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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_568/2018  
 
 
Arrêt du 29 août 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Vincent Spira, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
2. A.________ SA, 
représentée par Me Pierre-Xavier Luciani, avocat, 
3. B.________ SA, 
représentée par Me André Malek-Asghar, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 5 avril 2018 (P/15545/2010 AARP/117/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 29 juin 2017, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné X.________, pour instigation à faux dans les titres et infraction à la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 300 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. 
 
B.   
Par arrêt du 5 avril 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant notamment sur l'appel formé par X.________ contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que le prénommé est libéré du chef de prévention d'infraction à la LCD et qu'il est condamné, pour instigation à faux dans les titres, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 300 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. 
 
La cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
C.________ a été l'employé de la société D.________ SA (ci-après : D.________, devenue par la suite B.________ SA). En juin 2010, il a résilié son contrat de travail, avec effet au 31 août 2010. A la même époque, il a été engagé par E.________ SA (ci-après : E.________), dès le 1er août 2010 à un taux de 50%, puis à 100% depuis le 1er septembre 2010. 
 
En juillet 2010, C.________ a contacté la société A.________ SA, en utilisant l'adresse électronique d'un stagiaire de D.________, F.________, tout en se faisant passer pour celui-ci. Il a ainsi demandé une offre relative à un audit de sécurité pour le compte de D.________. Par la suite, l'intéressé a également demandé à A.________ SA la remise d'un "rapport type anonymisé" afin de compléter l'offre envoyée. 
 
Ces démarches avaient été suggérées à C.________ par X.________, dirigeant et actionnaire majoritaire de E.________, ce dernier lui ayant demandé d'obtenir des informations concernant A.________ SA, société concurrente de la sienne. 
 
En vue de la fourniture d'un rapport d'audit anonymisé, A.________ SA a demandé à C.________ - qui se faisait toujours passer pour F.________ - de signer un accord de confidentialité. X.________ a alors suggéré à l'intéressé de signer ce document au nom de F.________, au moyen d'une signature de fantaisie, puis de faire disparaître la version originale. C.________ s'est exécuté le 5 août 2010 et a ainsi reçu, quelques jours plus tard, deux rapports d'audit anonymisés de la part de A.________ SA. Ces documents ont par la suite été remis à X.________. 
 
C.   
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 5 avril 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié les preuves et établi les faits de manière arbitraire. Il se plaint en outre, à cet égard, d'une violation du principe "in dubio pro reo". 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40 s.). Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3 destiné à la publication).  
 
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève de l'établissement des faits (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375; 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156). 
 
1.2. La cour cantonale a exposé que C.________ avait admis qu'il se voyait mal signer l'accord de confidentialité de A.________ SA à la place de F.________ et s'en était ouvert au recourant. Ce dernier lui avait suggéré d'apposer une signature fantaisiste sur le document. Selon l'autorité précédente, C.________ avait, depuis son audition de février 2014 par le ministère public puis durant le reste de la procédure, maintenu sa version des faits sans déviance notable quant au déroulement des événements. Le prénommé s'apprêtait, à l'époque des faits, à débuter une activité professionnelle chez E.________. Il se trouvait alors en contact depuis plusieurs mois avec le recourant, lequel avait pour sa part un intérêt certain à connaître certains aspects de l'activité d'une société concurrente. A la mise en cause du recourant par C.________ s'ajoutait un échange de courriers électroniques du 20 juillet 2010, qui avait la teneur suivante :  
 
"[C.________, par l'adresse C.________@D.________.ch] : Hello, j'ai eu A.________ SA au téléphone pendant 15 minutes. Il me prépare une offre générale et complète sur les test externe et interne que j'ai demandé, ce qui soi disant les différencies de la concurrence... j'attends l'offre pour la fin de la semaine A+ 
 
[Le recourant, par l'adresse X.________@E.________.ch] : ok " 
 
Selon la cour cantonale, cet échange contredisait les dénégations du recourant, qui avait prétendu ne pas avoir été informé de la moindre démarche concernant A.________ SA. Le recourant avait par ailleurs servi diverses explications à ce propos. Devant les prud'hommes, il avait ainsi exposé ne pas avoir compris le sens du courrier électronique du 20 juillet 2010 envoyé par C.________. Devant la police, il avait en revanche indiqué qu'il s'agissait d'un montage. Enfin, au ministère public, le recourant avait expliqué ne pas se souvenir de l'échange du 20 juillet 2010. Selon la cour cantonale, la théorie du "montage" était invalidée par la chronologie de la procédure. En effet, l'échange en question avait été produit dans la procédure par D.________, en 2010. Les messages concernés avaient été découverts dans la machine utilisée par C.________ au sein de cette entreprise. Il n'était pas vraisemblable que le prénommé - qui avait commencé par nier tous les faits devant la police puis le ministère public - eût anticipé la suite de la procédure en fabriquant de toutes pièces un échange de courriers électroniques pour appuyer une version des événements présentée pour la première fois en 2014, soit après la dégradation de ses relations avec le recourant. Il n'était pas davantage plausible que D.________ eût d'emblée créé un faux échange de messages afin de corroborer de futures déclarations de C.________ concernant ses contacts avec A.________ SA. En définitive, la cour cantonale a estimé que les déclarations du prénommé étaient crédibles et a retenu que le recourant l'avait incité à se présenter sous le nom de F.________ ainsi qu'à signer un accord de confidentialité, en vue d'obtenir des informations relatives à une société concurrente de E.________. 
 
1.3. Le recourant développe une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il rediscute librement l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale, sans démontrer en quoi celle-ci serait arbitraire.  
 
Celui-ci reproche tout d'abord à l'autorité précédente d'avoir retenu qu'il avait incité C.________ à se présenter sous le nom de F.________, dont il affirme ne pas avoir connu le nom. Durant son audition du 13 février 2014, C.________ a déclaré ce qui suit au ministère public (cf. procès-verbal du 13 février 2014, p. 2) : 
 
"[Le recourant] m'a notamment demandé de faire un appel d'offre en me faisant passer pour l'assistant M. F.________, il ne le connaissait pas mais il m'a suggéré de passer par quelqu'un dont je pouvait emprunter l'identité informatique d'une manière assez simple et il m'a donné les conseils permettant d'utiliser son nom à titre de couverture. 
 
[...] Lorsque [A.________ SA] a fait parvenir un accord de confidentialité qui devait être signé par celui qu'il pensait être leur interlocuteur soit M. F.________, j'ai soumis ce problème [au recourant] en lui disant que je me voyais mal signer à la place de M. F.________. [Le recourant] a écarté cette difficulté en me conseillant de signer avec une simple signature de fantaisie. " 
 
Au vu de ce qui précède, on ne voit pas en quoi il aurait été insoutenable - pour la cour cantonale - de retenir, sur la base des déclarations de C.________, que le recourant l'avait poussé à se présenter sous le nom de F.________. Au demeurant, dès lors que le recourant a incité l'intéressé à se présenter auprès de A.________ SA en utilisant l'identité de l'un de ses collègues dont il pouvait emprunter l'identité informatique, on voit mal en quoi une éventuelle absence de précision s'agissant du nom de celui-ci pourrait influer d'une quelconque manière sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF), le recourant ne l'expliquant pour sa part aucunement. 
 
Le recourant affirme en outre qu'aucun élément au dossier ne permettrait de retenir qu'il a eu connaissance de la nécessité de signer un accord de confidentialité avec A.________ SA. Or, il ressort des déclarations de C.________ précitées que tel a bien été le cas, puisque le recourant a dû vaincre les réticences du prénommé à cet égard. On ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait, sur ce point, versé dans l'arbitraire, étant rappelé que le principe de libre appréciation des preuves (cf. art. 10 al. 2 CPP) permet notamment au juge de fonder son intime conviction sur les déclarations d'un témoin, même si celui-ci a fait l'objet d'une condamnation dans le cadre du même complexe de faits, dès lors que le juge a motivé son appréciation (cf. arrêts 6B_110/2017 du 12 octobre 2017 consid. 1.2.2; 6B_10/2010 du 10 mai 2010 consid. 1.2). 
 
Le recourant soutient encore que C.________ aurait pu agir "de son propre chef" afin "d'impressionner" son futur employeur. Outre qu'il s'agit en l'occurrence d'une pure conjecture, on ne voit pas pourquoi, dans cette hypothèse, le prénommé en aurait référé au recourant, notamment par le courrier électronique du 20 juillet 2010, auquel ce dernier a répondu. 
 
Enfin, le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir retenu que son intérêt à connaître "certains aspects de la concurrence" était "plausible". L'intéressé en déduit que la cour cantonale n'aurait pas eu de certitudes à cet égard. Il ressort toutefois de l'arrêt attaqué que A.________ SA était la concurrente de E.________ et que le recourant avait demandé à C.________ de se procurer des informations concernant cette première société avant que celui-ci ne rejoigne la seconde. On ne perçoit pas quel aurait pu être l'intérêt du recourant, lequel a incité le prénommé à usurper l'identité de l'un de ses collègues pour obtenir des offres et rapports d'audit de A.________ SA, sinon celui de chercher à tirer avantage des informations obtenues dans un cadre concurrentiel. L'intéressé ne l'explique d'ailleurs aucunement. Contrairement à ce qu'il suggère - en se référant à un arrêt 6B_364/2011 du 24 octobre 2011 dont il ne précise pas ce qu'il conviendrait de déduire -, il n'était pas arbitraire, compte tenu de ce qui précède, de retenir qu'il avait agi de la sorte - soit qu'il avait incité un tiers à créer un faux matériel - afin de découvrir les méthodes et travaux d'une société concurrente à la sienne. 
 
Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Le recourant reproche par ailleurs à la cour cantonale d'avoir fait une application arbitraire de l'art. 251 CP
 
C'est cependant en vain que l'on cherche, dans son mémoire de recours, une argumentation recevable - répondant aux exigences de motivation découlant de l'art. 42 al. 2 LTF - fondée sur l'état de fait de la cour cantonale, par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF) et dont il n'a pas démontré l'arbitraire (cf. consid. 1 supra), concernant une éventuelle violation de l'art. 251 CP. L'argumentation du recourant se résume en effet à contester avoir souhaité - par ses incitations à l'égard de C.________ - obtenir des informations relatives à A.________ SA dans une optique concurrentielle. Or, l'autorité précédente a précisément constaté que l'intéressé avait poussé le prénommé à signer l'accord de confidentialité 5 août 2010 en vue de procurer à celui-ci des rapports d'audit anonymisés émanant de A.________ SA pour en connaître certains aspects. 
 
3.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimées, qui n'ont pas été invitées à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 29 août 2018 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa