Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4D_63/2023
Arrêt du 29 juillet 2024
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Botteron.
Participants à la procédure
A.________,
titulaire de la raison individuelle B.________, A.________,
représenté par Me Kevin Saddier, avocat,
recourant,
contre
C.________,
représenté par Me Andreas Dekany, avocat,
intimé.
Objet
Légitimation passive,
recours contre le jugement rendu le 17 octobre 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/19869/2021 ACJC/1393/2023).
Faits :
A.
A.a.
A.________ (ci-après: le demandeur ou le recourant) est titulaire de l'entreprise individuelle B.________, A.________. Celle-ci était auparavant constituée sous la forme d'une société en nom collectif (B.________ SNC), laquelle a été dissoute et radiée à la suite de la sortie de l'associé D.________.
En août 2019, le demandeur a rencontré C.________ (ci-après: le défendeur, l'appelant ou l'intimé), associé de la société E.________ Sàrl (ci-après: la société), dont le but était notamment l'exploitation du fitness "F.________" à....
Lors de cette rencontre, les deux hommes ont décidé de conclure un "partenariat".
A.b. Au mois de septembre 2019, des travaux portant sur l'agrandissement et la décoration du F.________ ont débuté. Le demandeur et son ancien associé D.________ ont proposé de se charger d'une partie des travaux. Aucun contrat ni aucun devis écrits n'ont été établis. Tous deux ont travaillé sur le chantier durant 56 jours entiers, aux côtés d'autres entreprises et ouvriers.
Les travaux ont été interrompus en novembre 2019 en raison d'un manque d'argent.
A.c. Le 15 janvier 2020, le demandeur, D.________ et le défendeur se sont réunis pour évoquer l'avancée des travaux. Le demandeur a remis au défendeur une facture d'un total de 69'983 fr. 46, libellée sur le papier à en-tête de B.________ SNC et adressée à "F.________". Les parties sont convenues de réduire ce montant à un forfait de 500 fr. par jour de travail, pour un total de 28'000 fr. Le montant précédent a été biffé et le nouveau montant inscrit de manière manuscrite, avec à côté la signature de D.________.
Le 22 septembre 2020 et le 6 octobre 2020, B.________ SNC a expédié deux rappels pour le paiement de la facture au défendeur avec la mention "Représentant du F.________".
Le 12 octobre 2020, le défendeur a répondu par son conseil, en expliquant détenir la facture originale certifiant qu'un paiement en espèces avait été effectué. Le courrier mentionnait "concerne: F.________, Monsieur C.________".
Le 17 décembre 2020, B.________ SNC a fixé au défendeur un ultime délai au 15 janvier 2021 pour le règlement du montant de 28'000 fr.
Le 29 avril 2021, la société E.________ Sàrl a été radiée du registre du commerce par suite de faillite.
B.
Par demande du 31 janvier 2022 suite à l'échec de la conciliation, adressée au Tribunal de première instance du canton de Genève et dirigée contre le défendeur, le demandeur a conclu au paiement par celui-ci de 28'000 fr.
Le défendeur a conclu au déboutement du demandeur. Il a soutenu avoir agi en sa qualité d'associé gérant avec signature individuelle de la société et que le montant réclamé avait déjà été payé le 15 janvier 2020. Outre une copie de la facture du 15 janvier 2020 comportant une annotation "total payé en espèce" à côté du montant de 28'000 fr., le défendeur a produit un document comprenant deux écritures, à savoir un crédit de 28'000 fr. au profit de B.________ et un débit du même montant avec l'indication "paiement C.________", toutes deux datées du 15 janvier 2020. Le défendeur a allégué qu'il s'agissait d'une écriture comptable de la société E.________ Sàrl.
En audience, le demandeur a expliqué que le défendeur ne voulait pas que le nom de la société figure sur la facture car il était en litige avec son associé, raison pour laquelle celle-ci était libellée au nom "F.________". De son côté, le défendeur a expliqué que les discussions avec le demandeur s'étaient toujours faites au nom de la société. Il a indiqué que le montant de 28'000 fr. avait été payé en espèces le jour même avec de l'argent provenant de son coffre-fort, ce qu'il avait transcrit dans une écriture comptable.
Par jugement du 7 décembre 2022, le Tribunal de première instance a condamné le défendeur à payer au demandeur la somme de 28'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 janvier 2021.
Statuant sur appel le 17 octobre 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement et l'a réformé en ce sens que la demande a été rejetée. En substance, la cour cantonale a considéré que le défendeur n'avait pas la légitimation passive.
C.
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 24 octobre 2023, le demandeur a interjeté un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral le 22 novembre 2023. Il conclut à sa réforme en ce sens que la légitimation passive soit reconnue au défendeur et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle statue sur le fond de la cause. Subsidiairement, il conclut à ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
L'intimé et la cour cantonale n'ont pas été invités à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1, art. 46 al. 1 let. b et art. 117 LTF ) et dirigé contre une décision finale ( art. 90 et 117 LTF ) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève ( art. 75 et 114 LTF ) dans une affaire en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse ne satisfait pas aux conditions du recours en matière civile et dont la recourante ne prétend ni ne démontre qu'elle présenterait une question juridique de principe (art. 74 al. 1 let. a, art. 74 al. 2 let. a et art. 113 LTF ), la voie du recours constitutionnel subsidiaire est en principe ouverte.
2.
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au principe de l'allégation (art. 106 al. 2 et art. 117 LTF ). Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée; des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 139 I 229 consid. 2.2; 134 II 244 consid. 2.2).
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 141 III 564 consid. 4.1 et les arrêts cités).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1).
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
3.
Afin de déterminer qui, du défendeur ou de sa société à responsabilité limitée, était partie au contrat, et, partant, avait la légitimation passive, la cour cantonale a établi la volonté réelle des parties au moment de la conclusion de leur contrat portant sur les travaux du demandeur dans le fitness.
L'autorité a considéré, en application des art. 40 et 814 al. 1 CO ainsi que de l'art. 718a al. 1 CO par renvoi de l'art. 814 al. 4 CO, que le défendeur avait agi en qualité d'organe de la société, dès lors que l'acte conclu était en lien avec le but social de celle-ci, à savoir l'exploitation du fitness. Le fait pour le demandeur d'avoir traité avec le défendeur ne lui permettait pas, dans ces circonstances, d'en déduire qu'il était lié à lui personnellement. Le demandeur savait en outre que le défendeur ne voulait pas faire apparaître le nom de sa société sur la facture en raison d'un litige avec son associé. Le demandeur avait alors libellé la facture au nom du défendeur, en tant que représentant du fitness "F.________" dans ce but, sans que cela n'ait d'influence sur la partie au contrat. Le demandeur avait ensuite adressé des courriers de rappel au défendeur en qualité de représentant du fitness et non à titre personnel. En outre, le demandeur n'avait pas expliqué dans sa demande pourquoi il considérait le défendeur comme son cocontractant à titre personnel, alors qu'il y mentionnait la société et exposait son but, ce qui n'aurait pas lieu d'être si celle-ci était étrangère à la cause. Enfin, se référant à une règle d'expérience, la cour cantonale a considéré que le demandeur devait savoir que lorsqu'un associé d'une société commande des travaux à effectuer dans les locaux de celle-ci, lesdits travaux ne sont pas commandés par l'associé à titre personnel, mais pour le compte de la société.
Ainsi, la partie au contrat était la société du défendeur, et non lui-même, de sorte qu'il n'avait pas la légitimation passive.
4.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.).
4.1. Le recourant invoque que la cour cantonale aurait retenu de manière arbitraire que les recettes du fitness étaient encaissées par la société.
4.1.1. Le recourant soutient avoir mentionné, lors de l'audience des débats principaux du 20 septembre 2022, sur demande du tribunal, que les bénéfices n'allaient pas à la société du défendeur. Selon lui, la cour cantonale aurait omis ce fait de manière arbitraire, alors qu'il figurerait au procès-verbal de l'audience du 20 septembre 2022. Dans son recours constitutionnel subsidiaire, il soutient que les produits du fitness étaient en réalité encaissés par Switch Vibration, l'entreprise individuelle de l'intimé.
Aux yeux du recourant, cela doit justifier que le défendeur avait effectivement un intérêt à commander les travaux en son propre nom et pas au nom de la société et qu'il avait ainsi la légitimation passive.
4.1.2. Le recourant ne soutient toutefois pas avoir allégué ce fait devant la cour cantonale. Il ne saurait par conséquent reprocher à la cour cantonale de l'avoir omis. Il aurait dû, dans sa réponse à l'appel, alléguer le fait dont il se prévaut afin que celle-ci puisse en tenir compte. De plus, le recourant invoque avoir mentionné, lors de l'audience des débats principaux, que la société n'encaissait pas les bénéfices du fitness, mais il invoque pour la première fois dans son recours constitutionnel subsidiaire, que c'était l'entreprise individuelle du défendeur qui les encaissait.
Faute de démontrer l'allégation devant la cour cantonale du fait omis, le grief du recourant est irrecevable.
4.2. Le recourant invoque ensuite que la cour cantonale aurait retenu de manière arbitraire que les "écritures" d'entrée et de sortie d'argent du coffre-fort mentionnées par le défendeur, étaient des "écritures comptables", ce qui, selon le recourant, laissait penser que l'argent de ce coffre était celui de la société.
4.2.1. Selon le recourant, personne n'aurait jamais indiqué que les "écritures" étaient "comptables" et la cour cantonale aurait ajouté cette mention de son propre chef. Le défendeur aurait uniquement indiqué qu'il "passait des écritures même si l'argent v[enait] du coffre-fort".
4.2.2. Le recourant omet également de démontrer qu'il aurait allégué ce fait devant la cour cantonale. Le tribunal de première instance ayant déjà utilisé l'expression "écriture comptable", le recourant aurait dû s'en plaindre au stade de sa réponse à l'appel, ce qu'il ne démontre pas avoir fait.
Au demeurant, le recourant ne parvient pas à convaincre de la portée qu'aurait la correction de ce fait. Il est courant qu'une "écriture", passée à l'occasion de la réalisation d'un flux financier, soit dite "écriture comptable". L'utilisation de l'expression "écriture comptable" ne permet pas de qualifier le type de comptabilité employée, et donc ne permet pas de déterminer si le flux d'argent entrant ou sortant du coffre-fort, revient à une personne morale ou à une personne physique. Le recourant ne le soutient d'ailleurs pas explicitement, puisqu'il se borne à soutenir que, si la cour cantonale avait retenu qu'il s'agissait d'"écritures" et non d'"écritures comptables", elle aurait pu considérer qu'un engagement personnel du défendeur aurait été "tout à fait concevable, et même très probable".
Sa critique est donc appellatoire, en ce sens qu'elle ne fait que substituer l'appréciation du recourant à celle de la cour cantonale, et, partant, elle ne satisfait pas au principe strict de l'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Elle est donc irrecevable.
5.
5.1. Le recourant soulève encore une appréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale. Il soutient:
- que l'appréciation de la facture litigieuse du 15 janvier 2020 libellée au nom du fitness et non au nom de la société aurait dû conduire la cour cantonale à la conclusion que le défendeur avait la légitimation passive;
- que les deux courriers de rappel du 22 septembre et du 6 octobre 2020, adressés au défendeur en tant que "représentant de F.________" devaient conduire la cour cantonale à la conclusion que la société n'était pas impliquée contractuellement, mais que le défendeur l'était;
- que le courrier du mandataire du défendeur du 12 octobre 2020 et qui avait pour objet "F.________, Monsieur C.________" et non le nom de la société, aurait dû mener la cour cantonale à la conclusion que le défendeur était partie au contrat et non la société, ce d'autant plus que le mandataire en question n'avait pas contesté dans ce courrier la qualité de partie au contrat du défendeur;
- que la volonté du défendeur, que le nom de la société n'apparaisse pas sur les factures en raison d'un conflit entre lui et son associé aurait dû conduire à la conclusion que le défendeur était partie au contrat et non la société;
- que le recourant demandeur avait mentionné la société dans un allégué de sa demande non pas parce qu'il la considérait comme "rattachée" à la cause, mais uniquement pour poser le cadre et présenter les activités du défendeur, de sorte que la cour cantonale ne devait pas considérer cet allégué comme une admission de la légitimation passive de la société;
- qu'enfin il est erroné de considérer que le défendeur ne tirait pas de bénéfice direct du fitness, ce qui n'avait pas été contesté par le défendeur, alors que le demandeur l'aurait allégué.
5.2. La critique du recourant mélange en réalité, pêle-mêle, une critique de violation du fardeau de l'allégation objectif (
objektive Behautpungslast; onere di allegazione oggettivo) (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêt 4A_566/2020 du 27 septembre 2021 consid. 5.2.2), laquelle constitue un grief de violation du droit, dont le recourant ne parvient pas à démontrer qu'elle serait manifeste (ATF 133 III 462 consid. 4.4.1) et une critique d'établissement inexact des faits qui ne répond pas au réquisit de l'art. 106 al. 2 LTF (par renvoi de l'art. 117 LTF).
Pour le surplus, le recourant se limite à substituer sa propre appréciation des preuves à celle de la cour cantonale, sans toutefois démontrer en quoi le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire. En effet, le recourant se limite à soutenir qu'une appréciation différente des preuves administrées, en l'espèce une facture, des courriers de rappel et un courrier du conseil du défendeur, aurait pu conduire à la conclusion que le défendeur était personnellement lié au contrat. Cela ne rend pas le raisonnement de la cour cantonale arbitraire pour autant. Et pour cause: le recourant ne s'en prend pas vraiment à la motivation de la cour cantonale par laquelle elle est parvenue, au terme de l'établissement de la volonté réelle des parties, à la conclusion que le recourant n'avait pas contracté avec le défendeur, mais avec la société.
Par conséquent, faute de s'en prendre au raisonnement de la cour cantonale, sa critique est irrecevable.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours constitutionnel subsidiaire doit être déclaré irrecevable aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). La partie adverse n'ayant pas été invitée à se déterminer, elle n'a pas droit à des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 29 juillet 2024
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : Botteron