Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_305/2023
Arrêt du 29 février 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
recourant,
contre
A.________,
représentée par Me Nathalie Stegmüller, avocate,
intimée.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 22 mars 2023 (AI 98 / 2021 / AJ 99 / 2021).
Faits :
A.
A.a. Le 3 juillet 2003, A.________, née en 1960, sommelière et coiffeuse indépendante, a déposée une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'OAI), en raison de troubles lombaires et cervicaux engendrant une incapacité de travail de 50 % dès octobre 2001. Une expertise pluridisciplinaire mise en oeuvre durant l'instruction du cas par la clinique B.________ a conclu que l'assurée souffre, avec effet sur la capacité de travail, d'un syndrome douloureux chronique (CIM-10 F45.4) avec douleurs diffuses de type fibromyalgie, de douleurs abdominales chroniques dans le cadre d'une colopathie fonctionnelle, d'un trouble dépressif récurrent, épisode moyen (CIM-10 F33.1), d'un trouble mixte de la personnalité avec traits anxieux et dépendants (CIM-10 F61.0) et d'un syndrome lombo-vertébral chronique sans signe radiculaire irritatif ni déficitaire (CIM-10 M54.5), ainsi que, sans influence essentielle sur la capacité de travail, d'épigastralgies sur anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), de dolichosigmoïde, de céphalées tensionnelles, de tabagisme chronique et de psoriasis anamnestique. Les experts ont retenu que la capacité de travail comme coiffeuse ou dans une activité adaptée était réduite à 50 % depuis l'automne 2001; les limitations fonctionnelles étaient les suivantes: éviter les activités constamment avec les membres supérieurs au-dessus de l'horizontale, les mouvements en porte-à-faux, les ports de charges supérieures à 10 kg et les travaux lourds. Par décision du 3 janvier 2008, l'OAI a octroyé à l'assurée une demi-rente d'invalidité à compter du 1er septembre 2004.
A.b. Dans le cadre de l'instruction de la troisième procédure de révision initiée en 2012, l'OAI a ordonné une nouvelle expertise pluridisciplinaire (médecine générale/interne, rhumatologie, psychiatrie) qu'elle a confiée au Centre d'Expertise Médicale (CEMED SA), à Nyon (ci-après: CEMED). Dans leur rapport du 16 janvier 2015, les experts ont retenu le diagnostic, avec effet sur la capacité de travail, de troubles dépressifs récurrents, actuellement en rémission (CIM-10 F33.4), et les diagnostics, sans effet sur la capacité de travail, de personnalité émotionnellement labile de type borderline (CIM-10 F60.31), de syndrome douloureux somatoforme persistant (CIM-10 F45.4), de colopathie fonctionnelle et status après hémi-colectomie gauche, de trouble panique (CIM-10 F41.0) et de maladie de reflux gastro-oesophagien. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes: pas de port de charges au-dessus de 10 kg, éviter les longs bras de levier, les mouvements en porte-à-faux et les positions statiques prolongées, ainsi que la nécessité d'avoir des toilettes à proximité. Ils ont considéré que la capacité de travail de la recourante était entière, sous réserve d'une diminution de rendement de 20 %, dans toute activité respectant les limitations fonctionnelles. Il ressort d'un complément d'expertise (rhumatologie et psychiatrie) de CEMED du 17 octobre 2016, que la situation de la recourante, au plan rhumatologique, était identique à celle de novembre 2014 et que, sur le plan psychique, il y avait une amélioration clinique depuis la précédente évaluation, en ce sens que le trouble dépressif récurrent était à nouveau en rémission; la capacité de travail de la recourante était nulle en tant que coiffeuse ou serveuse, mais totale dans une activité adaptée, sans diminution de rendement, les limitations fonctionnelles retenues dans le rapport du 16 janvier 2015 étant confirmées. Se fondant sur ces appréciations, l'OAI a, par décision du 13 avril 2018, supprimé la demi-rente dont bénéficiait l'assurée; en outre, il a indiqué qu'un recours contre cette décision serait dépourvu de l'effet suspensif.
A.c. Le 14 octobre 2019, A.________ a déposé une nouvelle demande de prestations AI au motif qu'elle présentait une incapacité de travail de 100 % dès le 4 juin 2019.
A.d. Par arrêt du 25 novembre 2019, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a admis le recours formé par l'assurée à l'encontre de la décision du 13 avril 2018, qu'elle a annulée, et a renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. La cour cantonale a notamment considéré que certains éléments relevés par les médecins traitants n'avaient pas été pris en compte par les experts de CEMED et qu'ils avaient réalisé leur expertise sans avoir procédé à l'évaluation structurée et normative basée sur les indicateurs ressortant de la jurisprudence du Tribunal fédéral en cas de troubles somatoformes.
A.e. Par la suite, l'OAI a confié une nouvelle expertise pluridisciplinaire (médecine interne, rhumatologie et psychiatrie) au Centre Médical d'Expertises (CEMEDEX S.A.), à Fribourg (ci-après: CEMEDEX). Dans leur rapport du 6 octobre 2020, les experts ont énuméré les diagnostics avec ou sans influence sur la capacité de travail suivants: douleurs lombaires latéralisées du côté gauche secondaires à une discopathie avec arthrose postérieure (CIM-10 M51.9); douleurs cervicales secondaires à une discopathie (CIM-10 M51.3); douleurs du pied gauche secondaires à une contusion du cunéiforme post-traumatique; syndrome du côlon irritable (CIM-10 K58.9); trouble de la statique pelvi-rectale avec rectocèle (CIM-10 K62.3); trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (CIM-10 F33.4); dysthymie (CIM-10 F34.1); trouble somatoforme persistant (CIM-10 F45.4); troubles mentaux et du comportement liés à la consommation d'alcool (CIM-10 F10); personnalité émotionnellement labile, type borderline (CIM-10 F60.31). Les experts ont retenu des limitations fonctionnelles rhumatologiques (pas d'effort de soulèvement à partir du sol de plus de 10 kg, pas de porte-à-faux ou de rotations répétées du buste, port de charge limité à 10 kg proche du corps, changement de position régulier) et psychiatriques (en lien avec les difficultés de gestion du stress ainsi que dans les relations interpersonnelles pouvant générer des situations conflictuelles; l'existence de variations thymiques pouvant entraîner des périodes d'absentéisme dans le cadre de son emploi). L'expert rhumatologue a mis en évidence des incohérences entre l'importance de la douleur et des crises décrites, d'une part, et les constatations objectives, radiologiques et cliniques, d'autre part. Les difficultés liées à la gestion du stress et aux relations interpersonnelles étaient prises en compte, de même que des ressources mobilisables notamment au plan thérapeutique. En conclusion, les experts estimaient la capacité de travail totale dans une activité adaptée avec baisse de rendement de 20 % en raison de la nécessité de changements de position réguliers. Par décision du 24 juin 2021, l'OAI a rejeté la demande de prestations AI et a confirmé sa décision de suppression de rente, conformément à sa décision du 13 avril 2018, au motif que le taux d'invalidité de 28.61 % n'ouvrait pas le droit à une rente d'invalidité.
B.
Par arrêt du 22 mars 2023, le Tribunal cantonal a admis le recours formé par l'assurée contre cette décision, qu'il a annulée, a constaté que l'assurée avait droit à une rente entière d'invalidité dès octobre 2019, étant précisé que le droit à la demi-rente d'invalidité avait perduré jusqu'alors, et a renvoyé la cause à l'OAI pour procéder au calcul et au versement des prestations dues à l'assurée.
C.
L'OAI forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt en concluant à sa réforme en ce sens que la décision du 24 juin 2021 soit confirmée.
A.________ conclut au rejet du recours. En outre, elle sollicite d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.
D.
Par ordonnance du 7 septembre 2023, le juge instructeur a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1; 147 I 333 consid. 1; 145 II 168 consid. 1).
1.1. En tant qu'il renvoie la cause à l'administration pour procéder au calcul et au versement des prestations dues à l'intimée, l'arrêt entrepris constitue en principe une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF (ATF 144 V 280 consid. 1.2; 139 V 99 consid. 1.3). Le recours contre une telle décision n'est recevable que si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Un tel arrêt est néanmoins considéré comme final au sens de l'art. 90 LTF si l'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée ne dispose d'aucune marge de manoeuvre, notamment lorsqu'il ne lui reste plus qu'à calculer le montant de la prestation d'assurance due, en exécutant les injonctions de l'autorité supérieure (ATF 145 V 266 consid. 1.3; 144 V 280 consid. 1.2; 135 V 141 consid. 1.1). Tel est le cas en l'espèce. En effet, la décision qui doit être rendue par la recourante consiste uniquement à chiffrer le montant des prestations, étant donné que la cour cantonale a retenu que l'intimée avait droit à une rente entière d'invalidité dès octobre 2019 et que le droit à une demi-rente d'invalidité avait perduré jusqu'alors.
1.2. Pour le reste, l'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 ss LTF). Le recours en matière de droit public a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF) mais peut les rectifier et les compléter d'office si des lacunes et des erreurs manifestes apparaissent d'emblée (art. 105 al. 2 LTF). En principe, il n'examine que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant peut critiquer la constatation des faits qui ont une incidence sur le sort du litige seulement s'ils ont été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).
3.
Le litige porte sur la question de savoir si les juges cantonaux ont à juste titre octroyé à l'intimée une rente entière d'invalidité dès octobre 2019, en précisant que son droit à la demi-rente d'invalidité avait perduré jusqu'alors. Il s'agit en particulier de savoir quel est le moment déterminant pour juger si l'exercice d'une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était exigible de sa part.
4.
4.1. Pour évaluer le taux d'invalidité en lien avec l'exercice de l'activité lucrative, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). On relèvera à cet égard que la notion de marché du travail équilibré est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité; elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'oeuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques (arrêts 9C_597/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.2; 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2). On ne saurait certes se fonder sur des possibilités de travail irréalistes, mais il ne faut pas non plus poser des exigences excessives à la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain; cet examen s'effectue de façon d'autant plus approfondie que le profil d'exigibilité est défini de manière restrictive (arrêt 8C_95/2020 du 14 mai 2020 consid. 5.2.2).
4.2. Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le cas concret, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (ATF 145 V 2 consid. 5.3.1; 138 V 457 consid. 3.1). Le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l'âge de la retraite sur le marché de l'emploi doit être examinée correspond au moment auquel il a été constaté que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative était médicalement exigible, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 146 V 16 consid. 7.1; 145 V 2 consid. 5.3.1; 138 V 457 consid. 3 et les références).
5.
5.1. La cour cantonale a considéré que les conclusions des experts de CEMEDEX étaient motivées et circonstanciées, et qu'elles étaient convaincantes au regard des exigences posées en la matière par la jurisprudence. Il était ainsi suffisamment établi que l'intimée présentait une capacité de travail nulle dans l'activité exercée jusqu'alors de coiffeuse ou serveuse, pour des raisons ostéoarticulaires, depuis août 2014. En revanche, la capacité de travail était de 100 %, avec une baisse de rendement de 20 % dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles rhumatologiques (pas d'effort de soulèvement à partir du sol de plus de 10 kg, pas de porte-à-faux ou de rotations répétées du buste, port de charge limité à 10 kg proche du corps, changement de position régulière) et psychiatriques (difficultés de gestion du stress ainsi que dans les relations interpersonnelles pouvant générer des situations conflictuelles, existence de variations thymiques pouvant entraîner des périodes d'absentéisme dans le cadre de son emploi, au vu de l'existence d'un trouble avéré de la personnalité).
5.2. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, les juges cantonaux ont retenu que le moment déterminant pour trancher la question de la mise en valeur de la capacité de travail, compte tenu de l'âge de l'intimée, était celui du dépôt de l'expertise de CEMEDEX, soit le 6 octobre 2020. La cour cantonale y a répondu par la négative: L'assurée était âgée de 60 ans au moment déterminant. Hormis durant deux ans dès 1975 et entre 1990 et 1994, périodes durant lesquelles elle avait oeuvré en usine, l'intimée avait travaillé essentiellement comme femme de ménage, aide-soignante, sommelière dans des restaurants et coiffeuse indépendante jusqu'à l'octroi d'une demi-rente AI, en janvier 2008, en raison de ses problèmes physiques et psychiques. Elle avait encore travaillé en tant que sommelière à 50 %, jusqu'à son accident de cheville en septembre 2018. A l'instar des activités de coiffeuse et de sommelière, toutes les autres activités exercées par l'intimée (femme de ménage, aide-soignante) n'étaient plus adaptées au limitations qu'elle présentait, si bien que sa capacité de travail dans ces activités devait également être considérée comme étant nulle. Dès lors, il devait être admis que, compte tenu des nombreux diagnostics médicaux physiques et psychiques retenus par les experts ainsi que des limitations fonctionnelles qu'il y avait lieu de respecter, il n'était guère réaliste d'admettre qu'à plus de 60 ans, au regard de son expérience professionnelle acquise jusqu'alors dans les activités exercées, l'intimée serait en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cette conclusion s'imposait indépendamment du fait qu'elle avait refusé, en 2017, soit antérieurement au moment déterminant, les mesures de réadaptation professionnelle proposées.
5.3.
5.3.1. Le recourant soutient que la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en appliquant les principes jurisprudentiels mentionnés concernant le moment déterminant pour l'examen de la mise en valeur de la capacité résiduelle sur le marché du travail équilibré pour un assuré proche de l'âge de la retraite. Ces principes ne seraient pas applicables en l'espèce, et les règles relatives au retrait de l'effet suspensif au recours devraient prévaloir, étant donné que la première décision du 13 avril 2018 supprimant la rente aurait déjà retiré l'effet suspensif à un recours, qu'elle aurait été annulée et que la cause aurait été renvoyée à l'administration pour instruction complémentaire. Au surplus, la nouvelle expertise de CEMEDEX aurait confirmé pour l'essentiel les conclusions de CEMED, qui formaient la base de la première décision de suppression de rente.
5.3.2. Ainsi, le recourant fait référence à la jurisprudence constante selon laquelle le retrait de l'effet suspensif à un recours dirigé contre une décision supprimant ou diminuant une rente perdure, en cas de renvoi de la cause à l'administration, également durant la procédure d'instruction complémentaire jusqu'à la notification de la nouvelle décision (ATF 129 V 370; 106 V 18). A ce propos, le Tribunal fédéral a retenu que le renvoi pour instruction complémentaire ne signifie pas nécessairement que les constatations originelles sont fausses, mais seulement que celles-ci ne peuvent pas être confirmées sur la base des documents disponibles. Il se peut que les nouvelles observations confirment intégralement celles réalisées initialement, y compris du point de vue temporel (par exemple la date de l'amélioration de la capacité de travail justifiant la modification du droit), auquel cas la première décision supprimant ou diminuant les prestations était correcte et peut être entérinée avec effet rétroactif (arrêts 9C_843/2012 du 1er mars 2013 consid. 4.2; 8C_451/2010 du 11 novembre 2010 consid. 4.2.2, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96). En revanche, si les résultats de l'instruction complémentaire infirment au moins partiellement le contenu de la décision originelle (par exemple quant à la date de l'amélioration de la capacité de travail justifiant la modification du droit survenue postérieurement à ce qui avait été retenu dans la première décision, toutes les autres conditions demeurant identiques), il ne saurait être question de faire remonter la suppression ou la réduction des prestations à une époque où les conditions pour le faire n'étaient pas remplies. La modification des prestations ne prend effet qu'au moment où survient le changement notable de circonstances influençant le droit aux prestations au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (arrêts 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1; 9C_288/2010 du 22 décembre 2010 consid. 4.2).
5.3.3. D'après le recourant, le moment auquel survient le changement notable de circonstances influençant le droit aux prestations au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA devrait seul être déterminant en l'espèce. Il faudrait donc se placer à ce moment pour examiner l'exigibilité de l'activité adaptée. En l'occurrence, le changement notable des circonstances, à savoir l'amélioration de l'état de santé psychique, serait survenu durant la procédure initiale ayant abouti à la décision de suppression de la demi-rente du 13 avril 2018. Dès lors que l'intimée était âgée de 57 ans en ce moment, la jurisprudence sur les assurés proches de l'âge de la retraite ne trouverait pas application. Au demeurant, les circonstances du cas particulier permettraient de supprimer la rente même en l'absence de mesures d'ordre professionnel.
5.4. Le raisonnement du recourant ne peut pas être suivi. Dans l'arrêt de principe ATF 138 V 457, le Tribunal fédéral a considéré que le moment déterminant pour apprécier les chances d'un assuré proche de l'âge de la retraite de mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché de l'emploi correspond à celui où l'on constate que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative est exigible du point de vue médical, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs. Le fait que la capacité résiduelle de travail a été recouvrée à une date antérieure, toutefois sans avoir encore été établie par des documents médicaux fiables, n'est en revanche pas déterminant. En l'espèce, le retrait de l'effet suspensif, ordonné par la décision du 13 avril 2018 et qui perdurait durant la procédure d'instruction complémentaire, de même que la confirmation, par l'expertise établie par CEMEDEX de l'appréciation de la capacité résiduelle de travail résultant d'une première expertise insuffisamment probante, ne justifient pas de s'écarter de cette jurisprudence. Comme l'ont admis à juste titre les premiers juges, c'est à la date de l'expertise réalisée par CEMEDEX que la capacité résiduelle de travail de l'intimée a pu être confirmée de manière probante. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en considérant que la date du 6 octobre 2020 était déterminante pour apprécier l'exigibilité de la mise en valeur de sa capacité résiduelle de travail par l'intimée. Le grief du recourant est infondé.
5.5. Le recourant ne soulève aucun autre grief à l'encontre de l'arrêt entrepris et se limite à présenter sa propre analyse de l'exigibilité d'une mise en valeur de sa capacité résiduelle de travail par l'intimée, en prenant en considération - à tort, comme on l'a vu - un âge déterminant de 57 ans. Son argumentation repose ainsi sur une prémisse infondée et ne peut être suivie, l'appréciation des premiers juges ne prêtant par ailleurs pas flanc à la critique.
6.
Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, s upportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF), ce qui rend sans objet la demande d'assistance judiciaire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'avocate de l'intimée la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 29 février 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart