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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.159/2006 /fzc 
 
Arrêt du 29 juin 2006 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Kolly et Zünd. 
Greffier: M. Oulevey. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Patrik Gruber, avocat, , 
 
contre 
 
Y.________, 
intimé, 
Ministère public de l'État de Fribourg, 
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg. 
 
Objet 
Ordonnance de non-lieu, 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois du 27 février 2006. 
 
Faits: 
A. 
Lorsque X.________ résilia le mandat qu'elle avait confié à l'avocat Y.________ pour défendre ses intérêts dans une procédure matrimoniale, un différend apparut quant au paiement des honoraires. 
 
Le 10 février 2004, par l'intermédiaire de Me Patrick Gruber, X.________ déposa une plainte pénale contre Me Y.________ pour tentative de contrainte, contrainte sexuelle et chantage. Par ordonnance du 30 juillet 2004, le juge d'instruction refusa d'ouvrir l'action pénale et, par arrêt du 27 juin 2005, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois déclara irrecevable le recours interjeté par la plaignante. 
 
Le 3 août 2004, Me Y.________ dénonça disciplinairement Me Gruber au Bâtonnier, Me Dominique Morard, accusant celui-là d'avoir contrevenu aux Us et coutumes du barreau fribourgeois en déposant plainte pénale contre un confrère. Le 9 août 2004, le Bâtonnier requit du dénonciateur l'ensemble des pièces utiles à l'instruction, soit les dossiers civil et pénal. Le 12 août 2004, Me Y.________ transmit les documents demandés ainsi que l'acte de dénonciation calomnieuse déposé contre son ex-cliente. Le 7 septembre 2004, le Bâtonnier avisa Me Gruber de la plainte disciplinaire déposée à son encontre et, le 27 septembre 2004, lui confirma cette information tout en précisant que le Conseil de l'Ordre avait été informé du litige opposant les deux avocats. 
B. 
Le 29 novembre 2004, X.________, par l'intermédiaire de Me Gruber, déposa plainte pénale contre Me Y.________, pour violation du secret professionnel dès lors qu'il avait transmis son dossier civil au Bâtonnier sans qu'elle l'ait délié du secret professionnel. Le même jour, elle demanda le retour de son dossier à Me Morard, en précisant qu'elle partait de l'idée que celui-ci ne l'avait pas consulté en raison du secret. 
 
Par ordonnance du 18 août 2005, considérant que l'infraction n'était pas consommée, que Me Y.________ pouvait invoquer des faits justificatifs et que la plainte, qui épargnait le Bâtonnier, n'était pas valable faute de respecter le principe de l'indivisibilité (art. 30 CP), le juge d'instruction prononça un non-lieu en faveur de Me Y.________. 
Sur recours de X.________, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois confirma ce non-lieu par arrêt du 27 février 2006, retenant que la plainte n'était pas conforme au principe de l'indivisibilité de la plainte, mais rejetant les autres motifs du juge d'instruction. 
C. 
Invoquant une violation de l'art. 30 CP, X.________ dépose un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et sollicite l'assistance judiciaire. 
 
Se ralliant aux motifs de l'arrêt attaqué et renonçant pour le surplus à déposer des observations, le Ministère public fribourgeois conclut au rejet du pourvoi. 
 
L'intimée se prononce sur le fond de l'affaire, non sur la validité de la plainte, sans prendre de conclusions formelles. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Aux termes de l'art. 270 let. f PPF, le plaignant peut se pourvoir en nullité pour autant qu'il s'agisse du droit de porter plainte. Cette disposition ne lui permet pas d'attaquer la décision sur le fond, mais lui offre la possibilité d'invoquer une irrégularité quant à son droit de porter plainte (ATF 128 IV 92 consid. 4c p. 96, 37 consid. 3 p. 38). Sur cette base, la recourante est légitimée à se plaindre d'une violation de l'art. 30 CP
2. 
La recourante soutient que l'art. 30 CP et donc le principe de l'indivisibilité de la plainte pénale ne peut être violé que s'il existe une certaine vraisemblance que la personne non nommée dans la plainte ait participé, que ce soit à titre de coauteur, d'instigateur ou de complice, à l'infraction en cause. 
2.1 Selon cette disposition, lorsqu'un ayant droit aura porté plainte contre un des participants à l'infraction, tous les participants devront être poursuivis. 
 
Une plainte pénale déposée volontairement contre certains seulement des participants d'une infraction contient en soi une contradiction au regard du principe de l'indivisibilité et des conséquences de la violation de celui-ci. Dans une telle hypothèse, l'autorité doit informer le plaignant de ce que, conformément à la loi, tous les participants doivent être poursuivis ou aucun, et elle doit déterminer quelles sont ses intentions. Lorsqu'il est patent que le plaignant entend épargner ceux qui ne sont pas désignés dans la plainte, celle-ci doit être déclarée non valable (ATF 121 IV 150 consid. 3a/bb p. 152 s.). 
 
Le principe de l'indivisibilité de la plainte pénale n'est pas totalement rigide et peut comporter certaines exceptions (cf. M. Schubarth, Unteilbarkeit des Strafantrages?, RPS 1994 p. 220; ). Il vise à ce que le lésé ne poursuive pas, selon ses préférences, un seul des participants à l'infraction, lequel sera condamné à l'exclusion des autres, et tend ainsi à éviter tout arbitraire de la part du plaignant (cf. ATF 81 IV 273 consid. 2 p. 275; 97 IV 1 consid. 2 p. 2; 105 IV 7 consid. 3 p. 11). Or, tel n'est pas le cas lorsque celui-ci écarte certains noms de sa plainte pour des motifs juridiques pertinents. En effet, on ne saurait par exemple lui reprocher de ne pas avoir étendu sa plainte à des personnes qui n'ont manifestement joué aucun rôle dans la commission de l'infraction. 
2.2 La Chambre pénale a constaté, en bref, que la recourante savait que le Bâtonnier avait demandé à son ex-mandataire la production des dossiers civil et pénal en vue de soumettre le cas au Conseil de l'Ordre et que l'intimé avait envoyé l'intégralité de ces documents au Bâtonnier; pourtant, la recourante avait dirigé sa plainte exclusivement contre son ex-avocat. Elle en a déduit que l'intéressée avait ainsi manifesté sa volonté d'épargner le Bâtonnier et qu'en raison du principe de l'indivisibilité de la plainte pénale, principe censé connu du mandataire de la recourante, il se justifiait de clore la procédure par un non-lieu. 
 
Ce faisant, la Chambre pénale ne s'est pas précisément prononcée sur les motifs pour lesquels la recourante avait exclu le Bâtonnier de sa plainte, ni sur la vraisemblance d'une participation de ce dernier à l'infraction en cause. Or, conformément au considérant précédant, la recourante n'avait pas à étendre sa plainte à d'autres personnes dans la mesure où celles-ci n'avaient manifestement pas participé à l'infraction en cause. Dès lors, en écartant la plainte sans déterminer si la recourante l'avait limitée et, le cas échéant de manière correcte, l'autorité cantonale a violé l'art. 30 CP. Le pourvoi doit donc être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la Chambre pénale pour nouvelle décision. 
3. 
Comme la recourante obtient gain de cause, il ne sera pas perçu de frais et une indemnité lui sera allouée. La requête d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet. 
 
Il n'y a pas lieu à perception d'un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ par renvois des art. 278 al. 1 et 245 et PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
La caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 2'000 fr. à la recourante. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Ministère public de l'État de Fribourg et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois. 
Lausanne, le 29 juin 2006 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: