Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_599/2024
Arrêt du 29 octobre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Müller.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Office cantonal des véhicules de la République et canton de Genève.
Objet
Permis de conduire,
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 août 2024 (A/582/2023-LCR - ATA/1018/2024).
Considérant en fait et en droit :
1.
A.________ a été interpellé par la police le 1er mars 2021, à 10h40, au volant d'un véhicule automobile alors qu'il circulait sur le boulevard Georges-Favon en direction de l'avenue du Mail, à Genève.
Selon le rapport de police, arrivé à l'intersection entre ledit boulevard et la rue Bovy-Lisberg, il avait manqué de percuter un scooter en tentant de changer de voie. Les policiers avaient en outre constaté qu'il avait le regard rivé sur son téléphone. A.________ a déclaré qu'il n'avait pas le téléphone à l'oreille, mais qu'il l'avait posé sur son genou.
Le 16 mars 2021, l'Office cantonal des véhicules de la République et canton de Genève a informé A.________ que le constat de police pouvait mener au prononcé d'une mesure administrative et lui a donné l'occasion de faire part de ses observations.
A.________ s'est déterminé le 25 mars 2021. Il a nié la présence d'un scooter qu'il aurait gêné en changeant de voie. Il contestait aussi avoir le regard rivé sur son téléphone. Celui-ci était sur ses genoux parce qu'il avait préalablement mis un terme à la tentative d'appel reçu d'un ami hospitalisé et qu'il ne disposait pas du kit mains libres qu'il utilisait habituellement. C'était précisément pour éviter toute inattention qu'il ne l'avait pas reposé sur le siège passager où il se trouvait avant de sonner.
L'Office cantonal des véhicules a mis le dossier en suspens jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale, ce dont il a informé l'intéressé le 29 mars 2021.
Par ordonnance pénale du 30 mars 2021, le Service cantonal des contraventions a condamné A.________ à une amende de 660 fr. pour violation des règles de la circulation routière. Il a retenu que l'intéressé, par inattention et avec mise en danger abstraite, avait manqué de percuter un scooter en changeant de voie et que les policiers en patrouille avaient constaté qu'il était inattentif, son regard étant rivé sur son téléphone portable. Il était relevé que le conducteur contestait les faits tels qu'établis dans le rapport de contravention, car selon lui aucun scooter ne se trouvait à proximité de son véhicule et il n'avait pas les yeux rivés sur son téléphone.
A.________ a retiré l'opposition qu'il avait formée contre cette ordonnance le 7 avril 2021, ce dont le Tribunal de police a pris acte en date du 17 août 2022.
Par décision du 19 janvier 2023, l'Office cantonal des véhicules a prononcé le retrait du permis de conduire de A.________ pour une durée d'un mois en application de l'art. 16b al. 1 let. a et al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), au motif qu'il n'avait pas voué toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable, avec mise en danger, en manquant de percuter un scooter en tentant de changer de voie.
Le Tribunal administratif de première instance a confirmé sur recours cette décision au terme d'un jugement rendu le 22 août 2023 que A.________ a contesté sans succès par-devant la Chambre administrative de la Cour de justice.
Par acte du 14 octobre 2024, A.________ forme un recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du 27 août 2024 en concluant à son annulation et à ce qu'aucune mesure administrative ne lui soit infligée, subsidiairement à ce que seul un avertissement soit prononcé à son encontre. Il sollicite l'assistance judiciaire gratuite et la désignation d'un avocat pour le représenter dans la suite de la procédure.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. La Cour de justice a produit le dossier de la cause.
2.
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est en principe ouverte contre une décision prise en dernière instance cantonale au sujet d'une mesure administrative de retrait du permis de conduire, aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant est particulièrement atteint par la décision attaquée, qui confirme le retrait de son permis de conduire pour une durée d'un mois; il a un intérêt digne de protection à son annulation, respectivement à sa modification en ce sens que seul un avertissement est prononcé à son encontre. Sa qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF est donnée.
Compte tenu de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice, l'arrêt de cette autorité s'est substitué au prononcé antérieur du Tribunal administratif de première instance (ATF 146 II 335 consid. 1.1.2; 136 II 539 consid. 1.2). Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur les griefs invoqués à l'encontre du jugement de première instance, lesquels sont irrecevables.
3.
Le recourant reproche à la cour cantonale de s'être tenue pour liée par les faits retenus dans l'ordonnance pénale.
3.1. La jurisprudence admet que l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est en principe liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 139 II 95 consid. 3.2; 137 I 363 consid. 2.3.2). L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal, dont elle doit en principe attendre la reddition (ATF 119 Ib 158 consid. 2c/bb), que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2). Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa; arrêt 1C_470/2023 du 22 février 2024 consid. 2.1 et les arrêts cités).
3.2. En l'occurrence, le recourant savait à la suite des différents courriers reçus de l'Office cantonal des véhicules qu'il s'exposait à une mesure administrative à raison des faits survenus le 1er mars 2021 et que son dossier avait été suspendu dans l'attente du jugement pénal. L'art. 16 al. 2 LCR prévoit d'ailleurs qu'une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre n'est pas applicable. Le recourant était assisté, dans la procédure pendante devant le Tribunal de police, d'un avocat mandaté par son assurance de protection juridique, censé connaître la jurisprudence précitée et les conséquences que le prononcé pénal pouvait avoir au plan administratif s'il ne contestait pas les faits dans le cadre de la procédure pénale. Il a néanmoins retiré l'opposition qu'il avait formée à l'ordonnance pénale, laquelle est ainsi entrée en force. Il doit ainsi être traité de la même manière que toute personne ayant fait l'objet d'un jugement pénal définitif. Les raisons qui l'ont amené à retirer son opposition importent peu. Il ne ressort au demeurant pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué, qui lie le Tribunal fédéral en l'absence d'éléments au dossier propres à en établir l'inexactitude (cf. art. 105 al. 1 LTF), que le retrait de l'opposition serait intervenu sans son aval.
La Cour de justice s'est dès lors considérée à juste titre comme liée par les faits retenus dans l'ordonnance pénale du 30 mars 2021. Elle n'a pas violé le droit d'être entendu du recourant en ne procédant pas aux mesures d'instruction que celui-ci avait requises, respectivement en ne se prononçant pas sur les motifs qui ont amené le Tribunal administratif de première instance à refuser de les administrer.
4.
Le recourant reproche à l'instance précédente d'avoir retenu à son encontre la commission d'une infraction moyennement grave au sens de l'art. 16b LCR, sanctionnée d'un retrait du permis de conduire d'une durée d'un mois, et non d'une infraction légère, selon l'art. 16a LCR, susceptible d'être dispensée de toute mesure administrative ou de faire l'objet d'un simple avertissement.
4.1. La loi fédérale sur la circulation routière distingue les infractions légères, moyennement graves et graves. À teneur de l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui alors que seule une faute bénigne peut lui être imputée. Commet en revanche une infraction grave selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Entre ces deux extrêmes, se trouve l'infraction moyennement grave, soit celle que commet la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque (art. 16b al. 1 let. a LCR). Le législateur conçoit cette dernière disposition comme l'élément dit de regroupement: elle n'est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR.
Dès lors, l'infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2). Ainsi, par rapport à une infraction légère, où tant la mise en danger que la faute doivent être légères, on parle d'infraction moyennement grave dès que la mise en danger ou la faute n'est pas légère, alors qu'une infraction grave suppose le cumul d'une faute grave et d'une mise en danger grave (cf. ATF 135 II 138 consid. 2.2.3; arrêt 1C_485/2023 du 23 janvier 2024 consid. 2.1).
4.2. Le recourant se fonde sur son propre état de fait pour conclure qu'il n'a commis aucune faute, respectivement qu'une faute légère, qui aurait dû conduire à renoncer à toute sanction administrative, voire à prononcer un simple avertissement à son encontre. Or, pour les raisons exposées ci-dessus, la Cour de justice devait apprécier cette question sur la base de l'état de fait retenu dans l'ordonnance pénale, à savoir qu'il n'avait pas voué toute son attention à la route et à la circulation en ayant les yeux rivés sur son téléphone portable et qu'il avait manqué de peu de heurter un scooter, contrevenant ainsi aux art. 26 al. 1, 31 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR. Le recourant ne saurait dès lors être suivi lorsqu'il conteste toute faute ou mise en danger.
La cour cantonale a considéré à juste titre que l'infraction commise par le recourant ne pouvait pas être qualifiée de grave, notamment au vu de l'absence de lésion ou de mise en danger concrète. Elle a refusé de qualifier de bénignes à la fois l'inattention du recourant et la mise en danger qui en a découlé dès lors que l'incident s'est déroulé sur une artère importante sur laquelle les véhicules roulent à une vitesse aussi proche des 50 km/h autorisés et où un contact entre une voiture et un scooter pourrait non seulement avoir de graves conséquences pour le conducteur de ce dernier, mais aussi sur l'un ou l'autre des nombreux piétons marchant sur le trottoir.
La cour cantonale s'est ainsi conformée à la jurisprudence qui lui commande de qualifier la faute et la mise en danger au regard de l'ensemble des circonstances et non pas de manière schématique (cf. arrêt 1C_470/2020 du 8 février 2021 consid. 4.5). Son appréciation de la gravité des faits échappe à la critique.
Selon les faits retenus au pénal et qui liaient le juge administratif, le recourant avait les yeux rivés sur son téléphone portable de sorte qu'il ne vouait pas toute son attention à la route et à la circulation; pareille attitude emportait un risque évident pour la sécurité du trafic qui, selon ce qui ressort des déterminations adressées le 25 mars 2021 à l'Office cantonal des véhicules, était dense au moment des faits. Par ailleurs, selon ces mêmes faits, le recourant a mis en danger un scootériste en changeant de voie, ses dénégations quant à la présence d'un scooter n'ayant pas été retenues. On ne saurait reprocher à la Cour de justice d'avoir pris en compte la vulnérabilité particulière de cet usager de la route, indépendamment d'éventuels piétons sur le trottoir, et d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des circonstances contrevenant au droit fédéral en refusant de qualifier de légères tant l'inattention que la mise en danger abstraite commises.
Le recourant dénonce en vain une inégalité de traitement par rapport au cas A/460/2022 jugé le 22 juin 2022 par le Tribunal administratif de première instance. Le conducteur en cause dans cette affaire circulait sur l'autoroute, à quelque 110 km/h. Il avait regardé l'écran de son téléphone portable qu'il tenait dans sa main droite, au centre de son appareil de direction, sur une distance d'environ 200 mètres, et n'était pas parvenu à maintenir une trajectoire rectiligne. Le trafic était de moyenne densité au moment des faits et aucun usager ne semblait avoir été gêné. L'infraction, qualifiée de moyennement grave, avait été sanctionnée du minimum légal prévu par l'art. 16b al. 2 let. b LCR, compte tenu des antécédents de l'intéressé. Dans le cas particulier, il est reproché au recourant d'avoir eu les yeux rivés sur son téléphone portable alors qu'il circulait sur une voie à trafic dense, certes à une vitesse moins importante. Il a toutefois manqué de heurter un scooter en changeant de voie. Cet élément pouvait, toute comparaison gardée, légitimement amener les autorités administratives à considérer l'infraction commise comme moyennement grave.
Le recourant invoque en vain une violation du principe
ne bis in idem. On peine à discerner en quoi ce principe, qui interdit qu'une personne soit poursuivie ou punie deux fois pour les mêmes faits, aurait été violé par le fait qu'aucune des juridictions pénales et administratives saisies n'aurait élucidé les faits et donné suite aux mesures d'instruction requises. Ce n'est en effet qu'en raison du retrait de l'opposition à l'ordonnance pénale du 30 mars 2021 que le Tribunal de police n'a pas rendu de jugement et ne s'est pas prononcé sur les faits de la cause. Par ailleurs, pour les raisons évoquées précédemment, l'autorité administrative pouvait se considérer comme liée par les faits établis dans cette ordonnance.
Par conséquent, la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral en confirmant le retrait du permis de conduire du recourant pour une durée d'un mois, soit le minimum légal (art. 16 al. 3 et 16b al. 1 let. a LCR; ATF 132 II 234 consid. 2.3).
5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF. La requête d'effet suspensif dont il était assorti est sans objet. Le recourant n'a pas étayé son indigence. Sa requête d'assistance juridique a au surplus été rejetée sur le plan cantonal parce qu'il ne remplissait pas cette condition; par ailleurs, la désignation d'un avocat pour l'assister dans la suite de la procédure ne se justifiait pas au regard de l'absence de chances de succès du recours. La requête d'assistance judiciaire, dont les conditions ne sont pas réunies (art. 64 LTF), doit ainsi être rejetée et les frais du présent arrêt mis à la charge du recourant, en tenant compte de sa situation personnelle telle qu'elle ressort du dossier cantonal ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, ainsi qu'à l'Office cantonal des véhicules et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 29 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin