Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_482/2013, 6B_483/2013  
   
   
 
 
 
Arrêt du 30 juillet 2013  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffière: Mme Livet. 
 
Participants à la procédure 
6B_482/2013  
A.X.________, représentée par Me Corinne Nerfin, avocate, 
recourante, 
 
et  
 
6B_483/2013  
B.X.________, représenté par Me Damien Bonvallat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1.  Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,  
2. Y.________, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (calomnie, etc.), 
 
recours contre les arrêts de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 16 avril 2013. 
 
 
Faits:  
 
A.  
Par ordonnance du 8 février 2013, le Ministère public genevois a refusé d'entrer en matière sur les plaintes déposées par A.X.________ et B.X.________ contre Y.________ pour calomnie, diffamation et injure. 
 
B.  
Par arrêts du 16 avril 2013, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté les recours formés par A.X.________ et B.X.________. 
 
En bref, il ressort les éléments suivants de ces arrêts. 
 
A.X.________ est la mère de B.X.________. Ce dernier est séparé de son épouse, C.X.________, avec laquelle il a eu trois enfants dont il a la garde. C.X.________ entretient une relation amoureuse avec Y.________. Ce dernier a, depuis janvier 2013, publié différents messages à plusieurs reprises sur son mur Facebook. Ceux-ci ont la teneur suivante : 
 
« On peut avilir quelqu'un, on peut battre quelqu'un, on peut priver quelqu'un de ce qui lui est le plus cher, on peut dresser les autres contre quelqu'un, mais on ne peut jamais rendre quelqu'un malheureux si une seule personne est avec pour lui procurer du bonheur, surtout si cette personne, loin de ne regarder que la surface de son être, l'envisage dans sa globalité avec tout ce qui est bon en elle et croyez-moi il y en a du bon » 
 
« Il existe des sortes d' "animaux" qui sont capables de considérer leur compagne comme un objet à posséder, qui les isolent du monde pour les garder rien qu'à eux, qui peuvent passer outre au refus, qui sont capables de leur taper dessus, de leur faire des enfants et de ne pas les aimer. 
 
Et quand ces victimes arrivent enfin, après de nombreuses années de souffrance à se libérer, les sauvages en questions [sic] ne veulent que les détruire définitivement pour ne pas avoir à reconnaître leur lâcheté. 
 
Et pire que tout, ces primitifs ont des génitrices qui arrivent encore à approuver ce qui a été fait et à se retourner contre la victime de leur progéniture. 
 
Je pense sincèrement que des êtres pareils ne méritent pas leur humanité. 
 
J'espère que ceux que je vise se reconnaîtront et que peut-être il [sic] réfléchiront à ce qu'ils ont fait et désireront sincèrement redevenir des hommes dignes de ce nom » 
 
Y.________ a ajouté « Faites suivre, peut-être quelqu'un se reconnaîtra ». 
 
Il a indiqué en réponse à des réactions d'internautes : « A moi rien, je suis furax contre tous les mecs incapables de comprendre le mot égalité quand il concerne les hommes et les femmes ». 
 
Quelques jours plus tard, il a encore publié le message suivant accompagné de son deuxième texte : « Encore une fois, ce texte, qui s'adresse en fait à tous ceux qui se sentiront concernés, et malheureusement, ces dernières années j'en ai croisé une bonne vingtaine. 
 
Il est effrayant de constater le nombre de femmes subissant le joug ou la violence dans le cadre d'une relation qui a pourtant démarré sentimentalement. 
 
Sentimentalement tu parles, en fait tout ce que veulent ces monstres c'est dominer quelqu'un sans même se soucier de ce que la femme peut vouloir, sans même imaginer un instant que la femme puisse ne pas être d'accord avec la vie qu'on lui fait vivre, et ces abjects individus sont persuadés que parce qu'ils ont plus de force physique, ils sont dans leurs droits. 
 
Donc je remets mon coup de gueule, et je le remettrais [sic] aussi souvent que je le voudrais [sic], et je remercie par avance tous ceux qui seront capables de le commenter, en bien ou en mal, mais il faut qu'il y ait des réactions ». 
 
C.  
A.X.________ et B.X.________ forment chacun un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ces arrêts. Ils concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des décisions entreprises et au renvoi de la cause au ministère public pour qu'il ouvre une instruction pénale à la suite de leur plainte respective. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
Les deux recours concernent deux décisions distinctes mais de contenu identique qui ont trait au même complexe de faits. Les arguments développés par les recourants sont les mêmes et leurs conclusions identiques. Il y a lieu de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF). 
 
2.  
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO
 
Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, il n'est pas nécessaire que la partie plaignante ait déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 248). En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé à moins que, compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée, on puisse déduire directement et sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF 137 IV 219 consid. 2.4 p. 222 et les arrêts cités). Cette exigence vaut particulièrement lorsque la partie plaignante, invoquant une atteinte au droit de la personnalité au sens de l'art. 28 CC, prétend obtenir une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO. Cette disposition prévoit que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704 et les arrêts cités). L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose en effet que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (cf. ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29; arrêts 1B_363/2012 du 4 juin 2013 consid. 1.2.1; 1B_119/2011 du 20 avril 2011 consid. 1.2.2 et les arrêts cités). La jurisprudence précise à cet égard qu'il faut se placer d'un point de vue objectif et non raisonner en fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé (arrêt 1B_119/2011 du 20 avril 2011 consid. 1.2.3 et les références citées). 
 
En substance, les recourants font valoir qu'ils auraient vécu les publications litigieuses comme une agression insupportable et injuste et auraient souffert de voir de telles assertions se répéter et leur être reportées par famille et amis. Selon eux, la gravité des propos est établie puisqu'il est question de nier la qualité d'être humain aux recourants et d'avoir une conduite contraire à l'honneur. Les recourants entendraient élever des prétentions civiles fondées sur la violation de leurs droits de la personnalité dans le cadre de la procédure pénale. 
 
Le point de savoir si le préjudice moral que les recourants prétendent avoir subi présenterait une importance suffisante pour justifier une indemnisation et partant pour fonder leur qualité pour recourir, peut souffrir de rester indécis. Il en va de même du point de savoir si la jurisprudence rendue sous l'égide de l'ancienne PPF, qui n'exigeait pas forcément la prise de conclusions civiles en matière de délit contre l'honneur, est applicable sous l'égide de la LTF, ce d'autant plus que les recourants n'ont pas indiqué qu'ils entendaient obtenir un constat selon l'art. 173 ch. 5 CP (cf. ATF 121 IV 76 consid. 1c p. 80). En effet, supposés recevables, les recours devraient de toute façon être rejetés au fond pour les motifs ci-dessous. 
 
3.  
Invoquant une violation de l'art. 310 CPP et du principe in dubio pro duriore, les recourants soutiennent que le ministère public aurait dû entrer en matière sur leur plainte respective. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement sur la base des faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - à savoir arbitraire (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). Le grief d'arbitraire doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant doit exposer, de manière détaillée et pièces à l'appui, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable (cf. ATF 133 IV 286).  
 
Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits « internes », qui, en tant que faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156), lient la Cour de droit pénal (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis de façon arbitraire (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156). 
 
3.2. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Il peut faire de même en cas d'empêchement de procéder (let. b) ou en application de l'art. 8 CPP (let. c). Le ministère public doit ainsi être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 et les références citées).  
 
Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 s.). 
 
3.3. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne, ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.  
 
La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses et que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations. 
Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (art. 177 al. 1 CP). Alors que la diffamation et la calomnie nécessitent que l'auteur s'adresse à un tiers, l'injure peut s'adresser soit à un tiers, soit à l'intéressé directement. 
 
Selon la jurisprudence, les délits contre l'honneur supposent que l'offense soit dirigée contre une personne déterminée ou déterminable. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit désignée nommément. Elle doit être reconnaissable soit identifiable (ATF 124 IV 262 consid. 2a p. 266 s.; 117 IV 27 consid. 2c p. 28 s.; 100 IV 43 consid. 2 p. 45 ss). 
 
3.4. En substance, la cour cantonale a retenu que les publications visées ne mentionnaient à aucun moment le nom des recourants et ne comportaient aucune indication permettant de les identifier. Les termes utilisés par l'auteur, en tant qu'ils visaient notamment les « sauvages », « animaux », « primitifs », « génitrices », « êtres pareils »,« monstres » et « abjects individus », étaient beaucoup trop généraux pour admettre qu'ils concernaient les recourants personnellement. Les réactions des internautes étaient tout aussi générales et aucune d'elles ne mentionnait les recourants, de sorte qu'ils ne pouvaient être suivis lorsqu'ils prétendaient que les utilisateurs de Facebook les avaient clairement identifiés. Le fait que les recourants se soient personnellement sentis visés par l'auteur ne suffisait pas à les rendre clairement reconnaissables par des tiers.  
 
3.5. Les recourants soutiennent que les circonstances permettraient à leurs proches de les identifier sans la moindre hésitation. Ils n'exposent toutefois pas en quoi ces circonstances consisteraient et elles ne ressortent pas de l'état de fait, dont les recourants ne prétendent, ni ne démontrent qu'il les omettrait arbitrairement. Contrairement à ce qu'affirment les recourants, on ne voit pas en quoi le fait que les messages parlent d'un homme qui a une compagne, avec laquelle il a eu des enfants et qui s'est libérée après des années de souffrance, homme qui la prive de ce qu'elle a de plus cher et dont la mère approuve le comportement et se retourne contre la compagne permettrait d'identifier les recourants. En effet, les termes utilisés sont trop génériques - et peuvent désigner n'importe quel couple rencontrant des difficultés liées à leur séparation - et les détails trop peu nombreux pour rendre les recourants reconnaissables, même pour leurs proches. En l'absence d'éléments permettant d'identifier les recourants, c'est à bon droit que la cour cantonale a refusé d'entrer en matière sur les infractions de diffamation et de calomnie.  
 
S'agissant de l'infraction d'injure, il ne suffit pas que les recourants se soient sentis visés par les textes pour que l'infraction soit envisageable, encore faut-il que l'intimé s'adresse bien à eux. A cet égard, si certes l'intimé admet qu'il parle de personnes précises en indiquant « j'espère que ceux que je vise se reconnaîtront », il ressort également des messages qu'à la question d'un internaute de savoir ce qui lui arrive, il répond qu'à lui rien, mais qu'il est « furax contre tous les mecs incapables de comprendre le mot égalité quand il concerne les hommes et les femmes ». Il ajoute qu' « encore une fois, ce texte, qui s'adresse en fait à tous ceux qui se sentiront concernés, et malheureusement, ces dernières années j'en ai croisé une bonne  vingtaine ». On ne peut en déduire que l'intimé parle de personnes précises, encore moins des recourants en particulier. A tout le moins, il n'était pas manifestement insoutenable de retenir, sur la base de ces éléments, que le recourant ne visait pas les recourants, élément qui relève du contenu de la pensée, à savoir des faits. Par conséquent, sur la base du fait que l'intimé ne visait pas les recourants spécifiquement, la cour cantonale pouvait, sans violation du droit fédéral, refuser d'entrer en matière également sur l'infraction d'injure.  
 
4.  
Les recours doivent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables. Les recourants, qui succombent, supportent les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au ministère public (art. 68 al. 3 LTF), ni à l'intimé qui n'a pas été invité à procéder (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.  
Les causes 6B_482/2013 et 6B_483/2013 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 30 juillet 2013 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
La Greffière: Livet