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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.211/2003 /col 
 
Arrêt du 29 mars 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Jomini. 
 
Parties 
Etat de Genève, 
recourant, agissant par le Département cantonal 
de l'aménagement, de l'équipement et du logement, 
rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8, 
 
contre 
 
Société immobilière A.________, 
intimée, représentée par Me Christian Luscher, avocat, 
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 
1211 Genève 1. 
 
Objet 
expropriation matérielle, 
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 
26 août 2003. 
 
Faits: 
A. 
La Société immobilière A.________ (ci-après: la Société immobilière) est propriétaire, sur le territoire de la commune de Genève, de la parcelle n° 3413 du registre foncier (section Plainpalais). D'une surface totale de 21'806 m2, ce terrain non bâti et partiellement boisé se trouve au bord de la rivière l'Arve. Sur deux côtés, au sud et au nord-est, il est longé par des voies publiques, la route de Vessy et la route du Bout-du-Monde. Il est utilisé comme lieu de dépôt pour d'anciennes machines de chantier. 
B. 
Le 4 mai 1995, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté deux lois connexes définissant l'affectation des terrains riverains de l'Arve: la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve (loi n° 7106, abrégée LArve) et une loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la Ville de Genève et des communes de Carouge, Chêne-Bougeries, Thônex et Veyrier (loi n° 7107). A chacune de ces lois est joint un plan, soit respectivement le plan n° 28616A du périmètre du territoire à protéger et le plan n° 28617A indiquant le nouveau régime des zones à l'intérieur du périmètre du plan précédent. La parcelle n° 3413 est comprise dans ledit périmètre; selon le plan n° 28617A, elle est classée en zone de verdure (deux tiers environ de la surface totale) et en zone des bois et forêts (un tiers environ de la surface). Les deux lois, avec les plans annexés, sont entrées en vigueur le 1er juillet 1995. 
En adoptant la loi n° 7106, le Grand Conseil a complété l'art. 29 de la loi cantonale du 4 juin 1987 d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT) qui définit les zones à protéger au sens de l'art. 17 LAT (RS 700). En font désormais partie "les rives de l'Arve, selon la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve" (art. 29 al. 1 let. j LaLAT). 
Les lois n°s 7106 et 7107 avaient été mises à l'enquête publique en octobre 1993. La Société immobilière ne s'était pas opposée à la nouvelle affectation prévue pour sa parcelle. 
C. 
Avant l'entrée en vigueur des lois du 4 mai 1995, la parcelle n° 3413 était presque totalement soumise au régime de la 5e zone, ou zone résidentielle destinée aux villas, au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT; une bande de terrain boisée (dont la surface est estimée par la propriétaire à environ 1'000 m2), le long de l'Arve, était cependant incluse dans la zone des bois et forêts, définie à l'art. 23 LaLAT. Ces affectations sont figurées sur le plan des zones de construction du centre urbain de Genève, annexé à la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (cf. art. 12 LaLAT). Ce régime était déjà applicable précédemment, conformément au plan des zones de construction annexé à la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 25 mars 1961. Le législateur de 1987 avait en effet prescrit que ce plan constituerait le plan des zones annexé à la LaLAT lors de l'entrée en vigueur de cette loi (cf. art. 32 al. 1 LaLAT). Toutefois, sous l'empire de l'arrêté fédéral du 17 mars 1972 instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire (AFU; RO 1972 I 652), les autorités cantonales avaient classé la parcelle n° 3413 dans le périmètre d'un site à protéger. Ce régime de protection provisoire a pris fin en 1980. 
D. 
Le 23 août 1999, la Société immobilière a écrit au Département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le Département cantonal) pour réclamer une indemnité au titre de l'expropriation matérielle, en raison du changement d'affectation de sa parcelle résultant de la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve. Le Département cantonal a refusé d'entrer en matière. 
Le 3 juillet 2000, la Société immobilière a déposé devant la Commission cantonale de conciliation et d'estimation en matière d'expropriation (ci-après: la Commission cantonale) une requête tendant au paiement par l'Etat de Genève d'une indemnité de 12'590'000 fr. avec intérêt à 5 % dès le 24 août 1999, pour expropriation matérielle. La requérante a produit un rapport d'expertise du 14 mars 2000 établi à sa demande par l'architecte Pierre H. Hiltpold, à Carouge. Ce rapport décrit la parcelle n° 3413 ainsi que l'état de l'équipement de ce terrain (alimentation électrique, alimentation en eau, assainissement en réseau séparatif, routes d'accès). L'expert a en outre estimé à 4'160 m2 les "droits à bâtir" (surface totale des constructions admissibles, en m2 de plancher) sur le terrain avant l'entrée en vigueur de la LArve; vingt-cinq villas auraient donc pu y être édifiées. 
La Commission cantonale a rejeté les conclusions de la Société immobilière par une décision rendue le 26 mars 2002. Se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. infra, consid. 2.1), elle a considéré en substance que le changement d'affectation était assimilable à un refus de classement dans la zone à bâtir, la LArve définissant pour la première fois, dans ce périmètre, un régime des zones conforme aux principes de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Elle a ajouté qu'en raison de l'équipement insuffisant du terrain litigieux, il était exclu d'octroyer une indemnité pour expropriation matérielle. 
E. 
La Société immobilière a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de la République et canton de Genève. Par un arrêt rendu le 29 août 2003, ce Tribunal a admis le recours et il a renvoyé le dossier à la Commission cantonale afin qu'elle procède à l'estimation de la parcelle concernée et qu'elle se prononce sur l'indemnité due à la Société immobilière. Il a considéré que la mesure d'aménagement litigieuse n'était pas un refus de classement, mais bien un déclassement en zone inconstructible d'un terrain valablement classé en 1987 dans la zone à bâtir. Il a donc admis un cas d'expropriation matérielle, sans examiner plus avant les critères pour la fixation de l'indemnité. 
F. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Etat de Genève demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de prononcer d'une part que l'incorporation de la parcelle n° 3413 dans une zone à protéger (art. 19 let. j LaLAT) consécutivement à l'adoption de la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve, du 4 mai 1995, constitue une mesure de "non-classement" ne privant pas le propriétaire d'une faculté essentielle découlant de son droit de propriété, et d'autre part qu'il n'existe aucune circonstance spéciale permettant d'assimiler cette mesure à une mesure d'aménagement génératrice d'expropriation matérielle. A titre subsidiaire, l'Etat de Genève conclut à ce qu'il soit prononcé que la mesure d'aménagement précitée n'est pas non plus constitutive d'expropriation matérielle dans l'hypothèse où elle correspondrait à un "déclassement" de la parcelle. 
La Société immobilière conclut au rejet du recours. 
L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à déposer des observations. 
G. 
Le Département cantonal a produit, à la demande du Juge délégué, une copie du plan fixant les alignements le long des cours d'eau, annexé à la loi cantonale genevoise sur les eaux, du 5 juillet 1961 (plan n° 27014/600, encore en vigueur conformément à l'art. 154B de la loi sur les eaux car la carte des surfaces inconstructibles prévue à l'art. 15 de dite loi n'a pas encore été établie). Selon ce plan, la limite des constructions se trouve, sur la parcelle n° 3413, à 50 m de la limite du cours d'eau. 
Le Département cantonal a encore produit une carte où sont figurées toutes les "contraintes" résultant du droit public qui grèvent la parcelle n° 3413 (alignement selon la loi cantonale sur les eaux, alignement le long de la route de Vessy selon la loi cantonale sur les routes, aire forestière et distance par rapport à la forêt selon la loi cantonale sur les forêts). Cette carte indique également une zone instable, mentionnée dans un cadastre des phénomènes naturels. En somme, sur cette parcelle, seule une surface de 9'632 m2 serait "sans contraintes particulières". 
Ces documents, avec les explications écrites du Département cantonal, ont été communiquées pour information à la Société immobilière. 
H. 
La Société immobilière requiert une inspection locale. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 ss OJ) est recevable contre les décisions prises par l'autorité cantonale de dernière instance sur des indemnisations résultant de restrictions apportées au droit de propriété. Cette disposition vise en particulier les jugements relatifs à des demandes d'indemnité pour expropriation matérielle (art. 5 al. 2 LAT, art. 26 al. 2 Cst. - cf. ATF 125 II 1 consid. 1 p. 4). 
La décision attaquée est un arrêt de renvoi - rendu en dernière instance cantonale - qui ne met pas fin à la procédure. Le Tribunal administratif a cependant pris une décision de principe en admettant un cas d'expropriation matérielle. Il s'agit donc d'une décision partielle sur le fond et non pas d'une décision incidente au sens de l'art. 101 let. a OJ (cf. ATF 129 II 286 consid. 4.2 p. 291, 384 consid. 2.3 p. 385; 120 Ib 97 consid. 1b p. 99; 118 Ib 196 consid. 1b p. 198 et les arrêts cités). Elle peut faire directement l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, dans le délai ordinaire de trente jours prévu à l'art. 106 al. 1 OJ. Ce délai a été observé en l'espèce. 
L'Etat de Genève a qualité pour recourir (art. 34 al. 2 LAT en relation avec l'art. 103 let. c OJ). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
2. 
Le recourant se plaint d'une violation des règles du droit fédéral relatives à l'expropriation matérielle. Selon lui, le changement d'affectation litigieux constitue une mesure de "non-classement" en zone à bâtir puisque le terrain devait, en raison de sa situation en bordure d'un cours d'eau, être classé dans une zone à protéger. Ce n'est qu'au moment de l'adoption de la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve que l'autorité cantonale de planification aurait mis en oeuvre, à cet endroit, les principes de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire; du reste, sous l'empire de l'arrêté fédéral urgent de 1972, un classement de la parcelle en zone à protéger avait déjà été prévu. 
2.1 Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle au sens de l'art. 26 al. 2 Cst. (correspondant à l'art. 22ter al. 3 aCst.) et de l'art. 5 al. 2 LAT lorsque l'usage actuel d'une chose ou son usage futur prévisible est interdit ou restreint de manière particulièrement grave, de sorte que l'intéressé se trouve privé d'un attribut essentiel de son droit de propriété. Une atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires d'une manière telle que, s'ils n'étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le principe de l'égalité de traitement. Dans l'un et l'autre cas, la protection ne s'étend à l'usage futur prévisible que dans la mesure où il apparaît, au moment déterminant, comme très probable dans un proche avenir. Par usage futur prévisible d'un bien-fonds, on entend généralement la possibilité de l'affecter à la construction (ATF 125 II 431 consid. 3a p. 433 et les arrêts cités). 
La jurisprudence distingue généralement deux hypothèses: d'une part le refus de classement en zone à bâtir ("non-classement", "Nichteinzonung"), lorsque la modification d'un plan d'affectation, qui a pour effet de sortir une parcelle de la zone à bâtir où elle se trouvait auparavant, intervient pour adapter ce plan aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, entrée en vigueur en 1980 - et partant pour mettre en oeuvre les principes du droit constitutionnel en matière de droit foncier -, et d'autre part le déclassement ("Auszonung") d'un terrain propre à la construction selon les exigences de cette législation (cf. ATF 125 II 431 consid. 3b p. 433; 122 II 326 consid. 4c p. 330 et les arrêts cités). 
2.2 Le Tribunal administratif a admis un cas de déclassement en retenant que l'affectation en zone à bâtir (5e zone) de la parcelle n° 3413 lors de l'adoption, en 1987, de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT) constituait une mesure d'aménagement fondée sur cette loi fédérale. La Cour cantonale s'est référée à un arrêt récent du Tribunal fédéral, dans une contestation relative à une autorisation de construire (ATF 129 II 225), où la portée du plan de zones mentionné à l'art. 12 al. 1 LaLAT a été examinée. 
Aux termes de l'art. 12 al. 1 LaLAT, "pour déterminer l'affectation du sol sur l'ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la présente loi". Dans les dispositions finales de la loi, il est précisé que "les plans de zones de construction au sens de l'article 10 de la loi originale sur les constructions et les installations diverses, ayant force de loi au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi constituent les plans de zones annexés à celle-ci au sens de l'article 12". Cet art. 12 LaLAT et les normes définissant le régime des zones ordinaires (art. 18 ss LaLAT) ont été adoptés le 18 septembre 1987 et sont entrés en vigueur le 26 novembre 1987. La LaLAT a en effet été votée en deux étapes, les 4 juin et 18 septembre 1987, et elle a repris un certain nombre de dispositions contenues dans la loi sur les constructions et les installations diverses (cf. François Bellanger/Suzanne Lebet, Le régime de la LALAT et ses implications, RDAF 1988 p. 305 ss). 
Dans l'arrêt précité (ATF 129 II 225), le Tribunal fédéral a rappelé qu'il incombait aux cantons, conformément à l'art. 35 al. 1 let. b LAT, de veiller à ce que les plans d'affectation fussent établis à temps, mais au plus tard dans un délai de huit ans à compter de l'entrée en vigueur de la LAT (ce délai parvenait à échéance le 31 décembre 1987). La législation cantonale d'application (LaLAT) visait clairement à mettre en oeuvre, sur le territoire genevois, les principes de la loi fédérale, en particulier en matière de plans d'affectation (cf. notamment l'art. 1 let. b LaLAT; voir aussi l'Exposé des motifs du Conseil d'Etat in Mémorial des séances du Grand Conseil 1985, p. 1904 ss, 1908). Le plan de zones mentionné à l'art. 12 LaLAT a été adopté par le Grand Conseil, autorité en principe compétente pour décider de l'affectation du sol dans le canton de Genève (art. 15 al. 1 LaLAT); cette décision a été prise à l'occasion de l'adoption de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire, dans le délai de huit ans fixé par l'art. 35 al. 1 let. b LAT. Si l'autorité cantonale de planification a choisi, à ce moment-là, de confirmer la délimitation de la 5e zone telle qu'elle avait été prévue plusieurs décennies auparavant, cela ne signifie pas qu'elle aurait alors renoncé à mettre en oeuvre les principes du droit fédéral relatifs aux plans d'affectation et à la limitation de l'étendue des zones à bâtir (cf. art. 3 al. 3, art. 15 LAT). Le Plan directeur cantonal adopté le 15 septembre 1989 par le Grand Conseil, également dans le but de satisfaire aux exigences de la nouvelle loi fédérale sur l'aménagement du territoire (art. 6 ss LAT), indique que la situation du canton de Genève est particulière en ce sens que les autorités cantonales avaient très tôt (en 1929 et en 1952 notamment) pris des mesures de planification aux fins de limiter l'extension du territoire constructible; cette spécificité, par rapport à la situation d'autres cantons, empêchait d'envisager, globalement, une réduction des anciennes zones à bâtir qui n'étaient pas surdimensionnées et qui devaient plutôt faire l'objet d'adaptations ponctuelles, le cas échéant (Plan directeur cantonal de 1989, introduction, p. 6/7; cf. aussi, dans ce document, les explications relatives au Plan sectoriel de l'urbanisation, p. 178). Sur cette base, dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'avait pas à contrôler si l'affectation d'un terrain classé dans la zone à bâtir par le plan mentionné à l'art. 12 al. 1 LaLAT était conforme au droit fédéral de l'aménagement du territoire, cette affectation ayant été valablement décidée en 1987 (ATF 129 II 225 consid. 1.3 p. 228 ss). En reprenant cette argumentation dans le cas particulier, le Tribunal administratif a admis la validité du classement, en 1987, de la parcelle n° 3413 dans la 5e zone. En conséquence, le changement d'affectation intervenu en 1995 ne représentait pas la première mesure d'aménagement conforme au droit fédéral, mais au contraire un véritable déclassement. 
2.3 Le recourant fait valoir que, selon les principes régissant l'aménagement du territoire énoncés à l'art. 3 LAT, les autorités doivent faire en sorte de tenir libres les bords de lacs et les cours d'eau, et également de conserver les sites naturels et les territoires servant au délassement (art. 3 al. 2 let. c et d LAT). Dans le cas particulier, ces principes avaient déjà été concrétisés sous l'empire de l'arrêté fédéral urgent de 1972 (AFU); ce régime provisoire ayant pris fin lors de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire le 1er janvier 1980, le classement en zone à protéger en vertu de la loi sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve représenterait la première mesure définitive de planification conforme au droit fédéral. Les autorités cantonales adaptent en effet progressivement leurs anciens plans aux exigences de la LAT dans les secteurs riverains des lacs et cours d'eau, en adoptant des lois spéciales (protection des rives du Rhône en 1989, des rives du lac en 1992, des rives de l'Arve en 1995 puis, prochainement, des rives de la Versoix). 
La conformité au droit fédéral - à savoir aux principes de l'art. 3 LAT ainsi qu'à la réglementation de l'art. 17 al. 1 let. a LAT, qui prévoit que les zones à protéger comprennent les rives des cours d'eau - du changement d'affectation de la parcelle litigieuse en 1995 n'a jamais été mise en doute dans la présente procédure. La question décisive est cependant celle de savoir si l'affectation précédente, adoptée par le Grand Conseil en 1987, était elle aussi conforme au droit fédéral. Comme cela a été exposé dans l'arrêt précité (ATF 129 II 225), les zones résidentielles du plan de zones annexé à la LaLAT doivent en principe être considérées comme des zones conformes à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, le Grand Conseil ayant fait en sorte, dans le délai légal (art. 35 al. 1 let. b LAT), d'adopter un plan d'affectation cantonal conforme au droit fédéral; peu importe que l'autorité cantonale de planification ait alors repris, pour les zones à bâtir, les délimitations d'un plan existant (cf. supra, consid. 2.2). La parcelle litigieuse est directement voisine de terrains bâtis et elle est proche de quartiers denses de la ville de Genève; une affectation en zone à bâtir ne paraissait pas d'emblée contraire à l'art. 15 LAT, de sorte que la nécessité de réduire ponctuellement, dans ce quartier, la surface de la 5e zone n'a pas été envisagée à cette époque. Cette parcelle se trouve certes en bordure de l'Arve mais la définition des objets protégés à l'art. 17 al. 1 LAT laisse à l'autorité compétente une latitude d'appréciation considérable. Pour définir le but et l'étendue de la protection et fixer les mesures d'aménagement adéquates, il faut tenir compte de la situation concrète au moment déterminant (cf. Pierre Moor, Commentaire LAT, Zurich 1999, art. 17 n. 23, 30 et 42 ss). En 1987, le classement en zone résidentielle de la majeure partie de la parcelle litigieuse a certes été décidé (ou confirmé) mais une bande de terrain le long de l'Arve a été maintenue dans une zone inconstructible (zone des bois et forêts, où seules sont admissibles des constructions forestières en vertu de l'art. 23 LaLAT). Par ailleurs, la législation forestière cantonale ainsi que la législation cantonale sur les eaux fixent des limites de construction, depuis la lisière de la forêt ou depuis la limite du cours d'eau, qui avaient alors également pour effet d'assurer une certaine protection de la portion de rive de l'Arve située à cet endroit. Dans cette situation particulière, un classement en zone à bâtir ne paraissait pas inconciliable, lors de l'adoption de la LaLAT, avec les impératifs de protection des rives des cours d'eau selon le droit fédéral. Le fait que, quelques années plus tard, en élaborant une législation spéciale relative à la protection de l'Arve, l'autorité cantonale a accordé une importance plus grande à la préservation des rives et de leurs abords signifie que de nouveaux éléments d'appréciation ont été pris en compte avec l'évolution des circonstances. Cela pouvait sans doute justifier une adaptation du plan d'affectation (cf. art. 21 al. 2 LAT). On ne saurait cependant en déduire que la mesure d'aménagement décidée en 1987 par le Grand Conseil, en d'autres circonstances mais déjà dans le but de définir l'affectation des zones conformément à la LAT, violait les règles du droit fédéral sur la délimitation des zones à bâtir. 
2.4 Le recourant remarque que, dans un arrêt rendu le 29 janvier 1998 (arrêt non publié 1A.267/1997) relatif au classement en zone à protéger d'une propriété riveraine du Rhône en ville de Genève (la "Campagne Cayla"), le Tribunal fédéral avait confirmé une décision cantonale refusant d'octroyer une indemnité pour expropriation matérielle, alors que le terrain avait également été classé en 5e zone dans le plan annexé à la LaLAT (cas de refus de classement, et non pas de déclassement). L'arrêt attaqué admet l'existence d'une certaine analogie entre cette affaire et la présente cause, tout en relevant que la protection des rives du Rhône avait déjà été prévue par l'autorité cantonale plusieurs années auparavant, ce qui avait écarté de fait toute perspective de construction dans le périmètre de la "Campagne Cayla" (cf. consid. 3d de l'arrêt 1A.267/1997). 
La loi générale sur la protection des rives du Rhône a été adoptée par le Grand Conseil le 27 janvier 1989. Cette procédure de modification du régime des zones, avec la création d'une zone protégée le long du fleuve, avait été formellement engagée par le dépôt d'une initiative populaire en été 1986 et un projet de plan d'affectation avait été publié en été 1987 (cf. Exposé des motifs du Conseil d'Etat in Mémorial des séances du Grand Conseil 1988 p. 3125 ss). Ces opérations se sont déroulées parallèlement à l'adoption de la LaLAT. Pour les terrains riverains du Rhône ou de l'Arve, la situation juridique est donc sensiblement différente. Dans le second cas en effet, les premières phases de la procédure de création d'une zone à protéger sont intervenues plusieurs années après l'entrée en vigueur de la LaLAT - laquelle confirmait l'inclusion de la parcelle litigieuse dans une zone à bâtir au sens de l'art. 15 LAT - et rien n'indique que, dans l'intervalle, il n'existait pas juridiquement de perspectives de construction. A cela s'ajoute que la situation concrète des deux propriétés n'est pas en tous points comparable, et partant que le besoin de protection du site n'est objectivement pas le même. En définitive, le Tribunal administratif a renoncé à juste titre à appliquer la même solution car il n'avait pas à déduire de cet arrêt, concernant une portion de la rive du Rhône, que le classement en zone à protéger d'un terrain riverain de l'Arve était nécessairement un refus de classement en zone à bâtir. 
2.5 Il s'ensuit que le Tribunal administratif était fondé à admettre en l'espèce un cas de déclassement proprement dit. Les différentes contraintes découlant de lois spéciales (limites des constructions en bordure de la forêt, de la rivière et de la route) ne rendaient pas la parcelle n° 3413 totalement inconstructible; au contraire, une surface relativement importante pourrait être occupée par des villas. Il ressort en outre du dossier que de nombreux éléments d'équipement étaient déjà disponibles (voies d'accès, conduites). De toute manière, le classement du terrain dans une zone à bâtir en 1987 imposait à la collectivité compétente une obligation de l'équiper en temps utile (art. 19 al. 2 LAT). La situation de fait est à ce stade suffisamment claire; aussi n'y a-t-il pas lieu de procéder à une inspection locale. Dans ces conditions, on pouvait admettre qu'au moment de l'entrée en vigueur du régime de la zone à protéger, la réalisation de bâtiments d'habitation sur cette parcelle était probable, dans le cours ordinaire des choses. Toutes les conditions mises par la jurisprudence à l'octroi d'une indemnité d'expropriation matérielle sont ainsi réalisées. En rendant une décision partielle dans ce sens, le Tribunal administratif n'a donc pas violé le droit fédéral. 
3. 
Il résulte des considérants que le recours de droit administratif doit être rejeté. 
Comme l'intérêt pécuniaire du canton est en cause dans une affaire d'expropriation matérielle, il doit supporter l'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). La société intimée a droit à des dépens, à la charge également de l'Etat de Genève (art. 159 al. 1 et 2 OJ); cette indemnité doit être fixée sur la base du Tarif pour les dépens alloués à la partie adverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral (RS 173.119.1), en fonction de la valeur litigieuse (art. 6 al. 1 dudit Tarif). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit administratif est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de l'Etat de Genève. 
3. 
Une indemnité de 20'000 fr., à payer à la Société immobilière A.________ à titre de dépens, est mise à la charge de l'Etat de Genève. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au mandataire de l'intimée, au Tribunal administratif de la République et canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial. 
Lausanne, le 29 mars 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: