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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause 
{T 7} 
C 65/04 
 
Arrêt du 29 juin 2004 
IIe Chambre 
 
Composition 
MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffier : M. Wagner 
 
Parties 
Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura, rue du 24-Septembre 1, 2800 Delémont, recourant, 
 
contre 
 
T.________, intimé 
 
Instance précédente 
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances, Porrentruy 
 
(Jugement du 23 mars 2004) 
 
Faits: 
A. 
T.________ a travaillé au service de la société B.________ Sàrl, dont il était l'associé-gérant. Cette société avait pour but l'importation, l'exportation, l'achat et la vente de toutes boissons. T.________ était au bénéfice d'une licence «A» qui lui permettait de vendre au détail des boissons alcooliques distillées et non distillées ainsi que des spiritueux. La faillite de la société a été ouverte le 6 novembre 2001. Par lettre du même jour, l'Office des poursuites et des faillites du district de Porrentruy a résilié le contrat de travail de T.________. 
Le 7 novembre 2001, T.________ s'est annoncé à l'assurance-chômage. Il a bénéficié des indemnités journalières légales. 
D'autre part, T.________ était associé-gérant de la société «M.________ Sàrl» depuis sa création, le 14 mai 2001. Cette société avait pour but l'exploitation d'un bar-restaurant. Dès le 13 août 2002, le prénommé est devenu seul associé-gérant. La patente d'auberge pour l'exploitation de l'établissement était détenue par L.________. 
B. 
Par avis du 23 septembre 2002, la Caisse publique de chômage de la République et canton du Jura a soumis le cas de T.________ à l'examen du Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura (SAMT). Au cours d'un entretien qu'il a eu avec un responsable du SAMT, T.________ a déclaré que L.________ exploitait le bar «M.________» et que lui-même ne faisait que louer le matériel d'exploitation. La location des murs et du matériel s'élevait à 4'350 fr. Il n'était que le propriétaire de l'établissement et ne s'occupait pas de sa gestion. L'immeuble abritant le bar appartenait à son épouse. 
Après divers échanges de correspondance, le SAMT a rendu une décision, le 27 février 2003, par laquelle il a constaté que T.________ n'avait pas droit à l'indemnité de chômage à partir du 7 novembre 2001 et a il a invité la caisse de chômage à examiner si les conditions d'une demande de restitution des prestations versées à tort étaient remplies. Il a considéré, en bref, que, bien que licencié formellement par B.________ Sàrl, l'assuré avait continué à fixer les décisions de la société «M.________ Sàrl», au travers de laquelle, il poursuivait, du moins partiellement, les activités de B.________ Sàrl. En tant que gérant d'une société dont les activités avaient fluctué avant et après la demande d'indemnités de chômage, l'intéressé s'était retrouvé dans une situation comparable, sur le plan économique, à un gérant d'une société commerciale demandant à l'assurance-chômage de compenser sa perte de gain. Le fait qu'une tierce personne avait été formellement désignée pour exploiter l'établissement public n'y changeait rien, car, en réalité, ce dernier avait toujours été géré par l'assuré. 
Saisi d'une opposition, le SAMT l'a rejetée par une nouvelle décision, du 27 février 2003. 
C. 
T.________ a recouru contre cette décision. Statuant le 23 mars 2004, le Tribunal cantonal jurassien (Chambre des assurances) a admis le recours et il a constaté que le SAMT ne pouvait pas refuser à l'intéressé les indemnités de chômage à partir du 7 novembre 2001. 
D. 
Contre ce jugement, le SAMT interjette un recours de droit administratif dans lequel il conclut, principalement, à l'annulation du jugement cantonal. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'administration pour instruction complémentaire au sujet d'une éventuelle rémunération non déclarée, perçue par T.________ durant la période pendant laquelle il a été indemnisé et examen du droit à l'indemnité de chômage. 
T.________ conclut au rejet du recours. Le seco ne s'est pas déterminé. 
E. 
Dès le 1er novembre 2002, T.________ a travaillé pour la société F.________, qui s'occupe essentiellement de fonds de prévoyance liés au troisième pilier. Cependant, au vu de l'évolution du marché financier, il a revu sa situation et il a affirmé désormais s'occuper du bar «M.________». Le 20 décembre 2002, il a présenté une requête au SAMT en vue de l'obtention d'une patente pour l'exploitation à son nom de cet établissement. 
 
Considérant en droit: 
1. 
Aux termes de l'art. 85 al. 1 let. e LACI (version en vigueur depuis le 1er janvier 2003), les autorités cantonales statuent sur les cas qui leur sont soumis par les caisses en vertu des art. 81 al. 2 et 95 al. 3 LACI. Le cas échéant, elles sont appelées à se prononcer sur le point de savoir si l'assuré a droit à l'indemnité (art. 81 al. 2 let. a LACI). Dans l'ATF 126 V 399, le Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence concernant les décisions de constatation rendues par les autorités cantonales de chômage. Lorsqu'une telle décision est en force, la caisse de chômage est liée par l'appréciation de l'autorité cantonale (ou du juge en cas de recours) au sujet du droit à l'indemnité. Il se peut que l'autorité cantonale appelée à statuer sur un cas soumis à examen par la caisse, constate que les conditions du droit à des indemnités de chômage (déjà allouées par la caisse dans un cas concret) n'étaient pas réalisées. Dans cette éventualité, les prestations en cause apparaissent comme indûment perçues et la caisse est tenue d'en exiger la restitution, pour autant que les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale soient réalisées (art. 95 al. 1 aLACI; art. 25 LPGA). 
En ce qui concerne l'obligation de restituer comme telle, l'art. 25 al. 1 LPGA ne fait que reprendre la réglementation de l'art. 47 al. 1 qui était jusqu'alors applicable soit directement, soit par renvoi ou encore par analogie dans d'autres domaines du droit des assurances sociales. Comme par le passé, l'obligation de restituer suppose aujourd'hui encore, conformément à la jurisprudence rendue à propos de l'art. 47 al. 1 aLAVS ou de l'art. 95 aLACI (ATF 129 V 110 consid. 1.1, 126 V 23 consid. 4b, 122 V 21 consid. 3a) que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (arrêt S. du 12 mars 2004 [K 147/03] destiné à la publication). Ces conditions n'ont pas à être examinées par l'autorité cantonale appelée à se prononcer sur le cas soumis à examen, puisque sa tâche consiste exclusivement à trancher le point de savoir - le cas échéant rétroactivement - si les conditions du droit à la prestation sont remplies. Si l'autorité cantonale constate que tel n'est pas le cas, il appartient encore à la caisse d'examiner la question de la restitution sous l'angle de la reconsidération ou de la révision procédurale. 
Dans le cas particulier, on se trouve dans un cas de figure typiquement visé par la jurisprudence de l'ATF 126 V 399. Il convient donc, contrairement à l'avis des premiers juges et comme le soutient avec raison l'office recourant, d'examiner le cas en faisant abstraction des conditions susmentionnées qui président à la révocation des décisions administratives. 
2. 
Pour nier le droit de l'intimé aux prestations de l'assurance-chômage, le SAMT a fait application de la jurisprudence découlant de l'arrêt ATF 123 V 234
D'après cette jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition légale, n'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise. 
Dans ce sens, il existe un étroit parallélisme entre l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle d'un employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même quand l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; SVR 2001 ALV n° 14 pp. 41-42 consid. 2a; DTA 2000 n° 14 p. 70 s. consid. 2). 
Le fait de subordonner, pour un travailleur jouissant d'une position analogue à celle d'un employeur, le versement des indemnités de chômage à la rupture de tout lien avec la société qui l'employait peut certes paraître rigoureux selon les circonstances du cas d'espèce. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue les motifs qui ont présidé à cette exigence. Il s'est agi avant tout de permettre le contrôle de la perte de travail du demandeur d'emploi, qui est une des conditions mises au droit à l'indemnité de chômage (cf. art. 8 al. 1 let. b LACI). Or, si un tel contrôle est facilement exécutable s'agissant d'un employé qui perd son travail ne serait-ce que partiellement, il n'en va pas de même des personnes occupant une fonction dirigeante qui, bien que formellement licenciées, poursuivent une activité pour le compte de la société dans laquelle elles travaillaient. De par leur position particulière, ces personnes peuvent en effet exercer une influence sur la perte de travail qu'elles subissent, ce qui rend justement leur chômage difficilement contrôlable (ATF 123 V 239 consid. 7b/bb). 
Il peut par ailleurs arriver qu'une personne soit économiquement propriétaire de plusieurs entreprises. Si l'une d'entre elles tombe en faillite et que l'intéressé (qui occupait au sein de celle-ci une position analogue à celle d'un employeur) a la possibilité d'exercer une activité du même type au sein d'une autre entreprise qu'il contrôle, le droit à l'indemnité de chômage doit également être nié. Dans une telle éventualité le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur est également réalisé (voir BJM 2003, p. 131). 
3. 
3.1 En l'espèce, il y a lieu, tout d'abord, de constater que l'intimé était le propriétaire économique de la société B.________ et de l'établissement M.________. Même si les deux sociétés n'avaient pas le même but statutaire, leurs activités étaient complémentaires, dans une certaine mesure tout au moins. Ainsi, comme l'a déclaré l'intimé, M.________ se fournissait en boissons auprès de B.________. Par ailleurs, les statuts de M.________ permettaient à la société, entre autres activités, d'exercer toute activité financière, commerciale ou industrielle, mobilière ou immobilière, en rapport direct ou indirect avec son but. On est donc fondé à considérer qu'au travers de M.________, l'intimé avait - ou aurait eu - la possibilité de développer ou de reprendre certaines des activités précédemment exercées dans le cadre de B.________. 
3.2 Au demeurant, on retiendra que - nonobstant ses dénégations - l'intimé a exercé une activité dans l'établissement M.________. Dans une procédure de changement d'affectation de cet établissement (autrefois le restaurant O.________), l'intimé a fait valoir, dans un document intitulé «P.________» (datant probablement de juin 2001), l'avantage d'un établissement «tenu par un enfant du pays» (en l'occurrence lui-même). A ce propos, les premiers juges considèrent, il est vrai, que cette phrase s'adresse aux autorités habilitées à délivrer les autorisations administratives d'exploitation, afin de justifier la nécessité d'un changement d'affectation de l'établissement pour la ville de R.________; il n'est donc pas possible, sur la base de ce seul document, d'affirmer que le recourant a travaillé pour le compte de la société. 
Le comportement d'un assuré qui réclame des prestations doit cependant être interprété selon le principe de la bonne foi, lequel exclut la possibilité de tirer un avantage d'une attitude contradictoire ou abusive ou encore d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 II 269 consid. 7,124 II 270 consid. 4, 120 II 108 consid. 3a, 108 V 88). De ce point de vue, un administré ne saurait guère jouer sur deux tableaux et profiter, par des déclarations contradictoires, des avantages que lui procure l'autorisation d'exploiter un bar et le versement d'indemnités de chômage. 
Le SAMT pouvait donc déduire des déclarations de l'intimé qu'il prenait une part importante dans la gestion, voire dans l'exploitation directe de l'établissement en cause. Cette déduction se trouvait renforcée, du reste, par le fait que l'intimé a consenti un investissement considérable pour la transformation de l'établissement et qu'il s'est occupé, comme le révèle le dossier, de nombreuses démarches administratives en relation avec cette transformation. En outre, bien qu'il en ait été requis par le SAMT, il n'a pas produit le contrat de travail liant la société M.________ à L.________, dont il affirme qu'elle était la gérante: il s'est contenté d'indiquer que le paiement du salaire de L.________ était «englobé dans la masse salariale des employés». On conçoit cependant difficilement que la gérante d'un établissement public, qui est en principe intéressée financièrement à la marche des affaires et qui bénéficie généralement d'un contrat de longue durée, soit engagée sur la base d'un simple contrat oral. Par ailleurs, selon L.________, c'est elle qui signait les contrats avec les fournisseurs, mais, a-t-elle précisé, «souvent sur conseils de T.________». 
3.3 De plus, les déclarations faites par l'intéressé ont été émaillées de contradictions. Outre la contradiction déjà relevée, on note que lors d'une séance de conciliation du 19 juin 2001, toujours dans le cadre de la procédure de changement d'affectation de l'établissement, l'intimé déclare que M.________ accueillera une clientèle relativement aisée, réunie pour déguster des grands crus. Dans sa réponse au recours de droit administratif, l'intimé tente de démontrer qu'il n'existait aucun lien entre les deux sociétés dont il était propriétaire, car, dit-il, il n'est pas pensable de procéder à des dégustations de vins fins dans un établissement voué à une clientèle de noctambules. En outre, lors de son audition par le SAMT, le 4 octobre 2002, il affirme ne rien à voir avec l'exploitation de l'établissement M.________ et que le métier d'aubergiste ne l'intéresse pas, alors que deux mois plus tard, il présente une demande de patente en vue de l'exploitation à son nom de l'établissement. 
3.4 A ce dernier propos, on relève d'ailleurs que, selon les déclarations de L.________, celle-ci n'aurait appris qu'en février ou mars 2002 que l'intimé souhaitait «reprendre» M.________. Au dire de L.________, il l'aurait menacée de la «mettre à la porte». On peut en inférer que même si l'intimé n'exerçait pas directement une activité dans l'établissement, il en était le véritable patron et que, quoi qu'il en soit, il avait en tout temps la faculté d'étendre ou de réduire son activité indépendante au gré des circonstances. 
3.5 Au regard de tous ces éléments, il existe donc un faisceau d'indices suffisants pour admettre que l'intimé, après la faillite de B.________, a recentré ses activités professionnelles dans le cadre de la société M.________. En tout cas, étant donné les pouvoirs que lui conférait sa position au sein de cette société, il lui était loisible, à tout moment, de prendre une part active dans l'exploitation directe de l'établissement. L'allégation selon laquelle il n'a pas perçu de salaire n'est à cet égard pas décisive. 
4. De ce qui précède, il résulte que le recours est bien fondé. 
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
1. 
Le recours est admis et le jugement de la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, du 23 mars 2004, est annulé. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
3. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances, à la Caisse publique d'assurance-chômage de la République et canton du Jura et au Secrétariat d'Etat à l'économie. 
Lucerne, le 29 juin 2004 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: