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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_355/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 29 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et Hohl. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, 
représentée par Me Fabio Spirgi, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
3. D.________, 
4. E.________ SA, 
tous les quatre représentés par Me Fabien Rutz, 
intimés. 
Objet 
Protection des données, communication transfrontière, motifs justificatifs, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 24 mai 2017 (C/21812/2015 ACJC/629/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________, C.________ et D.________, avocats qui travaillent dans la même étude qui exercent également l'activité d'intermédiaires financiers, ainsi que E.________ Ltd (aujourd'hui: E.________ SA), société domiciliée à... au sein de laquelle les trois premiers nommés disposent tous d'un droit de signature (ci-après, pour simplifier: les [quatre] demandeurs) ont été, à des degrés divers, en relation avec X.________ SA (ci-après: X.________ ou la défenderesse).  
B.________ et C.________ ont notamment ouvert des comptes auprès de X.________, à la demande des gérants de celle-ci ou directement à la demande de clients ayant des liens avec les Etats-Unis. 
 
A.b. En 2008, les autorités américaines se sont intéressées aux établissements bancaires suisses, suspectant certains d'entre eux d'avoir aidé des clients américains à éluder l'impôt américain.  
En 2010, les autorités américaines (soit le Ministère de la justice des Etats-Unis, U.S. Department of Justice [DoJ]) ont ouvert des enquêtes contre onze banques suisses qu'elles soupçonnaient d'avoir aidé des clients américains à se soustraire à leurs obligations fiscales ainsi que d'avoir contrevenu à la réglementation applicable lors des contacts intervenus avec ces clients. Elles ont requis l'entraide administrative de la Suisse en vue d'obtenir des renseignements sur les activités des banques visées aux Etats-Unis. 
Les autorités américaines ont ensuite demandé aux banques visées de leur transmettre un certain nombre de documents complémentaires (en particulier sur les employés s'étant rendus aux Etats-Unis pour communiquer avec des clients américains) si elles voulaient éviter une inculpation. 
Le 4 avril 2012, le Conseil fédéral a autorisé les banques concernées à transmettre directement aux autorités américaines des données non anonymisées, à l'exception de celles concernant les clients. Cette décision valait autorisation, au sens de l'art. 271 CP, à procéder sur le territoire suisse pour le compte d'un Etat étranger à des actes relevant des pouvoirs publics. Il appartenait toutefois toujours aux banques d'apprécier le risque que leur responsabilité civile soit engagée. 
Le 11 avril 2012, la FINMA a recommandé aux banques concernées de coopérer avec les autorités américaines dans le cadre prévu par le Conseil fédéral, en précisant que la procédure d'entraide administrative était, de ce fait, suspendue. 
 
A.c. Le 14 février 2013, les autorités suisses et américaines ont signé un accord visant à faciliter la mise en oeuvre par les établissements financiers suisses de la loi fiscale américaine (Foreign Account Tax Compliance Act [FATCA]). Le Conseil fédéral a ensuite soumis au Parlement fédéral un projet de loi fédérale sur les mesures visant à faciliter le règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Le 19 juin 2013, le Parlement suisse a refusé d'entrer en matière sur ce projet, considérant qu'il appartenait au Conseil fédéral de trouver des solutions dans le cadre du droit en vigueur.  
Le 3 juillet 2013, le Conseil fédéral a mis sur pied une nouvelle procédure d'autorisation individuelle au sens de l'art. 271 CP (autorisation modèle). 
 
A.d. Le 29 août 2013, le Conseil fédéral et le DoJ ont trouvé un accord visant à mettre un terme au différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Trois documents servent à concrétiser cet accord: la déclaration commune (  Joint Statement) du Conseil fédéral (Département fédéral des finances) et du DoJ, le programme volontaire américain (  Program for Swiss banks), ainsi que l'autorisation modèle du Conseil fédéral du 3 juillet 2013.  
En vertu du  Joint Statement, le DoJ entend fournir aux banques suisses non impliquées dans une procédure pénale (autorisée par le DoJ) un moyen adapté pour clarifier leur situation (  status) en lien avec l'ensemble des enquêtes menées par le DoJ (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Le Conseil fédéral (dans le texte: "  Switzerland "), de son côté, manifeste son intention d'attirer l'attention des banques suisses sur les dispositions du programme américain et de les encourager à envisager une participation. Il relève que le droit suisse en vigueur permettra aux banques suisses une participation effective selon les termes fixés dans le programme.  
Le programme volontaire (  Program for Swiss banks) classe les banques suisses en quatre catégories: la première catégorie, exclue du programme, s'adresse aux banques faisant l'objet d'une enquête pénale du DoJ; la deuxième catégorie, destinée aux banques qui estiment avoir violé le droit fiscal américain, permet à celles-ci de se mettre à l'abri d'une poursuite pénale en échange de leur participation, en concluant un  Non-Prosecution Agreement (NPA); les catégories 3 et 4 visent les banques qui estiment ne pas avoir violé le droit fiscal américain.  
Selon le programme volontaire américain, les banques appartenant à la catégorie 2 doivent communiquer au DoJ le nom et la fonction des personnes ayant " structuré, géré ou supervisé les actions transfrontalières de la banque en lien avec les Etats-Unis " et le nom et la fonction de " toute personne, dont le gestionnaire de la relation client, le conseiller à la clientèle et gestionnaire d'actifs, ayant été en relation avec un  Closed US Related Account ".  
Le 30 août 2013, la FINMA a rappelé aux banques qu'il appartenait à chacune d'elles d'évaluer de manière appropriée les potentiels risques juridiques et de réputation qu'entraînerait une non-participation au programme américain et d'en tenir compte dans leur processus de décision qui devra être documenté. 
 
A.e. X.________ a décidé de participer au programme et elle s'est annoncée comme banque de catégorie 2 auprès du DoJ le 19 décembre 2013.  
Par décision du 24 janvier 2014 (valant autorisation selon l'art. 271 CP), le Département fédéral des finances (DFF) a autorisé X.________ à coopérer avec les autorités américaines. 
Par courrier du 23 mars 2015, X.________ a informé B.________, C.________ et D.________ de son intention de communiquer aux autorités américaines (DoJ) une liste comportant leurs noms et leurs fonctions. Les trois avocats s'y sont opposés le 23 avril 2015. 
Par courrier du 5 mai 2015, X.________ a remis la même information à E.________, qui s'est alors opposée à toute transmission de ses données le 21 mai 2015. 
Les informations que la banque entendait communiquer au DoJ comportaient le nom des quatre demandeurs en lien avec divers comptes " US Related " clôturés auprès de X.________. Les noms de B.________ et de E.________ apparaissaient en lien avec des dizaines de comptes, celui de C.________ avec moins de dix comptes et celui de D.________ avec un compte. 
 
A.f. Le 6 janvier 2016, en cours de procédure (cf. infra let. B), X.________ a conclu un accord de non-poursuite (  Non-Prosecution Agreement [NPA]) avec le DoJ (  Tax Division) contre le versement d'une amende de USD 187'767'000.-, dont elle s'est acquittée.  
Dans cet accord, qui reprend les obligations du programme américain, X.________ s'engage en outre à continuer à collaborer et à fournir des données aux autorités américaines pendant une période de quatre ans, à compter de la date de l'exécution complète de l'accord (  "...from the date this Agreement is fully executed "). Le DoJ se réserve le droit d'engager des poursuites pénales contre la banque en cas de violation des termes de l'accord. Si une telle violation est constatée, le DoJ s'engage toutefois à le communiquer à X.________, par une notification écrite, avant d'entamer une quelconque procédure. La banque peut alors, dans le délai de trente jours, expliquer par écrit la nature et les circonstances de la violation, ainsi que les actions prises pour y remédier. Ces explications doivent être prises en considération par le DoJ pour déterminer l'opportunité d'engager une procédure contre X.________ (arrêt entrepris p. 9 et complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF).  
 
A.g. Par décision du 15 janvier 2016, le DFF a prolongé l'autorisation accordée à X.________ sous l'angle de l'art. 271 CP (le 24 janvier 2014) jusqu'au 31 décembre 2020 " pour tenir compte de la durée de la validité du NPA " (complètement d'office selon l'art. 105 al 2 LTF).  
 
B.  
 
B.a. Sur requêtes de B.________, C.________, D.________ et E.________, le Tribunal de première instance du canton de Genève, statuant sur mesures superprovisionnelles le 9 juillet 2015 et sur mesures provisionnelles le 21 septembre 2015, a fait interdiction à X.________ de transmettre, communiquer ou porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, les documents mentionnant le nom des requérants et de leur étude ou tout autre élément permettant de les identifier, fait interdiction à X.________ de transmettre, communiquer ou porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, tout document, pièce ou acte en lien avec la présente procédure, à l'exception du dispositif d'ordonnances ou de jugements du Tribunal (et des instances de recours), les noms des requérants (et la qualité d'administrateur) devant être caviardés, et a prononcé ces interdictions sous la menace de la peine de l'art. 292 CP. Dans le cadre des mesures provisionnelles, le Tribunal de première instance a précisé que les interdictions ne déploieraient des effets qu'en relation avec le programme du DoJ visant le règlement fiscal.  
 
B.b. Le 21 octobre 2015, les requérants (alors demandeurs) ont repris leurs conclusions, au fond, devant le Tribunal de première instance.  
X.________ (alors défenderesse) a conclu au déboutement des demandeurs. 
Par jugement du 30 août 2016, le Tribunal de première instance a, en substance, prononcé les interdictions sollicitées par les demandeurs. 
 
B.c. Par arrêt du 24 mai 2017, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel formé par X.________ et confirmé le jugement de première instance.  
 
C.   
La banque défenderesse exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal du 24 mai 2017. Elle conclut à son annulation et à ce que les demandeurs soient déboutés de toutes leurs conclusions, subsidiairement à son annulation et à ce qu'il soit dit que les interdictions prononcées par la cour cantonale ne déploient pas d'effet en relation avec la transmission de données si elle est requise par une autorité judiciaire ou administrative suisse notamment l'Administration fédérale des contributions (AFC), mais qu'elles ne déploient des effets qu'en relation avec le programme du DoJ en rapport avec les comptes concernés. Plus subsidiairement encore, elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce qu'il soit dit que les interdictions prononcées par la cour cantonale ne déploient des effets qu'en relation avec le programme du DoJ. Enfin, dans ses ultimes conclusions, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'instance cantonale. 
Les intimés concluent au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1, 235 consid. 1, 379 consid. 1). 
 
1.1. Le litige concerne principalement l'application de la loi fédérale sur la protection des données (LPD; RS 235.1). Il s'agit en l'occurrence d'une action civile menée, sur la base des art. 6 et 13 LPD, par trois personnes physiques et une personne morale exerçant une activité d'intermédiaires financiers, d'une part, contre une banque, d'autre part; la cause divise des personnes privées et il s'agit donc d'une contestation civile (art. 72 LTF). Quant à la nature du litige (pécuniaire ou non pécuniaire), délicate à déterminer en raison des différentes personnes impliquées dans la querelle, il n'est pas nécessaire de la trancher en l'espèce, la valeur litigieuse (la nature de la contestation étant, par hypothèse, qualifiée de pécuniaire) se révélant quoi qu'il en soit (à considérer le nombre de comptes gérés par les demandeurs) largement supérieure à la valeur-seuil de 30'000 fr. fixée à l'art. 74 al. 1 let. b LTF.  
Pour le reste, le recours vise un arrêt qui met fin à la procédure et doit être qualifié de décision finale (art. 90 LTF). Il est interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), et il est dirigé contre une décision rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF), si bien que le recours en matière civile est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).  
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation de son recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). 
 
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). 
En l'occurrence, la recourante fait état d'un " complexe de faits résultant de [son appel cantonal], qui n'a pas été correctement retenu par l'autorité précédente ", ainsi que de " deux éléments nouveaux résultant de l'arrêt entrepris (...) (conformément à l'art. 99 LTF) " (acte de recours p. 5 à 9). Il est douteux que la Cour de céans puisse tenir compte des faits ainsi introduits par la recourante, celle-ci se limitant à les exposer, sans tenir compte des exigences de motivation posées par la LTF. Il n'y a toutefois pas lieu d'approfondir ce point puisque, comme on le verra, le raisonnement juridique défendu par la recourante sur la base de sa propre version des faits ne pourra quoi qu'il en soit pas être suivi. 
 
2.   
Examinant la question de l'intérêt pour agir des demandeurs (art. 59 al. 2 let. a CPC), la cour cantonale rappelle que des données similaires ont été remises aux autorités fiscales américaines au cours de procédures (antérieures) d'auto-dénonciation (  Voluntary disclosure) destinées aux sujets fiscaux américains. Ceux-ci pouvaient alors régulariser leur situation en répondant à des questionnaires officiels qui exigeaient la mention des gestionnaires (internes ou externes) et de toute autre personne ou entité ayant aidé à ouvrir et gérer le compte concerné de quelque manière que ce soit (acte de recours p. 7). Les magistrats cantonaux retiennent cependant qu'en l'espèce les données effectivement transmises aux autorités américaines par ce biais ne sont pas connues et, partant, ils reconnaissent que les demandeurs disposent d'un intérêt digne de protection à ce qu'il soit constaté que la transmission des données envisagées par la banque constitue une atteinte à leur personnalité et à ce que celle-ci soit en conséquence interdite (arrêt entrepris consid. 3.2 p. 14).  
Sur le fond, la cour cantonale retient que les Etats-Unis n'offrent pas un niveau de protection des données adéquat au sens de l'art. 6 al. 1 LPD, ce que la défenderesse ne conteste pas " en tant que tel " ( arrêt entrepris consid. 3.4 p. 29). Elle examine ensuite si la défenderesse peut se prévaloir d'un motif justificatif - en l'occurrence l'intérêt public prépondérant prévu à l'art. 6 al. 2 let. d, première alternative, LPD (seul motif entrant ici en ligne de compte). Elle rappelle que l'intérêt public à ce que les banques suisses participent au programme volontaire américain existe de manière générale, mais qu'il ne prévaut pas automatiquement et nécessairement sur l'intérêt privé qu'un tiers peut avoir, dans un cas concret, à empêcher la communication de ses données personnelles aux autorités américaines. 
Procédant à une pesée des intérêts  in concreto (cf. arrêt 4A_83/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3.3.4), la cour cantonale considère que la défenderesse n'a pas établi la prépondérance de l'intérêt public (à transmettre les données) sur l'intérêt privé des demandeurs (à refuser leur communication). Dans ce cadre, l'autorité précédente retient trois éléments (qui se recoupent en partie) : 1) la banque n'a pas démontré quel risque elle encourrait concrètement si elle ne transmettait pas la documentation litigieuse, étant ici précisé que la banque est parvenue à un accord de non-poursuite sans transmettre cette documentation en l'espèce; 2) si le refus de transmettre une documentation complémentaire ou des documents concernant les intimés en particulier pouvait remettre en question l'accord, la banque n'a toutefois pas allégué ni établi que les autorités américaines seraient encore dans l'attente de tels documents; 3) de manière générale, la recourante n'a pas établi l'existence d'un risque concret de mise en péril de l'accord qui serait causé par la non-transmission des données litigieuses (arrêt entrepris consid. 3.4.4 p. 31 s.).  
 
3.   
Il convient d'emblée de relever, pour éviter tout malentendu, que l'éventuelle transmission des données litigieuses aux autorités américaines dans le cadre de la procédure antérieure d'auto-dénonciation (  Voluntary Disclosure) n'est en soi pas déterminante lorsqu'il s'agit de trancher la question de l'intérêt des demandeurs à former une action tendant à obtenir l'interdiction de la transmission des données la concernant au cours d'une procédure américaine différente (programme du DoJ). Dans l'application de l'art. 59 al. 2 let. a CPC, il faut en effet constater que si les demandeurs étaient empêchés de former une telle action, leurs données seraient alors directement transmises au DoJ, par la banque qui a l'intention de le faire, dans le cadre d'un programme impliquant des acteurs reconnaissant avoir transgressé le droit américain. Il est dès lors patent qu'ils disposent d'un intérêt digne de protection à agir.  
Savoir si la remise de données aux autorités américaines au cours de la procédure d'auto-dénonciation influence la pesée des intérêts qu'il s'agit d'entreprendre en application de l'art. 6 al. 2 LPD en lien avec le programme du DoJ, est une question différente, qui a trait au fond (et non à la recevabilité de la demande). 
Le résultat auquel l'instance précédente est arrivée peut donc être confirmé, par substitution de motifs. 
 
4.   
Sur le fond, la recourante (banque défenderesse) soutient que la cour cantonale a violé l'art. 8 CC et les art. 6 et 13 LPD en ne retenant pas que les données litigieuses ont déjà été remises aux autorités américaines au cours d'une procédure de  Voluntary Disclosure (ce qui permettrait, selon la recourante, de nier tout intérêt privé des demandeurs à refuser la communication de leurs données aux USA) et (comme conséquence logique du constat qui précède) en n'admettant pas l'existence d'un intérêt public prépondérant (acte de recours p. 11).  
Plus précisément, la question litigieuse principale est ici de savoir si l'autorité cantonale a violé l'art. 6 al. 2 LPDen considérant que la transmission des données litigieuses n'était pas indispensable à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant. Quant aux allégations de la banque en rapport avec la procédure de  Voluntary Disclo  sure, qui doivent être distinguées de la question principale, il en sera tenu compte lors de la subsomption.  
 
4.1. Selon l'art. 6 al. 1 LPD, aucune donnée personnelle (cf. art. 3 LPD) ne peut être communiquée à l'étranger si la personnalité des personnes concernées devait s'en trouver gravement menacée, notamment du fait de l'absence d'une législation assurant un niveau de protection adéquat.  
L'art. 6 al. 2 LPD contient une liste exhaustive de motifs (alternatifs) permettant la communication à l'étranger des données, en dépit de l'absence de législation assurant un niveau de protection adéquat (arrêt 4A_86/2016 précité consid. 3.4.3 et les références). 
 
4.2. Selon l'art. 6 al. 2 let. d première partie LPD (seul motif entrant en l'occurrence en ligne de compte), des données personnelles peuvent être communiquées à l'étranger uniquement si la communication est, en l'espèce, indispensable notamment à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant.  
Cette disposition pose trois conditions: (1) un intérêt public, (2) un intérêt public qui soit prépondérant et (3) une communication qui soit indispensable à la sauvegarde de celui-ci. Dans un arrêt récent en rapport avec le programme américain, le Tribunal fédéral a déjà précisé ce qu'il y a lieu d'entendre par là. 
 
4.2.1. Il existe un intérêt public si la préservation de la stabilité juridique et économique de la place financière suisse est en jeu. L'intérêt de la banque à sa survie ne suffit en soi pas, dès lors qu'il s'agit d'un intérêt privé, et non d'un intérêt public (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.4.3).  
 
4.2.2. L'intérêt public doit être prépondérant par rapport à l'intérêt privé du tiers à ce que ses données personnelles ne soient pas communiquées aux autorités américaines.  
Le juge doit procéder à une pesée des intérêts (art. 4 CCin concreto, en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier à la date du jugement (cf. arrêt 4A_83/2016 précité consid. 3.5.1; HRUBESCH-MILLAUER/BÜRKI, Rechtsprechungs-panorama Personenrecht und Einleitungsartikel, PJA 2017 p. 392).  
 
4.2.3. La communication des données doit être indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public prépondérant. Elle est indispensable (  unerlässlich) si elle est absolument nécessaire (  unbedingt notwendig) en ce sens que, sans la livraison de ces données, le litige fiscal avec les Etats-Unis s'intensifierait à nouveau, que la place financière suisse dans son ensemble en serait affectée et que cela porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3; cf. arrêt 4A_73/2017 du 26 juillet 2017 consid. 3.1).  
En signant le  Joint Statement, le Conseil fédéral a garanti au DoJ que le droit suisse en vigueur permet la participation effective des banques au programme américain. Autrement dit, vu le  Joint Statement conclu par le Conseil fédéral, il doit être admis que, matériellement, le droit suisse autorise la participation effective des banques suisses et donc la communication des données de tiers (employés, gestionnaires) conformément aux conditions posées par le programme américain.  
Il ne s'agit toutefois pas d'admettre de manière abstraite que toutes les banques doivent communiquer les données concernant des tiers, même en l'absence de toute menace d'une atteinte à l'intérêt public de la Suisse. Il faut bien plutôt examiner si la modification de la situation de fait doit être prise en considération sous l'angle matériel et si elle conduit à admettre ou nier le caractère indispensable de la communication des données. La LPD vise en effet à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données. Au centre de ses préoccupations figure donc la protection de la personnalité de l'intéressé (employé, gestionnaire). Ne pas tenir compte par principe des modifications de la situation et admettre systématiquement la communication des données aurait pour conséquence de laisser la personnalité sans protection, alors même que, dans le cas particulier, la communication n'est plus indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public (arrêt 4A_86/2016 déjà cité consid. 3.3.4). 
Il appartient à la banque de démontrer que, à la date du jugement, la non-communication des données litigieuses aurait pour conséquence nécessaire une nouvelle escalade du litige fiscal avec les USA et, de ce fait, constituerait une menace pour la place financière suisse et la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3.4  in fine; cf. arrêt 4A_73/2017 déjà cité consid. 3.2 qui fait explicitement référence à l'ampleur des éventuelles répercussions d'une poursuite pénale qui serait menée contre la banque).  
 
4.3. Invoquant la violation de l'art. 6 al. 1 LPD, la recourante, qui se réfère à un communiqué du Préposé fédéral à la protection des données postérieur à la date de l'arrêt cantonal, est d'avis que les Etats-Unis offrent désormais une protection adéquate au sens de l'art. 6 al. 1 LPD et qu'il faut examiner la licéité de la transmission des données non pas à la lumière de l'art. 6 al. 2 LPD, mais à celle de l'art. 13 LPD (acte de recours p. 6 in fine).  
Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner si le communiqué du Préposé fédéral peut en l'occurrence être pris en compte. A la suite des intimés, on observe que, selon ce communiqué, le niveau de protection est adéquat si certaines conditions sont réalisées, notamment le fait pour l'entreprise américaine concernée d'adhérer au  Privacy Shield; l'entreprise apparaît alors sur une liste établie par le Département américain du commerce (sur l'ensemble de la question, cf. www.edoeb.admin.ch / Protection des données / Transmission à l'étranger / Etats-Unis).  
En l'occurrence, le DoJ, qui n'est d'ailleurs pas une entreprise privée, ne figure pas sur la liste en question. 
Le moyen tiré de la violation de l'art. 6 al. 1 LPD est, pour autant qu'il soit recevable, infondé et, partant, il n'y a pas lieu d'examiner le litige sous l'angle de l'art. 13 LPD
 
4.4. S'agissant du moyen tiré de la violation de l'art. 6 al. 2 LPD, force est de constater que, sous couvert d'absence d'intérêt public prépondérant (deuxième condition, cf. supra consid. 4.2.2), la cour cantonale a en réalité examiné la troisième condition, celle du caractère indispensable de la communication en l'état de la situation au moment du jugement (cf. supra consid. 4.2.3), retenant en substance deux éléments distincts (les " trois éléments " résumés au consid. 2 se recoupant largement) : 1) la recourante n'est pas parvenue à établir que son refus de transmettre les données litigieuses aurait pour effet de créer un risque concret de mise en péril de l'accord; 2) si le refus de transmettre une documentation complémentaire ou des documents concernant les intimés en particulier était susceptible de générer véritablement un tel risque, la banque n'a toutefois pas allégué ni établi que les autorités américaines seraient encore dans l'attente de tels documents.  
 
4.5. En l'occurrence, la banque ne démontre pas en quoi la cour précédente aurait établi les faits de manière arbitraire en retenant qu'elle n'avait apporté aucun élément permettant d'établir un quelconque risque pour la banque (causé par la non-communication de données), ni d'ailleurs que les autorités américaines seraient encore dans l'attente de données. Par ailleurs, et cela est déterminant, elle ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit en jugeant que la livraison des données n'était pas nécessaire pour éviter une (nouvelle) intensification du litige fiscal avec les USA qui, de ce fait, affecterait la place financière suisse et porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable.  
A cela s'ajoute que si l'on en croit les allégations de la banque (acte de recours p. 7 s.), toutes ces données ont déjà été remises aux autorités américaines au cours de la procédure de  Voluntary disclosure. On ne voit donc pas ce qui aurait empêché le DoJ d'en prendre connaissance, le cas échéant, en sollicitant leur transmission au sein de l'administration américaine, la recourante reconnaissant d'ailleurs explicitement que " les différentes autorités américaines peuvent échanger [des] données entre elles " (acte de recours p. 11).  
Cela étant, la livraison de ces données par la banque dans le cadre du programme américain ne peut, en l'état actuel, être considérée comme indispensable au sens de l'art. 6 al. 2 let. d LPD. 
 
4.6. C'est en vain que la banque évoque le risque que des mesures de rétorsion soient prises à son encontre, de nature à mettre en péril son activité. Elle fait ainsi valoir un intérêt privé (" intérêt de la banque à... "), qui ne peut être pris en compte lors de l'application de l'art. 6 al. 2 let. d LPC.  
Enfin, les allégations de la banque, selon lesquelles les données litigieuses seraient déjà en mains des autorités américaines (la remise ayant eu lieu au cours de la procédure de  Voluntary Disclosure), sont impropres à soutenir sa thèse. Au contraire, à l'heure actuelle et en l'espèce, elles contribuent - comme on l'a vu - à démontrer l'absence de nécessité de leur communication au DoJ.  
Le grief se révèle dès lors mal fondé. 
 
5.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les frais et les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget