Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_88/2024
Arrêt du 29 novembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Müller.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________,
B.________,
tous les deux représentés par Me Guillaume Salman, avocat,
recourants,
contre
C.________,
D.________,
E.________,
F.________,
G.________,
H.________,
tous représentés par Me Christine Lovat, avocate,
intimés,
Commune de Sion, Hôtel de Ville, rue du Grand-Pont 12, 1950 Sion,
Conseil d'État du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
Objet
Autorisation de construire, qualité pour recourir,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
du Valais, Cour de droit public, du 18 décembre 2023
(A1 23 24).
Faits :
A.
C.________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________ (ci-après: C.________ et consorts) sont copropriétaires de la parcelle 17'005 de la commune de Sion, sise en zone d'habitat individuel de coteau sensible. Ils ont demandé au Conseil communal de la Ville de Sion (ci-après: le Conseil communal) l'autorisation de construire quatre villas jumelles avec couverts à véhicules sur ce bien-fonds. Mis à l'enquête publique le 29 mai 2020, ce projet a suscité l'opposition de A.________ et B.________, propriétaires d'une parcelle voisine. Par décision du 19 novembre 2020, le Conseil communal a refusé l'autorisation de construire au motif que le projet ne satisfaisait pas aux impératifs d'intégration au site car il prévoyait un groupe de quatre maisons contiguës, s'apparentant à une barre d'immeubles qui apparaissait hors échelle avec les constructions avoisinantes. C.________ et consorts ont recouru auprès du Conseil d'État du canton du Valais (ci-après: le Conseil d'État) contre la décision du 19 novembre 2020.
En parallèle, C.________ et consorts ont déposé un nouveau projet allégé (notamment avec la suppression de l'étage dans le socle du bâtiment ouest). Par décision du 2 septembre 2021, le Conseil communal a octroyé l'autorisation de construire et rejeté l'opposition déposée contre le premier projet.
Par décision du 14 décembre 2022, le Conseil d'État a rejeté le recours formé par A.________ et B.________ contre la décision du 2 septembre 2021. Par arrêt du 18 décembre 2023, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours déposé par les opposants. Elle a déclaré trois griefs irrecevables, faute d'intérêt digne de protection de la part des opposants et a rejeté les autres griefs sur le fond.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2023 et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Ils concluent subsidiairement à la réforme de l'arrêt du 18 décembre 2023 en ce sens que le recours est déclaré recevable et est admis.
Le Tribunal cantonal et le Conseil d'État renoncent à se déterminer. La commune de Sion conclut au rejet du recours et les intimés à son irrecevabilité (subsidiairement à son rejet). Les recourants répliquent.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF) et déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal. En tant que propriétaires d'une parcelle directement voisine de la parcelle objet de l'autorisation de construire litigieuse, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils bénéficient dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière sur le recours.
2.
Les recourants reprochent à l'instance précédente d'avoir nié leur qualité pour recourir concernant deux griefs et d'avoir ainsi refusé de les traiter sur le fond. Ils se plaignent d'une violation des art. 89 et 111 LTF .
2.1. Les juges cantonaux ayant refusé d'entrer en matière sur deux griefs, seule la question de la recevabilité de ceux-ci peut être portée devant le Tribunal fédéral qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation (ATF 137 II 313 consid. 1.3). En cas d'admission du recours sur la question de la recevabilité de ces griefs, la cause devrait être renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle entre en matière sur les griefs et les traite au fond.
2.2. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. L'alinéa 3 précise que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 144 I 43 consid. 2.1; 135 II 145 consid. 5). Les recourants ne prétendent pas que le droit valaisan prévoirait une légitimation plus large. Il convient donc d'analyser la qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 89 al. 1 LTF. S'agissant de droit fédéral (art. 111 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral examine cette question librement.
2.3. Selon l'art. 89 al. 1 LTF (qui correspond à l'art. 44 al. 1 de la loi
valaisanne sur la procédure et la juridiction administratives du 6 octobre 1976 [LPJA/VS; RS/VS 172.6]), la qualité pour recourir est reconnue à toute personne particulièrement atteinte par la décision attaquée et qui dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. La partie recourante doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Elle doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'elle est touchée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général, de manière à exclure l'action populaire (ATF 144 I 43 consid. 2.1; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3). L'intérêt digne de protection au sens de l'art. 89 al. 1 LTF ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1).
En droit public des constructions, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. La proximité avec l'objet du litige ne permet toutefois pas à elle seule de conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d'une autorisation de construire. Celui-ci doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune (ATF 139 II 499 consid. 2.2; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3; arrêt 1C_343/2023 du 20 août 2024 consid. 3.1). Les voisins directs peuvent ainsi exiger l'examen d'un projet de construction à la lumière de toutes les normes juridiques susceptibles d'avoir une incidence sur leur situation de fait ou de droit, c'est-à-dire celles qui pourraient conduire à ce que le projet de construction ne soit pas réalisé ou soit réalisé différemment de ce qui est prévu (ATF 139 II 499 consid. 2.2; 137 II 30 consid. 2.2.3).
2.4. En l'espèce, les recourants s'étaient prévalus devant le Tribunal cantonal d'une violation de la distance à la limite entre la construction litigieuse et la parcelle 5662 (art. 7 ss de la loi valaisanne sur les constructions du 15 décembre 2016 [LC/VS; RS/VE 705.1] et art. 95 du règlement communal de construction et de zones du 21 juin 1988 [RCCZ]). Ils avaient relevé que le local technique ne figurait pas sur le plan de situation mis à l'enquête publique et qu'il n'avait pas été pris en compte dans le calcul de la distance à la limite ouest.
L'instance précédente a dénié la qualité pour recourir sur ce point aux recourants au motif que la diminution alléguée de la distance à la limite n'avait en soi aucun impact sur le bien-fonds des recourants qui, de ce chef, ne pouvaient valablement se plaindre d'une éventuelle dérogation profitant sur ce point aux intimés.
Les recourants, voisins directs de la construction projetée, peuvent cependant exiger l'examen du respect de la distance à la limite car cela pourrait conduire à ce que le projet de construction ne soit pas réalisé ou soit réalisé différemment de ce qui est prévu. Les recourants font valoir à bon droit qu'ils tirent un avantage pratique de l'annulation de la décision attaquée car le permis de construire serait annulé pour violation de la distance à la limite, ce qui éviterait l'impact massif du bâtiment en direction de leur parcelle directement en dessous du local technique planifié. L'instance précédente a donc violé le droit fédéral et fait une application arbitraire de l'art. 44 LPJA/VS en déniant la qualité pour recourir aux recourants sur ce grief.
2.5. Les recourants avaient aussi fait valoir devant le Tribunal cantonal une violation de l'art. 27 LC/VS qui oblige les constructeurs à réduire au maximum les modifications du terrain naturel, à adapter leurs projets à la topographie du terrain et à harmoniser le terrain aménagé avec les parcelles voisines. Ils avaient relevé que, dans le projet de construction litigieux, le terrain avait été modelé, créant un plateau horizontal d'une longueur de 5,25 m ainsi qu'une pente artificielle de 38°, à 1,44 m du mur de vigne existant à la limite commune avec leur parcelle. Pour eux, une telle modification du terrain naturel serait contraire à l'art. 27 LC/VS.
Le Tribunal cantonal n'a pas non plus traité ce grief, estimant que les recourants ne disposaient pas d'un intérêt digne de protection.
A nouveau, les recourants peuvent se prévaloir d'un intérêt pratique à l'examen de ce grief en ce sens que l'examen du respect de l'art. 27 LC/VS pourrait conduire à ce que le projet de construction ne soit pas réalisé ou soit réalisé différemment de ce qui est prévu. Les recourants font d'ailleurs valoir un intérêt pratique en ce sens que la modification d'un terrain naturellement en pente dans le sens d'une excavation de celui-ci aurait un impact visuel important sur leur parcelle située directement en contrebas du terrain construit. C'est donc à tort que les juges précédents n'ont pas non plus traité ce grief.
3.
Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il examine la pertinence des griefs de violation des art. 7 et 27 LC/VS.
Les frais judiciaires réduits sont mis à la charge des intimés, qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Les recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'aide d'un avocat, ont droit à des dépens, à la charge des intimés ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge des intimés.
3.
Une indemnité de dépens de 4'000 francs est allouée aux recourants et mise à la charge des intimés.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et des intimés, à la Commune de Sion, au Conseil d'État du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais (Cour de droit public).
Lausanne, le 29 novembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller