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[AZA 0] 
5C.239/1999 
 
IIe COUR CIVILE 
************************** 
 
31 janvier 2000 
 
Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et Mme Nordmann, juges. 
Greffier: M. Abrecht. 
 
_________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
 
Dame D.________, défenderesse et recourante, représentée par Me Monique Stoller Füllemann, avocate à Genève, 
 
et 
 
D.________ (GE), demandeur et intimé, représenté par Me Mike 
Hornung, avocat à Genève; 
 
(modification d'un jugement de divorce) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les f a i t s suivants: 
 
A.- Le 14 avril 1994, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé le divorce des époux D.________, né en 1952, et dame D.________, née en 1945. Le mariage datait de 1993 mais le couple vivait depuis plusieurs années en cohabitation, dont était issu un enfant, Javier, le 1er juin 1984. 
 
L'autorité parentale et la garde sur Javier ont été attribuées à la mère. Les parties avaient convenu que le père contribuerait à l'entretien de l'enfant par le versement d'un montant mensuel indexable de 400 fr. jusqu'à 12 ans, de 500 fr. de 12 à 16 ans et de 600 fr. de 16 à 20 ans. 
 
D.________ percevait alors un traitement mensuel net de 3'718 fr. sur douze mois; son loyer lui coûtait 1'045 fr. par mois, et il avait à sa charge une fille de 17 ans issue d'un premier mariage. 
 
B.- En 1995, D.________ a épousé en troisièmes noces dame A.________. Celle-ci, déjà mère d'un enfant né d'un précédent lit le 14 août 1987, lui a donné une fille, Alejandra, le 29 août 1997. 
 
Le 2 février 1998, D.________ a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande dirigée contre son ex-épouse et tendant à ce que sa contribution à l'entretien de Javier soit réduite à 150 fr. par mois sans indexation. Dame D.________ s'est opposée à la demande, que le Tribunal de première instance a rejetée par jugement du 11 mars 1999. 
 
C.- Statuant le 8 septembre 1999 sur appel du demandeur, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réduit la contribution du demandeur à l'entretien de Javier à 350 fr. par mois depuis le 2 février 1998, puis à 150 fr. par mois depuis le 1er octobre 1998. 
 
D.- Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, la défenderesse conclut, avec suite de dépens tant sur le plan cantonal que fédéral, à ce que cet arrêt soit réformé dans le sens du déboutement du demandeur. Elle sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
Le demandeur conclut avec dépens au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. Il demande par ailleurs lui aussi le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent d'après les conclusions du demandeur une valeur, calculée conformément à l'art. 36 al. 4 OJ, d'au moins 8'000 fr.; le recours est donc recevable sous l'angle de l'art. 46 OJ. Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance par le tribunal suprême du canton de Genève, il est également recevable au regard des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ. 
 
2.- La contribution à l'entretien de l'enfant que doit fournir, en cas de divorce, celui des parents qui n'a ni l'autorité parentale, ni la garde (art. 156 al. 2, 276 al. 2 et 277 CC) peut être réduite en vertu de l'art. 157 CC. La modification du jugement de divorce sur ce point n'est toutefois possible que si des faits nouveaux importants commandent une réglementation différente, et le changement de situation doit être durable; cette procédure n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles survenant chez les parents ou chez l'enfant (ATF 120 II 177 consid. 3a; cf. ATF 111 II 313 consid. 4; 109 II 375 consid. 4c; 100 II 76 consid. 1 p. 78; 95 II 385 consid. 
4). 
 
3.- S'agissant de la situation financière du demandeur, la cour cantonale a retenu en substance les faits suivants: De février à septembre 1998, le demandeur a réalisé un revenu net de 4'114 fr. par mois. D'octobre à décembre 1998, il a touché d'une assurance entre 3'600 fr. et 3'720 fr. nets par mois. Il n'a donné aucune explication en ce qui concerne ses revenus en 1999. Son logement lui coûte 1'441 fr. par mois, parking compris, et les primes d'assurance-maladie pour lui-même et sa famille 538 fr. 10 par mois. Il n'a plus à sa charge sa fille issue de son premier mariage. Sa nouvelle épouse n'exerce pas d'activité lucrative à l'heure actuelle (arrêt attaqué, p. 3). 
 
Exposant que les charges mensuelles incompressibles du demandeur - comprenant le logement (1'441 fr.), les primes d'assurance-maladie pour lui-même et sa famille (538 fr. 10) et le minimum vital selon les normes OP (1'820 fr.), soit 3'799 fr. 10 au total - étaient "à peu près équivalentes à ce qu'il touche actuellement", l'autorité cantonale a considéré qu'il convenait de revoir la contribution à l'entretien de Javier; "compte tenu des revenus du demandeur depuis février 1998", elle a fixé cette contribution à 350 fr. par mois de février à septembre 1998, puis à 150 fr. par mois (arrêt attaqué, p. 5). 
 
4.- a) La défenderesse fait grief à l'autorité cantonale d'avoir retenu un loyer mensuel de 1'441 fr. par mois dans les charges du demandeur, alors que celui-ci avait indiqué en comparution personnelle qu'il avait déposé une demande d'allocations au logement, à laquelle il n'avait pas encore obtenu de réponse. Dès lors, "en retenant sans même le demander un montant de loyer contesté", les juges cantonaux auraient violé l'art. 8 CC
 
b) Aux termes de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Cette disposition règle ainsi le fardeau de la preuve, qui a pour objet de déterminer quelle partie doit supporter les conséquences de l'échec ou de l'absence de preuve sur un fait déterminé (ATF 114 II 290 consid. 2a; 105 II 143 consid. 6a/aa; 86 II 311 consid. 3; 84 II 529 consid. 4). Le fardeau de la preuve est notamment violé lorsque le juge cantonal tient pour exacte l'allégation formulée par une partie mais contestée par l'autre et qui n'a pas reçu un commencement de preuve, car cela revient à libérer le plaideur de la preuve qui lui incombe (ATF 75 II 102 consid. 1 et les arrêts cités; 98 II 294 consid. 7; 105 II 143 consid. 6a/aa; 114 II 289 consid. 2a). En revanche, l'art. 8 CC ne dit pas au juge comment apprécier les preuves destinées à établir l'état de fait (ATF 115 II 484 consid. 2b; 114 II 289 consid. 2a et les arrêts cités). Lorsque l'appréciation des preuves administrées convainc le juge que le fait litigieux est établi, la répartition du fardeau de la preuve n'a plus d'objet (ATF 119 II 114 consid. 4c et les arrêts cités; 118 II 142 consid. 3a; 114 II 289 consid. 2a et les arrêts cités). 
 
c) En l'espèce, la défenderesse ne prétend pas que l'allégation du demandeur concernant le montant de son loyer, dont la cour cantonale a retenu qu'il s'élevait à 1'441 fr. par mois sur la base de pièces produites par le demandeur, n'a pas reçu un commencement de preuve. Elle soutient en fait que dans son appréciation des preuves portant sur le montant du loyer du demandeur, l'autorité cantonale aurait dû tenir compte de ce que celui-ci avait déposé une demande d'allocations au logement. Sous le couvert du grief d'inobservation de dispositions fédérales en matière de preuve (art. 43 al. 3 OJ), la défenderesse s'en prend ainsi en réalité à l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale, ce qui est inadmissible en instance de réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 104 II 68 consid. 3b; cf. ATF 119 II 84 et les arrêts cités). Au demeurant, l'allocation au logement apparaît, plutôt que comme un élément d'appréciation permettant de déterminer le montant du loyer du demandeur, comme un poste des revenus de celui-ci qu'il incombait en principe à la défenderesse d'établir. 
 
Dans sa réponse au recours en réforme, le demandeur indique bénéficier depuis le mois de mai 1999 d'une aide au logement de 400 fr. par mois, rétroagissant au mois de mars 1999. La cour de céans ne peut tenir compte de cet élément (art. 55 al. 1 let. c, 59 al. 3 et 63 al. 2 OJ). La cause devant être renvoyée pour d'autres motifs à l'autorité cantonale, il appartiendra le cas échéant à celle-ci de prendre en compte cet élément dans sa nouvelle décision. 
 
5.- a) La défenderesse reproche également aux juges cantonaux d'avoir violé l'art. 8 CC en retenant comme établis les revenus du demandeur alors que celui-ci n'a produit aucune pièce concernant les revenus qu'il a réalisés en 1999. La cour cantonale aurait ainsi tenu compte, pour fixer la contribution d'entretien due jusqu'aux vingt ans de Javier, soit jusqu'au 1er janvier [recte: 1er juin] 2004, d'indemnités journalières versées par une assurance perte de gain maladie qui, par définition, ne sont que temporaires, et sans savoir si le demandeur avait retrouvé sa capacité de travail. 
 
b) Force est de constater que la cour cantonale, en fixant la contribution du demandeur à l'entretien de Javier à 350 fr. par mois depuis le 2 février 1998, puis à 150 fr. par mois depuis le 1er octobre 1998, a retenu que le revenu du demandeur ne serait plus compris qu'entre 3'600 fr. et 3'720 fr. nets dès cette date (cf. consid. 2 supra). Or l'arrêt attaqué ne contient aucun élément permettant de conclure que la baisse des revenus du demandeur, constatée sur trois mois seulement, soit appelée à durer, ce qui constitue pourtant une condition nécessaire de la modification du jugement de divorce (cf. consid. 2 supra). Les allégations contenues à cet égard dans la réponse au recours en réforme ne peuvent être prises en considération par la cour de céans (art. 55 al. 1 let. c, 59 al. 3 et 63 al. 2 OJ). Il appartiendra à l'autorité cantonale, à laquelle la cause doit être renvoyée en application de l'art. 64 al. 1 OJ, de compléter le cas échéant sa décision sur ce point. 
 
6.- a) La défenderesse reproche enfin à la cour cantonale d'avoir méconnu que, si le remariage du demandeur et la naissance d'Alejandra constituent effectivement des faits nouveaux, ceux-ci ne justifient pas pour autant la modification du jugement de divorce. En effet, selon les propres déclarations du demandeur en comparution personnelle, sa nouvelle épouse a une formation de secrétaire médicale, profession qu'elle a exercée pendant 11 ans au Pérou; après une vaine démarche auprès de l'hôpital cantonal, elle a renoncé à chercher un emploi, étant tombée enceinte. Il serait dès lors raisonnable de considérer que l'épouse du demandeur possède une capacité de gain qu'elle se doit de faire valoir afin de ne pas préjudicier les intérêts de l'enfant né d'un précédent mariage de son mari. D'ailleurs, le Tribunal de première instance avait relevé dans son jugement que "la troisième épouse de D.________ est en bonne santé et apte à travailler, puisqu'elle n'a, par choix de vie, plus d'activité depuis la naissance d'Alejandra. Beaucoup d'autres mères, célibataires, divorcées ou mariées, mènent parallèlement à l'éducation d'enfants des activités à temps partiel ou à temps plein. D.________ ne peut imposer à la défenderesse, dont l'invalidité est définitive et permanente, le choix de vie de son couple". 
 
b) Chacun des conjoints doit contribuer selon ses facultés à l'entretien convenable de la famille (art. 163 al. 1 CC), y compris des enfants (art. 278 al. 1 CC). En outre, chaque époux est tenu d'aider son conjoint de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien envers les enfants nés avant le mariage (art. 278 al. 2 CC; cf. ATF 117 II 368 consid. 3e/aa et les arrêts cités); ce devoir d'assistance implique d'abord que le premier époux contribue davantage à l'entretien de la famille, afin de permettre au second d'affecter une plus grande part de son revenu à l'entretien de ses enfants nés avant le mariage (ATF 115 III 103 consid. 3b). 
 
c) En l'espèce, la cour cantonale s'est bornée à constater que la nouvelle épouse du demandeur "ne travaille pas à l'heure actuelle". Il n'est ainsi pas possible de déterminer, sur la base des constatations de l'arrêt attaqué, si - comme l'a retenu le premier juge - il peut raisonnablement être exigé de l'épouse du demandeur qu'elle contribue financièrement à l'entretien de sa famille, afin de permettre à son conjoint de continuer de verser les contributions fixées lors du divorce des parties pour l'entretien de l'enfant Javier. Il convient à cet égard de relever que ce dernier est d'autant plus dépendant desdites contributions que sa mère, selon les constatations de la cour cantonale, n'a pour tout revenu qu'une rente d'invalidité de 1'992 fr. par mois (arrêt attaqué, p. 3). De plus, tous les enfants d'un même père ont un droit égal au soutien de la part de leur géniteur (cf. ATF 120 II 285 consid. 3b/bb; 116 II 110 consid. 4a). 
Les affirmations faite dans la réponse au recours en réforme sur la capacité de gain de dame A.________ ne peuvent être prises en considération par la cour de céans (art. 55 al. 1 let. c, 59 al. 3 et 63 al. 2 OJ). Il appartiendra à l'autorité cantonale, à laquelle la cause doit être renvoyée en application de l'art. 64 al. 1 OJ, de compléter le cas échéant sa décision sur ce point. 
 
7.- Il résulte de ce qui précède que la cour de céans n'est pas en mesure de trancher le litige, faute des éléments de fait nécessaires sur la capacité de gain du demandeur (cf. consid. 5b supra) et sur celle de son épouse (cf. consid. 6b supra). Dès lors, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour complètement éventuel du dossier et nouvelle décision dans le sens des considérants (art. 64 al. 1 OJ). 
 
Quoique le demandeur succombe, on ne saurait considérer, vu l'issue du recours, que ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec; il convient dès lors d'accéder à sa requête d'assistance judiciaire, la condition du besoin étant manifestement remplie en l'espèce (art. 152 al. 1 OJ). Il en va de même pour la défenderesse, dont la requête d'assistance judiciaire doit également être admise. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie l'affaire à l'autorité cantonale pour complètement éventuel du dossier et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. Admet la requête d'assistance judiciaire de la défenderesse et lui désigne Me Monique Stoller Füllemann, avocate à Genève, comme conseil d'office pour la procédure fédérale. 
 
3. Admet la requête d'assistance judiciaire du demandeur et lui désigne Me Mike Hornung, avocat à Genève, comme conseil d'office pour la procédure fédérale. 
 
4. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la charge du demandeur, mais dit que cet émolument est provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Monique Stoller Füllemann et à Me Mike Hornung une indemnité de 800 fr. chacun à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
6. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
__________ 
 
Lausanne, le 31 janvier 2000 
ABR/frs 
Au nom de la IIe Cour civile 
duTRIBUNALFEDERALSUISSE : 
Le Président, 
 
Le Greffier,