Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_183/2022
Arrêt du 31 mai 2022
IIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch.
Greffière : Mme Kleber.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
recourants,
contre
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud,
route de Berne 46, 1014 Lausanne Adm cant VD.
Objet
Impôts cantonal et communal et impôt fédéral direct (sauf soustraction), périodes fiscales 2015 et 2016; recours tardif,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public,
du 21 janvier 2022 (FI.2021.0146).
Faits :
A.
Par décision du 29 octobre 2021, envoyée par pli recommandé du même jour, l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration cantonale) a rejeté les réclamations formées par les époux A.________ contre les décisions de taxation relatives aux impôts cantonal et communal (ci-après: ICC) et à l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) des périodes fiscales 2015, respectivement 2016.
Selon l'extrait "track and trace" de la Poste suisse relatif à l'envoi de la décision du 29 octobre 2021, une tentative infructueuse de distribution a eu lieu le 1er novembre 2021. Les époux A.________ ont été avisés "pour retrait" le même jour. Le délai de garde a été fixé au 8 novembre 2021. Il a été prolongé sur ordre des intéressés jusqu'au 29 novembre 2021, date à laquelle le pli a été retiré.
B.
Par acte remis à un office postal le 29 décembre 2021, les époux A.________ ont formé un recours contre la décision sur réclamation du 29 octobre 2021 auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal).
Invités à s'expliquer sur la tardiveté de leur recours, les époux A.________ ont indiqué qu'ils étaient à l'étranger durant le mois de novembre 2021 et qu'ils avaient pris connaissance de la décision à leur retour en Suisse le 29 novembre 2021.
Par arrêt du 21 janvier 2022, le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable.
C.
Contre l'arrêt du 21 janvier 2022, les époux A.________ forment un "recours" au Tribunal fédéral. Ils demandent à celui-ci de reconnaître qu'ils ont recouru dans un délai raisonnable contre la décision sur réclamation du 29 octobre 2021 et de dire que les moyens de preuve qu'ils ont soumis afin de prouver l'indigence de leurs parents et l'effectivité des transferts d'argent en leur faveur doivent être pris en considération au regard des circonstances du cas d'espèce, subsidiairement que leur soient indiqués d'autres moyens de preuve pouvant être établis au regard de la situation politique régnant actuellement en République du Soudan.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours et se réfère aux considérants de son arrêt. L'Administration cantonale conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1).
1.1. Les recourants n'ont pas indiqué par quelle voie de recours ils procèdent auprès du Tribunal fédéral. Toutefois, cette omission ne saurait leur nuire si leur recours remplit les exigences légales de la voie de droit qui leur est ouverte (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1).
1.2. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable, notamment pour cause de tardiveté, est habilité à contester l'irrecevabilité par un recours en matière de droit public lorsque l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (ATF 135 II 145 consid. 3.2; arrêts 2C_882/2019 du 31 octobre 2021 consid. 2.1; 1C_115/2015 du 26 novembre 2015 consid. 1 non publié in ATF 141 II 429).
La présente cause concerne au fond une procédure de taxation en matière d'IFD et d'ICC, soit un domaine qui relève du droit public (art. 82 LTF) et ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11]; art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]; ATF 134 II 186 consid. 1.3). Il s'ensuit que le présent recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public.
1.3. Au surplus, le recours, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité judiciaire cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), par les contribuables destinataires de l'arrêt attaqué, qui ont qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.
1.4. Dans le cadre d'une procédure de recours dont l'objet concerne un prononcé d'irrecevabilité, le recourant ne peut obtenir que le renvoi de la cause à l'autorité pour qu'elle entre en matière sur le recours et statue sur le fond. La cause au fond ne peut pas être remise en cause devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 143 I 344 consid. 4; 135 II 145 consid. 4). Pour cette raison, la conclusion des recourants demandant au Tribunal fédéral de reconnaître qu'ils ont prouvé qu'ils subviennent aux besoins de leurs parents indigents ou qu'à défaut leur soient indiqués les moyens de preuve pouvant être établis est irrecevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID ( art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ; arrêt 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités). Il statue sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
I. Impôt fédéral direct
3.
3.1. En matière d'impôt fédéral direct, conformément à l'art. 140 al. 1 LIFD, le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de taxation en s'adressant, dans les 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée, à une commission de recours indépendante des autorités fiscales, tel, dans le canton de Vaud, le Tribunal cantonal (cf. arrêt 2C_191/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.1). L'art. 140 al. 4 LIFD prévoit que l'art. 133 LIFD s'applique par analogie. Selon cette disposition, le délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation a été remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard. Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié officiel, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (al. 1).
De jurisprudence constante, lorsque le destinataire d'un envoi recommandé n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, cet envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas lieu dans le délai de garde de sept jours, l'envoi est réputé notifié le dernier jour de ce délai (fiction de la notification), y compris lorsque la Poste conserve l'envoi pendant un délai plus long que sept jours, en raison notamment d'un ordre donné en ce sens par le destinataire (ATF 141 II 429 consid. 3.1; 134 V 49 consid. 4; 127 I 31 consid. 2a; en matière fiscale: arrêts 2C_298/2015 du 26 avril 2017 consid. 3.1 et 3.2 et les arrêts cités; 2C_832/2014 du 20 février 2015 consid. 4.3.2). La fiction de la notification est opposable au justiciable si celui-ci devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication des autorités, ce qui est en principe le cas dès qu'il est partie à une procédure pendante (cf. ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1; 139 V 228 consid. 1.1; 138 III 225 consid. 3.1; 134 V 49 consid. 4; 130 III 396 consid. 1.2.3; 127 I 31 consid. 2a).
3.2. Aux termes de l'art. 133 al. 3 LIFD, passé le délai de 30 jours, une réclamation - et donc un recours compte tenu du renvoi de l'art. 140 al. 4 LIFD -, n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.
Selon la jurisprudence, la restitution du délai de recours ne peut être accordée que si le contribuable et son éventuel représentant ont été empêchés d'agir dans le délai, sans faute de leur part. Par empêchement non fautif, il faut entendre non seulement l'impossibilité objective, mais également l'impossibilité subjective, l'empêchement ne devant toutefois pas avoir été prévisible et devant être de nature telle que le respect du délai aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaire avisé. La règle d'après laquelle celui qui a été empêché, sans sa faute, d'interjeter un recours dans le délai fixé peut demander la restitution de ce délai constitue un principe général du droit, découlant du principe de proportionnalité et de l'interdiction du formalisme excessif (art. 5 al. 2 et 29 al. 1 Cst.), dont peut se prévaloir tout justiciable (arrêt 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 et les références, non publié in ATF 145 II 201).
3.3. En l'occurrence, le Tribunal cantonal a présumé la notification de la décision sur réclamation du 29 octobre 2021 au dernier jour du délai de garde à la Poste, qui avait été fixé au 8 novembre 2021, et a calculé le délai de recours de 30 jours depuis le lendemain, sans tenir compte de la prolongation du délai de garde par les contribuables. Cette manière de procéder est conforme aux principes jurisprudentiels exposés. Comme le délai de recours arrivait à échéance le 8 décembre 2021, c'est à juste titre que le Tribunal cantonal a retenu que le recours déposé le 29 décembre 2021 était tardif.
3.4. Les recourants font valoir qu'ils se trouvaient à l'étranger pour des raisons familiales lorsque la décision sur réclamation leur a été adressée et qu'ils n'avaient à ce moment là pas eu de nouvelles de l'autorité fiscale au sujet de leurs réclamations depuis plus d'un an. Dès le lendemain du retrait de l'envoi le 29 novembre 2021, ils avaient contacté leur fiduciaire en vue de recourir, mais celle-ci ne les avait pas reçus avant le 16 décembre 2021, en raison d'une infection au Covid-19.
3.5. Selon leurs propres affirmations, les recourants ont pris connaissance de la décision sur réclamation le 29 novembre 2021. A ce moment, ils disposaient encore de dix jours pour recourir. Aucun des facteurs invoqués n'explique pourquoi ils n'ont pas agi dans ce laps de temps. La maladie de leur fiduciaire ne les empêchait pas personnellement d'agir dans les délais, ainsi que l'a relevé le Tribunal cantonal. Quant à la circonstance que les recourants ne s'attendaient pas à recevoir une décision dès lors qu'ils étaient sans nouvelle de l'autorité fiscale depuis plus d'un an, elle n'aurait pu éventuellement justifier leur retard à agir que si les recourants n'avaient pas pu prendre connaissance de la décision sur réclamation dans le délai de recours (cf. arrêts 2D_45/2019 du 4 octobre 2019 consid. 2.2; 6B_110/2016 du 27 juillet 2016 consid. 1.2, non publié in ATF 142 IV 286; 2P.120/2005 du 23 mars 2006 consid. 4.2). En l'occurrence, les recourants pouvaient s'organiser pour recourir dans les délais à leur retour de l'étranger. C'est donc à bon droit que le Tribunal cantonal a retenu qu'il n'y avait pas de motif de restitution de délai.
3.6. Il s'ensuit que le recours est mal fondé et doit être rejeté en tant qu'il porte sur l'impôt fédéral direct.
II. Impôts cantonal et communal
4.
4.1. Sous le titre "procédure de recours", l'art. 50 LHID ne règle expressément ni la notification des décisions ni le mode de calcul des délais de recours. A fortiori, il ne règle pas la restitution du délai légal pour recourir contre une décision sur réclamation auprès de l'autorité judiciaire de recours (arrêt 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 6 et les références, non publié in ATF 145 II 201). Il s'agit donc de questions régies par le droit de procédure cantonal (cf. arrêts 2C_191/2020 du 25 mai 2020 consid. 5; 2C_737/2018 du 29 juin 2019 consid. 6, non publié in ATF 145 II 201; 2C_239/2019 du 14 mars 2019 consid. 4.1).
4.2. Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est certes possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal ou communal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; arrêt 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 6, non publié in ATF 145 II 201).
4.3. En l'occurrence, dans la mesure où les recourants n'ont invoqué aucune violation du droit fédéral en relation avec la restitution du délai de recours en matière d'impôts cantonal et communal, leur recours ne peut qu'être écarté en tant qu'il concerne ces impôts, faute d'être motivé à suffisance (arrêt 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 6 et les références, non publié in ATF 145 II 201).
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours, considéré comme un recours en matière de droit public, est rejeté, dans la mesure où il est recevable, tant en matière d'impôt fédéral direct que d'impôts cantonal et communal.
Les recourants qui succombent, doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct.
2.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable, en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, à l'Administration cantonale des impôts et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 31 mai 2022
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : E. Kleber