Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
|
|
|
{T 0/2}
5A_178/2015
|
|
|
Arrêt du 29 mai 2015
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme Bonvin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Viviane J. Martin, avocate,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me François Canonica, avocat,
intimée.
Objet
sûretés (annulation de testament),
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 février 2015.
Faits :
A.
C._______ (1920) est décédée le 23 décembre 2012 à Genève, désignant, selon son testament du 19 juillet 1999, A._______ en qualité d'héritier universel.
Le 31 janvier 2014, B.________, l'une des deux demi-soeurs de la défunte, a déposé une requête en conciliation à l'encontre de l'héritier universel, visant au prononcé de la nullité du testament de feu C.________. Le bénéfice de l'assistance juridique (sic!) lui a été octroyé à cette fin, le 7 février 2014, confirmé par décision du 3 juin 2014, après que l'héritier institué s'y fut opposé, estimant la cause dénuée de chances de succès.
B.
Par décision du 31 octobre 2014, le Vice-président du Tribunal de première instance, statuant en matière d'assistance judiciaire dans le cadre de l'action en nullité du testament, a exonéré B.________ de l'obligation de fournir des sûretés en garantie des dépens qu'elle avait été condamnée à verser par jugement du 8 octobre 2014 du Tribunal de première instance astreignant celle-ci, sur requête de l'héritier institué du 28 mars 2014, à fournir 50'000 fr. de sûretés en garantie des dépens.
La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 20 février 2015, communiqué aux parties le 25 février 2015, rejeté le recours interjeté par l'héritier institué le 7 novembre 2014 contre la décision du Vice-président du 31 octobre 2014.
C.
Par acte du 5 mars 2015, A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que la décision du 31 octobre 2014 est révoquée, en sorte que B.________ est astreinte à fournir des sûretés à hauteur de 50'000 fr., en garantie des dépens, qu'il soit statué sur la compétence des autorités en matière d'assistance judiciaire, et que le bénéfice de l'assistance judiciaire est retiré à B.________. Subsidiairement, le recourant conclut au renvoi de la cause à l'autorité compétente en matière d'assistance judiciaire après litispendance.
Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu, en cas de constat de la violation du droit d'être entendu du recourant, à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à l'autorité précédente. Celle-ci s'est référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Le refus d'ordonner le dépôt de sûretés en garantie des dépens, dans le cadre de l'octroi de l'assistance judiciaire, constitue une décision incidente en tant qu'elle est l'accessoire de la demande principale (art. 93 al. 1 LTF; arrêt 5A_496/2009 du 21 octobre 2009 consid. 1.1). De jurisprudence constante, une telle décision est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338; 129 I 281 consid. 1.1 p. 283, 129 consid. 1.1 p. 131; 126 I 207 consid. 2a p. 210 ss).
Le recours contre une telle décision incidente est soumis à la même voie de droit que celle qui est ouverte contre la décision principale (arrêts 5A_278/2012 du 14 juin 2012 consid. 1). La cause pour laquelle l'assistance judiciaire est requise se rapporte à une procédure successorale tendant à l'annulation d'un testament (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le présent recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme requise (art. 42 LTF), par une partie ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente et ayant un intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision prise sur recours par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ). Le recours en matière civile est donc en principe recevable.
2.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral ne traite que les questions qui sont soulevées et discutées devant lui par les parties (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 89; 134 V 53 consid. 3.3 p. 60), à moins que la violation du droit ne soit manifeste (arrêt 4A_399/2008 du 12 novembre 2011 consid. 2.1 non publié
in ATF 135 III 112). En ce qui concerne la violation des droits fondamentaux et, de manière générale, des droits constitutionnels (ATF 133 III 638 consid. 2 p. 639 s.), ainsi que du droit cantonal, le Tribunal fédéral n'en connaît que si le grief a été expressément soulevé et motivé de façon claire et détaillée par le recourant, en indiquant précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et en démontrant, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 3.3 p. 310 s.; 135 III 232 consid. 1.2 p. 234).
3.
A titre préalable, le recourant se plaint de ce que le Vice-président du Tribunal civil n'était pas compétent pour statuer sur l'exonération de sûretés pendant la litispendance. Il fait valoir que l'art. 21 al. 1 LaCC autorise certes le Président du tribunal à statuer en matière d'assistance judiciaire, mais que cette disposition - antérieure à l'introduction du CPC et toujours en vigueur - ne distingue pas entre la compétence avant et après litispendance, en sorte que cette question doit être tranchée. Le recourant considère que des éléments essentiels du dossier ont échappé au Vice-président, ce qui n'aurait pas pu arriver au juge du fond.
3.1. Le refus ou l'octroi de l'assistance judiciaire ressortissent au tribunal saisi de la cause (art. 119 al. 3 CPC). La compétence peut être déléguée à l'un des membres de ce tribunal, conformément à l'art. 124 al. 2 CPC (arrêt 4A_541/2012 du 18 janvier 2013 consid. 7). Dans le canton de Genève, l'art. 21 al. 1 de la loi genevoise d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (RS/GE E1 05; ci-après : LaCC) prévoit que le Président du Tribunal civil est l'autorité compétente pour statuer en matière d'assistance judiciaire. Conformément à l'art. 29 al. 5 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire (RS/GE E2 05; ci-après : LOJ), le vice-président exerce, dans les limites du règlement de la juridiction, les compétences qui lui sont déléguées par le président.
3.2. Dans le cas d'espèce, le Vice-président du Tribunal civil, membre de l'autorité compétente saisie de la cause successorale au fond, était donc compétent, vu les dispositions en vigueur (
cf. supra consid. 3.1), pour rendre une décision relative à l'assistance judiciaire, en particulier concernant l'exonération de fournir des sûretés en garantie des dépens. Le recourant ne prétend au demeurant pas que l'autorité précédente aurait violé ces dispositions et ne soulève - même implicitement - aucun grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application du droit cantonal; il se limite à contester abstraitement le bien-fondé de l'art. 21 al. 1 LaCC et affirme que le Vice-président a méconnu certains éléments, sans les citer,
a fortiori, sans démontrer que le magistrat a statué en méconnaissance desdits éléments. Autant qu'il est suffisamment motivé (
cf. supra consid. 2; art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF), le grief tiré du défaut de compétence du Vice-président est mal fondé.
4.
Invoquant son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas lui avoir transmis les observations déposées par l'intimée le 8 décembre 2014 sur son recours cantonal, afin qu'il ait l'opportunité de se déterminer sur ces écritures. Il expose avoir eu connaissance du dépôt de ces observations uniquement à la lecture de l'arrêt entrepris.
4.1. Le droit d'être entendu est un grief de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437).
4.1.1. En règle générale, le plaideur qui requiert l'assistance judiciaire a seul qualité de partie dans la procédure incidente y relative, à l'exclusion de son adversaire dans le procès civil principal (ATF 139 III 334 consid. 4.2 p. 342). La partie adverse dans le procès principal a cependant aussi qualité de partie dans la procédure incidente lorsqu'elle requiert des sûretés en garantie des dépens, exigibles aux conditions fixées par l'art. 99 CPC, parce que, le cas échéant, l'octroi de l'assistance judiciaire fera échec à cette requête en vertu de l'art. 118 al. 1 let. a CPC. C'est pourquoi l'art. 119 al. 3 CPC prévoit que la partie adverse doit
toujours être entendue dans la procédure incidente lorsqu'elle requiert des sûretés en garantie du paiement des dépens (arrêts 4A_585/2013 du 13 mars 2014 consid. 2.1; 4A_366/2013 du 20 décembre 2013 consid. 3). Cette règle s'applique, à tout le moins par analogie, également en deuxième instance (arrêts 4A_585/2013 du 13 mars 2014 consid. 2.1 in fine et les références).
4.1.2. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où elle l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 133 I 100 consid. 4.3 p. 102; 132 I 42 consid. 3.3.2 p. 46). Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part (ATF 139 I 189 consid. 3.2 p. 192). Ce droit à la réplique vaut pour toutes les procédures judiciaires (ATF 138 I 154 consid. 2.5 p. 157; 133 I 100 consid. 4.3 ss p. 102 ss, 98 consid. 2.2 p. 99; 132 I 42 consid. 3.3.2 - 3.3.4 p. 46 s.). Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2 p. 192 et les références;
cf.en outre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les causes Schaller-Bossert contre Suisse du 28 octobre 2010 § 39 s. et Nideröst-Huber contre Suisse du 18 février 1997, Recueil CourEDH 1997-I p. 101 § 24). Toutefois, dans le cadre d'une procédure concernant des mesures provisoires ayant un caractère d'urgence, l'art. 29 al. 2 Cst. n'a pas la même portée que s'agissant de la procédure au fond. Ainsi, dans le cadre de décisions judiciaires portant sur l'effet suspensif, qui doivent par nature être rendues rapidement, l'autorité peut, sauf circonstances spécifiques, se dispenser d'entendre de manière détaillée les intéressés ou de procéder à un second échange d'écriture; le droit d'être entendu du requérant est en principe déjà garanti par le dépôt de sa demande d'effet suspensif (ATF 139 I 189 consid. 3.3 p. 192 et les références).
4.2. En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier que l'autorité cantonale a communiqué les observations de l'intimée du 8 décembre 2014 au recourant - qui avait la qualité d'appelant dans la procédure cantonale - et celle-ci reconnaît, dans ses déterminations, que sa " base de données électronique ne mentionne pas la transmission " desdites observations à l'appelant. Dans ses observations, l'intimée admet également que la Chambre civile de la Cour de justice " n'a, semble-t-il, pas transmis [à l'appelant] l'écriture responsive " du 8 décembre 2014.
L'autorité précédente - même si elle a la possibilité de communiquer les écritures à titre informatif sans ordonner un deuxième échange d'écritures - ne saurait priver l'appelant de son droit d'être entendu en jugeant la cause alors qu'elle n'a pas laissé la possibilité aux parties de s'exprimer sur celle-ci avant que le jugement soit rendu. Le recourant a ainsi appris le dépôt de la réponse de l'intimée uniquement dans l'arrêt au fond, en sorte qu'il n'a pas eu l'opportunité de déposer des observations spontanées sur cette écriture, partant, qu'il ne saurait être considéré comme s'en étant abstenu. Il faut souligner qu'en l'occurrence, la procédure d'assistance judiciaire ne présentait pas un caractère d'urgence permettant à l'autorité de faire abstraction du droit de réplique de l'appelant (cf. supra consid. 4.1.2 in fine). La procédure suivie par la Chambre civile de la Cour de justice a donc manifestement privé le recourant de la faculté d'exercer son droit d'être entendu.
4.3. Le Tribunal de céans peut - exceptionnellement - réparer une violation du droit d'être entendu s'il dispose d'un libre pouvoir de cognition, autrement dit lorsque seules des questions de droit demeurent litigieuses (ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204, arrêt 5A_503/2010 du 28 mars 2011 consid. 2.4), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 a contrario p. 177).
En l'occurrence, la Cour de céans ne peut valablement réparer la violation du droit d'être entendu alléguée à juste titre par le recourant, celui-ci se plaignant de l'application du droit fédéral à l'aune de la situation de l'espèce, en particulier des chances de succès de l'action successorale ouverte par l'intimée. Le grief de violation du droit d'être entendu (art. 29 Cst.) doit donc être admis, ce qui scelle le sort du recours sans qu'il faille examiner les autres griefs soulevés par le recourant.
5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Les frais judiciaires sont mis à la charge du canton de Genève, le recours étant admis en raison d'une erreur de procédure particulièrement grave (" Justizpanne "; art. 66 al. 3 LTF; arrêts 5A_72/2013 du 19 mars 2013 et 5A_61/2012 du 23 mars 2012 consid. 4), sans que l'intimée ne réponde du vice incriminé. Le canton de Genève versera en outre au recourant et à l'intimée une indemnité de dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ) pour, respectivement, le mémoire de recours et les observations sur le recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du canton de Genève.
3.
Une indemnité de 1'000 fr. à payer au recourant, à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève.
4.
Une indemnité de 500 fr. à payer à l'intimée, à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 29 mai 2015
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : von Werdt
La Greffière : Bonvin