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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.258/2005 /col 
 
Arrêt du 31 janvier 2006 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, 
 
contre 
 
Direction de la santé et des affaires sociales, 
Service de l'action sociale, case postale, 
1701 Fribourg, 
Tribunal administratif du canton de Fribourg, 
IIIe Cour administrative, 1762 Givisiez. 
 
Objet 
LAVI, indemnisation de la perte de gain, 
 
recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 23 août 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant turc au bénéfice du statut de réfugié, a été gravement blessé au cours d'une agression au couteau, le 17 décembre 1996. Par jugement du 18 novembre 1998, l'auteur de l'agression a été condamné par défaut, pour délit manqué de meurtre, à six ans de réclusion et au paiement de 200 fr. de frais de constitution d'avocat et de 25'000 fr. d'indemnité pour tort moral. 
Le 9 juillet 1998, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a alloué à A.________ une indemnité de 9720 fr. pour une atteinte à l'intégrité évaluée à 10%. Statuant le 20 avril 2001 sur opposition, elle a reconnu une diminution de 100% de la capacité de gain, et a alloué une indemnité au 1er mai 1997, calculée sur un gain annuel assuré de 25'680 fr. Considérant que le taux d'atteinte à l'intégrité était de 50%, elle a porté l'indemnité allouée de ce chef à 48'600 fr. 
Par décision du 28 novembre 2001, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (l'office AI) a alloué une indemnité totale, pour A.________, sa femme et ses trois enfants, de 2307 fr. par mois dès le 1er décembre 1997. Le taux d'invalidité était de 100% et le revenu annuel moyen déterminant de 60'894 fr. 
B. 
Le 22 janvier 2003, A.________ a adressé au Service de l'action sociale du canton de Fribourg, en tant qu'instance d'indemnisation LAVI (le service), une demande d'indemnité s'élevant à 335'822 fr. 70, soit la perte d'un salaire mensuel estimé à 4'700 fr. dans le domaine de la construction. 
Par décision du 4 mai 2004, le service a refusé d'allouer une indemnité pour perte de gain. De 1983 à 1989, puis en 1996, le requérant avait réalisé un revenu annuel moyen de 24'789 fr., et la CNA avait pour sa part retenu un montant de 25'680 fr., soit 2140 fr. par mois. Il avait perçu 7'431 fr.60 d'indemnités journalières du 17 décembre 1996 au 30 mars 1997, et 11'984 fr. de rente LAA de mai à novembre 1997; pour ces périodes, il avait subi une perte de gain de 1855 fr. 40, respectivement de 2996 fr., soit au total 4'851 fr. 40. En revanche, à partir de décembre 1997, les montants alloués par la CNA et l'assurance invalidité étaient de 2'146 fr., plus 1'015 fr. pour l'épouse et les enfants. En 2003, les sommes versées par les assurances sociales étaient de 3489 fr. par mois. La perte de gain était dès lors suffisamment couverte. Le dommage de 4851 fr. donnait lieu, selon la méthode de calcul prévue aux art. 13 LAVI et 3 OAVI, à une indemnité de 3866 fr.15. Le service a en outre exigé le remboursement de 15'480 fr. déjà versés le 25 mars 1999, correspondant à l'indemnité de 20'200 fr. allouée par le tribunal, moins 9720 fr. versés par la CNA: ce poste était déjà couvert par l'indemnité de 48'600 fr. finalement allouée par la CNA. Après compensation du montant de 3866 fr. 15, A.________ devait rembourser 11'613 fr. 85, et était invité à proposer un mode de paiement. 
C. 
Par arrêt du 23 août 2005, le Tribunal administratif fribourgeois a partiellement admis le recours formé par A.________. Les principes généraux des art. 63 CO autorisaient le remboursement de l'indemnité indûment versée. En l'espèce toutefois, un tel remboursement ne pouvait être exigé car il mettrait l'intéressé dans une situation difficile; en revanche, la restitution par compensation était admissible. Pour le surplus, la décision du service a été confirmée: le recourant estimait que son revenu probable sans l'agression aurait été de 5'390 fr. tel que retenu par l'office AI. Le système d'évaluation selon la LAA était plus proche de l'esprit de la LAVI que les règles de l'assurance-invalidité. Le revenu annuel moyen réalisé entre 1983 et 1996 était déterminant, rien ne permettant de supposer qu'un revenu plus important aurait été perçu dès 1997. Le calcul effectué par le service était par ailleurs correct. La conclusion tendant à l'indemnisation du préjudice ménager était nouvelle et, partant, irrecevable. 
D. 
A.________ forme un recours de droit administratif contre ce dernier arrêt. Il en demande l'annulation, ainsi que l'allocation d'une indemnité de 100'000 fr. pour perte de gain. 
Le Tribunal administratif et le Service de l'action sociale concluent au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice a renoncé à prendre position. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La démarche du recourant tend à l'obtention d'une indemnité pour perte de gain fondée sur la LAVI, et il n'est pas contesté que cette loi est applicable. En particulier, le recourant s'est vu reconnaître la qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Dirigé contre une décision (art. 5 PA) ne relevant pas des exceptions prévues aux art. 99 ss OJ (ATF 122 II 315 consid. 1 p. 317, 121 II 116 consid. 1 p. 117) et émanant de l'autorité cantonale de recours prévue à l'art. 17 LAVI, le recours de droit administratif est recevable (ATF 125 II 169 consid. 1 p. 171 et les arrêts cités). 
2. 
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu les principes applicables, selon le droit de la responsabilité civile, à la détermination du préjudice. Il y avait lieu de déterminer ses revenus futurs, sans se limiter au salaire perçu durant l'année ayant précédé l'accident (art. 22 al. 4 OLAA). De 1981 à 1989, le recourant a exercé une activité lucrative à plein temps dans le secteur de la construction, puis de la restauration. Depuis fin 1986 et jusqu'en 1989, il a travaillé au sein d'une entreprise, d'abord comme ouvrier puis comme chef d'équipe. Le recourant est retourné en Turquie en 1989, et est revenu en Suisse en 1995, où il a été admis comme réfugié. En 1996, il a travaillé comme traducteur à mi-temps, mais pour une durée déterminée et faute de trouver une emploi à plein temps. C'est donc sur la base d'un emploi à plein temps dans le domaine de la construction qu'il fallait déterminer le revenu probable, ainsi que l'avait fait l'office AI en retenant un revenu annuel de 64'689 fr. 
2.1 Aux termes des art. 2 al. 1 et 11 al. 1 LAVI, celui qui est victime d'une infraction pénale et subit, de ce fait, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, peut demander une indemnisation ou une réparation morale dans le canton où l'infraction a été commise. L'indemnité, qui n'excède en aucun cas 100'000 fr. (art. 13 al. 3 LAVI, art. 4 al. 1 de l'ordonnance du 18 novembre 1992 sur l'aide aux victimes d'infractions [OAVI; RS 312.51]), est fixée en fonction du montant du dommage subi et des revenus de la victime (art. 13 al. 1 LAVI). 
2.2 Lorsque le dommage à réparer consiste dans une perte de gain, l'instance d'indemnisation doit commencer par évaluer l'atteinte à l'avenir économique selon les principes de l'art. 46 CO. Il lui faut évaluer le gain que la victime aurait probablement réalisé sans l'atteinte à l'intégrité corporelle, puis évaluer la capacité de gain restante. Le taux de l'invalidité économique peut différer de celui de l'invalidité médicale; l'autorité peut s'inspirer des éléments retenus par l'assurance-accidents, mais elle n'est pas liée par eux (ATF 128 II 49 consid. 3.1 p. 52 et les références citées; arrêt 1A.252/2000 du 8 décembre 2000, consid. 2 et 3; Gomm/Stein/Zehnter, Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne 1995, n. 19 (exemple 4) ad art. 13, n. 29 et 30 ad art. 14 LAVI). 
2.3 Selon la jurisprudence relative à l'art. 46 al. 1 CO, le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Pour déterminer les conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail, il faut estimer le gain que le lésé aurait retiré de son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 129 III 135 consid. 2.2 p. 141; 116 II 295 consid. 3a/aa). Dans cette appréciation, la situation salariale concrète de la personne concernée avant l'événement dommageable doit servir de point de référence. Cela ne signifie toutefois pas que le juge doit se limiter à la constatation du revenu réalisé jusqu'alors; l'élément déterminant repose davantage sur ce qu'aurait gagné annuellement le lésé dans le futur (ATF 116 II 295 consid. 3a/aa p. 297). Encore faut-il que le juge dispose pour cela d'un minimum de données concrètes (ATF 129 III 139 consid. 2.2). Il incombe au demandeur de rendre vraisemblables les circonstances susceptibles d'influer sur l'appréciation de son revenu. Le juge se montrera très prudent s'agissant d'admettre de telles variations salariales, car il y a en général trop d'inconnues et d'impondérables pour permettre une estimation satisfaisante (ATF 129 III 139 consid. 2.2 p. 141 et les références). 
2.4 Ces principes s'imposent également à l'instance d'indemnisation LAVI. Celle-ci doit ainsi essayer de déterminer le revenu le plus vraisemblable, sur la base de tous les éléments dont elle dispose (arrêt 1A.169/2001 du 7 février 2002). L'instance judiciaire de recours est elle aussi tenue, en vertu du plein pouvoir d'examen prévu à l'art. 17 LAVI, de prendre en considération l'ensemble des preuves disponibles. 
2.5 La cour cantonale a considéré que le système de la LAA, qui prend en compte les conséquences directes de l'atteinte sur la capacité de gain de l'assuré, est plus proche de la LAVI que ne l'est celui de l'assurance-invalidité qui retient l'ensemble des causes diminuant l'aptitude au travail. Cela justifierait que l'on retienne, comme revenu probable, la somme arrêtée par la CNA, et non le montant fixé par l'office AI. Le recourant ne critique nullement ces considérations, qui n'apparaissent d'ailleurs pas contraires aux principes de la LAVI, dont le but n'est pas de compenser entièrement les conséquences dommageables de l'infraction (ATF 125 II 169 consid. 2b p. 173 ss). 
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le recourant, le service, puis le Tribunal administratif, ne se sont pas simplement fondés sur la détermination du revenu selon la LAA et sur le revenu perçu lors de la dernière activité du recourant, exercée à mi-temps avant l'agression: le service a ainsi calculé la moyenne des revenus obtenus durant la période où le recourant a travaillé en Suisse, à plein temps, de 1983 à 1996, soit un chiffre, de 24'789 fr., très proche de celui arrêté par la CNA, de 25'680 fr. C'est finalement le plus élevé de ces deux montants qui a été retenu. 
L'évaluation contestée repose ainsi sur des éléments concrets; elle tient compte des revenus effectivement perçus lors du premier séjour du recourant en Suisse, ainsi qu'en 1996, soit durant huit ans. Le recourant ne peut faire valoir aucune circonstance (par exemple au niveau de la formation) qui permettrait d'admettre une augmentation de sa capacité de gain. L'évaluation à laquelle il se livre est bien davantage fondée sur des conjectures que ne l'est celle des autorités intimées. Il n'y a donc aucune violation du droit fédéral sur ce point. 
3. 
Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté. Conformément à l'art. 16 al. 1 LAVI, il est renoncé à la perception de l'émolument judiciaire. Alors qu'il l'avait demandée et obtenue en instance cantonale, le recourant n'a pas requis l'assistance judiciaire pour la présente instance. Il a demandé une "équitable indemnité", mais cette requête ne concerne manifestement que les dépens qui auraient été alloués en cas de succès; elle ne peut être interprétée comme une demande d'assistance judiciaire. Cette dernière ne saurait être accordée d'office. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la Direction de la santé et des affaires sociales, Service de l'action sociale et au Tribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division principale du droit public. 
Lausanne, le 31 janvier 2006 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: