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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5D_213/2017  
 
 
Arrêt du 30 avril 2018  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, 
Herrmann et Bovey. 
Greffier : M. Braconi. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Mes Thierry F. Ador et 
Christian Jouby, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Herbert Pfortmüller, avocat, 
intimée, 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour 
de justice du canton de Genève du 21 septembre 2017 (C/7048/2016 ACJC/1206/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 1er juin 2015, B._______, dont le siège est à Dublin (Irlande), a saisi la Justice de paix du canton de Zurich d'une requête de conciliation à l'encontre de la société A.________ Sàrl, qui est inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le 22 mai 2000; elle a conclu au paiement de la somme de 2'280 fr. plus intérêts à 5% dès le 30 avril 2015. Convoquée à l'audience de conciliation du 20 juillet 2015, la défenderesse a, par courrier du 9 juin 2015, excipé de l'incompétence du juge et contesté le fondement de la demande; elle ne s'est pas présentée, ni fait représenter, à cette audience.  
 
A.b. Le 21 juillet 2015, le Juge de paix de Zurich (arrondissements 6 et 10) a rendu une "  proposition de jugement ", aux termes de laquelle la défenderesse est condamnée à verser à la demanderesse la somme de 1'700 fr., l'action étant rejetée pour le surplus (  ch. 1); cette décision mentionne que, faute d'avoir été contestée par écrit dans les 20 jours dès sa réception, cette proposition de jugement est considérée comme acceptée et a les effets d'un jugement passé en force (  ch. 4). Notifiée aux parties par pli recommandé le 22 juillet 2015, elle est définitive et exécutoire depuis le 12 août 2015.  
 
B.   
Le 1er mars 2016, la demanderesse a fait notifier à la défenderesse un commandement de payer les sommes de 1'700 fr. plus intérêts à 5% dès le 12 août 2015 (  n° 1) et 250 fr. sans intérêts (  n° 2), invoquant la proposition de jugement précitée (  poursuite  n° xx xxxxxx x de l'Office des poursuites de Genève). Cet acte a été frappé d'opposition.  
Statuant le 23 mai 2017, le Tribunal de première instance de Genève a levé définitivement, à concurrence du poste n° 1 du commandement de payer n° xx xxxxxx x, l'opposition de la poursuivie. 
Par arrêt du 21 septembre 2017, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours de la poursuivie. 
 
C.   
Par mémoire mis à la poste le 2 novembre 2017, la poursuivie exerce un recours constitutionnel subsidiaire; elle demande au Tribunal fédéral de constater l'obligation pour l'autorité précédente d'examiner la validité du titre de mainlevée définitive invoqué par la poursuivante (ch. 2), de constater la nullité de la proposition de jugement (ch. 4) et de rejeter la requête de mainlevée définitive (ch. 6). 
Invitées à répondre, l'autorité cantonale se réfère aux considérants de son arrêt, alors que la poursuivante propose le rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le prononcé de mainlevée - provisoire ou définitif - de l'opposition est sujet au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 134 III 520 consid. 1.1), pour autant, en particulier, que la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. soit atteinte (art. 74 al.1 let. b LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.3). Cette condition n'est clairement pas réalisée dans le cas présent, et la recourante ne prétend pas que la cause soulèverait une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF; ATF 139 III 209 consid. 1.1). Seul le recours constitutionnel subsidiaire, au sens des art. 113 ss LTF, est ainsi ouvert en l'espèce.  
 
1.2. Pour le surplus, le recours constitutionnel subsidiaire a été formé dans le délai légal (art. 100 al. 1 et 117 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 et 117 LTF) prise par un tribunal supérieur ayant statué sur recours (art. 75 et 114 LTF); la recourante, qui a succombé devant la juridiction précédente, possède un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 LTF).  
 
1.3. Vu l'issue du recours, il n'y a pas lieu d'examiner si les conclusions constatatoires de la recourante sont admissibles (art. 42 al. 1 LTF; sur les conditions: AUBRY GIRARDIN,  in : Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 17 ad art. 42 LTF, avec les arrêts cités). De toute façon, comme les magistrats précédents se sont déclarés - à tort - incompétents pour connaître du moyen pris de la nullité du titre de mainlevée, le Tribunal fédéral ne saurait trancher lui-même cette question (  cf. ATF 140 III 234 consid. 3.2.3;  cfinfra, consid. 2.2).  
 
2.  
 
2.1. Après avoir constaté que le Juge de paix du canton de Zurich avait rendu une proposition de jugement valant titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP, l'autorité cantonale a retenu qu'il n'appartenait pas au juge de la mainlevée d'examiner si le magistrat zurichois était ou non compétent pour émettre une proposition de jugement. Ce motif aurait dû être soulevé dans l'opposition à la proposition de jugement; or, il n'est pas allégué, ni rendu vraisemblable, qu'une telle opposition aurait été déposée dans le délai de 20 jours dès la notification de cette décision. Par conséquent, celle-ci est devenue définitive et exécutoire le 12 août 2015, car il ne suffisait pas à la poursuivie de faire parvenir un simple courrier au juge de paix pour contester sa compétence. Au demeurant, elle n'a pas fait valoir qu'elle n'aurait pas été régulièrement citée à comparaître à l'audience de conciliation, ni que la proposition de jugement ne lui aurait pas été notifiée. La cour cantonale a considéré que, pour les mêmes motifs, il ne lui appartenait pas d'entrer en matière sur le chef de conclusions tendant à la constatation de la nullité de la proposition de jugement.  
 
2.2. Comme le plaide avec raison la recourante, la décision entreprise est entachée d'un déni de justice, aussi bien matériel (art. 9 Cst.) que formel (art. 29 al. 1 Cst.).  
Un jugement passé en force est revêtu de l'autorité de la chose jugée même s'il repose sur un fondement juridique erroné (  cf. ATF 115 II 187 consid. 3b); en revanche, tel n'est pas le cas d'un jugement nul, qui ne sortit aucun effet juridique (ATF 129 I 361 consid. 2.3). La nullité d'un jugement ne peut être retenue qu'à titre exceptionnel, lorsqu'il souffre de vices particulièrement graves et pour autant que la sécurité du droit ne soit pas sérieusement compromise. De pareils motifs résident dans l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité ou la violation grossière de règles de procédure (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1 et les arrêts cités). S'il est vrai que la théorie de la nullité n'implique pas que n'importe quelle autorité soit compétente pour constater ce vice, au mépris des règles qui gouvernent sa saisine (arrêt 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.2,  in SJ 2017 I 275 et les références), il est unanimement admis que la nullité du jugement peut être objectée à l'occasion de la procédure d'exécution (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 129 I 361 consid. 2; arrêt 4A_224/2017 du 27 juin 2017 consid. 2.4 et les références), spécialement au stade de la procédure de mainlevée définitive de l'opposition (ATF 133 II 366 consid. 3.1; 129 I 361 consid. 2.3; parmi plusieurs: arrêts 5A_45/2007 du 6 décembre 2007 consid. 2; 5A_356/2009 du 4 août 2009 consid. 3; 5A_622/2009 du 21 décembre 2009 consid. 2.1; pour la doctrine: STÉPHANE ABBET,  in La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 10 ad art. 80 LP, avec d'autres références). L'absence d'opposition à l'encontre de la "  proposition de jugement " ne fait pas obstacle, en l'occurrence, à la recevabilité de ce moyen (  cf. ATF 129 I 361 consid. 2.3, qui réserve l'abus de droit).  
En l'espèce, dans son recours cantonal, la recourante s'est prévalue de la  nullité du titre de mainlevéeen raison de l'incompétence territoriale, ainsi que de l'incompétence matérielle et fonctionnelle, du juge de paix zurichois; en substance, elle a fait valoir qu'il n'existait aucun point de rattachement avec les juridictions zurichoises, compte tenu des sièges respectifs des parties, et que le litige au fond n'était pas soumis à la conciliation préalable et relevait de la compétence du seul Tribunal de commerce à teneur du droit cantonal (§ 44 let. a GOG/ZH [RS 211.1], en relation avec l'art. 5 al. 1 let. a CPC [litige portant sur des droits de propriété intellectuelle]). Vu les principes exposés précédemment, un tel moyen était recevable devant le juge de la mainlevée. En refusant de s'en saisir, la cour cantonale a méconnu un principe juridique clair et incontesté (  cf. sur la définition de l'arbitraire [art. 9 Cst.]: ATF 141 III 564 consid. 4.1), commettant du même coup un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.; AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II, 1967, n° 1797;  cf. sur cette notion: ATF 135 I 6 consid. 2.1).  
 
3.   
En conclusion, le recours doit être partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et l'affaire renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau (art. 107 al. 2 LTF). Les frais et dépens de l'instance fédérale incombent à l'intimée (art. 66 al. 1; art. 68 al. 1 et 2 LTFcf. ATF 141 V 281 consid. 11.1 et la jurisprudence citée).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'affaire est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.   
Une indemnité de 1'500 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 30 avril 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : von Werdt 
 
Le Greffier : Braconi