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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_587/2023  
 
 
Arrêt du 30 janvier 2025  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, 
Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________ SA, 
3. C.________ SA, 
4. D.________ SA, 
5. E.________ SA, 
toutes représentées par Me Pierre-Yves Baumann, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel, 
Le Château, 
rue de la Collégiale 12, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
Contrôle abstrait; loi sur les marchés publics, 
 
recours contre les art. 9 et 10 de loi cantonale sur les marchés publics du Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel du 5 septembre 2023. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est une association de droit suisse qui regroupe des entreprises actives dans le secteur des services de l'emploi et, notamment, dans la location de personnel. Inscrite au registre du commerce du canton de Zurich depuis 1999, elle a notamment pour but la défense des intérêts économiques, politiques et juridiques de ses membres vis-à-vis des associations d'employeurs et de travailleurs, des entreprises, de l'État, des autorités et du public.  
Les sociétés B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA et E.________ SA sont, pour leur part, des entreprises actives dans le domaine de la location de personnel, notamment dans le domaine de la construction. Elles ont toutes leur siège ou une succursale dans le canton de Neuchâtel. 
 
A.b. Le 15 novembre 2019, l'Autorité intercantonale pour les marchés publics a adopté le nouvel accord intercantonal sur les marchés publics (ci-après: l'AIMP 2019). Cet accord, qui a été élaboré parallèlement à la nouvelle loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, a pour effet d'harmoniser autant que possible les règles en matière de marchés publics de la Confédération et des cantons, sans toucher à leurs compétences respectives.  
 
B.  
Le 5 septembre 2023, le Grand Conseil neuchâtelois a adopté un décret portant adhésion de la République et canton de Neuchâtel à l'accord intercantonal précité. À cette même date, il a également adopté une nouvelle loi cantonale sur les marchés publics (LCMP/NE) qui contient, notamment, les dispositions suivantes: 
Art. 9 Sous-traitance et location de personnel 
1 L'entité adjudicatrice peut limiter ou exclure le recours à la sous-traitance ou à la location de personnel dans l'appel d'offres. 
2 Le soumissionnaire doit indiquer dans son offre la part et le type de prestations qu'il entend sous-traiter, les coordonnées complètes de tous ses sous-traitants, ainsi que le recours à la location de personnel. 
3 Les sous-traitants et les sociétés de location de personnel doivent remplir les mêmes conditions de participation que le soumissionnaire. L'appel d'offres peut prévoir des conditions d'aptitudes particulières pour les sous-traitants. 
4 En cas de changement de sous-traitant en cours d'exécution du marché, l'adjudicataire doit en informer l'entité adjudicatrice avant la réalisation des prestations concernées, pour approbation. 
5 Le recours à des sous-sous-traitants (sous-traitance de 2e niveau) est interdit, sauf si l'appel d'offres l'autorise. Dans tous les cas, le marché ne peut être sous-traité au-delà d'un deuxième niveau. 
Art. 10 Travail temporaire 
1 Pour les marchés de construction, les soumissionnaires doivent justifier dans leur offre qu'ils disposent du nombre d'employées ou employés nécessaires à la réalisation de la prestation, tenant compte des alinéas suivants. 
2 L'adjudicataire ne peut recourir sur un chantier à un nombre de travailleuses et travailleurs temporaires dépassant les valeurs limites suivantes: 
a) de 1 à 3 employées ou employés fixes, maximum 2 travailleuses ou travailleurs temporaires; 
b) de 4 à 6 employées ou employés fixes, maximum 3 travailleuses ou travailleurs temporaires; 
c) de 7 à 11 employées ou employés fixes, maximum 4 travailleuses ou travailleurs temporaires; 
d) de 12 à 20 employées ou employés fixes, maximum 5 travailleuses ou travailleurs temporaires; 
e) dès 21 employées ou employés fixes, maximum 20% de travailleuses ou travailleurs temporaires (arrondis à l'unité supérieure). 
3 Le Conseil d'État prévoit des exceptions pour les situations particulières. 
 
C.  
Le 23 octobre 2023, agissant conjointement, l'association A.________ (ci-après: la recourante 1) ainsi que les sociétés B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA et E.________ SA (ci-après: les recourantes 2 à 5) déposent un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Elles demandent à celui-ci d'annuler les art. 9 et 10 de la nouvelle loi cantonale neuchâteloise sur les marchés publics (LCMP/NE), respectivement de constater que ces dispositions sont privées de tout effet juridique. Les recourantes requièrent en outre que l'effet suspensif soit octroyé à leur recours, en ce sens que les normes cantonales attaquées ne doivent pas pouvoir entrer en vigueur avant que le Tribunal fédéral n'ait statué sur le fond de la cause. 
Par ordonnance du 27 octobre 2023, la Présidente de la Cour de céans a suspendu la procédure de recours jusqu'à la publication de la décision de promulgation de la LCMP/NE ou la fixation de l'entrée en vigueur de la loi. 
Le même jour, par arrêté publié dans la Feuille officielle du canton de Neuchâtel du 27 octobre 2023, le Conseil d'État a promulgué la nouvelle loi cantonale sur les marchés publics (LCMP/NE), fixant son entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Les recourantes ont alors requis la reprise de la procédure, ce que la Présidente de la Cour de céans a accepté par ordonnance du 10 novembre 2023. 
Par ordonnance du 5 décembre 2023, la Présidente de la Cour de céans a admis la requête d'effet suspensif portant sur les dispositions cantonales attaquées, soit les art. 9 et 10 LCMP/NE, le Grand Conseil neuchâtelois ayant acquiescé à une telle requête. 
Le Grand Conseil neuchâtelois, agissant par sa Présidente et sa Secrétaire générale, a répondu au recours, concluant à son rejet dans la mesure de sa recevabilité, tandis que le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), invité à se déterminer sur le recours, a renoncé à déposer des observations. 
Les recourantes ont répliqué. 
 
D.  
Dans l'intervalle, en date du 27 novembre 2023, diverses entreprises actives dans le domaine de la construction dans le canton de Neuchâtel, ainsi que deux de leurs associations faîtières, ont également déposé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre la nouvelle loi cantonale neuchâteloise sur les marchés public (LCMP/NE), demandant l'annulation de ses art. 6 al. 2 et 10 al. 1, ainsi que la modification partielle de son art. 9 al. 1 (cause 2C_662/2023). Par arrêt de ce jour, la Cour de céans l'a déclaré irrecevable en tant qu'il était déposé par l'une des associations recourantes, sans objet dans la mesure où il concernait l'art. 10 al. 1 LCMP/NE et rejeté pour le surplus. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF; RS 173.110) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 148 I 160 consid. 1.1). 
 
1.1. Selon l'art. 82 let. b LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours dirigés contre des actes normatifs cantonaux par la voie du recours en matière de droit public. L'art. 87 al. 1 LTF prévoit que de tels recours sont directement recevables devant le Tribunal fédéral, lorsque les actes normatifs cantonaux attaqués ne peuvent faire l'objet d'aucun recours cantonal. En revanche, si le droit cantonal instaure une voie de recours au niveau cantonal contre de tels actes normatifs, un recours au Tribunal fédéral n'est possible que contre la décision de l'autorité ayant statué en dernière instance cantonale, conformément à l'art. 86 al. 1 let. d LTF, auquel renvoie l'art. 87 al. 2 LTF.  
En l'occurrence, le recours tend à l'annulation des art. 9 et 10 de la nouvelle loi cantonale neuchâteloise sur les marchés publics du 14 juin 2023 (LCMP/NE; RS/NE 601.72), c'est-à-dire à l'annulation partielle d'un acte normatif cantonal qui, d'après le droit neuchâtelois, n'est susceptible d'aucun recours devant une quelconque autorité cantonale, notamment judiciaire (cf. notamment art. 49 de la loi sur la procédure et la juridiction administratives du 27 juin 1979 [LPJA/NE; RS/NE 152.130]). Il s'ensuit que, sur le principe, les dispositions attaquées peuvent être contestées directement devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Il est ici précisé que l'art. 83 LTF, qui restreint cette voie de droit dans certains domaines juridiques déterminés - y compris celui des marchés publics (cf. art. 83 let. f LTF) - ne s'applique pas aux situations de recours abstraits (cf. ATF 145 I 26 consid. 1.1). 
 
1.2. L'art. 89 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière de droit public à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Lorsque l'acte attaqué est un acte normatif, l'intérêt personnel requis peut être simplement virtuel; il suffit qu'il existe un minimum de vraisemblance que la partie recourante puisse se voir un jour appliquer les dispositions contestées (cf. notamment ATF 138 I 435 consid. 1.6 et arrêt 2C_664/2016 du 25 mars 2020 consid. 1.7.1, non publié in ATF 147 I 16). Quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 141 I 78 consid. 3.1; 136 I 49 consid. 2.1). À cela s'ajoute que, selon la jurisprudence, une association jouissant de la personnalité juridique, qui n'a pas elle-même d'intérêt personnel digne de protection à l'issue de la cause, peut exceptionnellement agir devant le Tribunal fédéral - en formant ce que l'on appelle communément un recours "corporatif égoïste" - si elle a pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, si ces intérêts sont communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, si chacun de ceux-ci aurait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel dans le cadre d'un recours contre l'acte attaqué (cf. ATF 150 II 123 consid. 4.4; 137 II 40 consid. 2.6.4).  
En l'occurrence, l'art. 9 LCMP/NE permet, entre autres mesures, aux autorités adjudicatrices neuchâteloises de limiter ou d'exclure le recours au travail temporaire dans leurs appels d'offres, tandis que l'art. 10 LCMP/NE fixe un nombre maximal de travailleurs intérimaires pouvant être employés dans le cadre de marchés de construction relevant de cette même loi cantonale. De telles règles constituent assurément des obstacles à la location de services, en ce sens qu'elles sont susceptibles d'empêcher les sociétés actives dans ce domaine de louer des travailleurs temporaires pour l'exécution de marchés publics neuchâtelois. Sur la base de ce constat, il faut reconnaître que les recourantes 2 à 5, qui représentent toutes des sociétés de location de personnel actives dans le canton de Neuchâtel, peuvent se prévaloir d'un intérêt virtuel digne de protection à l'annulation des art. 9 et 10 LCMP/NE et qu'elles ont donc qualité pour recourir en la cause. 
Sur le vu de ce qui précède, il y a également lieu d'admettre la qualité pour recourir de la recourante 1, conformément à la jurisprudence sur le recours corporatif égoïste rappelé ci-avant. En effet, cette association de droit privé suisse, qui a la personnalité juridique (cf. art. 52 CC; RS 210), a pour but statutaire la défense des intérêts des sociétés suisses de location de services, dont elle constitue la faîtière. Il faut en outre admettre que la majorité ou, à tout le moins, un grand nombre de ses membres pourraient être - à l'instar des recourantes 2 à 5 - appelés à louer des travailleurs temporaires en vue de l'exécution de marchés publics neuchâtelois et pourraient, partant, se prévaloir d'un intérêt virtuel à l'annulation des art. 9 et 10 LCMP/NE (cf., pour un cas similaire, arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 consid. 1.4.1). 
 
1.3. Pour le surplus, le recours a été interjeté dans le délai requis (art. 101 LTF), étant précisé que son dépôt avant même le départ de celui-ci, c'est-à-dire avant la promulgation de la loi cantonale attaquée, finalement opérée le 27 octobre 2023, n'affecte pas sa recevabilité (cf. ATF 136 I 17 consid. 1.2; aussi arrêt 1C_759/2021 du 19 décembre 2022 consid. 1.3, non publié in ATF 149 I 25). Il y a donc lieu d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.4. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires doivent indiquer, entre autres éléments, les conclusions et les motifs. Lorsqu'un recours est dirigé contre un acte normatif cantonal, les conclusions doivent préciser quelles parties de celui-ci sont attaquées (cf. ATF 119 Ia 254 consid. 2e; 109 Ia 120 consid. 2d). En cas d'imprécision et de doute, elles doivent être interprétées à la lumière des motifs du recours, ce conformément au principe de la confiance (ATF 133 II 409 consid. 1.4.1; arrêt 2C_137/2022 du 4 novembre 2022 consid. 1.5). Les motifs du recours doivent en effet exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF) et le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs ainsi soulevés, à moins qu'une violation du droit fédéral et international non invoquée ne soit manifeste sur la base des faits constatés dans l'arrêt attaqué (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; aussi arrêt 2C_456/2023 du 23 juillet 2024 consid. 3.1).  
En l'occurrence, les recourantes concluent formellement à l'annulation des art. 9 et 10 LCMP/NE. Toutefois, dans leur mémoire, long de plus de septante pages, les recourantes ne formulent aucun grief à l'encontre de l'art. 9 al. 2 et al. 3 LCMP/NE qui impose aux soumissionnaires d'indiquer leur intention de recourir à la location de personnel dans leurs offres déjà, tout en imposant aux sociétés de location de personnel dont les services sont envisagés de satisfaire le cas échéant aux mêmes conditions de participation que celles applicables aux soumissionnaires. De même, tout au long de leurs écritures, les recourantes ne se plaignent-elles aucunement de l'art. 9 al. 4 et 5 LCMP/NE, ce qui se comprend aisément dès lors que ces deux alinéas portent exclusivement sur une problématique qui ne les concerne pas directement, soit celle de la sous-traitance dans le cadre des marchés publics. Elles ne critiquent en fin de compte que deux aspects de la LCMP/NE, à savoir l'art. 9 al. 1 LCMP/NE qui prévoit la possibilité pour les entités adjudicatrices neuchâteloises de limiter ou d'exclure d'emblée le recours à la location de personnel dans leurs appels d'offres, ainsi que l'art. 10 LCMP/NE qui fixe une proportion maximale de travailleurs intérimaires employables lors de la réalisation de marchés publics de construction. La Cour de céans se cantonnera dès lors à examiner la conformité au droit de ces deux alinéa et disposition, qui sont les seuls à faire l'objet de griefs motivés de la part des recourantes en conformité avec l'art. 42 al. 1 et 2 LTF et qui apparaissent comme les seuls à être effectivement contestés par ces dernières, quand bien même les conclusions du recours, prises isolément, pourraient laisser entendre le contraire. 
 
2.  
 
2.1. En vertu de l'art. 95 LTF, le recours peut être formé, entre autres griefs, pour violation du droit fédéral (let. a) ou du droit international (let. b), mais aussi pour violation du droit intercantonal (let. e), soit de tous les accords passés entre les cantons, qu'ils revêtent ou non la forme d'un concordat (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 4 septembre 2001, FF 2001 4000, ch. 4.1.4.2, p. 4133). Le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est dans tous ces cas pas limité à l'arbitraire (cf. ATF 147 I 47 consid. 3.1; arrêt 1C_303/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2.1). En l'absence d'une juridiction supracantonale, il est en effet apparu opportun que le Tribunal fédéral puisse dégager une interprétation unique des accords intercantonaux, afin d'éviter que ceux-ci ne soient appliqués d'une manière différente d'un canton à l'autre, ce qui serait de nature à provoquer des tensions intercantonales (arrêts 2C_701/2023 du 24 juillet 2024 consid. 2.1, destiné à la publication; 2C_863/2017 du 19 juillet 2018 consid. 2). Le grief de violation du droit intercantonal est toutefois soumis, comme ceux tirés de la violation de droits fondamentaux, aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF; aussi, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits ou principes de droit intercantonal prétendument violés et expliquer de manière claire et circonstanciée en quoi consiste leur non-respect (cf. ATF 147 I 47 consid. 3.1; 139 I 229 consid. 2.2).  
 
2.2. Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes cantonales, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et à la proportionnalité. Dans ce contexte, il est décisif que la norme mise en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les dispositions du droit supérieur invoquées (cf. ATF 148 I 160 consid. 2; 145 I 73 consid. 2). Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits fondamentaux invoqués, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, ainsi que des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 148 I 160 consid. 2; 144 I 306 consid. 2; 140 I 2 consid. 4). Ce faisant, le juge ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme au droit supérieur. Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle envisage d'appliquer la disposition contestée doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard des droits fondamentaux en cause dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler contraire aux droits fondamentaux ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (cf. ATF 148 I 160 consid. 2; 145 I 73 consid. 2; 140 I 2 consid. 4).  
 
2.3. Lorsque le Tribunal fédéral est appelé à juger la conformité au droit supérieur d'un acte normatif cantonal dans le cadre d'un contrôle abstrait (art. 87 al. 1 LTF), comme en l'espèce, il manque un état de fait établi par l'autorité précédente sur lequel il pourrait fonder son arrêt. Dans ce cas, le Tribunal fédéral doit établir les faits de manière autonome, dans la mesure où cela est nécessaire pour le jugement. La procédure probatoire est régie, selon l'art. 55 al. 1 LTF, par les art. 36, 37 et 39 à 65 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 (PCF; RS 273). Le Tribunal fédéral se base en particulier sur les offres de preuve des parties, les communiqués officiels et les faits notoires, en procédant à une libre appréciation des preuves (ATF 149 I 105 consid. 2.3; aussi arrêt 2C_810/2021 du 31 mars 2023 consid. 3.3, non publié in ATF 149 I 191).  
 
3.  
Au titre de mesures d'instruction, les recourantes requièrent du Tribunal fédéral qu'il organise des débats publics au sens de l'art. 6 CEDH (RS 0.101), lesquels devraient permettre, notamment, l'audition des représentants des parties et, en particulier, des représentants de la recourante 1. Elles demandent également à la Cour de céans d'ordonner la production de tous les documents permettant de retracer les raisons et le processus ayant conduit à l'adoption des dispositions attaquées, tout en requérant l'administration de différents moyens de preuve. À ce dernier titre, elles exigent en particulier l'établissement d'expertises portant sur les répercussions que l'art. 10 LCMP/NE pourrait avoir sur le secteur de la location de personnel et, en particulier, sur les entreprises bailleresses de services actives dans le domaine de la construction, lesquelles sont directement concernées par cette disposition. 
Ce faisant, les recourantes perdent toutefois de vue que le contrôle abstrait des normes n'entre en principe pas dans le champ d'application de l'art. 6 CEDH (cf. ATF 147 I 478 consid. 2.4.2; 132 V 299 consid. 4.3.1), de sorte qu'elles n'ont, sur le principe, pas droit à la tenue d'une quelconque audience publique en la cause. À cela s'ajoute qu'elles ont pu présenter leurs arguments et expliquer l'impact éventuel des dispositions attaquées sur leurs activités économiques au travers de leur mémoire de recours, qui compte plus de septante pages, de sorte qu'on ne voit pas qu'une audition de leurs représentants puisse apporter quoi que ce soit à la cause. Il en va de même de leurs autres réquisitions de preuves. La Cour de céans dispose de l'ensemble des documents retraçant la genèse des dispositions attaquées, lesquels lui ont été remis spontanément par le Grand Conseil dans sa réponse et sont du reste publics et librement accessibles sur internet. Il est enfin possible de renoncer d'emblée à l'administration des autres moyens de preuve requis par les recourantes, sans même s'interroger sur leur véritable pertinence, dans la mesure où ils tendent tous à étayer les griefs que les intéressées soulèvent à l'encontre de l'art. 10 LCMP/NE, qui, comme on le verra, doit de toute manière être annulé. 
 
4.  
Sur le fond, les recourantes formulent de très nombreux griefs à l'encontre des art. 9 al. 1 et 10 LCMP/NE. Selon elles, ces dispositions violeraient non seulement le droit à la liberté économique (art. 27 Cst.; RS 110) et le principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), mais aussi l'accord intercantonal sur les marchés publics du 15 novembre 2019 (AIMP 2019; RS/NE 601.710) ainsi que diverses conventions internationales. 
 
5.  
La Cour de céans rappelle quant à elle à titre liminaire avoir déjà été saisie, ces dernières années, de plusieurs recours abstraits dirigés contre des normes cantonales visant à régler la question de l'emploi de travailleurs temporaires dans le cadre de marchés publics. 
Dans un arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021, le Tribunal fédéral a ainsi été appelé à se prononcer sur une révision du droit tessinois tendant, entre autres buts, à assimiler la location de services à la sous-traitance lors des appels d'offres et à n'autoriser la première, comme la seconde, qu'à titre exceptionnel. Il l'a en l'occurrence annulée, après avoir estimé qu'une telle réglementation, qui aboutissait dans les faits à une discrimination indirecte des travailleurs italiens, violait l'ALCP, c'est-à-dire l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681). 
Plus récemment, dans un arrêt 2C_325/2023 du 24 mai 2023, le Tribunal fédéral a également dû se pencher sur la nouvelle loi vaudoise sur les marchés publics qui prévoit que le soumissionnaire retenu ou ses sous-traitants doivent annoncer à l'adjudicateur leur intention de recourir à la location de service "pour contrôle et approbation". Il a en l'occurrence estimé qu'une telle réglementation ne contrevenait ni à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11), ni à la liberté économique (art. 27 Cst.), dans la mesure où elle n'interdisait pas tout recours au travail intérimaire, mais tendait seulement à éviter que les participants à une procédure d'appel d'offres puissent profiter d'avantages concurrentiels indus en collaborant avec des sociétés de location de personnel n'étant pas "en règle" en matière de respect des conditions de travail. 
Ces différentes jurisprudences ne peuvent cependant pas être transposées sans autres considérations à la présente affaire. D'une part, elles ne concernaient pas des normes cantonales identiques et, d'autre part, dans ces causes, le Tribunal fédéral n'a pas eu à examiner si les réglementations cantonales litigieuses étaient conformes à l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 15 novembre 2019 (AIMP 2019). En effet, cette nouvelle convention intercantonale n'était soit pas encore applicable dans le canton concerné - le Tessin n'y ayant d'ailleurs toujours pas adhéré - soit nullement invoquée par les parties recourantes. 
 
6.  
En l'espèce, il convient précisément d'examiner en tout premier lieu la conformité des art. 9 al. 1 et 10 LCMP/NE à l'AIMP 2019. Les recourantes affirment en effet que ces dispositions, qui ont été conçues comme un "complément" à cet accord (cf. art. 1 LCMP/NE), sortent du cadre admissible fixé par celui-ci. 
 
6.1. Comme le rappelle l'art. 48 al. 1 Cst., les cantons peuvent conclure des conventions entre eux. Ce faisant, ils sont notamment habilités à adopter des conventions intercantonales ayant un effet normatif, c'est-à-dire qui fixent des règles générales et abstraites qui leur sont communes. Ces règles de droit intercantonal priment, en principe, le droit cantonal, conformément à l'art. 48 al. 5 Cst. qui prévoit que les cantons doivent "respecter le droit intercantonal" (cf. notamment ATF 138 I 435 consid. 1.3.2 et arrêt 2C_140/2021 du 17 novembre 2022 consid. 3.3).  
 
6.2. En l'occurrence, les cantons suisses ont décidé d'harmoniser une première fois leurs règles en matière de passation de marchés publics il y a une trentaine d'années en concluant l'Accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics (AIMP 1994; RO 1996 1438). Ils mettaient alors en oeuvre l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) adopté le 15 avril 1994 et entré en vigueur en Suisse le 1er janvier 1996 (AMP; RS 0.632.231.422). Dans la mesure où cet accord international a fait l'objet d'une révision en date du 30 mars 2012, approuvée par l'Assemblée fédérale le 21 juin 2019 (RO 2020 6491), l'Autorité intercantonale pour les marchés publics a adopté, en date du 15 novembre 2019, un nouvel accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP 2019; RS/NE 601.710), largement remanié par rapport au précédent et auquel le canton de Neuchâtel a adhéré par décret du 5 septembre 2023, avec effet au 1er janvier 2024 (FO/NE 2023 n° 38).  
 
6.3. À l'instar de l'ancienne convention, l'AIMP 2019 vise donc en premier lieu à mettre en oeuvre l'Accord international révisé sur les marchés publics (ci-après: AMP révisé; RS 0.632.231.422) à l'échelon des cantons. À cela s'ajoute qu'il tend désormais également à harmoniser autant que possible, dans le respect de la répartition des compétences entre Confédération et cantons, la législation suisse - tant fédérale que cantonale - en matière de marchés publics (cf. Message type relatif à la révision de l'Accord Intercantonal sur les Marchés Publics [AIMP] du 15 novembre 2019, version 1.3 du 8 septembre 2022 [ci-après: Message type AIMP], consultable sur www.bpuk.ch, ch. 1.1, 1.2 et 2.2.2, p. 5 s. et 12). Dans cette optique, il contient une réglementation assez détaillée, composée d'une soixantaine d'articles, reprenant une partie des anciennes directives d'exécution de l'AIMP 1994 (DEMP). L'idée est que l'objectif d'harmonisation de la législation entre cantons et Confédération visé par l'AIMP 2019 ne soit pas mis en péril par l'adoption de trop nombreuses dispositions d'exécution cantonales (cf. Message type AIMP, ch. 2.4, p. 19, et ch. 10, p. 103). Ces dernières ne sont toutefois pas totalement exclues, l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 prévoyant que, " [d]ans le respect des engagements internationaux de la Suisse, les cantons peuvent édicter des dispositions d'exécution, en particulier pour ses articles 10, 12 et 26".  
 
6.4. S'il se caractérise par un plus grand niveau de détail que l'accord précédent, l'AIMP 2019 ne contient aucune règle expresse sur la problématique particulière de la location de personnel lors de la réalisation de marchés publics, comme d'ailleurs la nouvelle loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 (LMP; RS 172.056.1), élaborée parallèlement et présentant dès lors un contenu largement identique. Il n'est toutefois pas possible de conclure d'emblée à l'existence d'un silence qualifié du droit intercantonal empêchant par principe toute réglementation cantonale sur le sujet. En effet, dans la mesure où, comme on vient de le dire, l'AIMP 2019 laisse les cantons libres d'édicter des "dispositions d'exécution" en matière de marchés publics, une telle réglementation n'apparaît pas forcément inadmissible à première vue sous l'empire du nouveau droit intercantonal. La question de savoir si un législateur cantonal peut autoriser le pouvoir adjudicateur à limiter ou à exclure le recours au travail temporaire dans ses appels d'offres, voire restreindre lui-même directement l'emploi de travailleurs intérimaires lors de marchés de construction, comme l'a fait le Grand Conseil neuchâtelois aux 9 al. 1 et 10 LCMP/NE, implique un examen approfondi de l'AIMP 2019 et des principes qui le sous-tendent.  
 
6.5. À cette fin, il convient avant tout de définir la portée exacte de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 en tant qu'il permet aux cantons d'édicter des "dispositions d'exécution".  
 
6.5.1. En l'occurrence, en prévoyant à son art. 63 al. 4 que les cantons peuvent édicter des " dispositions d'exécution [Ausführungsbestimmungen], en particulier pour ses art. 10, 12 et 26", l'AIMP 2019 indique assez clairement que les cantons ne peuvent adopter que des normes qui visent à "exécuter" cette convention, c'est-à-dire qui tendent à la mettre à effet - ou en oeuvre - et en réaliser les buts (cf. la définition du verbe "exécuter" donnée par Le Grand Robert, https://grandrobert.lerobert.com, consulté le 13 janvier 2025), étant entendu qu'en droit suisse, la notion de "dispositions d'exécution", respectivement d'"Ausführungsbestimmungen" sert habituellement à désigner les normes - secondaires ou primaires - qui en concrétisent d'autres, de rang généralement supérieur (cf. notamment Office fédéral de la justice OFJ, Guide de législation - Guide pour l'élaboration de la législation fédérale, 4e éd. 2019, n. 299 ss). D'ailleurs, l'objectif de l'AIMP 2019 - consistant à harmoniser au mieux les règles en matière de marchés publics au niveau national par une réglementation intercantonale aussi exhaustive que possible (cf. supra consid. 6.3; aussi CLAUDIA SCHNEIDER HEUSI, Neues Vergaberecht in den Kantonen: Überblick und erste Bilanz, ZBl 2023 515 ss, p. 519) - serait menacé par une interprétation plus large de son art. 63 al. 4, laquelle aurait en effet pour résultat de préserver d'importantes compétences législatives dans chaque canton en matière de réglementation des marchés publics. Il découle ainsi de l'interprétation littérale et systématique de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 que les cantons ayant adhéré à cet accord peuvent toujours édicter certaines règles relevant du droit des marchés publics, mais que celles-ci doivent toujours être en lien étroit avec une norme de la convention - "en particulier" avec ses art. 10, 12 ou 26 comme cela ressort expressément de la disposition précitée - soit parce qu'elles en précisent la portée, soit parce qu'elles en assurent la mise en oeuvre dans un sens déterminé.  
 
6.5.2. Relevons à ce propos que le projet d'accord renonçait originellement à habiliter explicitement les cantons à adopter des dispositions d'exécution, contrairement à ce que faisait jusqu'alors l'AIMP 1994 (cf. art. 3 AIMP 1994). Ce n'est qu'au tout dernier moment, juste avant l'adoption finale de l'AIMP 2019, que l'Autorité intercantonale sur les marchés publics a finalement consenti, sur la demande expresse de quelques cantons, à insérer l'art. 63 al. 4 à son projet de convention afin de préciser que ceux-ci pourraient adopter, s'ils le souhaitaient, une réglementation d'exécution similaire à celle que le Conseil fédéral était alors en train d'élaborer par le biais de la future ordonnance fédérale sur les marchés publics du 12 février 2020 (OMP; RS 172.056.11). L'idée à la base de cet ajout consistait cependant uniquement à permettre la prise en compte de certaines particularités cantonales lors de la mise en oeuvre de l'AIMP 2019 et, spécialement, de ses art. 10, 12 et 26 AIMP 2019, ce qui pouvait éventuellement faciliter l'approbation du nouveau droit intercantonal dans les cantons, sachant que les dispositions de droit fédéral correspondantes - soit les art. 10, 12 et 26 LMP - venaient de faire l'objet de nombreuses discussions aux Chambres fédérales lors de l'adoption de la LMP (Message type AIMP, p. 38 s. et 103; aussi Autorité intercantonale pour les marchés publics AIMP, Rapport d'évaluation du 4 septembre 2019 relatif à la consultation succincte AURORA, p. 13 et 21). Une interprétation historique et téléologique de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 tend ainsi à confirmer que cette disposition n'autorise effectivement pas les cantons à édicter autre chose que des règles précisant la portée de cet accord ou assurant la mise en oeuvre d'une de ses normes dans un sens déterminé.  
 
6.5.3. La doctrine soutient également que les cantons ne peuvent adopter des "dispositions d'exécution" au sens de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 que pour préciser les règles de cet accord et mettre en place l'organisation qu'implique sa mise en oeuvre, mais en aucun cas pour créer de nouveaux droits ou obligations à la charge des soumissionnaires qui ne seraient pas couverts par le droit intercantonal (cf. SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 519; ETIENNE POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd. 2023, no 59; NATHALIE CLAUSEN, in: Hans Rudolf Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, no 9 ad art. 63 AIMP 2019; TRÜEB/ZOBL, Prise en compte des différents niveaux de prix dans les marchés publics, Admissibilité juridique et mise en oeuvre pratique, Avis de droit à l'attention de la DTAP, 11 mars 2020, no 3). Selon elle, le droit cantonal ne devrait ainsi revêtir plus qu'une "portée secondaire" dans le domaine des marchés publics (POLTIER, op. cit., no 59), les cantons n'ayant plus qu'une marge de manoeuvre "minimale" et "étroitement limitée" en la matière (SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 519; CHRISTOPH JÄGER, Öffentliches Beschaffungsrecht, in: Müller/Feller [édit.], Bernisches Verwaltungsrecht, 2021, p. 871 ss, no 25). Cela étant, la plupart des auteurs soulignent néanmoins que les cantons peuvent adopter des dispositions d'exécution concrétisant d'autres normes que les art. 10, 12 et 26 AIMP 2019, ces dispositions étant mentionnées à l'art. 63 al. 4 AIMP 2019 à titre exemplatif seulement. Le droit cantonal peut par exemple préciser les critères d'adjudication admissibles au sens de l'art. 29 AIMP 2019 (cf. POLTIER, op. cit., no 59 s.; aussi MARIO MARTI, Changement de paradigme en droits des marchés publics - Mise en oeuvre du nouveau droit des marchés publics du point de vue du secteur de la construction, 2022, p. 52; DOMENICO DI CICCO, Le prix en droit des marchés publics, 2022, p. 295 s.; CLAUSEN, op. cit., no 15 ad art. 63 AIMP 2019; d'un autre avis, TRÜEB/ZOBL, op. cit., no 4 et 97), voire fixer la manière dont ils doivent être pris en considération (cf. SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 535, en lien avec le droit zurichois).  
 
6.6. Reste à déterminer si les art. 9 al. 1 et 10 AIMP 2019 peuvent être considérés comme des "dispositions d'exécution" au sens de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019, tel qu'on vient de l'interpréter. À cet égard, le Grand Conseil neuchâtelois prétend que ces deux normes auraient pour objectif de garantir l'aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché à adjuger. Il soutient de cette manière que le droit cantonal ne ferait que concrétiser l'art. 27 AIMP 2019, disposition qu'il convient dès lors d'examiner plus en détail pour pouvoir apprécier la pertinence de l'argument.  
 
6.6.1. En droit suisse, l'attribution des marchés publics suppose la réalisation de conditions de différentes sortes. On pensera en premier lieu aux exigences dont le non-respect empêche purement et simplement l'accès à la procédure d'adjudication et conduit d'emblée à l'exclusion des offres n'y satisfaisant pas. Appartiennent à cette catégorie les "critères d'aptitude" ( Eignungskriterien), qui tendent à vérifier que le soumissionnaire dispose des qualifications nécessaires pour mener à bien le marché à réaliser et qui doivent être obligatoirement remplis par l'entreprise considérée pour que son offre soit prise en compte par l'adjudicateur (cf. art. 40 al. 1 LMP/AIMP 2019; ATF 145 II 249 consid. 3.3; 141 II 353 consid. 7.1). Ces critères d'aptitudes sont désormais réglés par les art. 27 LMP/AIMP 2019 qui présentent la teneur suivante:  
Art. 27 Critères d'aptitude 
 
1 L'adjudicateur définit de manière exhaustive, dans l'appel d'offres ou dans les documents d'appel d'offres, les critères d'aptitude auxquels doivent répondre les soumissionnaires. Ces critères doivent être objectivement nécessaires et vérifiables pour le marché concerné. 
 
2 Les critères d'aptitude peuvent concerner en particulier les capacités professionnelles, financières, économiques, techniques et organisationnelles des soumissionnaires ainsi que leur expérience. 
 
3 L'adjudicateur indique dans l'appel d'offres ou dans les documents d'appel d'offres quelles preuves les soumissionnaires doivent fournir et à quel moment. 
 
4 Il ne peut poser comme condition que les soumissionnaires aient déjà obtenu un ou plusieurs marchés publics d'un adjudicateur soumis au présent accord. 
 
 
6.6.2. Les critères d'aptitude, ainsi réglés aux art. 27 LMP/AIMP 2019, doivent être distingués des "conditions de participation" ( Teilnahmebedingungen). Régies par les art. 26 LMP/AIMP 2019, celles-ci exigent que les soumissionnaires aient payé leurs impôts et leurs cotisations sociales et qu'ils respectent, dans le cadre général de leur activité, les dispositions régissant la protection des travailleurs et les conditions de travail, ainsi que l'égalité salariale entre femmes et hommes et les droits de l'environnement et de la concurrence. De telles conditions de participations se rapportent certes aussi à la personne même du soumissionnaire et leur non-respect peut également conduire à une exclusion immédiate de l'offre (cf. notamment art. 38 al. 3 LMP/AIMP 2019 et Message type AIMP, p. 66). Elles n'ont en revanche pas de rapport avec l'objet même du marché à adjuger et découlent à ce titre directement de la loi, contrairement aux critères d'aptitude qui doivent toujours être directement et concrètement en lien avec la prestation à accomplir (cf. ATF 140 I 285 consid. 5.1).  
Enfin, les critères d'aptitude doivent encore être distingués des "critères d'adjudication" ( Zuschlagskriterien) réglés aux art. 29 LMP/AIMP 2019, lesquels ne se rapportent pas à la personne même du soumissionnaire, mais à la prestation que celui-ci s'engage à fournir. Ils servent à évaluer les offres d'un point de vue qualitatif et, au final, à désigner celle qui s'avère être la plus avantageuse parmi celles des divers soumissionnaires remplissant les conditions de participation et les critères d'aptitude (cf. notamment ATF 139 II 489 consid. 2.2.1 et 2.2.4; 129 I 313 consid. 8.1; Message type AIMP, p. 65). La non-réalisation d'un critère d'adjudication n'est à ce titre pas éliminatoire, mais peut être compensée par une pondération avec d'autres critères du même type (ATF 140 I 285 consid. 5.1).  
 
6.6.3. S'agissant des critères d'aptitude, les art. 27 al. 1 LMP/AIMP 2019 prévoient qu'ils doivent être "objectivement nécessaires et vérifiables pour le marché concerné" (" objektiv erforderlich und überprüfbar "), et non simplement être en lien avec les prestations à adjuger (" leistungsbezogen ") comme les critères d'adjudication (cf. art. 29 AIMP 2019/LMP). Cette disposition se distingue de l'ancien art. 13 al. 1 let. d AIMP 1994, qui disposait que l'examen de l'aptitude des soumissionnaires devait intervenir selon des critères "objectifs et vérifiables" (" nach objektiven und überprüfbaren Kriterien "). Le Tribunal fédéral avait interprété cette ancienne règle en ce sens que les critères d'aptitude devaient être directement et concrètement en rapport avec la prestation à accomplir et porter sur des qualifications nécessaires pour mener à bien cette prestation (ATF 129 I 313 consid. 8.1). En comparaison, les travaux préparatoires du nouveau droit des marchés publics précisent que les critères d'aptitudes doivent à présent être "essentiels" ou "cruciaux" pour l'exécution du marché pour être considérés comme objectivement nécessaires et, partant, conformes aux art. 27 LMP/AIMP 2019 (cf. Message type AIMP, p. 67, et Message concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics du 15 février 2017 [ci-après: Message LMP], FF 2017 1695, spéc. p. 1786). L'idée est d'assurer le strict respect de l'AMP révisé, lequel exige en effet que les "conditions de participation" à un marché - entendues en un sens large incluant également les critères d'aptitude au sens du droit suisse - soient limitées à celles qui sont "indispensables" ( wesentlich) pour s'assurer qu'un fournisseur dispose des capacités et compétences nécessaires à l'exécution du marché à adjuger (art. VIII, par. 1, AMP révisé; cf. Message type AIMP, p. 67).  
 
6.6.4. Dans la mesure où ils doivent être indispensables à l'accomplissement de la prestation à adjuger, les critères d'aptitude à remplir par les soumissionnaires doivent être définis au cas par cas par le pouvoir adjudicateur, qui doit tenir compte de l'objet du marché (cf. Message type AIMP, p. 67). La singularité et la complexité de chaque marché s'opposent effectivement à l'énonciation de critères d'aptitude standardisés, valables de manière systématique pour tous les marchés (cf. OLIVIER RODONDI, Les critères d'aptitude et les critères d'adjudication dans les procédures de marchés publics, RDAF 2001 I p. 387 ss, ch. B.1; aussi PETER GALLI ET AL., Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd. 2013, n. 555 s.). Les art. 27 al. 2 LMP/AIMP 2019 n'en précisent pas moins que les critères d'aptitude " peuvent concerner en particulier les capacités professionnelles, financières, économiques, techniques et organisationnelles des soumissionnaires ainsi que leur expérience ". En fonction de la nature du marché (son ampleur, son coût, sa complexité, etc.), le pouvoir adjudicateur peut recourir à de tels critères ou à d'autres lui apparaissant comme nécessaires afin de présumer raisonnablement que les prestations attendues seront effectivement fournies; il jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation, mais doit éviter de restreindre inutilement ou de manière disproportionnée la concurrence (cf. Message type AIMP, p. 67; POLTIER, op. cit., no 547; TRÜEB/CLAUSEN, in: Oesch/Weber/Zäch [édit.], Wettbewerbsrecht II - Kommentar, 2e éd. 2021, nos 7 s. ad art. 27 LMP; RAMONA WYSS, in: Hans Rudolf Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, nos 9 et 12 ad art. 27 LMP/AIMP). Sur le principe, il lui est uniquement interdit d'exiger des soumissionnaires qu'ils aient déjà obtenu un ou plusieurs marchés publics d'un adjudicateur suisse (cf. art. 27 al. 4 LMP/AIMP 2019). Il va en revanche de soi que l'autorité adjudicatrice peut conditionner l'admissibilité d'une offre au fait que son soumissionnaire jouisse déjà d'une certaine expérience dans l'exécution de prestations similaires à celles à adjuger (envergure, complexité, etc.; cf. TRIAS - Guide pour les marchés publics, § 5.2, www.trias.swiss, consulté le 13 janvier 2025; pour un exemple récent, arrêt 2C_222/2023 du 19 janvier 2024 consid. 1.5). Le Tribunal fédéral l'a d'ailleurs spécifiquement rappelé dans son arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 - évoqué précédemment (cf. supra consid. 5) - annulant une réglementation tessinoise qui interdisait par principe tout recours au travail temporaire lors de marchés publics en raison de sa non-conformité à l'ALCP. Il a souligné que le législateur cantonal conservait la faculté de permettre aux autorités adjudicatrices d'exiger au cas par cas - notamment lorsque cela était nécessaire pour garantir un travail de qualité - que les soumissionnaires réalisent certains marchés publics en recourant exclusivement à des cadres employés de longue date et disposant d'une solide expérience dans le domaine concerné, voire à une majorité de travailleurs déjà sous contrat avec l'entreprise, et non recrutés spécifiquement à cette fin (cf. arrêt 2C_661/2019 précité consid. 5.2).  
 
6.6.5. Sur le principe, le droit suisse des marchés publics permet enfin aux soumissionnaires de satisfaire aux critères d'aptitude en s'organisant en communauté (consortium) ou en ayant recours à la sous-traitance. Selon les art. 31 al. 1 LMP/AIMP 2019, le pouvoir adjudicateur peut certes limiter ou exclure de telles facultés en mentionnant expressément ce choix dans l'appel d'offres ou dans les documents d'appel d'offres. Une telle décision, susceptible de limiter la concurrence et d'empêcher des petites et moyennes entreprises à participer à des appels d'offres, ne doit cependant pas être prise sans nécessité, mais reposer sur de justes motifs en rapport avec la réalisation du marchés (p. ex. afin de garantir la bonne réalisation du marché ou d'éviter des coûts de transaction inutiles; Message type AIMP. p. 73; aussi POLTIER, op. cit., n. 554; aussi BEAT JOSS, in: Hans Rudolf Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 27 ss ad art. 31 LMP/AIMP).  
 
6.7. En l'occurrence, la première des deux dispositions cantonales attaquées par les recourantes - soit l'art. 9 al. 1 LCMP/NE - prévoit qu'une autorité adjudicatrice peut limiter ou exclure non seulement le recours à la sous-traitance en le spécifiant dans son appel d'offres, comme le reconnaît déjà l'art. 31 AIMP 2019, mais également le recours à la location de personnel. Or, en mettant ainsi sur un pied d'égalité la sous-traitance et la location de personnel, le droit cantonal neuchâtelois envisage une mesure à titre de critère d'aptitude qui n'est pas expressément prévue par l'AIMP 2019. Il faut toutefois admettre qu'il peut exister des situations dans lesquelles une autorité adjudicatrice peut a priori se prévaloir d'une certaine nécessité de limiter, voire d'exclure le recours à la location de personnel en vue de la réalisation d'un marché public. Tel pourrait être le cas lorsque la réalisation d'un ouvrage ou d'une prestation de service suppose une grande expérience et/ou un savoir-faire important des personnes censées y participer, compte tenu, notamment, de la spécificité du travail à effectuer (haute technicité, dangerosité, confidentialité, etc.) ou d'exigences de qualité de travail particulières se justifiant au regard de la prestation attendue (p. ex. rénovation d'un bien historique). Dans ce genre d'hypothèses en effet, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans son arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 (cf. supra consid. 6.6.4), il peut exister un intérêt public objectif à exiger du soumissionnaire qu'il s'engage à utiliser avant tout - si ce n'est uniquement - ses propres employés fixes, et non des travailleurs intérimaires, en considérant que les premiers, souvent employés de longue date, ont en principe fait leur preuve s'agissant de l'exécution de prestations similaires à celles du marché à adjuger.  
Sous cet angle, l'art. 9 al. 1 LCMP/NE peut être vu comme une norme cantonale qui ne fait que mettre en exergue un critère d'aptitude potentiellement admissible sous l'angle de l'art. 27 AIMP 2019. Il rappelle en fin de compte uniquement la faculté de tout pouvoir adjudicateur de limiter voire d'exclure, dans certaines circonstances, le recours à la location de personnel lorsqu'une telle mesure est objectivement nécessaire pour la réalisation d'un marché public, étant précisé qu'une telle mesure doit être, à l'instar d'une limitation de la sous-traitance (cf. supra consid. 6.6.5), dûment justifiée par l'autorité adjudicatrice, comme le relève le Grand Conseil lui-même dans ses écritures. Dans cette mesure, l'art. 9 al. 1 LCMP/NE peut être considérée comme une "disposition d'exécution" de droit cantonal valable sous l'angle de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019. 
 
6.8. Un tel raisonnement n'est en revanche pas transposable à la seconde disposition attaquée par les recourantes, soit l'art. 10 LCMP/NE, qui, comme on l'a vu, fixe une proportion maximale de travailleurs intérimaires pouvant être employée lors de la réalisation d'un marché de construction neuchâtelois, soit 2 travailleurs temporaires pour 1 à 3 employés fixes, 3 travailleurs temporaires pour 4 à 6 employés fixes, et ainsi de suite jusqu'à un maximum de 20 % de travailleurs intérimaires à partir de 21 employés fixes (cf. supra point B.).  
 
6.8.1. Le fait est que l'art. 10 LCMP/NE se distingue de l'art. 9 al. 1 LCMP/NE sur deux plans au moins. Il ne s'applique, d'une part, qu'aux marchés publics de construction et ne revêt, d'autre part, pas un caractère potestatif. Il contraint en effet les autorités adjudicatrices neuchâteloises à limiter systématiquement le recours au travail temporaire lors de leurs marchés de construction, sans leur laisser de marge de manoeuvre sur ce point. Cette obligation s'impose indépendamment des caractéristiques et de l'importance du marché à adjuger. De tels aspects influencent tout au plus le calcul du nombre maximal de travailleurs intérimaires autorisés à participer au chantier, lequel dépend du nombre d'employés fixes concrètement engagés pour réaliser celui-ci. Autrement dit, en adoptant l'art. 10 LCMP/NE, le législateur cantonal a entendu restreindre le recours à la location de personnel dans le cadre de marchés publics de construction par principe et quelles que soient les caractéristiques du marché en cause, soit même lorsque les prestations à effectuer ne nécessitent aucune expérience particulière chez les ouvriers appelés à les réaliser et qu'un soumissionnaire pourrait les exécuter à satisfaction en employant un grand nombre, voire une majorité d'employés intérimaires. Sous cet angle, il faut admettre que la limitation obligatoire du recours au travail temporaire prévue par l'art. 10 LCMP/NE ne se justifierait pas toujours - voire que rarement - par la nécessité de s'assurer de la capacité des soumissionnaires à exécuter les marchés de construction à adjuger.  
 
6.8.2. Le Grand Conseil, ne prétend pas le contraire dans ses écritures, et pour cause. Il ressort des travaux préparatoires de l'art. 10 LCMP/NE que le législateur cantonal n'a pas adopté cette disposition dans le but d'assurer la bonne exécution des marchés de construction. Non prévue dans le projet de loi préparé par le Conseil d'État, cette norme résulte d'une proposition initialement élaborée en commission parlementaire dans le but déclaré de favoriser les emplois à durée indéterminée lors de l'adjudication des marchés de l'État, ce afin de contrer l'effet de précarisation induit par le travail temporaire (cf. Propositions de la Commission parlementaire du 22 août 2023 relative au projet de décret portant adhésion à l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 15 novembre 2019 [AIMP] et au projet de loi sur les marchés publics [LCMP], p. 11). Cette position a ensuite été soutenue par la majorité du Grand Conseil, devant lequel il a été réaffirmé que l'art. 10 LCMP/NE permettrait de protéger les travailleuses et travailleurs et de limiter le recours à un nombre trop important d'employés intérimaires. Certains parlementaires ont alors souligné que ce phénomène devait être contenu parce qu'il engendrait un taux plus élevé d'infractions au droit du travail par rapport aux emplois dit "classiques", notamment en lien avec les horaires de travail et lors de fortes canicules, dans la mesure où les travailleurs temporaires étaient soumis à davantage de pression que les employés fixes. Il a également été relevé que le travail temporaire serait problématique dans son essence même, car il précariserait des catégories de travailleurs et travailleuses en Suisse en pesant sur leur santé et leur vie sociale, ce qui avait un coût pour l'État (Bulletins officiels des délibérations du Grand Conseil [neuchâtelois], Vingt-troisième session de la 51e législature, Séance du 5 septembre 2023, p. 25 et 40 s.).  
 
6.8.3. Sur le vu de ce qui précède, compte tenu de leur caractère inconditionnel et absolu, directement lié à leur objectif déclaré de lutte contre le travail intérimaire, les limites posées par l'art. 10 LCMP/NE à la location de personnel lors de marchés de construction ne peuvent pas être considérées comme des mesures servant objectivement à garantir la bonne exécution des marchés concernés. Sur cette base, il est impossible de retenir que la norme cantonale précitée ne ferait que concrétiser l'art. 27 AIMP 2019 en fixant un critère d'aptitude en matière de personnel admissible à l'aune de cette même disposition, comme c'est le cas de l'art. 9 al. 1 LCMP/NE, et, partant, de la considérer comme une "disposition d'exécution" de droit cantonal valable à l'aune de l'art. 63 al. 4 AIMP 2019.  
 
6.8.4. Le Grand Conseil neuchâtelois invoque à ce sujet en vain un courrier du Président et de la secrétaire de l'Autorité intercantonale pour les marchés publics reconnaissant sans aucun véritable développement la conformité de l'art. 10 LCMP/NE à l'AIMP 2019, ainsi qu'un arrêt de la Cour de justice genevoise du 16 février 2023 (ACST/3/2023) confirmant la conformité au droit d'une disposition cantonale genevoise similaire. Ces courrier et arrêt ne lient pas le Tribunal fédéral, le second ne tranchant, du reste, même pas la question de la validité d'une telle norme par rapport à l'AIMP 2019, auquel le canton de Genève n'a d'ailleurs toujours pas adhéré. De même le Grand Conseil se prévaut-il à tort de l'ATF 140 I 285 pour tenter de justifier la validité de l'art. 10 LCMP/NE. Il se méprend en l'occurrence sur sa portée. Dans cet arrêt, rendu sous l'empire de l'AIMP 1994, le Tribunal fédéral a certes reconnu la faculté du législateur cantonal de prévoir certains "critères" de nature environnementale ou sociale n'ayant pas forcément de lien direct avec le marché à adjuger (cf. arrêt précité consid. 7.1). Cette jurisprudence se référait toutefois exclusivement à des critères d'adjudication, et en aucun cas à d'éventuels critères d'aptitude, qui doivent toujours être en lien étroit avec la capacité d'une entreprise à réaliser le  
marché concerné, même lorsqu'ils pourraient être qualifiés d'"environnementaux" ou de "sociaux" (cf. arrêt précité consid. 5.1 et 7.2; pour le nouveau droit, cf. TRIAS - Guide pour les marchés publics, § 5.2, Fiche d'information - Développement durable dans les marchés publics, www.trias.swiss, consulté le 10 octobre 2024). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral n'a finalement fait que rappeler la faculté d'évaluer les offres recevables en considération de leurs valeurs sociale et/ou environnementale, pour autant que l'usage de tels critères d'adjudication soit expressément autorisé par la loi, à l'instar de ce que fait aujourd'hui l'art. 29 AIMP 2019 en admettant la prise en compte de critères comme le développement durable. Or, en l'espèce, l'art. 10 LCMP/NE n'est assurément pas conçue comme une norme appelée à régir la manière d'évaluer la qualité des offres sous un angle social - c'est-à-dire comme une règle fixant un critère d'adjudication obligatoire parmi d'autres - si bien que les considérations à la base de l'ATF 140 I 285 ne revêtent aucune pertinence pour la résolution du présent litige. 
 
6.9. Sur le vu de ce qui précède, il faut conclure que l'art. 10 LCMP/NE viole l'AIMP 2019 en limitant de manière systématique le recours à la location de services lors de la passation de marchés publics de construction. Il en va en revanche différemment de l'art. 9 al. 1 LCMP/NE, dès lors que l'on peut considérer que cette disposition concrétise l'art. 27 AIMP 2019 en rappelant la faculté pour tout adjudicateur de limiter - voire d'exclure - le recours à la location de personnel dans son appel d'offres lorsque l'emploi de travailleurs temporaires est objectivement susceptible de menacer la bonne exécution du marché à adjuger.  
 
7.  
Reste à vérifier si l'art. 9 al. 1 LCMP/NE résiste aux autres griefs des recourantes, étant précisé qu'un tel examen est inutile en ce qui concerne l'art. 10 LCMP/NE, dont la non-conformité à l'AIMP 2019 est de toute manière acquise, comme on vient de le voir. 
 
7.1. Les recourantes soutiennent qu'en permettant au pouvoir adjudicateur de limiter ou d'exclure le recours à la location de personnel dans ses appels d'offres, l'art. 9 al. 1 LCMP/NE violerait le principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst. D'après elles, la disposition cantonale contreviendrait en effet à la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) qui contiendrait une réglementation exhaustive en matière de protection des travailleurs intérimaires.  
 
7.1.1. Selon l'art. 3 Cst., les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération. Ils peuvent ainsi définir les tâches qu'ils accomplissent dans le cadre de leurs compétences (art. 43 Cst.). Le principe de la primauté du droit fédéral garanti à l'art. 49 al. 1 Cst. fait toutefois obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (cf. ATF 143 I 403 consid. 7.1; 133 I 110 consid. 4.1; 130 I 82 consid. 2.2 et les arrêts cités). L'existence ou l'absence d'une législation fédérale exhaustive constitue donc le premier critère pour déterminer s'il y a conflit avec une règle cantonale. Toutefois, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral (ATF 143 I 403 consid. 7.1; 138 I 435 consid. 3.1; 133 I 110 consid. 4.1). Le principe de la force dérogatoire n'est pas non plus violé dans la mesure où la loi cantonale vient renforcer l'efficacité de la réglementation fédérale (cf. ATF 133 I 110 consid. 4.1; 91 I 17 consid. 5). Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd la compétence d'adopter des dispositions complétives quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (cf. ATF 143 I 403 consid. 7.1; 143 I 109 consid. 4.2.2; 141 V 455 consid. 6.1; 140 I 218 consid. 5.1; 140 II 46 consid. 2.5.1; 139 I 242 consid. 3.2).  
 
7.1.2. En l'occurrence, comme on l'a déjà dit (cf. supra consid. 5), le Tribunal fédéral s'est récemment prononcé sur la possibilité pour un canton d'adopter des règles de droit visant à encadrer la location de personnel lors de la réalisation de marchés publics (cf. arrêt 2C_325/2023 du 24 mai 2024). Rappelant une ancienne jurisprudence, soit l'ATF 120 Ia 89, il a tout d'abord confirmé que la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services (LSE) contenait une réglementation complète et exhaustive en ce qui concerne, d'une part, les conditions dans lesquelles une entreprise peut exercer la location de services à titre commercial et, d'autre part, la protection des travailleurs intérimaires (cf. arrêt 2C_325/2023 précité consid. 6.3). Le Tribunal fédéral a cependant souligné que les cantons n'étaient pas pour autant empêchés d'adopter des dispositions ayant un impact sur l'activité de location de services en usant de leurs compétences en matière de marchés publics. En effet, conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus (cf. supra consid. 7.1.1), de telles normes peuvent être adoptées si elles poursuivent un autre but que celui recherché par la LSE et qu'elles n'en contredisent par ailleurs aucune norme (cf. arrêt 2C_325/2023 précité consid. 6.4). Or, tel était précisément le cas de la réglementation vaudoise attaquée qui prévoyait que " [t]out recours à la location de personnel par le soumissionnaire retenu ou ses sous-traitants doit être préalablement annoncé à l'adjudicateur pour contrôle et approbation ". Une telle disposition respectait la LSE, car elle n'interdisait pas tout recours au travail temporaire en lien avec des marchés publics vaudois, mais uniquement la collaboration avec des sociétés de location de personnel s'avérant ne pas être en règle en matière de conditions de travail. Elle ne visait en outre pas prioritairement la protection des travailleurs intérimaires, exhaustivement réglée par le droit fédéral, mais avant tout à éviter que des soumissionnaires ne puissent profiter d'un avantage concurrentiel indu en s'adressant à des bailleurs de services peu respectueux  
des conditions de travail applicables à leurs employés (cf. arrêt 2C_325/2023 précité consid. 6.5 à 6.7). 
 
7.1.3. Les considérations à la base de cet arrêt 2C_325/2023 du 24 mai 2024 peuvent être reprises mutatis mutandis pour juger de la conformité de l'art. 9 al. 1 LCMP/NE à la LSE. Comme on l'a vu, cette disposition, qui n'interdit pas par principe tout recours à la location de services dans le cadre de marchés publics neuchâtelois, doit être considérée comme une disposition concrétisant l'art. 27 AIMP 2019 en tant qu'elle rappelle au pouvoir adjudicateur sa faculté de limiter ou d'exclure le recours à la location de personnel dans son appel d'offres lorsqu'un tel procédé est susceptible de menacer la bonne exécution du marché à adjuger. Dans cette mesure, elle vise avant tout une utilisation efficiente des deniers publics et, plus précisément, l'obtention d'une prestation de qualité correspondant aux besoins de l'État, soit un autre but que la LSE, à laquelle elle apparaît dès lors conforme, quoi qu'en disent les recourantes.  
 
7.2. Les recourantes se plaignent également du fait que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE violerait le droit à la liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. et qu'elle constituerait en outre une mesure de politique économique contraire à l'art. 94 al. 1 et 4 Cst.  
 
7.2.1. Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique garantie à l'art. 27 Cst. protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 140 I 218 consid. 6.3 et les références). Par ailleurs, en vertu de l'art. 94 al. 1 Cst., la Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté économique. La Constitution fédérale reconnaît de cette manière que l'économie relève principalement de la société civile et que l'État doit lui-même respecter les éléments essentiels du mécanisme de la concurrence (ATF 143 I 403 consid. 5.2). Il est donc en principe interdit à la Confédération et aux cantons de prendre des mesures susceptibles d'empêcher la libre concurrence dans le but d'assurer ou de favoriser certaines branches économiques ou certaines formes d'activité économique, voire de diriger la vie économique selon un plan déterminé (ATF 143 I 403 consid. 5.2; 140 I 218 consid. 6.2). En vertu de l'art. 94 al. 4 Cst., de telles dérogations au principe de la liberté économique ne sont admises que si elles sont prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens des cantons (ATF 143 I 403 consid. 5.2 et les arrêts cités). En revanche, les mesures étatiques restreignant certes la liberté économique, mais poursuivant des motifs d'ordre public, de politique sociale ou ne servant simplement pas, en premier lieu, des intérêts économiques (par exemple, mesures d'aménagement du territoire ou de politique environnementale) sortent du champ de protection de l'art. 94 Cst. (ATF 143 I 403 consid. 5.2; cf. aussi ATF 142 I 162 consid. 3.3; 140 I 218 consid. 6.2 et 6.6.4). L'éventuelle atteinte qu'elles portent au droit individuel à la liberté économique garanti par l'art. 27 Cst. est examinée exclusivement à l'aune de l'art. 36 Cst. (cf. ATF 143 I 403 consid. 5.6; 140 I 218 consid. 6.5 à 6.7).  
 
7.2.2. En l'occurrence, comme déjà dit, l'art. 9 al. 1 LCMP/NE ne fait que concrétiser l'art. 27 AIMP 2019 en rappelant aux autorités adjudicatrices neuchâteloises leur faculté de limiter voire d'exclure le recours à la location de personnel dans le cadre de leurs appels d'offres lorsque cela est nécessaire pour assurer la bonne exécution d'un marché public. Cette disposition est ainsi conforme à l'art. 94 al. 1 et 4 Cst. dans la mesure où elle ne vise pas à avantager ou à défavoriser certaines branches économiques ou certaines formes d'activités économiques, mais à garantir une utilisation économique des deniers publics. La mesure envisagée, qui peut donc se fonder à la fois sur l'art. 9 al. 1 LCMP/NE et sur l'art. 27 AIMP 2019, limite en outre de manière proportionnée la liberté d'organisation des entreprises touchées; elle s'apparente, d'ailleurs, à d'autres mesures admises depuis longtemps en droit suisse des marchés publics, comme la limitation ou l'exclusion des communautés de soumissionnaires ou de la sous-traitance (cf. supra consid. 6.6.5). Elle respecte à ce titre chacune des conditions régissant la restriction de droits fondamentaux posées à l'art. 36 Cst. Le fait que certains adjudicateurs puissent être tentés d'appliquer la disposition litigieuse à des cas où un recours à la location de personnel ne menacerait pas la bonne exécution des prestations à adjuger, n'y change rien. En effet, comme déjà dit, le simple risque qu'une norme puisse être parfois appliquée en violation du principe de proportionnalité - voire du principe de la liberté économique - ne saurait justifier une intervention du juge au stade de son contrôle abstrait (cf. supra consid. 2.2), les intéressés conservant la possibilité de contester une telle pratique par le biais d'un recours concret.  
 
7.3. Les recourantes prétendent ensuite que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE serait contraire à la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02).  
 
7.3.1. Afin d'assurer un espace économique suisse unique comme le prévoit l'art. 95 al. 2 Cst., le législateur a adopté la loi sur le marché intérieur (LMI), laquelle garantit à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse l'accès libre et non discriminatoire au marché suisse (cf. art. 1 al. 1 LMI). Selon l'art. 3 LMI, d'éventuelles restrictions à cette liberté ne sont autorisées que si elles s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux, sont indispensables à la préservation d'intérêts publics prépondérants et répondent au principe de la proportionnalité (cf. al. 1). Elles ne doivent enfin pas constituer des barrières déguisées à l'accès au marché destinées à favoriser les intérêts économiques locaux (cf. al. 3). Il en découle logiquement que les prescriptions cantonales en matière de marchés publics ne doivent pas discriminer les personnes ayant leur siège ou leur établissement en Suisse en contravention des principes susmentionnés, ce que rappelle du reste expressément l'art. 5 al. 1, 2e phrase, LMI. Le législateur fédéral a toutefois précisé que les dispositions de la LMI sont présumées être respectées lorsque l'adjudication d'un marché ou l'octroi d'une concession de monopole se fondent sur l'AIMP 2019 (cf. art. 5 al. 1, 3e phrase, LMI). Il a ce faisant posé la présomption légale réfragable selon laquelle une adjudication fondée sur l'AIMP 2019, qui correspond largement à la LMP, est en principe conforme à la LMI (cf. Message LMP, FF 2017 1695 ss, spéc. p. 1723 et 1836 s.).  
 
7.3.2. En l'occurrence, comme déjà dit, l'art. 9 al. 1 LCMP/NE ne fait rien d'autre que concrétiser l'art. 27 AIMP 2019, qu'il respecte dans son principe. Il y a dès lors lieu de présumer que cette disposition est conforme à la LMI, à l'instar de la convention intercantonale qu'elle met en oeuvre, conformément à ce que prévoit l'art. 5 al. 1, 3e phrase, LMI. On ne perçoit pour le reste pas en quoi une telle présomption devrait être renversée en l'espèce. Les restrictions en matière de recours au travail temporaire que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE envisage et qui sont censées garantir la bonne réalisation de certains marchés publics particuliers sont appelées à s'appliquer indifféremment à tous les soumissionnaires, qu'ils soient locaux ou externes au canton; elles doivent par ailleurs être considérées comme proportionnées (cf. supra consid. 7.2.2). Elles ne constituent en ce sens pas des barrières déguisées à l'accès au marché destinées à favoriser les intérêts économiques locaux. Il importe à cet égard peu que certains députés neuchâtelois se soient félicités que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE puisse également servir à protéger les entreprises locales n'ayant que peu recours au travail temporaire par rapport à d'autres sociétés externes employant un grand nombre de travailleurs intérimaires (Bulletins officiels des délibérations du Grand Conseil [neuchâtelois], Vingt-troisième session de la 51e législature, Séance du 5 septembre 2023, p. 40). Comme déjà dit, le simple risque que cette disposition soit susceptible d'être détournée de son but premier et appliquée dans certains cas à des fins protectionnistes ne justifie pas une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (cf. supra consid. 2.2).  
 
7.4. Les recourantes affirment enfin que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE violerait différentes conventions internationales. Elles invoquent à cet égard un non-respect de quatre traités internationaux: l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce (RS 0.632.20), l'Accord révisé sur les marchés publics (AMP révisé), l'Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.172.052.68) et, enfin, de l'ALCP, soit l'accord, entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681).  
 
7.4.1. La Cour de céans relève d'emblée que l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), dont les recourantes invoquent la violation, ne s'applique pas à la problématique des marchés publics (cf. art. XII par. 1 de l'accord précité). Les États membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont réglé cette problématique par le biais d'un accord spécifique, à savoir l'AMP, récemment révisé. Or, on ne voit pas que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE, qui ne fait que concrétiser l'art. 27 AIMP 2019, serait contraire à ce dernier accord international, que le nouveau droit intercantonal tend précisément à mettre en oeuvre (cf. supra consid. 6.2), étant rappelé qu'il autorise la Suisse à fixer des critères d'aptitudes permettant de garantir que les soumissionnaires potentiels disposent des compétences et capacités indispensables en vue de la réalisation des marchés à adjuger (cf. art. VIII par. 1 AMP révisé; aussi supra consid. 6.6.3).  
 
7.4.2. La Cour de céans ne voit enfin pas non plus en quoi l'art. 9 al. 1 LCMP/NE violerait les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l'Union européenne invoqués par les recourantes. En permettant aux pouvoirs adjudicateurs neuchâtelois d'interdire ou de limiter le recours à la location de personnel dans leurs appels d'offres lorsque cela est objectivement nécessaire pour la réalisation de leurs marchés, cette disposition envisage en effet une mesure proportionnée, qui poursuit un but légitime, et qui n'aboutit de ce fait à aucune discrimination directe ou indirecte des entreprises ou des travailleurs européens proscrite par l'ALCP (cf. art. 2, ainsi qu'art. 9 par. 1 de l'annexe I ALCP) de même que par l'Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (cf. art. 6 par. 2 de ce traité). La présente cause n'est nullement comparable à celle à la base de l'arrêt 2C_661/2019 du 17 mars 2021 - cité par les recourantes - où le Tribunal fédéral a jugé qu'une réglementation n'autorisant qu'à titre très exceptionnel la location de services pour l'exécution de marchés publics violait l'ALCP. Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a d'ailleurs précisément relevé qu'un législateur cantonal pouvait, sans violer cet accord international, permettre aux adjudicateurs de limiter au cas par cas le recours au travail temporaire lors de l'adjudication de marchés publics, si une telle restriction reposait sur des motifs d'intérêt général légitimes, comme la nécessité objective de garantir la bonne exécution d'un marché public par des travailleurs expérimentés (cf. arrêt 2C_661/2019 précité consid. 5.2), ce qui est le cas en l'espèce (cf. supra consid. 6).  
 
7.5. Il s'ensuit que l'art. 9 al. 1 LCMP/NE respecte tant le droit fédéral que le droit international, quoi qu'en disent les recourantes.  
 
8.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours, en partie fondé, doit être partiellement admis, en ce sens que l'art. 10 LCMP/NE doit être annulé en raison de sa non-conformité à l'AIMP 2019. Il doit en revanche être rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il conclut à l'annulation de l'art. 9 LCMP/NE, qui est pour sa part conforme au droit supérieur. 
 
9.  
Succombant partiellement, les recourantes supportent une partie des frais de justice à parts égales et solidairement, au contraire de la République et canton de Neuchâtel qui, certes, succombe également partiellement, mais qui a agi dans le cadre de ses attributions officielles (art. 66 al. 1, 4 et 5 LTF). Le canton doit en revanche verser une indemnité de partie réduite aux recourantes, qui en sont créancières solidaires (art. 68 al. 1 LTF). Il n'a pour sa part pas droit à une telle indemnité (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis, en ce sens que l'art. 10 LCMP/NE est annulé. Le recours est pour le reste rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Une partie des frais judiciaires, fixée à 2'000 fr., est mise à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
La République et canton de Neuchâtel versera une indemnité de partie réduite d'un montant de 3'000 fr. aux recourantes, créancières solidaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel et au Secrétariat d'Etat à l'économie SECO. 
 
 
Lausanne, le 30 janvier 2025 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat