Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_539/2023
Arrêt du 29 février 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Métral.
Greffière : Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourante,
contre
Office cantonal AI du Valais,
avenue de la Gare 15, 1950 Sion,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (vice de procédure),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais du 9 août 2023 (S1 20 250 - S1 20 261).
Faits :
A.
A.________, née en 1957, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 18 février 2015. Par décision du 14 octobre 2020, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton du Valais (ci-après: l'office AI) lui a alloué une rente entière d'invalidité pour la période du 1
er août 2015 au 31 mai 2016, un trois-quarts de rente d'invalidité pour le mois de juin 2016, une demi-rente d'invalidité pour la période du 1
er juillet au 31 août 2016, un quart de rente d'invalidité pour la période du 1
er septembre au 31 octobre 2016 et une rente entière d'invalidité pour la période du 1
er novembre 2017 au 30 septembre 2019. Par une autre décision du 23 octobre 2020, l'office AI a refusé l'octroi de mesures d'ordre professionnel.
B.
Le 17 novembre 2020, A.________ a formé un recours contre la décision du 14 octobre 2020 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais, en concluant principalement à sa réforme dans le sens du versement d'une rente entière d'invalidité depuis le 1
er août 2015. Elle a requis, sous le titre "II. Moyens de preuve", - outre la production complète du dossier AI - la mise en oeuvre d'une audience publique "afin que la recourante puisse être entendue et que la Cour se rende compte de l'importance des atteintes à la santé de cette dernière". Le 27 novembre 2020, l'assurée a formé un recours contre la décision du 23 octobre 2020, en concluant à sa réforme dans le sens de l'octroi de mesures de réadaptation. Elle a requis sous le titre "IV. Moyens de preuve", - outre la production complète du dossier AI - la mise en oeuvre d'une audience publique "afin que la recourante puisse être entendue et que la Cour se rende compte de l'importance des atteintes à la santé de cette dernière".
La juridiction cantonale a joint les causes et rejeté les recours par jugement du 9 août 2023.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'elle a droit à une rente entière d'invalidité depuis le 1
er août 2015. Subsidiairement, elle requiert l'annulation du jugement cantonal et le renvoi de la cause à l'autorité précédente afin qu'elle donne suite aux requêtes de débats publics et statue à nouveau. Plus subsidiairement encore, elle demande l'annulation du jugement cantonal et de la décision du 14 octobre 2020, ainsi que le renvoi de la cause à l'office AI pour complément d'instruction et nouvelle décision.
L'office AI conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu dans la mesure où il est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 et les arrêts cités), la recourante se plaint d'une violation de son droit à la tenue de débats publics au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH. Elle se réfère à l'arrêt 9C_349/2022 du 22 novembre 2022 et reproche à la juridiction cantonale d'avoir rejeté sa demande d'audience publique au motif qu'elle constituait uniquement une requête de preuve.
2.2. L'art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil - comme c'est le cas en l'espèce (ATF 136 I 279 consid. 1; 122 V 47 consid. 2a) -, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. La tenue de débats publics doit, sauf circonstances exceptionnelles, avoir lieu devant les instances judiciaires précédant le Tribunal fédéral. Il appartient à ce titre au recourant, sous peine de forclusion, de présenter une demande formulée de manière claire et indiscutable. Saisi d'une telle demande, le juge doit en principe y donner suite. Il peut cependant s'en abstenir dans les cas prévus par l'art. 6 par. 1, deuxième phrase, CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu'il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien fondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 147 I 153 consid. 3.5.2; 141 I 97 consid. 5.1; 136 I 279 précité; 122 V 47 précité consid. 3b). Enfin, la publicité des débats implique le droit pour le justiciable de plaider sa cause lui-même ou par l'intermédiaire de son mandataire (arrêts 2C_384/2022 du 14 novembre 2023 consid. 5.5; 8C_136/2018 du 20 novembre 2018 consid. 4.2 et les arrêts cités). En cas de doute sur la nature de la demande, il appartient au tribunal saisi d'interpeller la partie requérante (ATF 127 I 44 consid. 2e/bb; arrêts 1B_11/2022 du 31 mars 2022 consid. 2.3.2; 8C_221/2020 du 2 juillet 2020 consid. 3.2 et la référence).
2.3. En l'occurrence, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale (cf. consid. 5.2 du jugement attaqué, p. 38), la demande formulée par la recourante ne pouvait pas être rejetée au motif que celle-ci n'avait pas explicitement invoqué l'art. 6 par. 1 CEDH et la jurisprudence y relative et qu'il s'agissait uniquement d'une requête de preuve. D'une part, l'écriture comprenait une requête claire et expresse tendant à la tenue d'une audience publique (cf. art. 61 let. a LPGA). D'autre part, si la possibilité d'être entendue pouvait être interprétée comme une demande tendant à la comparution ou à une interrogation personnelle, elle pouvait également être comprise comme la volonté d'exposer, ou de faire exposer par l'intermédiaire de son avocat, l'importance des atteintes à la santé de la recourante (arrêt 8C_402/2023 du 19 février 2024 consid. 2.3). Les premiers juges se réfèrent à l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_335/2021 du 9 février 2022, dans lequel celui-ci avait admis l'interprétation d'une demande d'audition publique comme une réquisition de preuve. En l'espèce, toutefois, les premiers juges ont tout de même dû consacrer deux pages du jugement attaqué à examiner s'ils étaient saisis ou non d'une requête de débats publics (cf. consid. 5.1 et 5.2 du jugement attaqué, p. 37-38). Force est donc de constater qu'ils avaient un doute "sérieux" sur la nature de la demande. En pareilles circonstances, il leur appartenait à tout le moins d'inviter la recourante à préciser ses intentions, comme l'a admis le Tribunal fédéral dans d'autres situations analogues (parmi d'autres: arrêts 9C_601/2022 du 6 juin 2023 consid. 2.3; 9C_349/2022 du 22 novembre 2022 consid. 2.3; 8C_722/2019 du 20 février 2020 consid. 3.2).
2.4. En définitive, en l'absence d'un motif qui s'opposait à la tenue d'une audience publique devant la juridiction cantonale et compte tenu des demandes de la recourante, formulées en temps utile (cf. ATF 134 I 331; 8C_495/2020 du 6 janvier 2021 consid. 2.1 et les arrêts cités), il y a lieu d'admettre que la procédure cantonale est entachée d'un vice de procédure qui entraîne d'emblée l'annulation du jugement entrepris (ATF 134 I 331 précité consid. 3.1).
3.
Compte tenu de ce qui précède, l'acte attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la juridiction cantonale afin qu'elle donne suite à la requête de débats publics conformément à ce qui précède et statue à nouveau.
4.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) ainsi que les dépens de la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais du 9 août 2023 est annulé et la cause lui est renvoyée pour qu'elle statue à nouveau. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 29 février 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Fretz Perrin