Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_213/2023
Arrêt du 30 avril 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________ et B.________,
tous les deux représentés par
M e Markus Hertel, avocat,
contre
Service des contributions de la République et canton de Neuchâtel (SCCO), rue du Docteur-Coullery 5, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Neuchâtel, période fiscale 2020 (déduction du revenu déterminant; prime d'assurance-maladie),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 13 février 2023 (CDP.2022.62-FISC/yr).
Faits :
A.
Les époux B.________ et A.________ (ci-après: les contribuables) sont domiciliés dans le canton de Neuchâtel où ils sont assujettis de manière illimitée à l'impôt sur le revenu et sur la fortune. Pour la période fiscale 2020, les contribuables ont déclaré un revenu net imposable de 67'723 fr. Ils ont notamment fait valoir un montant de 6'400 fr. comme déduction au titre de primes de l'assurance-maladie.
Le 2 décembre 2021, le Service des contributions de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Service cantonal) a fixé à 67'700 fr. le revenu imposable et taxé les époux sur le revenu et sur la fortune pour l'année 2020 à hauteur de 8'930 fr. 65 au titre de l'impôt cantonal et communal (ICC). Les contribuables ont formé une réclamation contre la décision de taxation, en requérant que le revenu imposable soit fixé à 51'700 fr. en fonction d'une déduction de la totalité des primes de l'assurance-maladie (à savoir "environ CHF 16'000"). Par décision sur réclamation du 9 février 2022, le Service cantonal a maintenu sa décision du 2 décembre 2021; il a refusé d'accorder aux époux B.________ et A.________ une déduction supérieure à 6'400 fr. pour les primes de l'assurance-maladie.
B. Par arrêt du 13 février 2023, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, a rejeté le recours des contribuables qui demandaient à ce que leur revenu net imposable soit fixé à 56'700 fr. (en fonction de primes pour l'assurance-maladie obligatoire de 11'000 fr.).
C.
Les contribuables interjettent un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Ils concluent à son annulation et à ce que leur revenu imposable pour l'année 2020 soit arrêté à 56'700 fr.
Le Service cantonal conclut au rejet du recours en tant qu'il se réfère entièrement à l'arrêt cantonal. L'Administration fédérale des contributions a conclu au rejet du recours. Les contribuables ont encore présenté des écritures les 11 avril et 3 juin 2023.
Considérant en droit :
1.
La voie du recours en matière de droit public est ouverte ( art. 82 let. a, 86 al. 1 let . d et al. 2, 90 LTF), la cause ne tombant sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF (cf. également l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Le recours a par ailleurs été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF) par les recourants qui ont qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours, en précisant toutefois que les griefs présentés postérieurement à l'échéance du recours (art. 100 al. 1 LTF), les 11 avril et 3 juin 2023, et qui complètent la motivation du recours (sans lien avec les réponses des autres parties [cf. arrêt 9C_108/2023 du 19 juin 2023 consid. 3 et les références]), ne sont pas admissibles.
2.
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. Cependant, lorsque les dispositions de la loi sur l'harmonisation fiscale laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal est limité à l'arbitraire (ATF 143 II 459 consid. 2.1; 134 II 207 consid. 2), dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues tout comme les griefs de violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3).
3.
Le litige porte sur la déduction des primes de l'assurance-maladie aux fins de l'imposition sur le revenu en matière d'ICC pour la période fiscale 2020. En substance, il convient de déterminer si les recourants peuvent déduire l'intégralité des primes de l'assurance-maladie effectivement payées pour la période fiscale litigieuse, qu'ils invoquent à hauteur de 11'000 fr.
4.
La juridiction cantonale a considéré que la déduction des primes de l'assurance-maladie du revenu imposable sous forme de forfaits, telle que prévue par l'art. 36 al. 1 let. g de la loi du 21 mars 2000 sur les contributions directes du canton de Neuchâtel (LCdir; RS/NE 631.0), était conforme à l'art 9 al. 2 let. g LHID et aux principes constitutionnels découlant de l'art. 127 Cst., dont celui de l'égalité de traitement (cf. art. 8 Cst. et art. 8 Constitution cantonale du 24 septembre 2000 (Cst. NE; RS/NE 101). En substance, elle a considéré que selon la jurisprudence rendue notamment en matière de primes d'assurances pour les rentes viagères, les cantons disposaient d'une compétence résiduelle limitée en matière de déductibilité desdites primes, dans la mesure où ils devaient fixer des montants déductibles plafonnés. En outre, les premiers juges ont rappelé que le Tribunal fédéral avait admis qu'en matière de déduction des primes de l'assurance-maladie au sens de l'art. 9 LHID - primes qui n'étaient ni liées, ni proportionnelles au revenu et dont la déduction était fondée sur des raisons extra-fiscales (déduction anorganique) - une égalité absolue n'était pas réalisable et que l'application d'un certain schématisme ainsi que l'adaptation de la charge fiscale en fonction de catégories de contribuables et de la situation personnelle de chacun d'eux étaient justifiées sans que cela n'entraînât une inégalité de traitement ou une violation du principe de la capacité contributive.
5.
L es recourants font valoir que les forfaits permettant une déduction partielle des primes de l'assurance-maladie obligatoire - prévus par l'art. 36 al. 1 let. g LCdir - seraient contraire aux principes constitutionnels de l'égalité de traitement et de la capacité contributive. Ils reprochent en substance à la juridiction cantonale d'appliquer de manière arbitraire la jurisprudence relative à la déductibilité des primes de l'assurance pour les rentes viagères - déduction également prévue par l'art. 9 al. 2 let. g LHID -, qui découleraient d'un contrat de droit privé alors que celles de l'assurance-maladie seraient obligatoires. En outre, ils soutiennent que la jurisprudence relative à la capacité contributive, sous l'angle du droit cantonal, retiendrait qu'il suffit qu'une règle fiscale aboutisse à une charge plus lourde ou à une inégalité systématique envers certaines catégories de contribuables, pour que la violation de la capacité économique soit admise. Tel serait notamment le cas des primes de l'assurance-maladie, qui affecteraient systématiquement de manière plus conséquente les personnes avec des revenus plus modestes, comme les familles et les rentiers. Les recourants font encore valoir que les forfaits prévus par la législation cantonale seraient contraires à l'art. 36 Cst. (art. 33 Cst. NE), dès lors que ces dernières années le Conseil fédéral aurait rejeté des propositions parlementaires - allant dans le sens d'une augmentation des forfaits déductibles des primes de l'assurance-maladie - uniquement pour des raisons budgétaires.
6.
6.1. Selon l'art. 36 al. 1 let. g LCdir, sont notamment déduites du revenu les primes d'assurance-maladie jusqu'à concurrence d'un montant global de 4'900 francs pour les contribuables mariés vivant en ménage commun et d'un montant de 2'500 francs pour les autres contribuables; ces montants sont augmentés de 25 % pour les contribuables qui ne versent pas de montant dans une institution de prévoyance professionnelle ou individuelle liée (let. e et f). Cette disposition reprend dans sa substance le texte de l'art. 9 al. 2 let. g LHID, selon lequel les déductions générales sont notamment les versements, cotisations et primes d'assurances-maladie jusqu'à concurrence d'un montant déterminé par le droit cantonal et selon lequel ce montant peut revêtir la forme d'un forfait. Il en résulte que les cantons sont tenus de limiter eux-mêmes les déductions générales prévues par l'art. 9 al. 2 let. g LHID. À cet égard, la loi non seulement autorise mais bien plus oblige les cantons à limiter le montant de ces déductions (arrêt 2C_162/2010 du 21 juillet 2010 consid. 6.2). Le texte légal prévoit en effet la déduction "jusqu'à concurrence d'un montant déterminé par le droit cantonal". Cette disposition ne donne aucune précision sur le montant que les cantons doivent fixer dans leur législation (arrêts 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 3.2.1; 2C_162/2010 du 21 juillet 2010 consid. 6.2).
6.2. L'art. 33 al. 1 let. g de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD; RS 642.11) prévoit une déductibilité très partielle notamment des primes d'assurance-maladie. Le principe de cohérence veut que, dans un souci d'harmonisation verticale, le droit cantonal soit interprété de la même manière que le droit fédéral, étant précisé qu'il n'existe aucune différence significative entre l'art. 33 al. 1 let. g LIFD et l'art. 9 al. 2 let. g LHID (arrêt 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 3.2.3). Une telle interprétation restrictive de la déductibilité des primes d'assurance-maladie s'inscrit dans le cadre de la LHID. Il s'agit en effet de déductions générales ou anorganiques, non liées à l'acquisition du revenu mais à la détermination de la capacité contributive subjective. Les déductions anorganiques sont accordées en général pour des motifs extra-fiscaux, jusqu'à un montant déterminé, les dépenses pour lesquelles elles sont admises constituant une utilisation du revenu (arrêt 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 3.2.3 et les références). Ces déductions sociales ont pour but d'adapter - de manière schématique - la charge d'impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l'imposition selon la capacité économique de l'art. 127 al. 2 Cst. Ce sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur fédéral a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement (ATF 141 II 338 consid. 4.5; 133 II 305 consid. 5.1 et 5.3). La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l'art. 127 Cst. S'il n'est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n'aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l'égard de certaines catégories de contribuables. À cela s'ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées et qu'il existe un risque de créer de nouvelles inégalités (ATF 141 II 338 consid. 4.5; 133 II 305 consid. 5.1).
7.
Il convient d'écarter d'emblée l'argument des recourants relatif aux interventions parlementaires et aux réponses fournies par le Conseil fédéral. En effet, celles-ci constituent des échanges sur une potentielle nouvelle législation qui n'est d'aucune pertinence, dès lors que seul le droit positif (en vigueur) est déterminant. On ne peut ainsi pas déduire des réponses du Conseil fédéral, rejetant les interventions parlementaires citées par les recourants (par exemple la motion Grin 12.3297 Modification de la loi sur l'impôt fédéral direct. Déduction réelle des primes d'assurance-maladie) pour des raisons budgétaires, que la déduction forfaitaire prévue par la législation cantonale constituerait une restriction au sens de l'art. 36 Cst. (art. 33 Cst. NE). S'agissant de l'application de la jurisprudence relative à la déduction des primes de la rente viagère, le Tribunal fédéral a déjà constaté qu'elle pouvait aussi s'appliquer à la déduction des primes d'assurance-maladie, de sorte que l'argumentation des recourants tombe à faux sur ce point également (cf. arrêt 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 3.2.3). Enfin, s'agissant de la prétendue violation des principes de l'égalité de traitement et de la capacité contributive en ce sens que les personnes avec un revenu modeste seraient systématiquement plus lourdement touchées que les personnes avec un revenu aisé, les recourants ne peuvent pas non plus être suivis. En effet, comme l'a déjà rappelé plusieurs fois le Tribunal fédéral, les déductions anorganiques, telles que les primes de l'assurance-maladie prévues par l'art. 36 al. 1 let. g LCdir, doivent être limitées dans leur montant en raison de l'art. 9 al. 2 let. g LHID et le système des forfaits ne viole pas le principe de la capacité économique, ni celui de l'égalité de traitement (cf. consid. 6.2 supra). Dès lors que les recourants se limitent à affirmer qu'il existerait une inégalité de traitement entre la charge fiscale des personnes avec un revenu modeste - tels que les familles et les rentiers - et celle des personnes avec un revenu plus confortable, ils ne démontrent pas en quoi il y aurait effectivement et concrètement dans leur situation une violation des principes de l'égalité de traitement de la capacité contributive ancrés à l'art. 127 al. 2 Cst. Ils ne font pas valoir non plus d'éléments nouveaux qui justifieraient de s'écarter de la jurisprudence relative à l'art. 9 LHID en relation avec la déduction des primes de l'assurance-maladie.
8.
Compte tenu de ce qui précède, les griefs invoqués sont manifestement mal fondés et le recours doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF. Les recourants, qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 30 avril 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller