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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
1A.153/2002/col 
 
Arrêt du 10 septembre 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Reeb, Féraud, 
greffier Zimmermann. 
 
Raúl Salinas de Gortari, actuellement en détention au Mexique, 
Trocca Limited, resp. Trocca Trust, Iles Cayman, 
Patricia Paulina Castañon Rios Zertuche de Salinas, Mexique, 
Dozar Separate Property Trust, 
recourants, 
tous représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section extraditions, Bundesrain 20, 
3003 Berne. 
 
délégation de la procédure pénale au Mexique; art. 88 EIMP 
 
recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral de la justice du 3 juin 2002. 
 
Faits: 
A. 
Raúl Salinas de Gortari est détenu au Mexique pour l'exécution d'une peine prononcée contre lui pour homicide. Son frère, Carlos Salinas, a occupé la fonction de Président des Etats-Unis du Mexique de 1988 à 1994. 
 
En 1995, les autorités mexicaines ont ouvert une procédure pénale contre Salinas de Gortari et son épouse, Patricia Paulina Castañon Rios Zertuche de Salinas, poursuivis des chefs de trafic de drogue, blanchiment d'argent, détournements de fonds publics, enrichissement illégitime, faux dans les titres et faux témoignage. Les prévenus auraient transféré notamment en Suisse des montants très importants qui proviendraient du trafic de la drogue. 
 
Dans ce cadre, le Procureur général des Etats-Unis du Mexique a présenté à la Suisse une demande d'entraide judiciaire tendant à la remise de la documentation relative aux comptes détenus en Suisse par Salinas de Gortari, Castañon et leurs complices, ainsi qu'à la saisie de ces comptes. 
 
Le 10 octobre 1996, le Ministère public de la Confédération, auquel l'exécution de la demande d'entraide avait été déléguée, a rendu une décision de clôture partielle ordonnant la transmission aux autorités mexicaines de la documentation réclamée. 
 
Par arrêt du 30 septembre 1997, le Tribunal fédéral a admis partiellement les recours formés par Salinas de Gortari et Castañon contre la décision du 10 octobre 1996, qu'il a annulée en invitant le Ministère public à faire présenter par le Mexique une nouvelle demande d'entraide (procédure 1A.357/359/1996). Le Tribunal fédéral a considéré, en bref, que l'exposé des faits joint à la demande était insuffisant. 
B. 
Parallèlement, le Ministère public de la Confédération a, le 3 novembre 1995, ouvert une enquête préliminaire notamment contre Salinas de Gortari, Castañon, Antonio Castañon Rios Zertuche, Margarita Nava Sanchez, Juan Manuel Gomez Gutierrez, Salvador Giordano Gomez et autres, soupçonnés de trafic de stupéfiants et de blanchiment d'argent. Dans le cadre de cette procédure, le Ministère public a, entre le 3 novembre 1995 et le 28 août 1996, fait saisir les comptes suivants: 
 
auprès de la Banque Privée Edmond de Rothschild à Genève: 
1) n°aaa, dont la fondation Dozar Separate Property Trust (ci-après: Dozar) est la titulaire, Paulina Diaz Ordaz, Andrea Diaz Ordaz, Salinas de Gortari et Castañon les ayants droit; 
 
 
auprès de la Banque Pictet & Cie à Genève: 
2) n°bbb, dont Salinas de Gortari est le titulaire et Castañon l'ayant droit; 
3) n°ccc, dont Margarita Nava Sanchez est la titulaire; 
 
auprès de la Citibank à Zurich: 
4) n°ddd, dont la société Trocca Ltd (ci-après: Trocca) est la titulaire, Salinas de Gortari et Castañon les ayants droit; 
5) n°eee, dont Salinas de Gortari et Castañon sont les titulaires; 
 
auprès de la banque Julius Baer à Zurich: 
6) n°fff, dont la société Novatone Inc. (ci-après: Novatone) est la titulaire et Salinas de Gortari l'ayant droit; 
7) n°ggg, dont Salinas de Gortari est le titulaire; 
8) n°hhh, dont Salinas de Gortari est le titulaire; 
9) n°iii, dont José Luis del Valle Gurria est le titulaire; 
10) n°jjj, dont la fondation Monacen Trust est la titulaire et Enrique Salinas l'ayant droit; 
 
auprès de la Banque genevoise de gestion à Genève: 
11) n°lll, dont la société Tegra Corp. est la titulaire et Adriana Leonor Lagarde de Salinas l'ayant droit; 
 
auprès de la SBS (devenue dans l'intervalle l'UBS) à Genève, à Zurich et à Lausanne: 
12) n°mmm, dont Daniela et Claudia Ruiz Massieu Salinas sont les titulaires; 
13) n°nnn, dont la société Abbey Trading Partners Ltd est la titulaire, Maria Luisa Sabau et Adriana Yanez de Salinas les ayants droit; 
14) n°ooo, dont Castañon et Paulina Diaz Ordaz sont les titulaires; 
15) n°ppp, dont Adriana Lenor Lagarde de Salinas et Enrique Salinas sont les titulaires; 
16) n°qqq, dont Adriana Leonor Lagarde de Salinas et Enrique Salinas sont les titulaires; 
 
auprès de la banque Confidas à Zurich: 
17) n°rrr, dont Trocca est la titulaire et Salinas de Gortari l'ayant droit. 
 
Le montant total des fonds saisis s'élevait à environ 118'500'000 USD. 
 
Le 19 octobre 1998, le Ministère public a classé la procédure (ch. 1 du dispositif) et confisqué les fonds saisis, relatifs aux comptes nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 14 et 17 (ch. 2), les autorités compétentes pouvant disposer de ces fonds après l'entrée en force de la décision de confiscation (ch. 3). La saisie des autres comptes a été maintenue jusqu'à nouvelle décision. Après avoir considéré qu'il existait des indices suffisants et concordants que Salinas de Gortari et ses comparses aient commis les infractions dont ils étaient soupçonnés, le Ministère public a retenu que les faits, commis exclusivement à l'étranger, échappaient à la compétence des autorités suisses. Les fonds saisis devaient être confisqués en vue de leur remise ultérieure aux autorités mexicaines. 
 
Par arrêt du 2 juillet 1999, le Tribunal fédéral a admis partiellement les recours formés par Salinas de Gortari, Trocca, Castañon, Diaz Ordaz, Dozar, Novatone et Juan Manuel Gomez Gutierrez contre cette décision, et annulé les ch. 2 et 3 du dispositif de la décision du 19 octobre 1998 (procédures 8G.74/75/81/1998) au motif, en bref, que la confiscation litigieuse relevait de la compétence des autorités cantonales et non du Ministère public. Le séquestre des comptes saisis par le Ministère public a été maintenu. 
 
A la suite de cet arrêt, le Ministère public a transmis l'affaire au Procureur général du canton de Genève, comme objet de sa compétence. 
 
Le Juge d'instruction du canton de Genève, auquel le Procureur général avait confié l'affaire, a joint celle-ci à la procédure cantonale (désignée sous la rubrique P/9130/1994) ouverte contre le ressortissant mexicain Carlos Efrain Cabal Peniche, lié à Salinas de Gortari et inculpé d'escroquerie et de blanchiment d'argent. Dans ce cadre, le Juge d'instruction a maintenu le séquestre des comptes saisis par le Ministère public. Après avoir inculpé Salinas de Gortari et Castañon d'infraction à la LStup et de blanchiment d'argent, il a procédé à de très nombreux actes d'instruction, comprenant l'interrogatoire de témoins, la saisie de documents bancaires et le séquestre de fonds pour un montant total de 130'790'000 USD. Ces investigations, d'une ampleur considérable (le dossier de la procédure P/9130/94 comprend près de trois cent classeurs), étayeraient le soupçon que le clan Salinas, formé de l'ancien Président, de son frère, d'autres membres de leur famille, mais aussi d'officiers des forces armées et d'élus locaux, aurait mis sur pied une organisation structurée ayant pour but de faciliter le trafic de la cocaïne produite en Colombie à destination de l'Amérique du Nord, à travers le territoire mexicain. En contre-partie des avantages offerts, le clan Salinas aurait perçu des rémunérations importantes, dont une partie aurait été virée en Suisse par Salinas de Gortari. L'enquête en Suisse se heurtait toutefois à des obstacles insurmontables: les faits auraient été commis au Mexique; des témoins, craignant pour leur vie, avaient refusé de venir témoigner en Suisse; Salinas de Gortari avait demandé la citation de dizaines de témoins résidant au Mexique; les autorités mexicaines n'avaient pu exécuter complètement les demandes d'entraide présentées par la Suisse; en particulier, elles avaient refusé que Salinas de Gortari soit remis temporairement aux autorités suisses, aux fins d'interrogatoire. 
 
Le 30 avril 2002, le Juge d'instruction a, en application de l'art. 185 al. 1 CPP/GE, communiqué au Procureur général la procédure P/9130/94 en proposant que la poursuite soit déléguée aux autorités mexicaines, les séquestres devant être maintenus en vue d'une confiscation ultérieure éventuelle. Contre cette décision, Salinas de Gortari a formé un recours devant la Chambre d'accusation du canton de Genève, actuellement pendant. 
Le 16 mai 2002, le Procureur général a requis l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) de déléguer la poursuite aux autorités mexicaines. 
C. 
Le 3 juin 2002, l'Office fédéral s'est adressé à l'Ambassade du Mexique, en l'invitant à se déterminer sur une éventuelle délégation de la procédure P/9130/94. 
 
Le 11 juin 2002, Salinas de Gortari a fait savoir à l'Office fédéral qu'il s'opposerait à une telle mesure. 
 
Par note diplomatique n° 13752 du 12 juin 2002, le Ministère des relations extérieures des Etats-Unis du Mexique a confirmé à l'Office fédéral que les autorités pénales mexicaines acceptaient de reprendre la procédure P/9130/94, laquelle serait jointe à celles déjà ouvertes au Mexique à raison des faits semblables ou connexes. 
 
Le 19 juin 2002, l'Office fédéral a indiqué au Procureur général qu'à son avis les conditions des art. 88 ss de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) étaient remplies en l'espèce. Il lui a transmis la prise de position du 11 juin 2002, en lui laissant le soin d'y répondre. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, Raúl Salinas de Gortari, Trocca Ltd, Patricia Paulina Castañon Rios Zertuche de Salinas et Dozar Separate Property Trust demandent préalablement au Tribunal fédéral de leur donner accès au dossier de la procédure et la faculté de déposer un mémoire complémentaire, d'octroyer l'effet suspensif au recours et d'interdire à l'Office fédéral de transmettre aux autorités mexicaines des documents ou des informations. A titre principal, ils demandent l'annulation de l'acte de délégation du 3 juin 2002. Ils invoquent les art. 67a, 74, 74a, 80b, 80c et 80d EIMP, ainsi que l'art. 9 Cst. 
 
L'Office fédéral conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48, et les arrêts cités). 
2. 
2.1 L'Office fédéral décide de la délégation de la procédure pénale à l'étranger (art. 30 al. 2 EIMP, mis en relation avec l'art. 88 de la même loi). L'acte de délégation, qui constitue une décision au sens de l'art. 5 PA, peut faire l'objet d'un recours de droit administratif; toutefois, seule la personne poursuivie qui a sa résidence habituelle en Suisse a le droit de recourir (art. 25 al. 2 EIMP). 
 
Salinas de Gortari est détenu au Mexique, où Castañon réside. Trocca et Dozar sont des sociétés étrangères qui n'ont, hormis les comptes litigieux, pas de lien avec la Suisse. Aucun des recourants ne peut ainsi prétendre disposer du droit de recours garanti par l'art. 25 al. 2 EIMP
2.2 Sans méconnaître cette règle, les recourants se prévalent de l'arrêt 1A.117/2000 du 26 avril 2000 (reproduit in: SJ 2000 I p. 501), selon lequel la personne résidant à l'étranger peut exceptionnellement entreprendre par la voie du recours de droit administratif la décision de déléguer la procédure à l'étranger, lorsqu'elle soutient que la remise de pièces à conviction selon l'art. 90 EIMP constituerait un cas d'entraide déguisée, visant à éluder les art. 74 et 74a EIMP (consid. 1c). Dans cette affaire, le recourant s'opposait à la remise d'objets archéologiques qu'il revendiquait comme sa propriété. Dans une telle situation, la remise des objets saisis par le juge suisse, soit comme produit de l'infraction, soit comme moyen de preuve, pouvait porter atteinte aux droits de l'acquéreur de bonne foi, en l'empêchant, selon les circonstances, d'exercer le droit de rétention que lui confèrent les art. 74 al. 2 ou 74a al. 4 let. c EIMP (consid. 2e et f, consid. 3). 
2.3 En l'occurrence, les recourants s'opposent à la remise de la documentation réunie par le Juge d'instruction, en particulier les procès-verbaux d'audition et la documentation relative aux comptes séquestrés. De ce point de vue, la délégation produit des effets comparables à la remise de moyens de preuve effectuée selon l'art. 74 EIMP dans le cadre de l'entraide judiciaire prêtée par la Suisse à un Etat étranger. En revanche, on ne se trouve pas en l'espèce dans un cas analogue à celui visé par l'art. 74a EIMP, régissant la remise d'objets ou de valeurs en vue de confiscation ou de restitution. En effet, la décision attaquée ne prévoit pas que les montants saisis sur les comptes répertoriés ci-dessus (nos 1 à 17) seront remis à l'Etat requis. Ils ne pourraient l'être, le cas échéant, que sur la présentation d'une demande formelle tendant à cette remise, qui devrait répondre aux exigences de l'art. 74a EIMP et contre laquelle les tiers de bonne foi auraient la possibilité de s'opposer (art. 74a al. 4 let. c EIMP). 
2.4 La remise de la documentation jointe au dossier de la procédure P/9130/94, en application de l'art. 90 EIMP, est le corollaire de la délégation; celle-ci ne serait d'aucune utilité si le dossier de la procédure, avec ses annexes, n'était remis à l'Etat requis (arrêt M., précité, consid. 2d). En outre, au regard de l'art. 74 al. 2 EIMP, on ne voit pas comment un tiers de bonne foi pourrait élever une prétention quelconque contre la transmission de documents bancaires. Au demeurant, les recourants ne prétendent pas disposer d'un droit qui leur aurait permis, dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire qui eût été présentée à la Suisse, de faire obstacle à la remise de moyens de preuve au regard de l'art. 74 al. 2 EIMP, lequel prévoit, par ailleurs, que la remise de moyens de preuve est subordonnée à la condition que l'Etat étranger en garantisse la restitution gratuite au terme de sa procédure. Enfin, les recourants ne prétendent pas, de toute manière, que les documents en question ne présenteraient aucun lien avec les faits à raison desquels l'action pénale a été ouverte tant en Suisse qu'au Mexique. La possibilité exceptionnelle de recourir contre la délégation à l'étranger de la procédure pénale ne peut ainsi leur être reconnue (cf. arrêt M., précité, consid. 1c in fine). L'argumentation des recourants revient à contester la délégation de la poursuite pénale comme telle et à critiquer l'ensemble de la procédure pénale, en Suisse et au Mexique, ce que l'art. 25 al. 2 EIMP ne leur permet pas de faire (cf. les arrêts 1A.64/2001 et 1A.126/2001 des 23 avril et 22 novembre 2001). Comme il n'y a pas lieu d'entrer en matière, toutes les conclusions du recours, y compris celles formées à titre préalable, sont écartées. 
3. 
Le recours est ainsi irrecevable. Les frais en sont mis à la charge des recourants (art. 156 OJ). L'allocation de dépens n'entre pas en considération (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge des recourants. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et à l'Office fédéral de la justice (B 100 666/6). 
Lausanne, le 10 septembre 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: