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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.39/2006 /fzc 
 
Arrêt du 31 mai 2006 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président, 
Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Yersin. 
Greffier: M. Addy. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Pierre-Olivier Wellauer, avocat, 
 
contre 
 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. 
 
Objet 
interdiction d'entrée en Suisse (sécurité publique), 
 
recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de justice et police du 8 décembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
X.________, ressortissant français né en 1969, a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour à partir du 1er novembre 2000 pour occuper un poste de directeur financier auprès de la société A.________ SA, à Bienne. 
 
Le 6 novembre 2002, le prénommé a brûlé un feu rouge en ville de Lausanne au volant de son automobile; interpellé par la police, il a été soumis à un contrôle d'alcoolémie qui a révélé un taux de 0,95 g o/oo. Il a été condamné à raison de ces faits pour violation simple des règles de la circulation et ivresse au volant à une amende de 1'000 fr., avec délai d'épreuve et de radiation de deux ans (ordonnance du 4 avril 2003 du juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne). Sur le plan administratif, le permis de conduire lui a été retiré pour une durée de deux mois. Le 30 juin 2004, X.________ s'est assoupi au volant de sa voiture, manquant de peu une collision frontale avec un véhicule de gendarmerie. La prise de sang pratiquée dans la foulée de cet événement a mis en évidence un taux d'alcoolémie de 1,93 g o/oo, ce qui a valu à l'intéressé d'être condamné à une peine de 30 jours d'emprisonnement avec sursis assortie d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de 1'500 fr., pour violation simple des règles de la circulation et ivresse au volant (ordonnance du 26 octobre 2004 du juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois). En outre, son permis lui a été retiré à titre préventif par le Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud (ci-après: le Service des automobiles) qui a également ordonné une expertise destinée à déterminer son type de consommation d'alcool (décision du 27 juillet 2004). A la suite du départ de X.________ pour Hong Kong le 31 juillet 2004, motivé par des raisons professionnelles, le Service des automobiles a pris acte de son nouveau domicile à l'étranger et a renoncé à le soumettre à l'expertise médicale initialement prévue (lettre du service précité du 21 septembre 2004). 
B. 
Par décision du 1er décembre 2004, notifiée à son destinataire le 7 mars 2005, l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration (devenu dès le 1er janvier 2005 l'Office fédéral des migrations; ci-après: l'Office fédéral) a prononcé à l'endroit de X.________ une interdiction d'entrée en Suisse d'une durée de deux ans pour des motifs d'ordre et de sécurité publics. 
Saisi d'un recours contre cette décision, le Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral) l'a rejeté, par décision du 8 décembre 2005, en confirmant l'existence d'un motif de sécurité publique de nature à justifier la mesure d'interdiction litigieuse. Entre-temps, X.________ a bénéficié de deux sauf-conduits pour se rendre et séjourner en Suisse pour des motifs professionnels, en mars et octobre 2005. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler, sous suite de frais et dépens, la décision précitée du Département fédéral, respectivement de la réformer en ce sens que l'interdiction d'entrée prononcée à son encontre soit levée. Comme devant l'instance précédente, il fait valoir, pour l'essentiel, que cette mesure n'est pas proportionnée et qu'elle viole l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après cité: Accord sur la libre circulation des personnes ou Accord ou ALCP; RS 0.142.112.681). Il requiert également, à titre de mesures provisionnelles, la levée de l'interdiction litigieuse jusqu'à droit connu sur son recours. 
 
Le Département fédéral conclut au rejet aussi bien de la requête d'effet suspensif (recte: de mesures provisionnelles) que du recours. 
 
Par ordonnance du 8 février 2006, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête de mesures provisionnelles. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Bien que l'art. 100 al. 1 let. b ch. 1 OJ exclue le recours de droit administratif en matière d'interdiction d'entrée, cette voie de droit est néanmoins ouverte aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne en vertu de l'art. 11 par. 1 et 3 ALCP, qui prévoit une double instance de recours dont au moins la seconde doit être une autorité judiciaire (ATF 131 II 352). En sa qualité de ressortissant français, le recourant bénéficie dès lors de cette exception. 
Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre la décision finale d'un département fédéral prise en application du droit public fédéral, le présent recours est recevable en vertu des art. 97 ss OJ en relation avec l'art. 5 PA
2. 
2.1 Aux termes de son art. 1er lettre a, la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) n'est applicable aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et aux membres de leur famille que si l'Accord sur la libre circulation des personnes n'en dispose pas autrement ou si ladite loi prévoit des dispositions plus favorables. 
En vertu de l'art. 1er par. 1 annexe I ALCP (en relation avec l'art. 3 ALCP), les ressortissants communautaires ont le droit d'entrer en Suisse sur simple présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité et aucun visa d'entrée ni obligation équivalente ne peut leur être imposé. Comme l'ensemble des autres droits octroyés par l'Accord, ce droit ne peut être limité que par des mesures d'ordre ou de sécurité publics, au sens de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, dont le cadre et les modalités sont définis par la directive 64/221/CEE et la jurisprudence pertinente y relative de la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après citée: la Cour de justice ou CJCE) rendue avant la signature de l'Accord (cf. art. 5 par. 2 annexe I ALCP en relation avec l'art. 16 ALCP; au sujet de la prise en considération des arrêts de la Cour de justice postérieurs à cette date, cf. ATF 130 II 1 consid. 3.6 p. 9 ss, 113 consid. 5.2 p. 119 s. et les références citées). 
2.2 Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les limitations au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion de l'ordre public pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société (cf. ATF 130 II 493, consid. 3.2 p. 498, 176 consid. 3.4.1 p. 182; 129 II 215 consid. 7. 3 p. 222 et les arrêts cités de la CJCE du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. 1977, p. 1999, points 33 - 35; du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. 1999, p. I-11, points 23 et 25). En particulier, un comportement n'est pas suffisamment grave pour justifier des restrictions à l'admission ou au séjour d'un ressortissant d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre lorsque ce dernier ne prend pas, à l'égard de ses propres ressortissants, des mesures répressives ou d'autres mesures réelles et effectives destinées à combattre ce comportement. Toutefois, comme les Etats membres n'ont pas le pouvoir d'éloigner leurs propres ressortissants (pour la Suisse, cf. l'art. 25 Cst.), une différence de traitement dans les mesures susceptibles d'être prises est admissible (cf. ATF 130 II 493, consid. 3.2 p. 498, 176 consid. 3.4.1 p. 182/183; 129 II 215 consid. 7.2 p. 222 et les références citées, en particulier l'arrêt de la CJCE du 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille, 116/81, Rec. 1982, p. 1665, point 8). 
 
Par ailleurs, les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées, aux termes de l'art. 3 par. 1 de la directive 64/221/CEE, exclusivement sur le comportement personnel de celui qui en fait l'objet. Des motifs de prévention générale détachés du cas individuel ne sauraient donc les justifier (ATF 130 II 493, consid. 3.2 p. 499, 176 consid. 3.4.1 p. 183; 129 II 215 consid. 7.1 p. 221 et l'arrêt cité de la CJCE du 26 février 1975, Bonsignore, 67/74, Rec. 1975 p. 297, points 6 et 7). En outre, d'après l'art. 3 par. 2 de la directive 64/221/CEE, la seule existence de condamnations pénales (antérieures) ne peut automatiquement motiver de telles mesures. Les autorités nationales sont tenues de procéder à une appréciation spécifique, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas nécessairement avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne peuvent être prises en considération que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle pour l'ordre public (ATF 130 II 493, consid. 3.2 p. 499, 176 consid. 3.4.1 p. 183/184; 129 II 215 consid. 7.4 p. 222 et les arrêts cités de la CJCE du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. 1977, p. 1999, points 27 et 28; du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. 1999, p. I-11, point 24). Selon les circonstances, la Cour de justice admet néanmoins que le seul fait du comportement passé de la personne concernée puisse réunir les conditions de pareille menace actuelle (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183/184 et l'arrêt précité de la CJCE Bouchereau, point 29). Celles-ci ne supposent en tout cas pas qu'il soit établi avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir; inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce à une mesure d'ordre public. En réalité, ce risque doit s'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances du cas et, en particulier, de la nature et de l'importance du bien juridique menacé ainsi que de la gravité de l'atteinte potentielle qui pourrait y être portée; il faudra se montrer d'autant plus rigoureux dans cet examen que le bien juridique menacé est important (cf. ATF 130 II 493, consid. 3.3 p. 499/500, 176 consid. 4.3.1 p. 185/186). 
2.3 Contrairement à ce que soutient le recourant, les infractions routières qu'il a commises sont, sur le principe, suffisamment graves pour justifier une mesure d'éloignement du genre de celle qui le frappe: réprimée par une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement dans les cas graves (cf. art. 91 al. 1 LCR en relation avec l'art. 36 CP), la conduite en état d'ivresse compromet gravement la sécurité publique et demeure, aujourd'hui encore, l'une des principales causes des accidents mortels sur la route; c'est du reste ce constat qui a conduit les Chambres fédérales à durcir la législation en la matière à partir du 1er janvier 2005, notamment en rendant les contrôles d'alcoolémie pratiqués par la police plus systématiques et plus nombreux (cf. art. 55 LCR; message du 31 mars 1999 concernant la modification de la loi fédérale sur la circulation routière, in: FF 1999 IV p. 4106 ss, spéc. 4114 à 4116), ainsi qu'en abaissant le seuil d'alcoolémie toléré au volant (cf. ordonnance de l'Assemblée fédérale du 21 mars 2003 concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière; RS 741.13. Message relatif à une ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière, in: FF 2002 p. 3669 ss). Dans le cas d'espèce, nonobstant la relative modestie des peines prononcées à l'encontre du recourant, plusieurs éléments jouent assurément en sa défaveur et dénotent une certaine propension à ne pas respecter les règles de la circulation routière. En particulier, il apparaît que sa seconde infraction, commise en juin 2004 pendant le délai d'épreuve de sa première condamnation, sanctionne des faits plus graves que celle-ci, soit un taux d'alcoolémie du double de celui constaté en novembre 2002; par ailleurs, il faut également relever que les délits de conduite en état d'ivresse s'accompagnaient, dans l'un et l'autre cas, d'autres infractions certes plutôt mineures, mais néanmoins de nature à augmenter concrètement et dans une mesure importante le risque d'accident (non-respect d'un feu rouge dans le premier cas; perte de maîtrise du véhicule et conduite à gauche dans le second cas). 
 
Cependant, il faut tenir compte du fait que le recourant se trouve aujourd'hui sous la menace, en cas de nouvelle récidive, de devoir exécuter la peine de trente jours d'emprisonnement pour laquelle il a été mis au bénéfice du sursis, contrairement à ce qui était le cas après sa première condamnation, qui était de nature purement pécuniaire. Au reste, même si, selon la jurisprudence constante (cf. ATF 130 II 493 consid. 4.2 p. 500/501 et les références citées), cet aspect n'est pas déterminant sur le plan administratif, le juge pénal a émis un pronostic favorable concernant le recourant, en partant justement de l'idée que la relative gravité de la sanction planant sur lui devrait suffire, dans sa situation, à le dissuader de récidiver à l'avenir. A cela s'ajoute que l'intéressé s'est vu retirer son permis à titre préventif et qu'il ne peut donc plus, jusqu'à nouvel avis, conduire en Suisse. Pour l'heure, il n'y a dès lors, en principe, pas de risque concret qu'il reprenne la route en état d'ébriété, sauf à dire que ses habitudes de consommation d'alcool et/ou sa personnalité laisseraient redouter qu'il puisse tout de même à nouveau conduire dans un tel état, qui plus est sans permis et au risque de voir le sursis à l'exécution de sa peine révoqué. Certes, il subsiste un doute à ce sujet, dans la mesure où l'expertise médicale initialement ordonnée par le Service des automobiles n'a finalement pas été menée à chef. En l'état, le dossier ne contient toutefois pas suffisamment d'indices permettant d'étayer sérieusement ce doute. 
 
En conséquence, si les autorités intimées estimaient que le sursis à l'exécution de la peine et le retrait de permis n'étaient pas des garde-fous adéquats ou suffisants pour prévenir un risque de récidive de conduite en état d'ivresse, elles auraient dû ordonner une expertise en vue, notamment, de déterminer plus précisément le rapport que le recourant entretient avec l'alcool. A défaut, il faut admettre que celui-ci ne représente pas, au vu des circonstances, une menace pour la sécurité routière suffisamment réelle, actuelle et grave de nature à justifier une mesure d'éloignement au sens de l'art. 5 annexe I ALCP (en liaison avec l'art. 3 de la directive 64/221/CEE). 
3. 
Il suit de ce qui précède que le recours doit être admis et que la décision attaquée ainsi que celle de l'Office fédéral doivent être annulées. 
 
Succombant, la Confédération versera au recourant une indemnité à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral et devant le Département fédéral de justice et police (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu de prélever des frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et la décision attaquée ainsi que celle rendue le 1er décembre 2004 par l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration (actuellement l'Office fédéral des migrations) sont annulées. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
La Confédération versera au recourant un montant de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral et devant le Département fédéral de justice et police. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Département fédéral de justice et police ainsi qu'au Service de la population du canton de Vaud. 
Lausanne, le 31 mai 2006 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: