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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_485/2022  
 
 
Arrêt du 29 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
B.________, 
représenté par Me Yann Jaillet, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT19.047845-220461, 489). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. En octobre 2008, B.________ (ci-après: l'employé ou le demandeur) a été engagé en qualité d'ouvrier temporaire dans le domaine de la construction par l'entreprise individuelle C.________.  
Ils ont conclu un contrat de travail de durée indéterminée le 3 juin 2010. L'employé était engagé en qualité de manoeuvre, pour un salaire horaire de 25 fr. 35 brut, vacances et treizième salaire en sus. Ce salaire avait été fixé en tenant compte des salaires de base de la convention nationale du secteur principal de construction en Suisse (ci-après: CN) et de la convention complémentaire vaudoise de la maçonnerie et du génie civil (ci-après: CCT) de 2006, plus précisément en fonction de la classe salariale C correspondant aux travailleurs de la construction sans connaissances professionnelles. Le contrat prévoyait que toutes éventuelles adaptations du salaire de la CN et de la CCT seraient répercutées sur celui de l'employé. 
Lorsque D.________ SA, devenue A.________ SA (ci-après: l'employeuse ou la défenderesse), a repris les actifs et passifs de cette entreprise individuelle, elle a également repris le contrat de travail de l'employé. 
 
A.b. De janvier 2013 à août 2017 à tout le moins, l'employé a été rémunéré sur la base de décomptes mensuels qu'il devait remplir à la main en inscrivant le nombre d'heures effectuées par chantier, les frais de téléphone et le nombre de repas.  
 
A.c. Par courrier du 23 juin 2017, l'employé a résilié son contrat de travail avec effet au 31 août 2017.  
 
B.  
 
B.a. L'employé a saisi le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois d'une requête de conciliation, puis - devant l'échec de cette procédure - il a porté sa demande devant ce même Tribunal en concluant notamment à ce que l'employeuse lui verse la somme brute de 60'617 fr. 95 (dont 48'867 fr. 10 pour compenser la différence entre le salaire horaire de chef d'équipe prévu par la CN et la CCT et le salaire effectivement perçu) et à la levée de l'opposition formée par l'employeuse au commandement de payer de 50'000 fr. qu'il avait pris soin de lui faire notifier.  
Dans sa réponse, l'employeuse a conclu au rejet de cette demande et a pris des conclusions reconventionnelles qu'elle réduira dans sa duplique à 1'535 fr. 05. 
Par jugement du 14 mars 2022, le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que l'employé, bien qu'engagé " en qualité d'ouvrier du bâtiment ", avait été considéré par l'employeuse comme chef d'équipe à tout le moins dès janvier 2013; il devait donc être rémunéré en conséquence. Partant, il a notamment condamné l'employeuse à payer à l'employé la somme brute de 49'099 fr. 30 à titre de différence entre le salaire horaire de chef d'équipe et celui que le demandeur avait effectivement perçu, ainsi pour que pour les heures de travail non rétribuées, plus 644 fr. à titre de frais de repas et de téléphone. Il a prononcé, à concurrence de 49'743 fr. 30 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er février 2018, la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer correspondant. Il a débouté la défenderesse. 
 
B.b. Par arrêt du 27 septembre 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel de l'employeuse, dans la mesure où il était recevable. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à la discussion de ses griefs.  
 
C.  
L'employeuse interjette un recours en matière civile, en concluant au rejet intégral de la demande. 
Dans sa réponse du 24 janvier 2023, l'intimé conclut au rejet du recours. Le 27 janvier suivant, il a formulé une requête d'assistance judiciaire. 
La recourante a répliqué, ce qui a suscité le dépôt d'une duplique de son adverse partie. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 LTF) par l'employeuse, qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF) dans une affaire civile de droit du travail (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
In casu, le rappel des faits figurant au chapitre II du recours ne sera pas pris en considération, seuls étant déterminants les faits souverainement constatés par la Cour cantonale sous réserve d'un éventuel arbitraire, dont la recourante ne se plaint pas dans cette récapitulation.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Il est constant que les parties ont été liées par un contrat de travail qui a perduré jusqu'au 31 août 2017, date à laquelle la résiliation de l'employé a pris effet. A ce stade, le litige ne porte plus que sur le point de savoir si l'employé a exercé la fonction de chef de chantier, ce qui détermine le montant de la rémunération à laquelle il peut prétendre. Les parties admettent que la CN ainsi que la CTT sont applicables sur cet aspect. 
 
4.  
Dans un premier grief, la recourante dénonce l'arbitraire de l'appréciation des preuves à laquelle la Cour cantonale s'est livrée pour retenir que l'intimé avait été employé, de facto, comme chef d'équipe au sens de l'art. 42 al. 1 CN dès le 1er janvier 2013, lors même qu'il ne disposait pas des qualifications correspondantes.  
 
4.1. La Cour cantonale s'est laissée guider par les éléments suivants. Dès 2013, le nom de l'employé figurait systématiquement dans le deuxième groupe des listes des numéros de téléphone de l'employeuse, lesquels distinguaient trois groupes d'employés : (1) la direction et la technique (2) les chefs d'équipe et (3) les employés affectés au dépôt, les apprentis et les ouvriers. De même, dans les plannings journaliers, le nom de l'employé apparaissait dans une section distincte de ceux des ouvriers. L'employé remplissait systématiquement ses propres décomptes d'heures ainsi que ceux de ses hommes, alors que cette tâche relevait de la compétence d'un chef d'équipe. Dès 2012, il remplissait des rapports de chantier quotidiens en signant sous la rubrique " chef d'équipe ", tandis que, dans les procès-verbaux des années 2013 à 2017, il figurait sous " responsable ", " chef d'équipe-maçonnerie ", "... " ou " contremaître ". Des photographies le montraient côte-à-côte avec d'autres chefs d'équipe, tous vêtus d'un polo bleu qui les différenciaient des ouvriers. Enfin, d'après les témoignages concordants de plusieurs ouvriers, chefs d'équipe, supérieurs de l'intimé ou encore clients de l'employeuse, l'intimé était considéré comme chef d'équipe ou avait travaillé en cette qualité dès l'année 2013 à tout le moins.  
 
4.2. La recourante reproche à la Cour cantonale d'avoir sélectionné, parmi les déclarations des témoins qu'elle jugeait crédibles, celles qui abondaient dans le sens de sa thèse, en reléguant les autres aux oubliettes, respectivement de n'avoir pas tenu compte des déclarations de certains autres témoins. Celles de E.________ tout d'abord, employé de la recourante, lequel aurait exprimé que " [personne ne lui] a[vait] communiqué que [l'intimé] était chef d'équipe "; tout au plus " [pensait-il] que ses supérieurs considéraient qu[e l'intimé] était chef d'équipe ". Celles de F.________ ensuite, directeur technique de l'employeuse, selon lesquelles l'intimé " n'avait pas le titre de chef d'équipe " et qu'il " [appartiendrait] à G.________ de répondre à la question de savoir si [...] [les] supérieurs le considéraient comme chef d'équipe. " Celles de G.________ encore, titulaire de la raison individuelle éponyme, administrateur président de D.________ SA et de H.________ SA, puisque c'est à lui que le témoin précité préconisait de se référer. Celles de I.________, chef de chantier auprès de l'employeuse, selon lesquelles personne ne lui " avait [...] indiqué quelle était la qualité de [l'intimé] ", celles de J.________, ancien employé, qui aurait déclaré que personne ne lui avait dit que l'intimé était chef d'équipe et finalement de K.________, ancien client de l'employeuse, qui aurait pensé que l'intimé était responsable sans pour autant pouvoir affirmer que son avis était fondé.  
La recourante fait fausse route. Sa démonstration est tout au plus apte, si l'on s'en tient aux bribes de témoignages qu'elle sélectionne sans accorder d'attention à d'autres déclarations, à justifier une autre appréciation, mais en aucune manière à démontrer un quelconque arbitraire. Or, c'est bien cela qu'il lui appartient de démontrer, ce qui nécessiterait une preuve éclatante que les juges cantonaux auraient ignorée de manière incompréhensible. On en est loin, d'autant que le grief de la recourante laisse intacts tous les autres éléments - photographies, listes de téléphone, rapports de chantier, plannings journaliers - sur lesquels la Cour cantonale a assis sa conviction. 
Selon la recourante, ce n'est pas parce que quelques collègues estimaient que l'intimé était chef d'équipe qu'elle-même le considérait comme tel. Cela étant, un aveu n'était pas nécessaire, contrairement à ce que la recourante laisse entendre : de nombreux éléments de preuve étayent le fait querellé, ce qui est suffisant. 
 
4.3. Dans une motivation subsidiaire, la recourante fait valoir qu'il était arbitraire de constater que l'intimé avait assumé le rôle de chef d'équipe à compter de janvier 2013. Il lui eût fallu suivre, avant toute chose, une formation interne de chef d'équipe, ce qu'il n'avait pas fait. Par ailleurs, selon le témoin F.________, l'intimé aurait assumé cette fonction à partir de 2014, 2015 ou 2016. Ce témoin aurait aussi indiqué que l'intimé remplissait lui-même les rapports quotidiens de travaux effectués sur les chantiers à partir de 2016.  
La Cour cantonale s'est fondée sur la date à compter de laquelle l'intimé avait rempli ses décomptes d'heures en qualité de chef d'équipe, à savoir dès janvier 2013. De toute évidence, elle n'est pas tombée dans l'arbitraire en retenant cette date plutôt que les déclarations imprécises prêtées au témoin précité. Quant à une hypothétique formation préalable, il ne s'agissait pas d'une exigence sine qua non à lire l'art. 42 al. 1 CN qui traite à parité le travailleur que l'employeur lui-même considérait comme chef d'équipe.  
Le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves doit ainsi être écarté. 
 
5.  
La recourante dénonce encore une série d'autres violations. 
 
5.1. La violation de l'art. 42 CN tout d'abord qui n'est, pourtant, pas une disposition de droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Quoi qu'il en soit, son grief correspond fidèlement à celui qui a été développé en relation avec l'arbitraire dans la constatation des faits, respectivement dans l'appréciation des preuves, et que le Tribunal fédéral a déjà écarté au considérant précédent.  
 
5.2. La violation de l'art. 322 CO ensuite, en ce sens qu'il eût fallu un accord des parties pour que l'employé assume une autre fonction que celle spécifiée dans son contrat de travail. Certes, mais l'employé était visiblement d'accord d'assumer le rôle de chef d'équipe que l'employeuse lui a confié.  
La recourante fait encore valoir qu'une " qualification " de l'employé constituerait un prérequis à toute éventuelle adaptation de salaire. Cela étant, l'on ne voit pas que ce grief ait été soumis à la Cour cantonale, sans compter qu'aucun fait régulièrement allégué en procédure ne paraît le soutenir. 
 
5.3. Finalement, la violation de l'art. 330a al. 1 CO qui aurait été consacrée par l'injonction de délivrer à l'employé un certificat de travail précisant qu'il avait travaillé comme chef d'équipe à tout le moins depuis le 1er janvier 2013. C'est toutefois là un grief dont les considérants précédents ont sonné le glas, puisqu'il a été retenu sans arbitraire aucun que ce fait était réalisé.  
Il n'y a donc nulle violation du droit fédéral qui puisse être imputée à la Cour cantonale. 
 
6.  
Partant, le recours doit être rejeté. La recourante supportera les frais judiciaires et versera à son adverse partie une indemnité à titre de dépens. 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé devient ainsi sans objet, étant précisé que la recourante sera selon toute probabilité en mesure de payer à son adverse partie les dépens auxquels celle-ci a droit. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est sans objet. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 29 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals