Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_615/2021
Arrêt du 31 mars 2022
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (lien de causalité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 juillet 2021 (AA 42/20 - 80/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________ travaillait comme chef d'entreprise dans le domaine de la rénovation depuis le 7 janvier 2018. À ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 1er novembre 2018, il a fait une chute après avoir perdu l'équilibre et s'est blessé à la colonne vertébrale cervicale. L'évolution du cas a montré une fracture du corps vertébral D7. L'assuré présentait déjà d'autres atteintes à la colonne vertébrale, notamment un ancien tassement du corps vertébral L2, causé par un accident de ski en 2012 (pour lequel la CNA ne répond pas) ainsi qu'un ancien tassement du plateau supérieur du corps vertébral D10. La CNA l'a fait examiner par le docteur B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, dans le cadre d'un consilium (rapport du 17 mai 2019), et par son médecin d'arrondissement, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur (rapport du 7 août 2019). Par décision du 26 novembre 2019, la CNA a mis fin à ses prestations le jour même, au motif que les troubles qui subsistaient n'étaient plus dus à l'accident et que l'état de santé tel qu'il aurait été sans l'accident pouvait être considéré comme atteint le 26 novembre 2019 au plus tard.
A.b. Dans le cadre de la procédure d'opposition, l'assuré a produit notamment un rapport du docteur D.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation ainsi qu'en rhumatologie, du 6 décembre 2019. Appelé à se déterminer sur ce document, le docteur C.________ a confirmé, dans une appréciation du 9 janvier 2019, son avis exprimé le 6 août 2019. La CNA a rejeté l'opposition par décision sur opposition du 26 mars 2020.
B.
A.________ a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Au cours de la procédure, il a communiqué au Tribunal cantonal qu'il souffrait d'une maladie osseuse idiopathique de type ostéoporose et qu'il avait subi le 7 août 2020 une chute qui avait entraîné de nouvelles fractures des vertèbres D5 et D6. Dans ce contexte, il a produit des rapports médicaux de la doctoresse E.________, spécialiste en rhumatologie, du 27 octobre 2020 et du docteur B.________ du 26 novembre 2020. Par arrêt du 13 juillet 2021, le Tribunal cantonal a rejeté le recours.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la CNA soit condamnée à octroyer des prestations d'assurance en lien avec l'accident du 1er novembre 2018 au-delà du 26 novembre 2019. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour complément d'instruction.
La CNA conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant le refus de l'intimée d'allouer des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 26 novembre 2019.
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). Aussi, lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas ici, le Tribunal fédéral dispose-t-il d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_490/2021 du 11 février 2022 consid. 2.2 et la référence).
3.
3.1. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions et la jurisprudence relatives à l'octroi de prestations d'assurance par l'assureur-accidents (art. 6 al. 1 LAA), en particulier quant à l'exigence d'un lien de causalité entre l'accident et l'atteinte à la santé (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3), à la cessation des prestations d'assurance lorsque le statu quo sine vel ante est atteint (arrêts 8C_421/2018 du 28 août 2018 consid. 3.2, publié in: SVR 2019 UV n° 9 p. 26; 8C_595/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.2), ainsi qu'à l'appréciation des rapports médicaux (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.
3.2. On rappellera cependant que le juge ne peut pas écarter un rapport médical au seul motif qu'il est établi par le médecin interne d'un assureur social, respectivement par le médecin traitant (ou l'expert privé) de la personne assurée, sans examiner autrement sa valeur probante. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même minimes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.7).
4.
4.1. Se fondant sur les actes médicaux au dossier, les juges cantonaux ont d'abord constaté que certaines atteintes présentées par le recourant étaient préexistantes à l'accident du 1er novembre 2018. Tel était notamment le cas de la fracture du corps vertébral L2, datant de 2012, consécutive à un accident précédent, de la maladie osseuse idiopathique de type ostéoporose (même si ce diagnostic n'avait été posé qu'après l'évènement accidentel), de la fracture du corps vertébral D10 et d'un état dégénératif aux niveaux cervical et lombaire. En outre, c'était à juste titre que l'intimée avait admis un lien de causalité entre l'évènement accidentel du 1er novembre 2018 et l'atteinte du corps vertébral D7, certes fragilisé par l'ostéoporose. Le recourant ne remet pas en question ces constatations.
4.2. S'appuyant sur les avis des docteurs B.________, C.________ et D.________, la cour cantonale a ensuite retenu que le statu quo sine avait été atteint à tout le moins le 26 novembre 2019, date retenue par l'intimée pour mettre fin à ses prestations. Elle a considéré que, selon le docteur B.________, la fracture du corps vertébral D7 n'était probablement pas le phénomène algogène actuel, que d'après le docteur C.________, les suites de l'évènement du 1er novembre 2018 ne jouaient alors plus de rôle, au degré de la vraisemblance prépondérante, dans les doléances et troubles du recourant et que le docteur D.________ avait également mentionné que la fracture pourrait être considérée comme guérie.
4.3. Concernant la fracture du corps vertébral L2, survenue en 2012, les premiers juges ont constaté que cette atteinte faisait toujours l'objet d'un suivi au moment de l'accident du 1er novembre 2018, notamment avec des infiltrations facettaires en 2015 et 2016, des infiltrations de PRP sous échographie, un examen EOS en juin 2017 et de la physiothérapie, ce qui ressortait également des indications du recourant lors d'un entretien du 8 février 2019 avec un collaborateur de l'intimée.
La cour cantonale a ensuite exposé que le docteur B.________ avait évoqué, dans son consilium du 17 mai 2019, que la chute de 2018 et la fracture du corps vertébral D7 avaient pu décompenser un système qui était déjà partiellement instable en lien avec la fracture du corps vertébral L2. Cependant, ce praticien ne se prononçait pas clairement sur la causalité, estimant tantôt que celle-ci était très probable, tantôt qu'elle était seulement possible. De son côté, le docteur D.________ mentionnait dans son rapport du 6 décembre 2019 que la nouvelle fracture avait possiblement décompensé globalement l'équilibre statique et dynamique du rachis et avait pu provoquer une récurrence des douleurs lombaires. Ce praticien précisait toutefois que la situation était probablement intriquée entre une réactivation de douleurs anciennes lombaires dans les suites de l'accident et une possibilité, difficilement évaluable formellement par un examen, de perturbation globale de la statique lombaire et par conséquent de douleurs récurrentes aussi bien musculaires que dans la région des articulaires postérieures. Ces médecins n'avaient toutefois pas connaissance de la maladie osseuse idiopathique de type ostéoporose dont souffrait le recourant, qui n'avait été diagnostiquée que plus tard.
Dans son rapport du 27 octobre 2020, la doctoresse E.________ avait précisé qu'au niveau professionnel, l'assuré était limité notamment par la douleur mécanique musculaire du rachis, lequel était perturbé globalement. En cela, elle tendait - d'après les premiers juges - à confirmer la deuxième hypothèse évoquée par le docteur D.________, à savoir l'existence de douleurs liées à une perturbation globale de la statique lombaire, et non l'hypothèse selon laquelle l'accident aurait pu réactiver les douleurs lombaires. Dans son rapport du 26 novembre 2020, le docteur B.________ ne parlait plus de la causalité en lien avec l'accident du 1er novembre 2018 et l'incapacité de travail qu'il mentionnait ne se referait pas à cet évènement, mais à une chute intervenue en août 2020.
Il s'ensuivait selon la cour cantonale que les rapports médicaux au dossier ne permettaient pas de s'écarter de l'appréciation du docteur C.________, qui avait conclu que les troubles et douleurs persistant au moment de l'examen n'étaient pas dus, au degré de la vraisemblance prépondérante, à l'évènement du 1er novembre 2018 mais à l'association de l'ensemble des pathologies préalables que présentait le recourant, avec de façon majoritaire la fracture du corps vertébral L2 en 2012, et également les discopathies multiples, le terrain de type Scheuermann et la raideur associée.
5.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir statué à tort, en violation du principe inquisitoire, sur la base des informations fournies par le médecin d'arrondissement, malgré des doutes manifestes sur la fiabilité de celles-ci.
5.1. Il soutient d'abord que le médecin d'arrondissement ne parviendrait pas à exclure l'influence de la fracture du corps vertébral D7 sur les douleurs perdurant au-delà du 26 novembre 2019. Pourtant, ce praticien a retenu clairement que l'on ne pouvait pas au final dire que l'évènement dorsal D7 avait été un élément de déstabilisation globale au degré de la vraisemblance prépondérante. En outre, il a expliqué qu'il s'agissait d'un petit tassement de 4 degrés dans un secteur absolument stable qui n'avait pas créé d'élément de déstabilisation et qui n'avait pas non plus provoqué un effet en cascade sur la morphologie vertébrale. La perturbation angulaire de 12 degrés sur le corps vertébral L2 dans un système dynamique constituait bien plutôt l'élément de causalité naturelle atteignant le niveau probable pour expliquer les troubles du recourant. Il fallait également tenir compte de l'âge du recourant, du vieillissement, de l'état musculaire dégradé, de même que du status minéral vertébral pour expliquer ses douleurs. Ainsi, le docteur C.________ a démontré au degré de la vraisemblance prépondérante, qui suffit en droit des assurances sociales, que les douleurs persistantes étaient dues à l'ensemble des pathologies préexistantes, principalement à la lésion de la vertèbre L2, qui ne concerne pas l'intimée (voir également consid. 4.3 supra).
5.2. Contrairement à ce qu'allègue le recourant, l'avis du docteur C.________, qui parle d'un "terrain de type Scheuermann", n'est pas contredit par le docteur B.________. Certes, ce dernier a retenu que le recourant ne présentait pas de réelle séquelle de Scheuermann. Toutefois, il a précisé qu'il y avait clairement une cunéiformisation de toutes les vertèbres thoraciques (anciennement appelées vertèbres dorsales) et que le recourant ne rentrait pas complètement dans les critères car il n'avait pas trois vertèbres adjacentes avec des cyphoses de plus de 5°, mais qu'il y était presque avec des cyphoses de l'ordre de 4°, les vertèbres cunéiformisées ainsi que des hernies de Schmorl. De l'avis de ce médecin, la fracture du corps vertébral D7 aggravait un peu le tableau.
5.3. Le recourant fait ensuite référence aux limitations fonctionnelles décrites par le docteur C.________, qui a indiqué qu'il ne pouvait plus pratiquer certains sports et coachings sportifs qu'il faisait jusqu'à maintenant, en particulier le tennis, car il ne pouvait plus porter des poids supérieurs à 15-20 kg, il ne devait pas rester de façon trop prolongée en station debout (ce qui limitait la course à pied), ne pas travailler en porte-à-faux ou dans des mouvements de rotation du tronc par rapport au bassin; les efforts à glotte fermée en soulevant, poussant ou tirant fort, la position statique ou les piétinements étaient également contre-indiqués; avec ces limitations, la reprise d'un travail à 100 % sans réduction de rendement était réalisable. Le recourant soutient que les limitations fonctionnelles seraient manifestement incompatibles avec une reprise du travail comme moniteur de ski, activité qu'il serait parvenu à reprendre après son accident de 2012. Par cette affirmation, il n'infirme toutefois pas la conclusion de la cour cantonale que le médecin d'arrondissement n'a pas mis les limitations fonctionnelles - relevant de la sphère des atteintes préexistantes - en relation avec l'accident du 1er novembre 2018, seul litigieux en l'espèce. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend le recourant, il ressort des constatations de la cour cantonale qu'après l'accident de 2012, il n'avait déjà pas pu reprendre toutes les activités sportives comme avant cet accident. Au surplus, le recourant soutient que les douleurs en lien avec la fracture L2 n'auraient jamais atteint une intensité telle que le traitement par une vertébroplastie, proposé par le médecin traitant en 2012, serait devenu nécessaire. Cependant, il ne peut rien en déduire en sa faveur, vu que le traitement médical lié aux troubles lombaires a continué même au moment de l'accident du 1er novembre 2018, comme l'a constaté la cour cantonale (cf. consid. 4.3).
5.4. En outre, le recourant soutient qu'en considérant que la maladie osseuse idiopathique de type ostéoporose corroborerait la deuxième hypothèse évoquée par le docteur D.________, à savoir l'existence de douleurs liées à une perturbation globale de la statique lombaire, la cour cantonale aurait fondé sa position de manière arbitraire sur son propre raisonnement malgré l'absence manifeste de compétence pour émettre un tel avis médical. Ce grief procède pourtant d'une mauvaise lecture de l'arrêt cantonal, car les premiers juges se sont appuyés sur l'avis médical de la doctoresse E.________ du 27 octobre 2020, qui mentionne - à l'instar du docteur D.________ - une perturbation globale du rachis. En tant que le recourant invoque par ailleurs les avis des docteurs B.________ et D.________, qui partaient d'une possible décompensation d'un système qui n'était pas très stable auparavant par la chute du 1er novembre 2018, force est de constater avec la cour cantonale qu'ils ne permettent pas de mettre en doute les conclusions du docteur C.________ (cf. consid. 4.3 supra).
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Le recourant qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 31 mars 2022
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart