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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_578/2020  
 
 
Arrêt du 30 novembre 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Nicola Meier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 3 novembre 2020 
(ACPR/781/2020 - P/14310/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public de la République et canton de Genève (ministère public) instruit une enquête pénale contre A.________, né en 1983, ressortissant albanais et naturalisé suisse en 2019, pour: faux dans les titres (art. 251 CP), escroquerie (art. 146 CP), incitation au séjour illégal (art. 116 al. 3 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration [LEI; RS 142.20]), comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 LEI) et infractions à la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-veillesse et survivants (LAVS; RS 831.10; art. 87, subsidiairement 88 LAVS). 
Il lui est notamment reproché d'avoir, à Genève, à titre professionnel et durant de nombreuses années, mais en tout cas entre 2017 et 2019, facilité le séjour d'étrangers sans titre de séjour, en particulier en remettant à très large échelle de faux documents à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) dans le cadre de l'opération PAPYRUS; d'avoir faussement déclaré auprès de l'Office cantonal des assurances sociales (OCAS) plusieurs dizaines d'employés; d'avoir, le 14 octobre 2019, astucieusement induit en erreur la SUVA en annonçant faussement une incapacité de travail découlant d'un accident, percevant de la sorte, de manière indue, une indemnité mensuelle de 5'700 fr. jusqu'au 13 janvier 2020. Il est également mis en cause pour avoir, le 9 juillet 2012, contracté un mariage alors qu'il ne formait pas une véritable union conjugale avec son épouse et d'avoir versé à cette dernière pendant sa durée une somme mensuelle de 800 fr. jusqu'au prononcé du divorce le 27 novembre 2019, à la suite de l'obtention de sa naturalisation. 
 
B.   
A.________ a été placé en détention provisoire le 16 janvier 2020, laquelle a été prolongée la dernière fois au 13 décembre 2020. 
Le 20 octobre 2020, le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (Tmc) a donné suite à sa demande de mise en liberté, moyennant diverses mesures de substitution. 
Le même jour, le ministère public a recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève; la Direction de la procédure a prononcé le maintien en détention provisoire de A.________, jusqu'à droit jugé sur le recours formé par le ministère public, lequel a été admis par arrêt du 3 novembre 2020. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt et conclut à sa mise en liberté immédiate, au besoin, sous les mesures de substitutions suivantes: 
 
-       dépôt de l'intégralité de ses documents d'identité en mains du ministère public; 
-       interdiction de quitter le territoire suisse; 
-       obligation de se présenter à toute convocation du ministère public       et/ou de toute autre autorité judiciaire suisse; 
-       dépôt d'une caution d'un montant de 50'000 fr.; 
-       interdiction de prendre contact avec toutes personnes listées au              sein du procès-verbal d'audience du 8 octobre 2020; 
-       interdiction de prendre contact avec toutes personnes pour lesquelles il serait intervenu dans le cadre de l'obtention d'un document en       lien avec la LEI; 
-       interdiction d'exercer toute activité en lien avec l'obtention d'un do-       cument soumis à la LEI. 
Subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt sans formuler d'observations. Le ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Le recourant estime les observations du ministère public irrecevables - car postérieures à la décision querellée - et sans pertinence. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert et le recourant dispose d'un intérêt juridique à la réforme de la décision attaquée qui confirme son maintien en détention provisoire (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits sur la base des art. 95 et 97 al. 1 LTF
 
2.1. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156). Il appartient à la partie recourante de démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503).  
 
2.2. Dans la section de son mémoire intitulée "Faits essentiels", le recourant ne cherche pas à démontrer que les faits auraient été établis arbitrairement par l'instance précédente et ne formule ainsi aucun grief recevable.  
Le recourant discute ensuite d'un passage de l'arrêt entrepris qui retient que le "Ministère public a chargé la police d'enquêter sur près de 90 personnes supplémentaires" et qu'il "n'est pas possible en l'état des investigations de déterminer les personnes que le prévenu serait interdit de contacter". Selon lui, cette constatation serait manifestement inexacte, dès lors qu'aucun "mandat d'actes d'enquête" ni aucune des écritures du ministère public en lien avec sa demande de mise en liberté ne ferait référence à ces "90 personnes supplémentaires". 
Selon les constatations de la décision entreprise, la police "n'a pas encore rendu les rapports portant sur l'analyse du matériel informatique saisi, des requêtes faites par diverses entreprises du prévenu, ou pour lesquelles il avait agi, et celles individuelles concernant 90 personnes à l'OCAS, des dossiers PAPYRUS de 76 personnes demandés à l'OCPM et de la documentation bancaire des comptes du prévenu reçue de l'UBS et Postfinance" (cf. arrêt attaqué p. 4 let. B/f). Au vu de ces éléments, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir retenu que l'enquête portait encore sur près de 90 personnes supplémentaires. L'explication du recourant selon laquelle il s'agirait d'une confusion avec le nombre de dossiers déjà analysés par la police judiciaire n'est guère convaincante et n'est d'ailleurs étayée par aucun élément pertinent. L'état de fait tel que retenu par l'arrêt entrepris n'apparaissant pas manifestement inexact ou incomplet d'une manière insoutenable, il n'y a ainsi pas lieu de le rectifier. 
 
3.   
Le recourant nie ensuite le risque de collusion retenu pour faire échec à sa libération provisoire, respectivement fait valoir que ce risque pourrait être réduit par diverses mesures de substitution. Il fait valoir une violation des art. 5 CEDH, 10 al. 2 et 36 Cst., 221 et 237 al. 1 CPP. 
 
3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve.  
Selon la jurisprudence, il peut notamment y avoir collusion lorsque le prévenu tente d'influencer les déclarations que pourraient faire des témoins, des personnes appelées à donner des renseignements, des experts et/ou des co-prévenus, ainsi que lorsque le prévenu essaye de faire disparaître des traces ou des moyens de preuve. En tant que motif de détention avant jugement, le danger de collusion vise à empêcher le prévenu de mettre en danger la recherche de la vérité (ATF 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; arrêt 1B_339/2019 du 26 juillet 2019 consid. 3.1). 
Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manoeuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s.; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 s. et les références citées; plus récemment arrêt 1B_383/2020 du 13 août 2020 consid. 4.1). 
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que l'interdiction de contact des personnes déjà entendues ordonnée par le Tmc apparaissait sans grande portée, et celle visant les bénéficiaires de la procédure PAPYRUS trop limitée; en effet, les infractions concernaient également de fausses affiliations auprès de l'OCAS, des mariages blancs et des faux documents destinés à l'obtention d'avantages divers tels que l'attribution d'appartements; l'argumentation du recourant selon laquelle il avait, en substance, reconnu les faits et que sa situation ne serait ainsi pas différente avec un ou deux cas supplémentaires, était loin de correspondre à la situation que la cour cantonale constatait en l'état. Cette autorité a ainsi relevé que le ministère public avait chargé la police d'enquêter sur près de 90 personnes supplémentaires et qu'il n'était pas possible en l'état des investigations de déterminer les personnes avec lesquelles il serait interdit au recourant de prendre contact; en outre, vu le nombre potentiel de ses clients, il était illusoire de penser que le contrôle serait efficace; il ne le serait, en toute hypothèse, qu'a posteriori. Ajoutant que les infractions reprochées portaient atteinte à l'Etat, à son modèle, à son économie et à sa crédibilité, l'autorité précédente a constaté que le recourant était détenu depuis janvier 2020 et que le ministère public instruisait à un rythme soutenu, ce qui n'était pas contesté; l'intéressé était soupçonné d'avoir développé un "business model" à grande échelle sur plusieurs années, dont la rentabilité vraisemblable n'était pas encore détaillée dans la procédure, faisant bénéficier des personnes en situation irrégulière, donc vulnérables à la pression sous quelque forme que ce soit. La cour cantonale en a conclu que le risque de collusion apparaissait, à ce stade de la procédure, beaucoup trop important au regard des besoins de l'instruction, et que le recourant avait déjà concrètement mis en danger le bon déroulement de l'enquête en faisant disparaître des documents peu avant son arrestation.  
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucune argumentation susceptible de le remettre en cause. 
Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que les aveux - mis en avant par l'intéressé - ne suffisent pas en soi à exclure tout risque de collusion, car il n'est pas impossible par ce biais de protéger d'autres personnes et/ou de tenter d'éviter des actes d'instruction complémentaires pouvant révéler d'autres infractions. Il incombe d'ailleurs aux autorités de vérifier la crédibilité des aveux (cf. art. 160 CPP); elles doivent ainsi notamment continuer à interroger le prévenu et/ou administrer d'autres moyens de preuve, afin en particulier de prévenir le risque de faux aveux ou d'aveux partiels (arrêts 1B_488/2018 du 5 novembre 2018 consid. 2.4; 1B_416/2018 du 3 octobre 2018 consid. 2.3). 
Le recourant soutient qu'il n'y aurait aucun élément concret permettant de craindre qu'il exerce une quelconque pression sur les personnes entendues et à entendre, qu'il n'aurait aucun intérêt à exercer de telles pressions sur "d'autres clients non identifiés" puisqu'il aurait reconnu le principe même de l'infraction, que "tout" serait "en mains des autorités", respectivement que, hormis quelques potentiels clients supplémentaires, qui n'auraient aucune incidence sur le fond, les enquêteurs auraient déjà fait le tour des dossiers. Ces éléments ne suffisent toutefois pas à rendre inexistant le risque de collusion. En effet, par son exposé, le recourant confirme l'existence d'un risque de collusion en cas de libération, puisqu'il pourrait être tenté de contacter ces "autres clients non identifiés", sans que l'on en connaisse le nombre, afin de faire correspondre leur version à la sienne. A ce stade de l'enquête et vu les actes d'instruction en cours, on ne saurait écarter le risque que le recourant ne mette sa liberté à profit pour tenter d'influencer ou d'intimider les personnes susceptibles d'être encore entendues, ce d'autant si ces dernières sont en situation irrégulière ou risquent de perdre leur autorisation de séjour et sont donc vulnérables à la pression quelle qu'elle soit. L'allégation du recourant selon laquelle aucun élément concret ne permettrait de craindre une telle pression n'est pas de nature à faire cesser tout risque de collusion, ce d'autant qu'il semblerait qu'il a déjà mis en danger le bon déroulement de l'enquête en faisant disparaître des documents peu avant son arrestation. Quant à son argument selon lequel il lui serait de toute façon impossible d'entraver l'instruction dès lors que les enquêteurs auraient tous les documents, respectivement les ordinateurs saisis et que les "autres dossiers" seraient en mains des autorités administratives genevoises, il n'est pas non plus pertinent; ce sont en effet surtout les auditions des personnes qui n'ont pas encore été entendues, respectivement identifiées qui sont ici visées. 
Au regard de ces considérations, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer l'existence d'un risque de collusion. Il n'y a dès lors pas à s'interroger sur le risque de fuite, respectivement sur le danger de réitération, qui ne sont au demeurant pas remis en cause par le recourant. 
 
3.3. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.  
A cet égard et en lien avec le risque spécifique de collusion, le recourant propose des mesures d'interdiction de contact avec toutes les personnes énumérées sur le procès-verbal d'audience du 8 octobre 2020 ainsi qu'avec toutes personnes pour lesquelles il serait intervenu dans le cadre de l'obtention d'un document en lien avec la LEI, qui pourraient être étendues "à toutes personnes bénéficiaires de ses conseils". Ces mesures sont toutefois insuffisantes au regard de la nature du risque de collusion constaté. Une interdiction de contact paraît en effet particulièrement difficile à contrôler, compte tenu du nombre de personnes potentiellement concernées et dès lors que - de l'aveu même du recourant - tous ses clients n'ont pas encore pu être identifiés; elle ne permet ainsi pas, en l'état, de pallier le risque d'atteinte à la recherche de la vérité. Par ailleurs, il n'y a pas seulement un risque de collusion par rapport aux personnes "bénéficiaires de ses conseils", mais aussi par rapport à d'autres personnes tels que d'éventuels complices. 
Quant aux autres mesures de substitution proposées, elles tendent avant tout à éviter un danger de fuite. Elles n'empêchent en revanche pas le recourant de contacter les personnes concernées. On ne voit au demeurant pas quelle autre mesure de substitution serait propre à éviter le risque de collusion retenu. 
Par conséquent, la cour cantonale pouvait retenir, sans violer le droit fédéral, qu'aucune mesure n'était propre à réduire le risque de collusion existant. 
Enfin, du point de vue temporel, au vu de la gravité des infractions pour lesquelles le recourant a été mis en prévention et de la durée de la détention provisoire déjà subie, le principe de la proportionnalité est encore respecté. 
 
3.4. Au regard de ces considérations, l'autorité précédente pouvait, à juste titre, confirmer le maintien du recourant en détention provisoire.  
 
4.   
Le recours doit par conséquent être rejeté. 
Le recourant qui succombe supporte les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 30 novembre 2020 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Nasel