Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5P.115/2004 /frs
Arrêt du 29 juin 2004
IIe Cour civile
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffier: M. Fellay
Parties
X.________, administrateur de la masse en faillite Y.________,
recourant, représenté par Maîtres Jean-Luc Tschumy et Jean-Claude H.________, avocats,
contre
Autorité cantonale supérieure de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
art. 9 Cst. (rémunération de l'administration spéciale de la masse en faillite; tarif horaire),
recours de droit public contre l'arrêt de l'Autorité cantonale supérieure de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel du 26 février 2004.
Faits:
A.
La faillite de Y.________, entrepreneur en construction, a été prononcée le 19 mars 1998. D'une indiscutable ampleur (productions de 84 millions de francs admises à concurrence de 42 millions de francs, en chiffres ronds), cette faillite est liquidée en la forme ordinaire.
L'administration de la faillite a d'abord été assumée par l'Office des faillites de La Chaux-de-Fonds. Le 22 février 1999, l'assemblée des créanciers a institué une administration spéciale et désigné Me X.________, avocat, comme administrateur spécial; elle a, en outre, reconduit la commission de surveillance constituée auparavant.
B.
B.a Suite à la parution dans la presse neuchâteloise, en septembre 2002, d'un article faisant état, à propos de la faillite en cause, d'actifs récupérés pour environ 5 millions de francs et de frais de la masse d'environ 2 millions de francs, dont près de la moitié représentait les frais et honoraires de l'administration spéciale, le président de l'autorité cantonale supérieure de surveillance (A.________) a, dans une séance tenue le 1er octobre 2002, fait part des préoccupations de cette autorité, composée des trois juges cantonaux titulaires (A.________, B.________ et C.________), au chef du service juridique de l'Etat (Me D.________) et au chef du service des poursuites et faillites (E.________).
Le 1er novembre 2002, l'autorité supérieure de surveillance a confirmé ses préoccupations à l'autorité cantonale inférieure de surveillance, soit le Département de la justice, de la santé et de la sécurité, par sa cheffe (Monika Dusong).
Du 18 octobre 2002 au 17 juillet 2003, l'autorité inférieure a demandé des renseignements à l'administrateur spécial, a requis de sa part la production de pièces, lui a donné des instructions et a tenu des séances avec lui. Par courrier du 14 mars 2003, elle lui a en particulier imparti un délai au 3 avril suivant pour déposer une demande d'homologation de ses honoraires d'administrateur spécial.
B.b Statuant sur cette demande le 22 mai 2003, l'autorité inférieure a fixé le tarif horaire de l'administrateur spécial à 150 fr. (290 fr. demandés), celui de ses collaborateurs avocats à 100 fr. (290 fr. demandés), celui de ses collaborateurs juristes à 60 fr. (160 fr. demandés) et celui de ses secrétaires à 30 fr. (50 fr. demandés). Elle a précisé que ce tarif n'emportait pas reconnaissance des heures effectuées, la question devant être examinée lors de la fixation de la rémunération définitive. En outre, elle a révoqué l'interdiction temporaire faite à l'administrateur spécial de facturer ses prestations, les tarifs horaires applicables étant dorénavant fixés.
B.c Contre cette décision, l'administrateur spécial a interjeté, le 2 juin 2003, un recours à l'autorité supérieure de surveillance, assorti d'une demande de récusation des membres titulaires de celle-ci. La récusation a été admise le 30 septembre 2003 par l'autorité supérieure statuant dans une composition différente (F.________, G.________ et H.________).
Statuant le 26 février 2004, dans sa composition spéciale, l'autorité supérieure de surveillance a modifié le tarif et fixé les montants horaires à 200 fr. pour les activités essentielles au sens des considérants, à 140 fr. pour les activités spécialisées au sens des considérants et à 50 fr. pour les actes d'exécution, l'administrateur étant invité à soumettre à l'autorité inférieure "un décompte détaillé des activités de son étude, avec proposition de répartition dans les trois catégories de rémunération susmentionnées et totalisation de chacune d'elles, par note mensuelle".
C.
Contre cet arrêt, communiqué aux parties le 5 mars 2004, l'administrateur spécial a interjeté auprès du Tribunal fédéral, le 18 mars 2004, un recours au sens de l'art. 19 al. 1 LP et un recours de droit public pour arbitraire (art. 9 Cst.).
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, applicable également au recours de poursuite par analogie (art. 81 OJ), il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public.
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 II 225 consid. 1; 128 II 56 consid. 1). Le recours de droit public n'est recevable en l'espèce que dans la mesure où le recours LP n'est pas ouvert (art. 84 al. 2 OJ).
2.1 Aux termes de l'art. 19 al. 1 LP, toute décision de l'autorité cantonale supérieure de surveillance peut être déférée au Tribunal fédéral dans les dix jours dès sa notification pour violation du droit fédéral ou de traités internationaux conclus par la Confédération, ainsi que pour abus ou excès du pouvoir d'appréciation.
Par décision au sens de cette disposition, il faut entendre une décision finale, soit un prononcé matériel qui a pour objet une mesure de la procédure d'exécution forcée (Franco Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, Bâle 2000, n. 22 ad art. 19 LP; cf. ATF 129 III 88 consid. 2.1, 400 consid. 1.1; 128 III 156 consid. 1c).
La décision attaquée revêt un caractère incident dans la mesure où elle fixe simplement le tarif horaire applicable en attendant de pouvoir arrêter définitivement, selon l'art. 47 al. 1 OELP, la rémunération sur la base du décompte détaillé à fournir par l'administrateur spécial. Elle n'en constitue pas moins une décision susceptible d'être déférée au Tribunal fédéral au sens de l'art. 19 al. 1 LP. Il s'agit en effet d'un prononcé matériel, partiel certes comme le sont de nombreuses décisions dans le déroulement d'une procédure d'exécution forcée, mais pas incident au sens où l'entend la jurisprudence relative à la recevabilité des recours LP. Seules sont considérées comme incidentes et donc inattaquables par la voie d'un recours selon l'art. 19 al. 1 LP, selon cette jurisprudence, les décisions de l'autorité cantonale supérieure de surveillance qui règlent le déroulement de la procédure (décisions statuant sur des avances de frais, la suspension de la procédure, l'effet suspensif ou ordonnant le renvoi de la cause à l'autorité cantonale inférieure pour complément d'instruction, sauf - dans ce dernier cas - si l'autorité supérieure ordonne en même temps des mesures d'exécution forcée [ATF 112 III 90 consid. 1; 111 III 50; Pfleghard, in: Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, n. 5.26; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 6 n. 8 et 88; Lorandi, op. cit., n. 23 ad art. 19 LP; Flavio Cometta, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 6 ss ad art. 19 LP]). L'art. 81 OJ ne déclare d'ailleurs pas applicable par analogie l'art. 50 OJ traitant des cas de recours contre des décisions préjudicielles ou incidentes (ATF 111 III 50).
Il suit de là que le recours de l'art. 19 al. 1 LP est ouvert contre la décision de l'autorité supérieure fixant la rémunération horaire des différents collaborateurs de l'administration spéciale sur la base de l'art. 47 al. 1 OELP.
2.2 Le recourant invoque uniquement la violation de l'art. 9 Cst. La décision attaquée serait arbitraire, selon lui, dès lors qu'elle reposerait sur une appréciation insoutenable des circonstances de fait, qu'elle omettrait de prendre en compte tous les éléments de fait propres à la fonder et qu'elle aboutirait à un résultat profondément choquant et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité
L'arbitraire dans l'application du droit fédéral déterminant est assimilé à une violation de la loi et ouvre donc la voie du recours de poursuite prévu par les art. 19 al. 1 LP et 78 ss OJ (Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, p. 722 n. 2.3; Amonn/Walther, op. cit., § 6 n. 100). Saisie d'un recours contre une décision fixant la rémunération de l'administration spéciale dans une procédure complexe (art. 47 al. 1 OELP), la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral peut notamment examiner si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180 et les références). Ce sont des griefs de ce genre que le recourant soulève en relation avec l'application de l'art. 47 al. 1 OELP, de sorte que le Tribunal fédéral peut les examiner dans le cadre du recours LP.
2.3 La prétendue violation de l'art. 9 Cst. pouvant être intégralement soumise au Tribunal fédéral par la voie du recours de poursuite, le présent recours de droit public est irrecevable en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ.
3.
Vu le sort du recours, les frais de la procédure doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 LP). Le dépôt d'une réponse n'ayant pas été requis, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant et à l'Autorité cantonale supérieure de surveillance des offices des poursuites et des faillites.
Lausanne, le 29 juin 2004
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: