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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_258/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 8 juillet 2014  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, 
Kolly et Kiss. 
Greffière : Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, représentée par Me Christian Buonomo, 
recourante, 
 
contre  
 
1. A.B.________, 
2. B.B.________, 
intimés. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer; résiliation, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 
10 mars 2014 par la Chambre des baux et loyers 
de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.   
En décembre 1972, H.B.________ a conclu en qualité de locataire un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de trois pièces à Genève. Il est décédé le 7 avril 1989, laissant pour héritiers ses deux fils adultes A.B.________ et B.B.________, qui à cette époque n'habitaient plus chez leurs parents, ainsi que son épouse F.B.________, laquelle est restée dans l'appartement. Par la suite, la correspondance relative à ce bail et en particulier les avis officiels de majoration de loyer ont été adressés à la veuve uniquement. En 2004, année de son divorce, A.B.________ est retourné vivre avec sa mère dans l'appartement. 
En août 2009, F.B.________ a fait l'objet d'une mesure tutélaire et a quitté l'appartement pour s'installer dans un établissement médico-social. A.B.________ a préparé une lettre datée du 11 septembre 2009 que sa mère a signée seule, par laquelle elle confirmait accepter une augmentation de loyer. 
Par courrier du 7 janvier 2011, la curatrice de la mère, agissant au nom de cette dernière, a déclaré résilier le bail pour le 31 janvier 2011, ce que la bailleresse a accepté par lettre du 13 janvier 2011. Un état des lieux a été fixé au 31 janvier 2011; le service tutélaire en a informé la mère "et son locataire". A.B.________ a alors répondu à ce service qu'il habitait chez sa mère depuis six ans, que son adresse était officielle et qu'étant hospitalisé, il ne pourrait pas se présenter au rendez-vous du 31 janvier 2011. 
Le 25 février 2011, les deux fils A.B.________ et B.B.________, agissant par le ministère de l'ASLOCA, ont adressé un courrier à la gérance représentant la bailleresse A.________ SA, dans lequel ils expliquaient être devenus cotitulaires du bail au décès de leur père en 1989 et contestaient dès lors la validité de la résiliation donnée le 7 janvier 2011, faute d'avoir été contresignée par eux. 
 
B.  
 
B.a. Le 9 mars 2011, les deux fils, agissant à l'encontre de leur mère et de la bailleresse, ont saisi la commission de conciliation d'une requête visant à faire constater la nullité de la résiliation de bail opérée par leur mère. Cette dernière est décédée le 7 septembre 2011.  
Le 16 décembre 2011, les deux fils ont porté l'action contre la bailleresse devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, en invitant cette autorité à constater la nullité de la résiliation du 7 janvier 2011 et l'existence d'un contrat de bail entre eux-mêmes et la bailleresse. Cette dernière a conclu au rejet de l'action, la résiliation devant être déclarée valable; reconventionnellement, elle a exigé l'évacuation du fils occupant l'appartement. Par jugement du 22 mars 2013, le Tribunal des baux et loyers a constaté que le congé n'était pas valable et que les deux fils étaient liés à la bailleresse par le contrat de bail du 19 septembre [recte: décembre] 1972. 
 
B.b. Statuant sur appel, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a confirmé ce jugement par arrêt du 10 mars 2014, pour les motifs suivants: Au décès du père, la mère et les deux fils sont par succession devenus parties au contrat de bail; ils n'ont pas conclu d'acte de partage écrit qui aurait aussi valu contrat de transfert de bail, les fils présumant à tort que leur mère en deviendrait seule et de plein droit titulaire; la forme écrite n'ayant pas été respectée, la cession du bail n'a pas pu intervenir; la conviction erronée des fils n'était pas suffisante pour attribuer le bail à leur mère; faute de partage valable, les fils sont restés colocataires; ils ne commettent pas d'abus de droit à se prévaloir de cette qualité plus de vingt ans après dès lors qu'ils n'ont pas manifesté de comportements contradictoires pendant cette période où ils ignoraient la dévolution du bail en leur faveur.  
 
C.   
La bailleresse (ci-après: la recourante) saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, dans lequel elle requiert que soit déclarée valable la résiliation donnée par le service des tutelles le 7 janvier 2011 pour le 31 janvier 2011, et que l'occupant A.B.________ soit condamné à évacuer l'appartement de tous ses biens et de sa personne, toutes autres conclusions devant être rejetées. Les intimés A.B.________ et B.B.________, agissant en personne, concluent au rejet du recours. L'autorité précédente se réfère à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La recourante conteste l'exigence de forme écrite que les cohéritiers du locataire auraient prétendument dû respecter pour pouvoir attribuer valablement le bail à l'un d'eux. Elle se plaint d'une violation des art. 164 et 165 CO ainsi que de l'art. 634 CC
 
1.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux invoqués par le justiciable ou rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente. Compte tenu de l'exigence de motivation, sous peine d'irrecevabilité (art. 42 et art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine que les griefs invoqués, le cas d'une violation manifeste du droit demeurant réservé (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).  
 
1.2. Ensuite du décès du locataire originel le 7 avril 1989, ses deux fils et sa veuve sont, en qualité d'héritiers, devenus immédiatement et de par la loi parties au contrat de bail (cf. art. 560 CC et art. 266i CO). A ce moment-là, les trois héritiers étaient donc colocataires de l'appartement.  
 
1.3. Aucune forme n'étant légalement prescrite pour la conclusion d'un contrat de bail, sa modification ultérieure n'est en principe soumise à aucune exigence de forme, et ce même si les parties avaient convenu de la forme écrite pour sa conclusion. Demeurent réservés les cas où la loi exige expressément la forme écrite ou l'utilisation d'une formule officielle, essentiellement par le bailleur. Le locataire qui prend l'initiative d'une modification consensuelle ou bilatérale du contrat n'est tenu à aucune forme (ATF 40 II 614 consid. 1; GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches Obligationenrecht, AT I, 9 e éd., 2008, n. 611; DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, ch. 6.4.1 p. 179 s. et ch. 22.3.4 p. 557). Sauf lorsqu'elle porte sur des points précis prévus par la loi, la modification du contrat de bail à loyer peut donc se faire oralement ou par acte concluant. La doctrine majoritaire, suivie par la jurisprudence, admet que le transfert de contrat n'est pas la simple combinaison d'une cession de créance et d'une reprise de dette, mais un contrat sui generis soumis à aucune forme particulière, dans la mesure où le contrat initial ne l'était pas lui-même (arrêt 5C.51/2004 du 28 mai 2004 consid. 3.1, in SJ 2005 I 46; cf. aussi ATF 47 II 416 consid. 2; CHRISTOPH BAUER, Parteiwechsel im Vertrag: Vertragsübertragung und Vertragsübergang, 2010, n os 227-233 avec réf. et n° 465 s. concernant le partage successoral;  contra LACHAT, op. cit., ch. 3.6.2 p. 592, selon qui le transfert d'un bail d'habitation doit revêtir la forme écrite, compte tenu de l'art. 165 al. 1 CO).  
Au moment où ils sont devenus parties au contrat, les deux fils adultes n'habitaient plus l'appartement. Ils présumaient que leur mère devenait seule et de plein droit titulaire du bail et ne pensaient donc pas être légalement colocataires. Par la suite, durant plus de vingt ans, ils se sont comportés de la sorte, n'intervenant jamais en qualité de locataires. Le désintérêt total pour un appartement qu'ils n'habitaient pas et qui était occupé par leur mère pouvait de bonne foi être interprété par la bailleresse comme une renonciation de leur part au bail. Cette dernière a agi en conséquence et envoyé ses communications et avis officiels relatifs au bail à la seule mère, ce qui n'a jamais suscité la moindre objection de la part de la mère ou de ses fils. 
Les intimés plaident que comme ils ignoraient avoir hérité du bail, ils n'ont pas pu consentir à attribuer ce contrat à leur mère et à renoncer ainsi à leur qualité de locataire. L'argument ne vaut pas. Les faits retenus par l'autorité précédente ne permettent pas de pronostiquer que les intimés auraient agi autrement en sachant qu'ils avaient succédé au défunt dans le contrat. Il est en particulier précisé que les intimés, qui ne vivaient plus à cet endroit, ont "tout naturellement laissé" les locaux à leur mère ainsi que la possession des meubles s'y trouvant. 
Il faut donc retenir que les parties ont, par actes concluants, modifié le contrat tel que découlant de la succession en ce sens que les fils sortaient de la relation contractuelle et que leur mère restait seule locataire. Il importe peu que l'un des fils ait réintégré l'appartement quelque 15 ans plus tard puisqu'à ce moment-là, la modification du contrat s'était déjà produite. Il s'ensuit que la mère, représentée par sa curatrice, était en droit de valablement résilier le contrat de bail la liant à la bailleresse. 
 
2.   
Les intimés n'ayant pas fait valoir d'autres motifs à l'encontre de la validité du congé, il s'ensuit l'admission du recours et l'annulation de l'arrêt attaqué. L'action des intimés visant à faire constater la nullité du congé donné le 7 janvier 2011 est rejetée, ce congé étant par conséquent valable. La cause est renvoyée pour le surplus à l'autorité précédente, qui statuera sur les conclusions en évacuation. 
 
3.   
Les intimés succombent et supportent en conséquence solidairement les frais et dépens de la présente procédure (art. 66 al. 1 et 5, art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). La procédure cantonale est gratuite (art. 116 CPC; ATF 139 III 182 consid. 2). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
 
2.   
L'action en nullité du congé donné le 7 janvier 2011 est rejetée. Ledit congé est par conséquent valable. Pour le surplus, la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour suite de la procédure. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
 
4.   
Les intimés sont condamnés solidairement à verser à la recourante une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 8 juillet 2014 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente :       La Greffière : 
 
Klett       Monti