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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_16/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 24 octobre 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Merkli et Chaix. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par Me Philippe Pont, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
 B.________, représentée par Me Grégoire Varone, avocat, 
intimée, 
 
Commune de Chermignon, Administration communale, route cantonale 45, 3971 Chermignon, 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion. 
 
Objet 
Démolition et reconstruction d'un chalet, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 27 novembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par décision prise en séances des 3 septembre et 29 octobre 2013, notifiée le 21 janvier 2014, le Conseil municipal de la Commune de Chermignon a autorisé B.________ à démolir le chalet existant sur la parcelle n° 295 de la commune - dont elle est propriétaire - et d'y reconstruire un nouveau de deux logements (chalet C.________). Le Conseil municipal a simultanément levé les diverses oppositions déposées, notamment celle formée par A.________, titulaire d'une part d'étage sur la parcelle de base n° 2533, contiguë à la parcelle n° 295. 
Le 11 février 2015, le Conseil d'Etat valaisan a rejeté le recours déposé par les opposants, en autorisant simultanément les modifications de projet que le Conseil municipal avait agréées en séance du 8 juillet 2014 (distance à la limite Est portée de 4.0 à 4.5 mètres; suppression de l'escalier extérieur Nord). 
 
B.   
Par arrêt du 27 novembre 2015, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais a rejeté le recours formé par A.________ qui invoquait une violation de la législation limitant les résidences secondaires. Selon le Tribunal cantonal, il n'existait aucun indice concret suffisant permettant de retenir un abus de droit quant à l'utilisation du logement en résidence principale; l'inscription de la mention de résidence principale devait suffire à garantir le respect de la condition tenant à l'affectation comme résidence principale. 
Par arrêt rendu le même jour dans une cause connexe (A1 15 54), le Tribunal cantonal a rejeté le recours formé par d'autres voisins contre l'autorisation de construire le chalet C.________; cette décision a fait l'objet d'un recours en matière de droit public formé par ces voisins auprès du Tribunal fédéral (cause 1C_22/2016). 
 
C.   
Par acte du 14 janvier 2016, A.________ forme un recours en matière de droit public par lequel elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal et de l'autorisation de construire délivrée par la Municipalité le 21 janvier 2014. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Conseil d'Etat pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Au terme de leurs observations respectives, le Conseil d'Etat et l'intimée concluent au rejet du recours. Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer. La recourante réplique. 
Par ordonnance présidentielle du 15 février 2016, la demande d'effet suspensif a été admise. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que titulaire d'une part de copropriété d'une parcelle directement voisine du projet, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué confirmant l'octroi du permis de construire pour le projet de construction qu'elle juge contraire au droit. Elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Elle a dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière sur le fond. 
 
2.   
A l'appui de son mémoire, la recourante produit, d'une part, un extrait du site Internet "comparis" au 14 janvier 2016 qui répertoriait 788 appartements et 161 maisons à vendre pour la station de Crans-Montana et, d'autre part, une publication parue au bulletin officiel du canton du Valais le 18 décembre 2015 concernant l'installation d'un panneau de vente. Postérieures à l'arrêt entrepris, ces pièces nouvelles n'ont pas à être prises en considération, en vertu de l'art. 99 al. 1 LTF
 
3.   
La recourante invoque une violation des art. 5 al. 3, 9 et 75b Cst., art. 6 al. 1, 7 et 14 de la loi fédérale sur les résidences secondaires (LRS, RS 702, entrée en vigueur le 1er janvier 2016), et art. 3 de l'ordonnance sur les résidences secondaires du 4 décembre 2015 (ORSec, RS 702.1). Elle soutient que le projet ne pourra pas être utilisé comme résidence principale en raison de l'insuffisance de la demande dans la station de Crans-Montana. Elle se prévaut notamment du nombre considérable d'annonces immobilières publiées sur le site Internet www.comparis.ch; elle affirme que ce site répertoriait déjà 598 appartements et 96 maisons à vendre au 1er juin 2015 (cf. pièce justificative produite devant le Tribunal cantonal). Aux yeux de la recourante, il appartient à la commune de démontrer qu'il existe une forte demande de résidences principales et que l'offre de logement est insuffisante. Dans ce contexte, elle se plaint également d'une violation du principe de l'égalité de traitement. 
 
3.1. Directement applicable (ATF 139 II 243 consid. 10.6 p. 257), l'art. 75b Cst. limite les résidences secondaires au maximum de 20 % du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune (ATF 139 II 243 consid. 10.5 p. 257; arrêt 1C_916/2013 du 19 février 2015 consid. 3.2). Cette disposition ne vise pas seulement les constructions qui, selon les déclarations des intéressés, seront utilisées comme résidences secondaires, mais également celles qui pourraient être utilisées comme résidences secondaires (arrêts 1C_289/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.3; 1C_916/2013 du 19 février 2015 consid. 3.2).  
Dans son ancienne teneur jusqu'au 31 décembre 2015, l'art. 4 let. a de l'ordonnance sur les résidences secondaires du 22 août 2012 prévoyait que, dans les communes qui comptent une proportion de résidences secondaires supérieure à 20 %, des autorisations de construire ne peuvent être accordées que pour la construction de résidences qui seront utilisées comme résidence principale. L'art. 7 al. 1 let. a LRS comporte une réglementation semblable. La nouvelle ORSec, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, prévoit à son art. 3 al. 1 que la servitude à mentionner au registre foncier en vertu de la LRS pour les logements soumis à une restriction d'utilisation doit avoir la teneur suivante: "résidence principale ou logement assimilé à une résidence principale au sens de l'art. 7, al. 1, let. a, LRS". 
 
3.2. Face à l'interdiction générale de dépasser le seuil de 20 % de résidences secondaires dans une commune, on ne peut exclure que certains constructeurs soient tentés de contourner la réglementation en déclarant faussement qu'ils entendent utiliser leur construction en tant que résidence principale ou l'affecter en résidence touristique mise à disposition du public. Un abus de droit manifeste ne saurait toutefois être admis que s'il apparaît d'emblée que le projet ne pourra pas être utilisé comme annoncé, notamment en raison de l'insuffisance de la demande de résidences principales dans la commune en question pour le type d'objets concernés, et/ou en présence d'autres indices concrets (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.5). Le respect de la condition d'utilisation du logement selon l'affectation annoncée doit être vérifié à l'issue des travaux par les autorités compétentes en matière de police des constructions (ATF 142 II 206 consid. 2.2; arrêt 1C_240/2014 du 24 octobre 2014 consid. 2.5). Développé à l'origine sur la base des concepts propres au droit civil (art. 2 CC), puis étendu par la jurisprudence à l'ensemble des domaines du droit, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., selon lequel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. L'art. 9 Cst. peut également être invoqué à cet égard en tant que droit constitutionnel (cf. ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 261; 126 II 377 consid. 3a p. 387).  
Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 132 III 212 consid. 4.1). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.2; ATF 134 I 65 consid. 5.1 p. 72; 131 I 166 consid. 6.1 p. 177 et les arrêts cités). La doctrine confirme elle aussi l'application de ces principes dans le domaine du droit administratif (cf. MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd. 2012, § 6.4.4 p. 932; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2015, p. 162; TSCHANNEN/ZIMMERLI/ MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd. 2014, p. 182). 
 
3.3. Dans le contexte de l'art. 75b Cst. et de ses dispositions d'application, il s'agit de vérifier si, en prétendant vouloir construire une résidence principale (but en soi admissible au regard de la norme constitutionnelle) selon la définition des art. 2 al. 2 et 3 LRS, l'intéressé n'a pas pour objectif de contourner l'interdiction découlant de l'art. 75b Cst. et de l'art. 6 LRS en réalisant, à terme, une résidence secondaire. Il en va de même s'il envisage d'emblée, toujours en prétendant vouloir construire une résidence principale, de faire usage de l'art. 14 LRS qui permet de suspendre cette affectation lorsqu'il n'existe pas de demande pour un tel logement à un prix raisonnable. Il s'agit donc de fraude à la loi dans le sens classique du terme.  
 
3.4. Comme le suggère, en matière civile, le libellé de l'art. 2 al. 2 CC, un abus de droit doit, pour être sanctionné, apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Il n'est pas aisé de tracer la frontière entre le choix d'une construction juridique offerte par la loi et l'abus de cette liberté, constitutif d'une fraude à la loi. Répondre à cette question implique une appréciation au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (arrêt 1C_874/2013 du 4 avril 2014 consid. 4.3 et la jurisprudence citée).  
La jurisprudence rendue à propos de l'art. 75b Cst. n'a jamais encore retenu définitivement l'abus de droit. Dans ses arrêts rendus jusqu'à présent, le Tribunal fédéral l'a nié dans une majorité de cas et, dans les autres, a renvoyé le dossier pour instruction complémentaire (voir le résumé de jurisprudence publié à l'ATF 142 II 206 consid. 3). L'abus de droit a toujours été nié dans les cas concernant des logements uniques pour lesquels une utilisation comme résidence principale n'est pas exclue d'emblée (cf. arrêts 1C_542/2014 du 14 août 2015, 1C_348/2014 du 20 février 2015, 1C_916/2013 du 19 février 2015 et 1C_240/2014 du 24 octobre 2014). Tout en étant tenu par les griefs soulevés dans le recours qui lui est soumis, le Tribunal fédéral recherche s'il existe des indices concrets mettant d'emblée en doute la volonté ou la possibilité d'utiliser l'immeuble comme résidence principale. Ces indices peuvent, selon les circonstances, concerner la situation de l'immeuble (zone de construction, accessibilité toute l'année, éloignement des lieux de travail), sa conception même (dans l'optique d'une occupation à l'année), éventuellement son prix, les circonstances tenant à la personne qui entend y habiter, lorsque celle-ci est connue (résidence actuelle, lieu de travail, déclarations d'intention de l'intéressé lui-même). Lorsque le ou les futurs occupants ne sont pas connus (logements destinés à la vente ou à la location), le critère principal est celui de la demande de résidences principales dans le même secteur (cf. ATF 142 II 206 consid. 3.2 p. 213 s.; arrêt 1C_546/2015 du 23 juin 2016 consid. 2.4). 
 
3.5. Depuis l'entrée en vigueur de la LRS, le 1 er janvier 2016, le constructeur peut demander, en vertu de l'art. 14 de la loi, qu'une restriction d'utilisation soit suspendue pendant une durée déterminée lorsqu'il peut prouver qu'il a proposé le logement sur le marché et n'a pas trouvé de personne disposée à l'utiliser légalement pour un prix raisonnable. Cette possibilité est désormais concrétisée par la loi, ce qui vient renforcer le risque que le constructeur n'envisage d'emblée d'y recourir, en dépit des conditions restrictives posées par cette disposition. Cela impose que, dans les cas douteux impliquant un grand nombre de logements, la possibilité réelle d'utiliser les logements selon l'affectation prévue fasse l'objet de vérifications sérieuses.  
Selon l'art. 33 de la loi valaisanne sur les constructions (RS/VS 705.1), la procédure d'autorisation de construire et la police des constructions ont pour but la mise en oeuvre du droit des constructions et la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publics en matière de construction, ainsi que du patrimoine naturel et bâti (al. 1). Les autorités prennent, dans les limites de leur compétence, les mesures prévues par la loi et doivent en particulier établir les faits pertinents (al. 3). Par ailleurs, selon la règle générale de l'art. 17 de la loi cantonale sur la procédure et la juridiction administratives (RS/VS 172.6), l'autorité établit d'office les faits sans être limitée par les allégations et les offres de preuve des parties. En outre, selon l'art. 18 de la même loi, les parties sont tenues de collaborer à l'établissement des faits, notamment dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, ce qui est le cas de la procédure d'autorisation de construire. Il appartient dès lors à l'autorité chargée de la délivrance des permis de construire de s'assurer que les conditions posées pourront être respectées. 
 
3.6. En l'espèce, le permis contesté concerne la construction d'un chalet de haut-standing à Crans-Montana dans un secteur largement bâti de cette station touristique habitée à l'année. L'intimée n'a pas prétendu, au cours de la présente procédure, vouloir utiliser personnellement, à titre de résidence principale, un des deux logements composant le chalet. Certes, comme le relève la cour cantonale, la construction de ces deux logements n'aura pas d'incidence déterminante sur le marché immobilier. Cet élément ne permet toutefois pas de faire abstraction du nombre très important de logements qui se trouvent simultanément offerts à la vente dans une station notoirement vouée au tourisme. Le Conseil d'Etat et le Tribunal cantonal ne pouvaient, dans ces circonstances, s'abstenir de compléter l'instruction en obligeant la commune de Chermignon à s'assurer - ou tout au moins à rendre vraisemblable - qu'il existe une demande correspondante pour des résidences principales de haut-standing que l'offre actuelle ne suffirait pas à satisfaire (cf. ATF 142 II 206 consid. 4.1 et 4.4 p. 214 s.; arrêt 1C_546/2015 consid. 2.5 in fine). Ainsi, les instances précédentes devront notamment déterminer le taux de vacances pour ce type de résidence sur le marché de la vente immobilière et sur celui de la location (cf. ATF 142 II 206 consid. 4.4 p. 215). Elles devront aussi donner des indications quant à une éventuelle augmentation de la population résidente dans le secteur concerné.  
 
4.   
Le recours doit dès lors être admis, au sens des considérants qui précèdent. Il y a lieu de renvoyer la cause à la Cour cantonale à qui il appartiendra de décider si elle entend procéder elle-même aux compléments d'instruction nécessaires ou si elle désire renvoyer la cause à une instance précédente (Commune ou Conseil d'Etat). Conformément aux art. 66 et 68 LTF les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée qui succombe, de même que l'indemnité de dépens allouée à la recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat. 
Enfin, vu l'admission du présent recours et le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision, il convient de suspendre la procédure 1C_22/2016 jusqu'à droit connu dans la présente cause (cf. art. 6 PCF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.   
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée à la recourante, à la charge de l'intimée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune de Chermignon, au Conseil d'Etat du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 24 octobre 2016 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Arn