterait des faits inexacts au sens de l'art. 251 CP. La question de savoir si cette facture a été produite dans la comptabilité et revêt en conséquence une force probante accrue, ce que le recourant conteste, peut dans cette mesure rester ouverte.
4.4. En conclusion, les faits constatés dans le jugement entrepris ne permettent pas de conclure que le recourant est l'auteur de faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP. Le prénommé doit être libéré de cette infraction.
5.
En lien avec l'infraction de vol commise au préjudice de F.________ SA (cas n° 23 de l'acte d'accusation), le recourant invoque une violation de la maxime d'accusation.
5.1. A teneur de l'acte d'accusation, il est reproché au recourant "[...] de s'être approprié des prototypes de montres appartenant à la plaignante pour une valeur estimative de 934'000 fr., infraction commise au préjudice de la société anonyme de E.________ SA, infraction commise entre le 1er juillet 2013 et avril 2016, à V.________ et sur territoire soumis à la juridiction helvétique".
5.2. Le recourant fait valoir que l'acte d'accusation délimite la commission de l'infraction entre le 1er juillet 2013 et avril 2016. Or, le jugement cantonal lui reproche d'avoir conservé, puis emporté sans droit plusieurs montres appartenant à F.________ SA à la suite de son licenciement par cette dernière, lequel est intervenu le 9 juin 2016. Partant, la cour cantonale s'était écartée de la délimitation temporelle retenue dans l'acte d'accusation. Du reste, aussi longtemps qu'il exerçait ses fonctions de "Responsable Développement Mouvements" au sein de F.________ SA, il était parfaitement en droit de porter des prototypes de montres. Le recourant devait par conséquent être libéré de la prévention de vol, puisqu'il n'avait commis aucune infraction jusqu'en avril 2016, période retenue par l'acte d'accusation.
5.3. Il ressort du jugement entrepris que le recourant a reconnu s'être emparé de 14 montres appartenant à F.________ SA, profitant de son accès à un lot de prototypes de pièces horlogères et de montres dans le cadre de ses fonctions. Il n'est ainsi pas contesté que le recourant a extrait les pièces en question de la manufacture alors qu'il était employé de F.________ SA. Peu importe qu'il eût alors été en droit de porter ces prototypes dans le but de les tester, en sa qualité de responsable de développement. La cour cantonale a ensuite retenu que le recourant avait conservé, puis emporté sans droit ces montres à la suite de son licenciement, qui lui avait été signifié le 9 juin 2016 (arrêt entrepris, consid. 5.7.3, p. 63). On comprend donc que l'autorité précédente a considéré que la soustraction des pièces, impliquant la rupture de la possession de F.________ SA et la constitution d'une nouvelle possession en faveur du recourant, est intervenue à l'issue de son licenciement et, en tout état, postérieurement au mois d'avril 2016. Ce faisant, il est vrai, comme le soutient le recourant, que l'autorité précédente s'est écartée de la délimitation temporelle de l'acte d'accusation. Cependant, il sied de rappeler que même une accusation erronée et imprécise sur le plan temporel ne conduit pas à une absence de déclaration de culpabilité, tant que les infractions imputées peuvent être suffisamment délimitées et que les faits reprochés à la personne accusée sont clairs pour elle (cf. consid. 3.1.1
supra). En l'espèce, à teneur de l'acte d'accusation, le recourant ne peut avoir de doutes sur le comportement qui lui est reproché, à savoir s'être emparé de 14 prototypes de pièces horlogères et de montres appartenant à F.________ SA, d'une valeur estimative de 934'000 fr., alors qu'il était employé de cette entreprise, puis les avoir conservées par-devers lui. Du reste, la critique que le recourant forme à l'encontre de l'acte d'accusation est largement abstraite, étant précisé qu'il a reconnu l'essentiel des faits. On ne voit dès lors pas en quoi une délimitation temporelle plus correcte des faits reprochés dans l'acte d'accusation aurait été décisive pour l'exercice adéquat de ses droits de défense. Partant, le grief tiré d'une violation de la maxime d'accusation est rejeté.
5.4. Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant la condamnation du recourant pour vol.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants (cf. ci-dessus consid. 3 et 4
supra). Pour le surplus, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe partiellement, supporte une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des dépens réduits, à la charge du canton du Jura (art. 68 al. 1 LTF). L'intimée D.________ SA, qui n'a pas présenté d'observations, n'a pas droit à des dépens et ne supporte aucun frais.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le reste, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge du recourant.
3.
Le canton du Jura versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale.
Lausanne, le 29 janvier 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Muschietti
La Greffière : Musy